Cet article sur 1 Timothée 6.11 et 2 Timothée 3.16-17 a pour sujet la vocation de l'homme de Dieu, appelé au combat contre le péché, à grandir dans la sanctification, à vivre dans la justice au service de Dieu et du prochain.

Source: La vocation du chrétien. 4 pages.

1 Timothée 6 - 2 Timothée 3 - L'homme de Dieu

« Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice, la piété, la foi, l’amour, la patience, la douceur. »

1 Timothée 6.11

« Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit adapté et préparé à toute bonne œuvre. »

2 Timothée 3.16-17

On a tracé un certain nombre de portraits de l’homme, qui sont autant d’aspects différents et contradictoires de la condition humaine. On dirait parfois des images qui surgissent d’un cauchemar, tant elles sont énigmatiques et effrayantes. L’Écriture sainte nous donne un modèle tout différent. Selon elle, l’homme ne peut se définir et se situer que par rapport à Dieu, son Créateur et Rédempteur. Un leitmotiv revient toujours sur ses pages : celui de la création, de la chute et de la rédemption. Seul ce motif pourra nous servir de clé pour comprendre et pour résoudre « le mystère » de l’homme. Comparés au portrait qu’en fait l’Écriture, tous les autres ne sont que des caricatures ou encore des tentatives de plagiat. Dans les deux textes de saint Paul cités ci-dessus, nous trouvons l’expression « homme de Dieu ».

Il faut tout d’abord éviter un malentendu. « L’homme de Dieu » n’est pas le chrétien de classe supérieure qui dominerait de haut les fidèles de seconde classe. Une telle distinction « hiérarchique » est étrangère à l’Écriture et au plan de Dieu. On est homme de Dieu ou on ne l’est pas. Les uns ne sont pas moins que les autres, car Dieu a appelé les uns et les autres et les a pris en charge.

Ainsi l’homme de Dieu, c’est-à-dire tout chrétien, est invité tout d’abord à abandonner une certaine sphère afin de se préparer à une tâche. Il est appelé à fuir, mais aussi à combattre de manière positive. Il doit recevoir une préparation pour l’avenir et poursuivre la sanctification totale de sa vie. Dans l’Ancien Testament, l’homme de Dieu était celui qui, par excellence, évoluait dans la proximité de Dieu. Moïse, Élie, David et tant d’autres avaient reçu une vocation particulière et un ordre pour parler au nom de Dieu. Dans le Nouveau Testament et sous la plume de l’apôtre Paul, cette expression désigne chacun des fidèles. Il est l’équivalent du mot « saint », ce qui signifie mis à part, appartenant à Dieu et engagé à son service.

Le croyant appartient à Dieu qui l’a sauvé gratuitement en offrant son Fils Jésus-Christ. Une dignité nouvelle lui est conférée; il est chargé d’une responsabilité et, tiré de la nuit des ténèbres pour être amené vers la lumière, il est placé au milieu des hommes pour y accomplir des œuvres bonnes. Il est revêtu d’un dynamisme nouveau pour répondre à sa vocation. L’homme de Dieu sait que sa vie est importante, qu’elle a reçu un sens dès le commencement, qu’elle est destinée à une mission utile. La bénédiction de Dieu repose sur lui; elle en éclaire chacun des traits. Né de nouveau, il grandit pour atteindre la stature de l’homme parfait. Il ne court pas aveuglément et obstinément vers sa dislocation et sa destruction finales. Dieu restaure notre personne, il prend notre vie à son service et la destine à son Royaume.

Parce qu’il connaît ses origines et sa direction, il ne se fait plus d’illusion sur lui-même ni sur sa grandeur. Il ne cherche plus à se glorifier et à s’honorer. Au contraire, ainsi que le décrit le livre de l’Apocalypse au chapitre 4 et aux versets 10 et 11, même les couronnes qu’il aura reçues après ses combats et ses victoires seront jetées aux pieds du trône divin. Lorsque Dieu est vraiment au centre de notre vie, nos prétendues grandeurs et nos fausses humilités disparaissent. Sans Dieu, les hommes se gonflent d’importance ou bien, au contraire, dévaluent leur propre personne. Mais cette fausse modestie cache mal l’orgueil et le refus de la grâce libératrice; elle ne veut pas comprendre le langage de Dieu. C’est la grâce qui nous élève et nous déclare rois de la création. Pourquoi nous glorifier nous-mêmes? Il n’y a rien que nous n’ayons reçu de la part de Dieu. Notre grandeur est liée à celle du Christ. « Ta droite me soutient et ta bonté me fait devenir grand », écrivait déjà le psalmiste de l’Ancien Testament (Ps 18.36).

Avant de rencontrer Dieu, nous étions comme devant une petite porte fermée, dont notre orgueil nous empêchait de franchir le seuil. Mais lorsque nous nous débarrassons de toutes les illusions que nous nourrissons sur nous-mêmes et de tous nos rêves de grandeur, alors nous voyons, grand ouvert, le portique du ciel qui nous permet l’accès auprès de Dieu.

