Cet article sur 1 Jean 5.4-5 a pour sujet la victoire de la foi en Jésus-Christ qui procure aux chrétiens un triomphe libérateur sur le monde des ténèbres, du mensonge et de toute puissance qui cherche à s'opposer à Dieu.

Source: La foi et l'espérance et l'amour. 4 pages.

1 Jean 5 - La victoire qui vainc le monde

« Et ses commandements ne sont pas pénibles, parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde; et la victoire qui triomphe du monde, c’est notre foi. Qui est celui qui a triomphé du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu? »

1 Jean 5.4-5

Comme un certain nombre d’autres mots de notre vocabulaire, celui de victoire, produit sur nous un effet de choc et exerce un pouvoir d’incantation. Emprunté au vocabulaire militaire, il a gagné d’autres domaines. Ainsi, l’exploit de l’athlète le conduit à une victoire certaine, après avoir su surmonter tant d’obstacles. Aussi, il n’est pas rare que notre admiration tourne pour celui-ci en délire et que nous le portions en apothéose.

D’une certaine manière, nous avons tous le goût de la conquête. Nous poursuivons un idéal et nous comptons sur notre réussite. Celle-ci est parfois arrachée, avec beaucoup de peine et d’obstination, à un milieu rebelle et récalcitrant.

L’un de nous aspirera à la célébrité, l’autre s’imagine avoir conquis le monde, s’il gravit plus haut que ses compagnons sur les échelles de la vie sociale. Un autre inscrira son nom sur le marbre, ou même sur l’écorce d’un arbre. Ceci rappelle ces jeux d’enfants qui songent à l’immortalisation de leur nom. Hélas!, les uns et les autres oublient que le prochain orage peut effacer toute inscription et l’emporter, avec la feuille morte de l’automne.

Gagner le monde, presser les fruits mûrs pour en obtenir la dernière goutte, parvenir à un bonheur toujours plus doux, connaître toujours plus de ravissement, voilà le rêve et la soif inextinguible de tant de jeunes et d’adultes. Cependant, posséder toujours plus n’est nullement l’équivalent de la conquête totale ou définitive du monde. On peut facilement devenir les esclaves de ce que l’on a conquis avec tant d’acharnements.

Ainsi, il existe l’esclavage de la technique moderne, dont certains produits symbolisent déjà une tyrannie d’une espèce nouvelle. Il existe aussi l’esclavage de l’homme d’affaires, celui de l’intellectuel. Il y a la servitude de l’homme gouverné, mais aussi, celui du gouvernant. L’argent et la beauté, la culture et la santé robuste nous tendent de tels pièges qu’une fois pris, nous sommes incapables de nous y remuer librement. Ne dit-on pas que l’or amassé avec une avarice gloutonne peut causer une jaunisse mortelle?

Peu importe, la liste des choses qui nous asservissent à notre insu est longue, alors que nous nous imaginions posséder des instruments dociles. Un mot, forgé par les sociologues, la réification, exprime bien tout l’aspect négatif et attristant de notre nouvelle manière de vivre dans la société moderne. Mais la misère sera grande pour ceux qui, s’appuyant sur la « chose », se trouveront soudain démunis complètement. Quand le tourbillon de la maladie ou de la mort s’abat, ou bien lorsqu’éclatent la révolution et la guerre, quel sera l’appui solide qui pourra soutenir une défaillance?

Il n’y a vraiment pas de victoire radicale ni de triomphe libérateur. Nombre de personnes ont fait cette austère constatation et connu le désenchantement le plus narquois. Nous ne pouvons pas compter sur une victoire personnelle qui soit absolue et définitive. Nous ne saurions triompher de la fragilité de notre existence. La prouesse la plus retentissante n’éliminera pas la crainte ni le souci. L’avenir reste toujours inconnu, imprévisible et parfois menaçant. Les points d’interrogation sont souvent aussi nombreux après, comme avant, un succès brillant. L’un ou l’autre d’entre nous connaît sans doute un lourd chagrin qui le replonge sans cesse dans une désolante pénombre intérieure.

Cependant, il ne faut pas se laisser égarer par ces amères constatations. Car il existe une victoire invraisemblable, qui jette le défi sans pareil à l’adresse même des puissances qui pèsent de tous leurs poids sur notre existence.

Il y a une victoire sur le monde. Le monde dont il est question dans le texte de l’apôtre Jean reflète l’emprise des ténèbres, le royaume du mensonge, l’arrogance de toutes les idoles. Le monde est l’ensemble des forces mauvaises, contre lesquelles Jésus-Christ vint combattre et les renverser. Il a démasqué impitoyablement toute injustice, toute tyrannie, tout mal et le péché dont nous sommes les principaux coupables. L’Évangile de la victoire acquise par le Sauveur contient le vrai message révolutionnaire.

Dans son cas, c’est la victoire la plus complète et la plus absolue. Le Royaume céleste et son Chef ont fait une brèche dans la fatalité de notre vie, et l’espérance qu’ils nous apportent ne peut pas nous tromper.

