Cet article a pour sujet les luttes des adolescents qui sont des occasions données aux parents de toucher le coeur de leurs enfants avec l'Évangile. Les parents doivent aussi reconnaître leurs propres idoles et leur besoin de la grâce.

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Éduquer nos adolescents Bien plus qu’une question de survie

Peter Hastie s’entretient avec Paul Tripp

Le Dr Paul Tripp est un professeur en théologie pratique au Westminster Theological Seminary à Philadelphie, États-Unis, et il est le directeur de Changing Life Ministries. Il a travaillé en tant que pasteur, en tant que directeur d’une école chrétienne et en tant que membre du corps enseignant de Christian Counseling and Education Foundation in Glenside à Philadelphie.

Il est aussi l’auteur de Age of Opportunity : A Biblical Guide to Parenting Teens, War of Words : Getting to the Heart of Your Communication Struggles et Instruments in the Redeemer’s Hands : People in Need of Change Helping People in Need of Change. Il contribue fréquemment au Journal of Biblical Counseling. Le Dr Tripp et son épouse Luella ont quatre enfants. En tant que père d’adolescents, il a acquis beaucoup d’expérience sur le terrain.

Les parents considèrent souvent leurs enfants
comme des membres cadets d’al-Quaeda.
C’est une mauvaise approche et ce n’est pas nécessaire.

Quel genre de buts les parents devraient-ils avoir pour leurs enfants lorsque ceux-ci atteignent l’âge de l’adolescence?

Malheureusement, la culture occidentale a développé une vision très cynique de l’adolescence; une vision dont le fondement est principalement biologique. Les gens ont tendance à voir les adolescents comme un ramassis d’hormones rebelles et déchaînées, enfermées sous la peau. Évidemment, l’idée sous-jacente, c’est que vous ne pouvez pas parler à une hormone. J’ai lu un texte de quelqu’un qui l’exprimait très bien. Il disait que si vous ajoutez le mot adolescent à n’importe quel autre mot, ce mot devient automatiquement négatif. Nous n’avons qu’à penser à un « conducteur adolescent ». C’est un simple exemple qui nous montre bien comment ce groupe d’âge attire le cynisme.

Le problème avec cette façon de voir les adolescents, c’est qu’elle vient subtilement à l’encontre de l’Évangile. En fait, ce qu’on est en train de dire quand on pense ainsi, c’est que l’Évangile ne pourrait pas atteindre une certaine catégorie de gens. C’est une théologie dévastatrice. D’après mon expérience, lorsque les parents commencent à adopter cette vision de l’Évangile en ce qui concerne leurs adolescents, ça finit par déteindre sur leurs autres relations interpersonnelles. Ils commencent à mettre en doute la possibilité que Jésus-Christ puisse être en mesure de rejoindre d’autres catégories de personnes.

Ça signifie que simplement survivre à l’adolescence de nos enfants n’est pas un but suffisant. D’une certaine façon, avoir pour but de simplement survivre à ces années est un but égoïste parce qu’on vise alors seulement de passer à travers un temps difficile pour soi-même. L’autre problème qui surgit lorsqu’on a pour but la survie, c’est qu’en tant que parents, nous avons tendance à nous contenter de viser des buts plutôt externes qui cherchent seulement à modifier le comportement. Nous nous contentons alors de la méthode « Fais ce que je te dis! » Les enfants dont les parents ont cherché seulement à encadrer et à contrôler leur comportement n’emportent pas grand-chose avec eux lorsqu’ils quittent la maison.

Aux États-Unis, par exemple, un grand nombre de jeunes qui ont grandi dans des foyers chrétiens et qui quittent la maison pour aller à l’université abandonnent la foi. En fait, je soupçonne qu’ils n’ont jamais eu la foi. Ils n’avaient plutôt que la foi de leurs parents. Ils ne se sont tout simplement jamais approprié personnellement cette foi. Tout ce que fait l’université, c’est de révéler le vrai cœur de l’adolescent, qui avait été masqué par le contrôle et les règles des parents.

