Cet article a pour sujet la foi en Dieu qui s'attache à la vérité de sa Parole et procure une connaissance et une assurance produite par son Esprit; alors que la foi naturelle en un objet ou une personne est fondée sur le mensonge.

Source: La foi et l'espérance et l'amour. 4 pages.

À propos de la foi

Il est fréquent d’entendre dire autour de soi : « Je n’ai pas la foi! Dieu ne me l’a pas donnée; je ne peux pas croire même si je le voulais; la foi, n’est-ce pas le don de Dieu? Pour la demander, ne faut-il pas déjà l’avoir? » Une telle réflexion ne peut qu’enfermer l’homme dans un cercle vicieux.

Je ne vous propose pas ici, bien entendu, une étude exhaustive sur le sujet. Je veux simplement, autant que cela se peut, signaler que de telles objections sont un prétexte pour refuser de croire, et je voudrais également amorcer un dialogue avec celui ou celle qui veut croire, mais ne parvient pas à saisir ni la nature ni les modalités d’expression de la foi. Je voudrais indiquer surtout la source de la foi chrétienne et souligner que c’est de la réponse correcte qu’ils donneront à celle-ci que dépendra aussi bien leur destinée présente que leur destinée éternelle.

Rappelons-nous que la Réforme protestante du 16e siècle s’était résolument attachée au principe biblique de la justification par la foi seule, et que ce principe demeure aussi actuel que jamais. Mais pourquoi ne mentionner que la Réforme du 16e siècle? Ne faudrait-il pas remonter plus haut et interroger saint Paul et les autres apôtres? Ou même faire parler le vieux patriarche Abraham? Les uns et les autres ne sont-ils pas les représentants de la foi et non des héros au sens courant du terme? Des croyants typiques, exemplaires, qui ont compris la nature de la foi et l’ont puisée à la bonne source, en ont rencontré l’objet?

Nous devons aussi nous interroger s’il y a vraiment deux catégories d’hommes : ceux qui ont la foi et ceux qui en seraient tragiquement privés. La réalité est tout autre, et personne ne devrait parler de la sorte. On ne peut s’excuser de ne pas avoir la foi comme si ceux qui la possèdent étaient des privilégiés du ciel qui l’auraient reçue quasi automatiquement…

Je prétends, au contraire, que tout homme, toute femme, a une foi. Pour commencer, je signalerai que la foi est une fonction naturelle accordée à toute personne venant au monde. Dieu n’exige donc pas de nous que nous inventions la foi. Ce qui est décisif ce n’est pas sa présence, mais la direction vers laquelle elle se tourne. Par exemple, telle idéologie, tel objet ou telle personne sollicitent notre foi en eux. Parfois, si nous n’y prenions pas garde, ils nous envoûteraient… Voyez ce membre de tel ou tel parti politique, quelle qu’en soit la couleur, qui croit dur comme fer que son parti et ses théories sont la seule vérité. Il est convaincu qu’à la fin, avec un effort soutenu, son utopie se réalisera. Il a une foi, il croit fermement dans les objectifs de son parti, immédiats ou lointains. Il est disposé à tout sacrifier pour le prouver, pour atteindre les objectifs qu’on a fixés pour lui. Sans doute est-il sincère, parfois il force même notre respect en tant que chrétiens, entourés si souvent de tièdes, d’hésitants et de timides… Nous aurions aimé voir autour de nous des disciples du Christ donnant un peu plus d’eux-mêmes pour la cause du Seigneur dont ils portent le nom et pour son Royaume.

Où se trouve alors le mal? Simplement dans la fausse direction où la foi s’est tournée, c’est-à-dire l’objet qu’elle a absolutisé et qui n’a qu’une valeur bien relative. Cette foi non chrétienne est faussée à sa base. Elle est déviée par rapport à la vraie destination, elle fait fausse route. Elle tourne le dos à celui qui seul peut mobiliser nos énergies et accueillir nos prières, qui mérite notre louange et adoration et qui attend toute notre consécration, c’est-à-dire le Dieu source de vie et de vérité, d’amour et de lumière. Une foi qui se départit de lui se voue aux idoles, s’attache à la vanité, s’englue dans le mensonge, se leurre dans des chimères… C’est par la foi en ce Dieu que nous sommes dans la seule et vraie foi et, remarquons-le en passant, qu’il n’est pas question ici de sincérité, mais de vérité.