Il existe donc une victoire certaine, déjà acquise, elle n’est pas le résultat des manœuvres difficiles ni le fruit de nos agitations, elle est la découverte et la redécouverte d’une victoire dont l’Évangile selon saint Jean nous faisait part par la déclaration de Jésus : « Prenez courage, j’ai vaincu le monde! », disait celui-ci à ses disciples désemparés (Jn 16.33). C’était une affirmation invraisemblable, si l’on songe qu’elle fut prononcée quelques heures, avant l’arrestation de Jésus, avant sa condamnation et mise à mort. Toutes les apparences pouvaient faire croire à une défaite irréversible. Pourtant, le contraire venait d’être déclaré, car le conquérant était au cœur de son action.

Jésus ne faisait pas simplement résister au monde, il allait renverser toute la puissance de ce monde hostile. Sa victoire nous démontre la superficialité d’autres moyens par lesquels les hommes tentent de combattre cet adversaire. Ceux qui fuient le monde, ceux qui se persuadent que le mal est inexistant, ceux qui s’anesthésient par les produits de la culture littéraire et artistique, ceux qui, par une attitude cynique, ferment leurs yeux et leurs cœurs devant les actions sordides des hommes, ceux-là ne pourront avoir une assurance quelconque dans une telle lutte gigantesque, ni l’optimisme ni le pessimisme ne sont des options à prendre; même notre courage ne serait pas suffisant. La victoire dont nous parlons ici nous arrache à nous-mêmes, ainsi qu’à notre subjectivisme démesuré. Le critère nous est extérieur, aussi est-elle absolue et infaillible. Dieu n’exige pas de nous une performance de l’esprit, impossible. Il sait que la pression du monde qui nous entoure serait trop forte et violente pour que nous y résistions tout seuls. Il nous offre la partie gagnée d’avance. Il fait sonner le clairon qui annonce la déroute de l’adversaire. Parce que la victoire de Jésus a été vraie, elle sera réelle pour nous aussi.

Dès l’instant, où nous croyons en lui, qui est le vrai et le seul conquérant, il nous fait participer à son trophée. Il nous relie à Dieu, à la terre ferme et solide de son amour. Avec lui, nous n’encourrons aucun risque de dérive. Notre victoire est plus grande que le monde, plus grande que le doute, plus grande que l’idolâtrie de notre propre cœur.

Cependant, le texte de l’apôtre de Jean met une condition à sa victoire. À cette condition-là, nous pouvons nous l’approprier. Il est question d’une naissance nouvelle, divine. Il s’agit simplement de notre vie animée par la foi. La foi est l’antidote contre les forces mauvaises de ce monde. Dieu vient à nous, avec toute sa force de rénovation. Il n’opère pas un simple ravalement de façade. Il répand plutôt son souffle sur notre visage pour nous réanimer et nous réactiver. Si nous nous joignons au Christ par la foi, malgré notre vie quotidienne et ses efforts harassants, ses monotonies lassantes, la trivialité des choses, nous serons illuminés à cause de sa victoire, ainsi que par notre foi en elle.

La victoire qui triomphe du monde, c’est notre foi. Notre foi s’opposera aux assauts et aux tentations multiples. Ce sera la victoire de la joie sur le malheur, de la communauté remportée sur l’isolement et la solitude, de l’honnêteté sur l’orgueil, de la pureté sur l’injustice, de la vérité sur le mensonge, de l’amour sur le doute et le découragement. Pour tout dire, ce sera la victoire de la vie nouvelle sur la mort.

Le jeune qui aspire et cherche ce qui est vrai, ce qui est pur et noble, mais qui voit si souvent son idéal piétiné, avili ou écrasé, verra la victoire dans la condition décrite, à savoir, par la foi seule. L’adulte, dont le regard traverse au-delà des choses visibles, vers la direction de la cité céleste et du Royaume imminent, saura que son attente n’est pas vaine.

Il y a donc une victoire pour nous tous, car malgré le brouillard épais de l’heure, nous savons que des rayons percent l’obscurité et attestent que le soleil brille au-dessus de nos têtes. Nous connaîtrons encore, à chaque instant, cette espèce de vertige que nous cause l’actualité qui va de plus en plus vite. Les vibrations politiques, sociales et même culturelles interviennent jusque dans le domaine privé de chacun de nous. Nous ne sommes pas toujours les maîtres de notre résistance nerveuse et morale. Personne n’est à l’abri devant le malheur qui frappe à l’improviste. Même la foi ne nous assure pas une navigation calme. En présence de la misère et des injustices des temps actuels, le sursaut de toutes les consciences est nécessaire, car nous ne saurions demeurer inactifs devant la souffrance qui atteint les hommes, nos frères. Sinon, la victoire dont nous parlons résonnerait comme une chimère; elle n’est pourtant pas une vue kaléidoscopique de la réalité de notre monde.

Certes, l’humaniste aussi, comme le révolutionnaire, crient à leur tour à la victoire! Mais l’un et l’autre ne sauraient la garantir, ni par leur lutte pour un meilleur ordre social ni par leur idéal élevé. Il nous faut un changement total et radical des choses. La victoire qui triomphe du monde, c’est notre foi. Mais avez-vous remarqué, dans ce même texte de l’apôtre Jean, que la foi est aussi la confession explicite que Jésus est le Fils de Dieu?

Nous faisons crédit, non pas à un idéaliste ou à un philanthrope, au sens courant du mot, encore moins à un révolutionnaire exalté, mais au Fils unique de Dieu, celui qui est issu du Père, qui est sa Parole éternelle et qui fut, à l’origine, présent à l’œuvre, dans la création du monde. C’est lui, qui est aussi, le Sauveur parfait, tout suffisant de notre monde.