Évidemment, tous les parents doivent avoir des règles pour contrôler le comportement de leurs enfants, mais ce n’est pas un but suffisant. Du début à la fin, la Bible condamne les approches de type behavioriste qui cherchent à contrôler le comportement des gens, à les amener à respecter certaines règles, mais sans lien avec le cœur; c’était d’ailleurs le problème particulier des pharisiens. Jésus-Christ a catégoriquement condamné ce type de péché. Et pourtant, les parents chrétiens réussissent parfois très bien à créer une nouvelle génération de jeunes pharisiens, qui vivent sans ressentir aucunement le besoin de l’Évangile parce qu’ils arrivent à observer de manière exemplaire les règles extérieures qu’on leur impose. Ça me fait très peur.

Nous devons réaliser que les dernières années que nos enfants passent à la maison constituent une période où abondent des occasions sans précédent. Lorsque le monde de l’enfant s’ouvre devant lui et qu’il commence à goûter à une plus grande liberté, son cœur se révèle. Ça signifie que nous devons profiter de chaque occasion qui nous est donnée de participer à l’étape finale de sa préparation. Nous ne devons pas éviter de nous impliquer en profondeur avec nos adolescents.

Quel est le véritable problème auquel les adolescents doivent faire face? Est-ce leurs hormones ou est-ce leur cœur?

Le monde dit que ce sont leurs hormones; mais la Bible dit, de centaines de façons différentes, que la manière dont les êtres humains vivent reflète ce qu’il y a dans leur cœur. Nous aimons bien penser que c’est à cause des autres ou à cause des circonstances que nous agissons de telle ou telle manière. Cependant, cette façon de blâmer les autres vient tout droit du jardin d’Éden. La Bible dit que les situations dans lesquelles nous nous trouvons et nos relations avec les autres ne sont que des occasions où nos cœurs peuvent s’exprimer. Ma façon de vivre reflète réellement ce qu’il y a dans mon cœur. Le cœur est le système de direction qui se trouve en chacun de nous.

Que voulez-vous dire lorsque vous utilisez le mot « cœur »?

L’anthropologie biblique est très simple. Elle dit que les gens sont constitués de deux parties : l’homme extérieur, qui est votre revêtement terrestre, et l’homme intérieur, qui est votre moi spirituel. La Bible utilise un certain nombre de mots — intelligence, émotion, volonté, esprit — pour décrire le cœur. D’une certaine manière, le « cœur » est un terme englobant; c’est la sténographie biblique pour désigner l’homme intérieur et toutes ses fonctions.

La Bible attribue de nombreuses fonctions importantes au cœur. Elle nous dit que nous ressentons, nous pensons, nous fixons des buts, nous désirons, nous croyons avec notre cœur. C’est aussi avec le cœur que nous recevons ou rejetons la nouvelle alliance de Dieu. Tout cela signifie que si le cœur est le volant de l’être humain, s’il est à la source de nos gestes et actions, alors c’est évident que l’éducation que nous donnons à nos enfants en tant que parents devrait être centrée sur le cœur.

Comme vous le savez, Jésus-Christ utilise l’exemple d’un arbre pour expliquer la fonction du cœur. Vous regardez l’arbre et ses fruits et vous dites : « C’est un pommier parce qu’il donne des pommes. » Nous savons qu’il donne des pommes parce que l’arbre est un pommier dans toutes ses parties, jusqu’au bout des racines. Si ce n’était pas un pommier par nature, il ne pourrait produire des pommes. Dans l’exemple du Christ, l’arbre représente le cœur et les fruits représentent le comportement et ses conséquences.

J’utilise souvent l’exemple suivant : Imaginez que vous avez un pommier dans votre cour. Et, année après année, cet arbre produit des pommes infectes. Vous dites donc à votre épouse : « Je pense que je peux régler le problème de notre pommier. » Vous sortez votre grande échelle et vous coupez toutes les vieilles pommes. Vous clouez ensuite de belles pommes rouges et délicieuses partout dans l’arbre. Vous reculez… et à une distance de quinze mètres, l’arbre a maintenant l’air d’un très bon pommier. Nous savons tous ce qui va maintenant se passer, n’est-ce pas? Ces pommes vont pourrir également parce que l’arbre produit sans cesse de mauvaises pommes; il y a donc un problème avec tout le système, jusqu’aux racines. Nous sommes tous bien conscients que nous ne résoudrons pas le problème en clouant des pommes sur l’arbre. C’est cependant le problème de nombreuses méthodes modernes d’éducation des enfants, y compris dans les milieux chrétiens. Une bonne partie de ce que plusieurs qualifient d’éducation selon la Bible n’est en fait rien de plus que ces pommes clouées à l’arbre. Et ce qui se passe, c’est que six semaines, ou peut-être six mois ou encore six ans plus tard, l’enfant ou le jeune est encore au même point de départ.