Si avoir la foi en quelque chose, ou plutôt en quelqu’un, signifie s’y attacher fermement et s’y confier, il importe énormément que ce quelqu’un offre toutes les garanties pour mériter notre confiance, car une assurance solide, une stabilité sereine et notre véritable bien-être en dépendent entièrement.

Dans notre existence, nous n’agissons pas comme des amateurs et des dilettantes qui ramasseraient du pollen à gauche et à droite pour le seul plaisir de la cueillette; dans chacune de nos activités, nous sommes des engagés, des combattants; aussi, nous faut-il être bien armés. Armés non pas d’opinions fluctuantes, de théories et d’hypothèses, de rêves ou de chimères, mais armés de certitudes fortes et vraies. Nous ne parcourons pas notre vie en spectateurs, observant d’un œil neutre ou indifférent ce qui se déroule autour de nous…

Ces certitudes sont précisément accordées aux chrétiens qui les expriment avec un petit mot, peut-être galvaudé ou proféré de manière routinière, et pourtant essentiel; je veux parler de l’amen biblique. Que veut dire cet amen? Que celui qui le prononce du fond de son cœur, même s’il ne sait rien dire d’autre qu’amen, possède la foi, la bonne, la vraie, celle qui regarde du côté du Dieu Seigneur et Sauveur, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, dans la communion de son Saint-Esprit. Une telle foi est la foi qui sauve.

La fonction naturelle de la foi dont nous parlions il y a un moment ne peut pas se substituer à celle-ci. Une telle foi ne s’obtient pas automatiquement. Dieu, objet de la vraie foi, ne cherche pas en nous des automates dépourvus de personnalité, mais des partenaires qu’il veut accueillir dans son pacte, entourer de sa grâce, et à qui il veut prodiguer ses divines bontés. Il nous a créés à son image, en vue d’entrer en communion avec lui. Nous devrions trouver notre bonheur dans une telle foi, même si tout le reste nous faisait défaut.

La faute de notre ancêtre Adam nous est imputée de manière automatique, nous l’héritons avec notre nature humaine, mais la foi, elle, n’est pas accordée de façon impersonnelle. La foi est la réponse libre, joyeuse et personnelle que l’homme bénéficiant de l’Alliance de grâce accorde à son Dieu et Sauveur, au Père de toutes compassions. Elle dit amen à l’offre faite gracieusement par le Maître même de l’univers.

Si la foi naturelle ne peut et ne doit remplacer celle-ci, nous devrions également apprendre qu’aucune autre fonction naturelle ne peut la remplacer. Je songe en particulier à la raison naturelle de l’homme. Celle-ci n’est pas en mesure de se tourner vers cet objet, puisqu’elle est abîmée, pervertie et cherche même résolument à s’en détourner. Malgré toutes les tentatives d’accorder à la raison humaine le primat sur toutes choses, la Bible, unique et exclusive source de foi, nous apprend que la raison se comporte, ainsi que l’a dit Martin Luther, telle une prostituée… N’allons pas conclure, toutefois, qu’elle est inutile et que foi et irrationalité seraient des attitudes et des comportements équivalents!