Toute importance et toute grandeur en dehors de notre filiation divine ne peuvent mener qu’à la corruption morale et spirituelle. Il faut perdre notre vie afin de la gagner; mourir à nous-mêmes pour vivre de nouveau; suivre Dieu afin que sa vraie image soit restaurée en nous. « En effet, quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé », dit le Seigneur Jésus (Lc 14.11).

Certes, il n’existe pas ici-bas de vie morale parfaite ni de sanctification totale. Mais nous pouvons écouter, comme l’appel du clairon, la Parole qui nous invite au service de Dieu. Nous vivrons alors comme dans un triangle, car si nous avons rencontré Dieu, aussitôt et inévitablement nous serons ramenés vers notre prochain. Notre grandeur « d’homme de Dieu » est nécessairement liée au service de Dieu dans ce monde. Sa grâce veut nous conduire vers des tâches petites ou grandes et mettre à profit les talents reçus, nombreux ou minimes, qui nous ont été confiés. L’attrait démoniaque de devenir grands par nos propres moyens et à nos propres yeux, ou de le paraître, sera brisé. La question « qui sera le plus grand? » n’aura plus aucune raison d’être.

Le temps est court; il faut l’employer au service et au combat pour saisir la vie éternelle. Nous sommes devenus des hommes nouveaux et des personnes réellement libres. Vivons donc comme tels et agissons de manière à ce que notre libération apparaisse au grand jour. Transportés du territoire ennemi, ayant abandonné les rangs des troupes rebelles, nous voulons nous rallier à l’autorité légale : celle de Dieu. Que personne ne se décourage et ne se lasse dans cette lutte. Nous demeurons vulnérables. Mais Dieu a décrété que, en Christ, nous sommes ses enfants, lui appartenant une fois pour toutes.

C’est pourquoi nous appartenons aussi aux autres. Il ne peut y avoir de piété égocentrique et individualiste. Notre sanctification épousera les formes de service que Dieu nous propose. Cet impératif du Christ nous fera découvrir que le service de Dieu et le service des hommes sont inéluctablement liés. Il ne peut pas y avoir de divorce entre eux. Mais ce service et notre présence au milieu du monde ne sont pas tributaires des exigences des hommes ou de leurs interrogations. Ils dépendent de l’ordre que le Seigneur nous adresse.

Dans le scandale permanent, et en un sens croissant, que constitue notre monde d’injustice, de mensonge et d’oppression aux mille visages, dans ce scandale-là, comment les disciples du Libérateur pourraient-ils se taire? Comment ne pas entrer passionnément, par fidélité et en communion avec le Seigneur Serviteur, dans les combats difficiles pour cette justice, au sens total du terme, du Royaume qui vient, qui est déjà, bien que non encore manifesté, « au milieu de nous »? Non pas pour établir le Royaume, qui ne peut être établi que par le Roi lui-même, mais pour le signifier d’une façon aussi conséquente et étendue que possible, à tous les niveaux de l’existence humaine et pas seulement sur le plan du salut individuel.

La surdité à l’infinie détresse de ces pauvres multitudes « lassées et abattues comme des brebis qui n’ont pas de bergers » (Mt 9.36) est intolérable. N’est-il pas ahurissant qu’il faille encore insister sur ce point, comme s’il n’était pas d’une limpide évidence, que la vocation qui nous est adressée nous appelle à vivre et à anticiper le Royaume en luttant contre toute manifestation du péché? Péché collectif et non seulement individuel, dans les domaines de la culture et de la science, de l’art et de la technique, et même de la religion, dont peuples et nations se sont rendus coupables… Une sanctification uniquement individualiste ne serait-elle pas un alibi pour fuir ce combat? Elle pourrait même être la trahison à celui qui, venu libérer ces hommes semblables à « des brebis qui n’ont pas de bergers », a cherché non à être servi, mais à servir.

Or, Dieu ne nous a pas confinés à l’intérieur des sanctuaires pour nous y faire pousser comme des plantes de serre; il ne nous enveloppe pas de coton et ne sait que faire de chrétiens « décaféinés » et de lieux de culte qui ont tous les avantages et tous les inconvénients de « garderies pour adultes »…

Nous savons que la mort du Christ est un fait qui donne à l’histoire du monde et à chacune de nos vies la seule possibilité de vivre d’une manière vraiment nouvelle. Le Christ ressuscité place devant nous cette vie qui n’est rien de moins que la participation à la sienne, une vie au service de Dieu. « Mort à soi-même et vie pour le Christ » est une devise admirable qui résume de manière saisissante la rupture avec le passé et la nouveauté originale de notre vie. Elle annonce l’instauration de l’ordre nouveau. Notre passé, notre présent et notre avenir se trouvent désormais entre les mains de Dieu. Notre action aussi; forts de cette assurance, nous pourrons rétablir les relations compromises et rencontrer notre prochain le plus proche et le plus lointain. Au nom du Christ, au nom de sa vérité, de sa justice et de son amour, nous transformerons nos motivations ainsi que nos actions, pour que tous les hommes puissent reconnaître « l’homme de Dieu » comme un signe et un témoignage au milieu d’eux.