Vous affirmez donc que plusieurs parents chrétiens sont behavioristes?

Oui, c’est exact. Cependant, le problème c’est qu’ils ne réalisent pas qu’ils le sont. Et la plupart du temps, c’est simplement parce qu’ils n’ont pas reçu d’enseignement.

Si vous allez dans une librairie chrétienne ordinaire, vous ne verrez même pas le mot « cœur » mentionné dans la plupart des livres sur l’éducation des enfants. Ce sont des livres de techniques et de stratégies pour contrôler le comportement. Ils sont d’approche behavioriste, même s’ils ont une apparence chrétienne.

Ce qui fait peur quant à ces livres, c’est que l’enseignement qu’ils préconisent peut avoir une efficacité seulement temporaire. C’est vrai; on peut contrôler le comportement d’un enfant de diverses manières. Si je fais peser suffisamment de culpabilité sur mon enfant, cela l’incitera à agir. Si je le manipule en lui promettant ce qu’il veut, une nouvelle auto ou une nouvelle bicyclette par exemple, ce sera temporairement efficace. Ou encore, je peux le menacer. Ça peut aussi avoir une certaine efficacité. Cependant, le problème, c’est que rien de tout cela ne dure. Dès que la menace disparaît, l’homme intérieur réapparaît, inchangé. Et l’enfant se retrouve là où il était. Et c’est ce qui se passe un peu partout, non seulement dans notre culture, mais aussi dans l’Église.

Pourquoi la plupart des parents trouvent-ils que les années d’adolescence de leurs enfants sont les plus exigeantes et les plus menaçantes?

Étant le père de quatre enfants, tous adultes maintenant sauf le dernier qui est encore adolescent, j’aimerais pouvoir vous dire que les seules fois où je me suis fâché, c’est lorsque l’un d’entre eux désobéissait à la loi de Dieu. Cependant, la vérité, et je pense que c’est vrai pour chacun d’entre nous, c’est que souvent je n’étais pas fâché parce qu’ils avaient péché, mais parce que leur péché faisait obstacle à ce que je voulais. Et ce qui entrave souvent l’éducation des adolescents, c’est l’idolâtrie de leur mère et de leur père.

En tant que père, moi aussi je vis pour le confort, l’appréciation, le succès, le respect et le contrôle. Aucune de ces choses n’est mal en soi, mais elles ne doivent pas régner sur mon cœur. Si elles règnent sur mon cœur et qu’un problème survient avec mon adolescent, il y a de fortes chances que je prenne personnellement ce qui ne se voulait pas personnel et que j’aborde mon jeune comme un adversaire. Je vais transformer une occasion que Dieu me donne d’exercer un ministère en un moment de colère, plutôt que de chercher à atteindre et toucher le cœur de mon enfant. Je vais me contenter de solutions rapides à la situation parce que tout ce que je désire, c’est sortir de la pièce et en finir avec tout ça. Je serai alors en colère contre mon adolescent parce qu’il m’aura empêché de réaliser ce qui était important pour moi.

C’est pourquoi si vous désirez être utilisé par Dieu dans la vie de vos enfants, vous devez commencer par votre propre cœur. Essayez l’expérience suivante. Imaginez que quelqu’un ait filmé une vidéo de tous vos moments éveillés au cours des six dernières semaines. Qu’est-ce que le film révélerait au sujet des choses qui vous asservissent? Qu’est-ce qu’il révélerait au sujet de ce qui est vraiment important pour vous?

On entend continuellement des parents confesser leur idolâtrie de manière indirecte : « Je fais tout cela pour toi et ce sont tous les mercis que je reçois? » Ou un père qui dit : « Comment oses-tu me faire cela? », comme si l’enfant avait comploté contre lui. Je suppose que le parent prend l’incident personnellement parce que l’enfant l’a empêché de servir l’idole qui contrôle sa vie. Les parents ont parfois des luttes énormes, mais les années d’adolescence sont une période de la vie remplie d’occasions extraordinaires. J’ai découvert que la chose la plus importante que je puisse faire pour aider les parents, c’est de les amener à chercher quelles sont les idoles qui contrôlent leur vie, puis, une fois qu’ils les ont trouvées, à les confesser et à les abandonner.