Malheureusement, une religion « naturelle » s’est infiltrée dans l’Église qui, avec sa morale bourgeoise ou ses traditions rigides, voire ses modernités inconsistantes, sape à la base même la foi évangélique. De vieilles traditions sclérosées, qu’elles soient protestantes, romaines ou orthodoxes orientales, se sont développées sur le corps de la vérité révélée et s’y sont incrustées, empêchant dès lors la circulation dynamique et revitalisante du « par la foi seule ». Dans l’Église, dans toutes les Églises sans exception, on préfère les masques de la respectabilité et de la confiance en soi-même, des valeurs dites inhérentes et des vertus bourgeoises, à placer entièrement sa confiance dans le Dieu de notre salut. Notre orgueil et notre amour-propre sont alors à l’abri. Mais le salut offert par grâce, lui, est dangereusement compromis. Dieu, son Christ, la Bible et la prière confiante sont totalement relativisés. Comme si après avoir appris la foi, comme on apprend les premières lettres de l’alphabet, on pouvait par la suite s’en passer… Pourtant, c’est vers elle qu’il faudra revenir sans cesse. La foi n’est pas comme la première marche d’une échelle qu’on pourrait enjamber et laisser derrière soi pour monter plus haut.

La foi correcte, évangélique, est une connaissance qui est sûre. Cela semble une gageure, à l’ère des bouleversements gigantesques qui affectent le savoir humain. Tout n’est-il pas relatif? Comment prétendre qu’il puisse exister une connaissance certaine lorsqu’on remet constamment en question ce que l’on avait appris à peine la veille? Pourtant, c’est ainsi, et la connaissance qui concerne l’être et l’action du Dieu éternel est, comme lui, immuable et inébranlable, au-dessus de tout bouleversement. Cette connaissance sûre et certaine n’a aucune parenté avec un savoir bête et superficiel; la foi biblique n’est pas celle du charbonnier, mais l’accueil de la révélation divine, laquelle ne varie dans aucun de ses points.

Elle ne s’apparente pas davantage avec des informations telles que la découverte de vestiges de l’arche de Noé enfouies sur les flancs enneigés du mont Ararat, ou la découverte d’un morceau du bois de la « vraie croix » découvert en Abyssinie… Ces preuves dites externes relèvent davantage de la superstition que d’une foi robuste, adoratrice et sereine. La foi ne se fonde pas sur des preuves que Dieu n’a pas cru bon de nous prodiguer pour faciliter notre tâche, et la certitude de la foi s’oppose à ce genre de béquilles vermoulues. Elle n’appartient pas au domaine du « palpable », mais à celui d’un cœur régénéré par l’Esprit et éclairé par la Parole de Dieu.

C’est dans le Livre saint que Dieu s’adresse à nos esprits. Dieu l’a confié à son Église pour qu’elle en fasse la lecture quotidienne et l’explique aussi bien aux siens qu’à ceux qui se trouvent en dehors. Sur les pages du Livre saint, nous apprenons ce que Dieu fit jadis pour arracher ses élus à des asservissements dégradants et mortels; Israël d’abord, l’Église ensuite…

Cherchez-vous vraiment à avoir la foi? Pourquoi ne pas lire la Bible? Il n’est pas besoin d’être spécialiste d’hébreu ou de grec pour la comprendre. Lisez-la avec bonne foi et vous en saisirez le message. La Bible n’est pas un document ésotérique dont seulement quelques rares initiés seraient en mesure de découvrir les mystères. Livre passionnant, elle est la source unique, suffisante et limpide de la foi, lorsque l’Esprit divin éclaire ses pages et illumine nos intelligences. La foi deviendra ainsi une connaissance sûre et s’activera en une confiante obéissance. L’existence de Dieu ne sera plus alors un problème spéculatif de l’esprit, et les agissements du Malin ne seront pas des énigmes impossibles à élucider. Au lieu de discourir au sujet d’une inaccessible vérité, on fera l’extraordinaire expérience de rencontrer celui qui a déclaré : « Je suis la voie, la vérité, la vie » (Jn 14.6). Cela vaut plus que toutes les quêtes intellectuelles qui, aussi passionnantes qu’elles puissent être, ne peuvent aboutir qu’à des impasses…

Mus par une foi biblique, nous serons en mesure de déclarer avec l’admirable Catéchisme de Heidelberg :

« Mon unique assurance, c’est que, dans la vie comme dans la mort, j’appartiens, corps et âme, non pas à moi-même, mais à Jésus-Christ, mon fidèle Sauveur. […] Il me rend prêt et disposé à vivre désormais pour lui, de tout mon cœur. »