Si les parents ne commencent pas par s’occuper de leurs propres idolâtries, alors toutes les stratégies que je pourrais leur donner ne pourront pas les aider. En fait, ça ne les aidera pas non plus de fixer des buts. Pourquoi? Parce qu’on finit toujours par servir la personne ou la chose qui règne sur notre cœur. C’est comme la loi de la gravité : elle est toujours en action. C’est pourquoi j’aime tant la théologie réformée, parce qu’elle va droit au cœur du problème en raison de sa vision radicale de la nature humaine. La théologie réformée déclare que l’adoration n’est pas avant tout une activité accomplie par les êtres humains; l’adoration, c’est d’abord une identité. Nous sommes des adorateurs; nous ne pouvons pas ne pas adorer. Nous sommes toujours au service de quelque chose. Et si je ne suis pas en train de servir Dieu dans la vie de mon adolescent, alors je suis en train de servir autre chose. C’est tout simplement un principe auquel on ne peut échapper.

Quelles sont les occasions les plus importantes où les parents jouent un rôle stratégique dans la vie de leurs enfants adolescents?

Laissez-moi d’abord vous dire que je suis toujours frappé de voir à quel point la Bible est transculturelle et toujours pertinente à travers les générations. Nous avons tendance à répartir les êtres humains en de nombreuses sous-cultures, croyant que nous sommes vraiment très différents les uns des autres. Nous le sommes peut-être sous certains angles, mais j’aimerais ajouter que la Bible est capable d’étendre son filet de manière à pouvoir attraper tout le monde.

Cela signifie que la Bible parle des luttes spécifiques des jeunes gens dans toutes les cultures. Elle s’adresse tout aussi bien à la situation où un fils dit à son père : « Père, je dois faire reposer le chameau », qu’à la situation où un fils dit : « Papa, j’ai oublié de mettre de l’essence dans l’auto ». La Bible couvre toutes ces générations. Ce n’est donc pas difficile, lorsqu’on consulte les Écritures, de constater que la Bible décrit très bien les luttes typiques d’une jeune personne. Ces luttes sont des occasions à ne pas rater pour les parents qui ont du discernement.

Par exemple, le livre des Proverbes nous rappelle très clairement que les adolescents ne sont généralement pas assoiffés de sagesse et n’apprécient pas particulièrement la correction. Mes enfants ne m’ont jamais dit : « Pendant que je revenais de l’école dans l’autobus, j’ai pensé : “Papa, tu es vraiment un homme sage. J’aimerais tellement m’asseoir à tes pieds et m’imprégner davantage de ta sagesse”, ou encore : “Papa, je réalise que lorsque tu me corriges, tu démontres ton amour pour moi. Aimerais-tu me corriger davantage?” ». Quel devrait donc être mon but? En tant que parent, je suis conscient que la sagesse est cruciale pour plaire à Dieu, et pourtant ce n’est pas la chose que mon adolescent semble rechercher ardemment.

Voilà donc ma description de tâche. C’est de vendre à mon adolescent quelque chose qu’il ne recherche pas. Je décide donc que je vais être un modèle de sagesse. Je veux lui montrer que la sagesse est belle et merveilleuse. Et je veux lui vendre la sagesse d’une manière telle qu’il ou elle deviendra un consommateur enthousiaste. Mon point, c’est que chaque aspect des luttes de nos adolescents devient une occasion en or pour les parents.

Une autre caractéristique des adolescents, c’est qu’ils ont tendance à être très légalistes. Ils n’aiment pas particulièrement la loi de Dieu, ils testent fréquemment les limites et ils sont très concentrés sur les limites. Je dis aux gens que, si l’on comparait la loi de Dieu à une clôture, alors mes enfants auraient grandi avec des marques de clôture sur le visage. Lorsqu’ils étaient adolescents, ils étaient toujours en train de pousser sur la clôture. Cependant, on ne résout pas le problème du légalisme chez les adolescents en argumentant sur l’emplacement des limites. Pourquoi? Parce que l’enfant qui presse son visage contre la clôture croit à un grand mensonge. Il croit que tout ce qui est bon se trouve au-delà de la clôture et que Dieu l’empêche d’en profiter.

Ce que je dois faire, c’est de tourner le corps de mon adolescent vers l’intérieur de la cour et lui montrer toute la gloire de la réalité à laquelle Dieu nous appelle. Pouvez-vous imaginer ce que serait la vie dans une ville où tous seraient bons et gentils, où jamais personne ne volerait, où l’envie, le meurtre, l’adultère n’existeraient pas, où personne ne convoiterait, où tout le monde serait toujours patient? C’est ça le monde de Dieu! Alors, tous les domaines où nos adolescents sont en lutte constituent de merveilleuses occasions pour les parents.

Vous avez dit que si les parents ne considèrent pas les années d’adolescence comme des occasions sans précédent, c’est qu’il y a un problème avec leur propre cœur. Quel est le problème du cœur des adultes lorsqu’ils commencent à éprouver du ressentiment envers leurs enfants adolescents?

Ce qui se passe à l’adolescence, c’est qu’un changement relationnel dynamique se produit. Lorsque mon enfant est jeune, il est plutôt esclave de ma volonté, quelle qu’elle soit. Je suis totalement en contrôle. Il va là où je lui dis d’aller; les seuls amis qu’il invite à la maison sont ceux que j’approuve. Cependant, plus le monde de mon adolescent s’élargit, moins cela est vrai. Et ce qui se passe, c’est que ce pécheur adolescent a la capacité remarquable de semer la pagaille dans mon monde.

Il ne peut s’en empêcher. Chacun de ces choix entre en collision avec les miens. Je dis aux parents que c’est ainsi que ça se passe : vous ne pouvez vous tenir bien longtemps à côté d’une flaque d’eau boueuse avant d’être aspergé de boue. La réalité, c’est que chaque parent d’adolescent fait affaire à une personne qui lutte avec sa compréhension, son acceptation de la vie. Nous devons aussi réaliser que chaque adolescent est un pécheur en train d’apprendre à vivre dans le monde de Dieu, en train d’apprendre ce que signifie être saint et en train d’apprendre les dangers du péché. Il est absolument impossible que tout cela n’ait pas un immense impact dans ma vie. C’est la raison pour laquelle les gens n’aiment pas leurs adolescents.

Les adolescents sont complètement différents des bébés que nous tenions dans nos bras. Nous aimions tellement les entendre babiller et ils sentaient si bon. Ça semble vraiment ironique que cette personne minuscule qui nous apportait tant de joie soit la même personne pour qui j’éprouve maintenant du ressentiment. En fait, je suis tellement fâché contre elle que je ne veux même pas m’asseoir avec elle pour partager un repas. Pourquoi? Parce qu’il ou elle a rendu mon monde inconfortable. Voilà pourquoi. Et je n’aime pas que mon monde soit viré sens dessus dessous. J’aime un monde prévisible et sous contrôle et ça me dérange beaucoup d’avoir perdu ce niveau de confort et de contrôle dont je disposais auparavant.

En fait, ce que mon adolescent révèle chez moi lorsque je deviens fâché contre lui ou frustré par lui, c’est la profondeur et la nature tenace de mon amour pour moi-même, qui est une des horribles conséquences du péché. Paul nous rappelle en 2 Corinthiens 5.15 que Jésus est venu « afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux ». Jésus est en train de dire que l’égoïsme est le résultat tenace du péché. C’est ce qui nous rend totalement centrés sur nous-mêmes.

Alors, qu’est-ce que je veux? Je veux des enfants présanctifiés, capables de s’élever eux-mêmes. Je veux des enfants que je peux emmener au restaurant sans jamais craindre d’être embarrassé. Je veux des enfants qui font leurs devoirs sans que j’aie à les pousser dans le dos. Je veux que la vie soit douce pour moi. Et franchement, je ne m’étais jamais imaginé qu’en devenant parent je devais donner ma vie pour mes enfants. Pourtant, c’est exactement ce à quoi Dieu m’appelle. Ma rédemption a coûté à Jésus non seulement sa gloire, mais aussi sa vie. C’est cela notre modèle!

Quelles sortes d’attitudes, quelles approches les parents devraient-ils adopter par rapport à la famille s’ils veulent être dans le bon état d’esprit pour pouvoir bien s’occuper de leurs adolescents?

Nous devons tout d’abord comprendre comment le marché du travail moderne a dévalorisé l’importance des relations familiales. Cette tendance a commencé à se développer avec l’arrivée de la révolution industrielle moderne. Il y a deux cents ans, alors que l’industrie était centrée autour de la maison, lorsqu’une crise survenait, la famille pouvait fermer boutique le temps de régler le problème parce qu’elle était propriétaire de l’entreprise. Mais si vous retirez les hommes de la maison et que vous relocalisez leur lieu de travail, soudainement c’est l’industrie qui commence à dicter votre style de vie. Quel homme oserait de nos jours appeler son patron et lui dire : « Je vais être en retard de quelques heures parce que j’essaie de régler un problème difficile à la maison et qu’il faut que ça se règle maintenant. » Vous dites plutôt à votre femme : « Je ne peux pas parler de cela maintenant parce que je dois partir pour le travail. »

À mesure que le travail et la vie de famille sont devenus de plus en plus séparés, les hommes ont commencé à définir de plus en plus leur succès par leur performance au travail plutôt que par leur performance à la maison. Ensuite s’est ajouté le problème des femmes qui ont quitté la maison pour se rendre à leur travail. Maintenant, les femmes aussi définissent leur succès personnel selon leur performance au travail. De nos jours, nos idées sur la famille sont très, très loin de celles de nos ancêtres. C’est triste à dire, mais nous pensons beaucoup moins à l’importance qu’occupent les relations familiales lorsque nous essayons de définir ce qu’est une vie réussie. Nous devrions toutefois prendre cela en considération. Nous devrions pouvoir affirmer : « Il n’y a rien que je puisse être qui peut rivaliser d’importance avec le travail de formation que Dieu opère dans l’âme de mes enfants. » Il n’y a rien de plus important que cela. Et ça exige des choix difficiles.

Quand je suis invité comme conférencier, je lance un défi aux hommes dans l’assemblée. Je pointe du doigt et je dis : « Il y en a parmi vous qui sont tellement occupés par leurs carrières que vous êtes rarement à la maison et quand vous l’êtes, vous êtes tellement épuisés physiquement qu’il ne vous reste plus rien à offrir à vos enfants. Certains d’entre vous ne connaissent même pas leurs enfants. Je veux vous lancer un défi radical. Allez voir votre patron et demandez-lui une rétrogradation. Contentez-vous d’un moins gros salaire. Quittez votre maison de rêve et emménagez dans une résidence plus petite. Vendez votre auto flambant neuve et soyez prêts à en conduire une plus vieille. Et soyez prêts à faire ce que Dieu vous a demandé de faire dans la vie de vos enfants. »

Quelles sont les meilleures façons de comprendre les adolescents si nous voulons jouer un rôle vital dans leur développement spirituel?

Je pense que la chose la plus importante à se rappeler, c’est que notre adolescent nous ressemble davantage qu’il ne diffère de nous. Malheureusement, nous avons la perception que les adolescents sont dans une catégorie à part, comme s’ils étaient des extraterrestres tombés du ciel.

Une chose qui me garde humble, c’est que j’ai réalisé qu’il y a peu de choses avec lesquelles mon adolescent lutte dans sa vie, avec lesquelles je ne lutte pas moi-même dans mon propre cœur. Par exemple, supposons que mon enfant a des ennuis parce qu’il a trop attendu avant de commencer un travail scolaire qu’il doit remettre demain et qu’il soit impossible qu’il le termine à temps. Ne m’est-il jamais arrivé de faire la même chose? Bien sûr que ça m’est déjà arrivé! Et quand j’en prends conscience, ça m’empêche d’aller lui dire : « Comment oses-tu? Comment as-tu pu faire cela? Quand j’étais jeune, jamais je n’aurais fait une chose pareille! » Je m’approche plutôt de lui comme quelqu’un qui pèche également.

C’est alors que la façon dont je vais m’occuper de lui sera fondée sur l’Évangile plutôt que sur la loi. J’ai là une belle occasion de l’aider à tourner les yeux vers Jésus-Christ et je lui dis : « Mon fils, il y a un secours pour nous dans la personne et l’œuvre du Seigneur Jésus-Christ. Il y a de l’espoir pour nous deux. J’en ai besoin tout autant que toi. Et je reste à tes côtés. Cependant, ne t’attends pas à ce que j’écrive une note à ton professeur pour que tu échappes à ce travail. »

Donc vous voyez, c’est une approche tout à fait différente. Je pense vraiment que l’approche pharisaïque « Je suis plus vertueux que toi » entraîne l’adolescent à se refermer; ça ne l’aide pas du tout à s’ouvrir. C’est pourquoi les parents chrétiens ne devraient pas utiliser cette approche.

Est-ce que les livres de sagesse dans la Bible, en particulier le livre des Proverbes, peuvent nous aider à nous préparer à faire face aux défis de l’adolescence? Comment peuvent-ils aider les parents à être prêts à prendre leurs responsabilités?

Oui, ils sont vitaux dans nos interactions avec nos adolescents. Bien des fois, alors que je lisais les premiers chapitres du livre des Proverbes, j’ai été frappé de trouver dans ces pages un père en train de donner des conseils à son fils : « Mon fils, sois attentif à ma sagesse », « Écoute, mon fils, l’instruction de ton père ». C’est pourquoi j’ai décidé de continuer à lire les huit premiers chapitres, encore et encore. Je les ai lus des centaines de fois. Ce qui est intéressant, c’est que petit à petit certains thèmes ont commencé à faire surface — un thème étant quelque chose qui revient à de nombreuses reprises, encore et encore.

Eh bien! J’ai assez d’expérience en tant que parent pour savoir que si je dois répéter une chose plusieurs fois à mes enfants, ça signifie que j’ai mis le doigt sur une chose avec laquelle ils luttent à l’intérieur d’eux-mêmes. C’est ainsi que les thèmes que nous retrouvons dans les Proverbes illustrent merveilleusement bien les tentations et les luttes typiques d’une jeune personne. C’est comme une belle maquette qui me laisse voir ce qui m’attend durant les années d’adolescence de mes enfants, me permettant ainsi d’y réfléchir.

Quels devraient être les buts fondamentaux des parents dans le domaine spirituel alors qu’ils prennent soin de leurs adolescents? Devrais-je simplement chercher à contrôler leur comportement? Est-ce un bon but ou devrais-je essayer d’accomplir bien davantage? Le problème que j’ai avec de nombreuses approches parentales, c’est que ce sont des approches qui se limitent à réagir plutôt qu’à chercher à atteindre des buts. Quelque chose arrive et je réagis. Cependant, les Écritures nous exhortent à aller bien au-delà d’une approche qui se contente de réagir; les Écritures nous demandent de fixer des buts au niveau du cœur. Donc, quand j’essaie d’aider mon adolescent dans des questions qui touchent les fréquentations, l’utilisation de l’auto, le comportement à l’école, Dieu me donne une occasion unique, à travers chacune de ces situations, de l’aider à avancer dans ces domaines en travaillant au niveau de son cœur. C’est ainsi que, pour chacun de mes enfants, j’ai essayé de voir comment chacune des situations qu’ils vivaient pouvait m’aider à essayer d’atteindre les buts que je vise quant à leur cœur.

Un de ces buts, c’est d’essayer d’enseigner à mon enfant qu’il est au milieu d’une lutte spirituelle et de lui montrer comment participer au combat. La Bible nous dit que les choses les plus importantes qui arrivent dans la vie ne peuvent se voir. Elle nous dit aussi qu’il y a un ennemi très réel qui veut prendre le contrôle de notre cœur. Elle nous dit que cette guerre fait rage en tout temps, dans toutes les situations de notre vie. Je veux que mon adolescent puisse voir au-delà des vêtements et des sports et qu’il ou elle réalise la signification du péché et de la tentation, deux réalités que l’on retrouve continuellement, dans tous les domaines de la vie.

Aborder le sujet de ce qui règne sur notre cœur nous conduit nécessairement au sujet qui lui est relié : l’idolâtrie. Les adolescents ont besoin d’être confrontés au sujet de ce qui règne sur eux. Voici trois des idoles caractéristiques des années d’adolescence : l’apparence, les possessions et l’acceptation. Je veux donc les amener à voir ce qui se passe dans leur cœur, afin qu’ils puissent comprendre ce qui est vraiment en train de se passer dans leur vie.

Pourquoi les parents chrétiens font-ils souvent face à la frustration dans leurs efforts pour cultiver un cœur pour Dieu chez leurs adolescents?

Parce que c’est le travail le plus difficile qu’un être humain puisse accomplir. Nous devons en arriver à réaliser qu’il n’y a pas d’espoir en dehors de Jésus-Christ. Si je pouvais transformer le cœur humain par la force de ma voix, ou par la force de ma personnalité, ou par la logique de mon argument, ou par la sagesse de mes stratégies parentales, alors Jésus n’aurait pas eu besoin de venir. Donc, comme parent, je fais face à quelque chose que je ne peux pas faire moi-même. Et ça me fâche. Ça me frustre. Ça me décourage. Voyez-vous, ce que je veux, c’est quelque chose qui va régler le problème instantanément… Donnez-moi la recette pour produire la sainteté en trois étapes chez mes enfants! Ce n’est pas ce que la Bible fait. Elle ne nous donne pas un système de rédemption; elle nous donne un Rédempteur.

Et voici la nouvelle qui fait vraiment peur : même si je me comporte le plus droitement, le plus justement possible avec mon adolescent, il ou elle doit être rétabli dans sa relation avec Dieu, sinon il n’y a pas d’espoir pour elle ou pour lui. Et ça, ce n’est pas moi qui peux le faire. Alors, dans ma frustration, ce que je fais, c’est que j’essaie de faire le travail de Dieu dans la vie de mes enfants.

Plusieurs adolescents quittent leur foyer parce que leur relation avec leurs parents est trop mauvaise. Que peuvent faire les parents pour s’assurer que, lorsque leurs jeunes quitteront la maison, ils le feront avec reconnaissance pour la préparation à la vie qu’ils ont reçue?

Les parents doivent reconnaître que la meilleure atmosphère pour une bonne relation est une atmosphère d’honnêteté et d’humilité. J’ai vu des relations restaurées lorsque les parents ont été prêts à reconnaître honnêtement leurs propres luttes. Une des choses qui rend fous les adolescents, c’est lorsque les parents sont de « grands parleurs », mais de « petits faiseurs ». Ils ont des critères exigeants, mais ils ne les respectent pas eux-mêmes. Comment voulez-vous parler de la grâce, alors que vous êtes vous-mêmes remplis de colère et d’amertume? Après un certain temps, le jeune attend juste la première occasion pour prendre la porte.

Une des façons dont je prêche l’Évangile, c’est en expliquant à quel point j’en ai moi-même besoin. Et ça peut se faire de manière très simple et détendue. Récemment, je parlais avec mon fils de dix-sept ans. J’avais l’impression d’avoir été impatient envers lui. Je lui ai dit : « Tu ne seras certainement pas surpris que je te dise que je suis un pécheur. » Il a ri parce que j’ai ajouté : « Tu as toi-même une grande expérience dans ce domaine. » Ensuite, je lui ai dit : « Tu sais, il y a des fois où je pense davantage à moi-même qu’à toi, et hier soir, c’est ce qui s’est passé. » Il a répondu : « Ça m’arrive de te faire la même chose, Papa, et je te pardonne. » Après cet échange, nous pouvions sentir un courant chaleureux passer entre nous. Cependant, le résultat aurait été tout autre si j’avais dit : « Tu sais, tu devrais être très content d’avoir un père comme moi. Je me donne sans cesse pour toi. Pourquoi est-ce que tu gâches toujours tout après tout ce que j’ai fait pour toi? » Vous voyez, ç’aurait été une tout autre histoire.

Voici ce que je veux souligner : si je suis prêt à admettre mon besoin de Jésus-Christ, j’approche alors mon enfant en lui démontrant de façon évidente ce qu’il devrait faire. Non seulement réalisera-t-il son besoin, mais il verra également les changements que le Christ a la puissance de faire dans ma vie. Juste en vivant ma vie devant eux, je prêche l’Évangile. Je crois que c’est une chose très puissante. Et je pense que c’est une occasion que nous ratons souvent parce que nous croyons que si nous admettons notre péché, nous compromettrons alors notre autorité. De toute façon, mon autorité n’est que dérivée; elle n’est pas fondée sur ma propre justice, elle est fondée sur Jésus-Christ. Et je pense que c’est ainsi que je peux être un instrument dans les mains de Jésus-Christ.