Cet article sur 2 Chroniques 36 a pour sujet la chute de Jérusalem et du royaume de Juda aux mains des Babyloniens suivi de l'exil à Babylone, selon la souveraineté de Dieu et son jugement équitable.

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9 pages.

2 Chroniques 36 - La chute de Jérusalem

2 Chroniques 36

Je vous propose une méditation portant sur des faits historiques rapportés par la Bible, et qui retracent la chute de Jérusalem et du royaume de Juda, quelque six siècles avant Jésus-Christ, c’est-à-dire il y a environ 2600 ans. Nous trouvons plusieurs récits concernant cet événement dans l’Ancien Testament, notamment à la fin du deuxième livre des Chroniques et au livre du prophète Jérémie. Si nous nous intéressons à un tel événement historique, c’est parce que sa portée et sa signification nous concernent encore aujourd’hui, pour peu que nous sachions le lire avec des lunettes spirituelles, en croyants qui savent discerner la volonté et le plan de Dieu dans l’histoire des hommes et en particulier de son peuple.

En l’an 587 ou 586 avant Jésus-Christ, les troupes babyloniennes menées par l’empereur Neboukadnetsar assiégèrent avec leur puissante machinerie de guerre la ville de Jérusalem, alors capitale du petit royaume indépendant de Juda. Ils s’en emparèrent et la détruisirent. La date précise de cet événement n’est pas certaine (on pense généralement qu’il eut lieu au cours du mois d’août), mais quoi qu’il en soit, les conséquences en furent dramatiques. Le roi de Juda ainsi qu’une grande partie de la population furent emmenés captifs en exil, ce qui signifia la fin du royaume de Juda. Celui-ci avait réussi à survivre durant environ 136 six ans à la chute de son voisin du nord, le royaume d’Israël soumis aux Assyriens depuis l’an 722 avant Jésus-Christ. La conviction que Jérusalem serait toujours défendue par Yahweh, l’Éternel Dieu, et que son temple ne serait jamais profané, fut brisée lors de ce désastre national. Nous allons examiner ensemble le contexte politique et historique qui prévalait dans l’ancien Proche-Orient et Moyen-Orient au moment de la chute de Jérusalem, et nous tâcherons d’établir une chronologie des événements qui menèrent à ce désastre national. Commençons par retracer l’image géopolitique de cette région du monde, aux alentours de l’an 700 avant notre ère.

À l’époque du règne de Josias, roi de Juda entre 640 ou 639 et 609, la scène politique au Proche-Orient est dominée par les événements ayant amené la chute récente de l’Empire assyrien. Deux puissances rivalisent pour prendre la succession de ce grand empire : au nord-est Babylone, et au sud-ouest l’Égypte. Juda, située entre ces deux nations, se trouvera écrasée dans la lutte qui s’ensuivra, et à l’issue de laquelle les Babyloniens sortiront vainqueurs. Les Mèdes et les Babyloniens se partageront l’Empire assyrien, les premiers occupant son siège traditionnel, ainsi que les provinces du nord récemment annexées par l’Assyrie, par exemple Urartu, aujourd’hui connue comme l’Arménie. Les Babyloniens, quant à eux, s’empareront des territoires situés entre les deux grands fleuves, le Tigre et l’Euphrate. Babylone cherchera peu après à s’étendre vers l’ouest, c’est-à-dire vers la Syrie et la Palestine. À un moment donné, ces régions avaient été sous contrôle égyptien, et une nouvelle source de conflit allait bientôt émerger de cette rivalité.

Maintenant que nous avons examiné le contexte géopolitique de la région, intéressons-nous au conflit qui opposa le pharaon égyptien Néco (qui régna de 609 à 590) au roi de Juda Josias. Ce conflit éclata en l’an 609 avant Jésus-Christ, la première année du règne de Néco, donc. Néco tentait de ramener le dernier roi assyrien, du nom d’Assur-Uballit, dans la ville de Harân, afin de reprendre cette ville des mains des Babyloniens. Ninive, la capitale assyrienne, venait d’être détruite par les Babyloniens en 612. Par cette action, Néco espérait sauver un reste de puissance assyrienne, et en même temps regagner possession d’une partie de la Syro-Palestine qui avait été un temps sous contrôle égyptien, et qu’il n’avait pas l’intention de redonner aux Assyriens. Mais en entreprenant cette action, Néco devint l’ennemi juré de Josias. Car l’œuvre politique de Josias consistait principalement à se désengager du pouvoir assyrien, il menait de fait une politique anti-assyrienne; pour être franc, Josias était du côté de ceux qui préparaient le chemin de la chute de l’Empire assyrien, il se trouvait donc à l’opposé du pharaon Néco.

Lorsque le pouvoir de l’Assyrie se trouva sur son déclin, Josias rejeta le joug assyrien et libéra non seulement le territoire de Juda, mais également une partie du territoire de l’ancien royaume d’Israël. Ceci nous est relaté au second livre des Rois, au chapitre 23. La suprématie de l’Assyrie s’effondrait de toutes parts, et peut-être Josias n’eut pas à recourir à la force pour accomplir cette reconquête. Au même moment, il était inévitable que Josias soit amené à s’opposer à la reconquête par l’Égypte de la Syro-Palestine, car l’indépendance de celle-ci lui était nécessaire pour la poursuite de ses buts politiques. Il ne pouvait en aucun cas désirer voir la souveraineté assyrienne remplacée par celle de l’Égypte, tout comme Néco, de son côté, ne pouvait permettre à un nouveau pouvoir régional de s’élever en Palestine s’il devait subjuguer la Syro-Palestine.

Le combat se déroula près de Meguiddo, comme nous le rapporte le second livre des Rois, au chapitre 23. À ce moment, Josias était apparemment déjà en possession d’une partie de la province de Galilée dont faisait partie Meguiddo, et à cet endroit stratégiquement favorable, il essaya de stopper le pharaon Néco. Cette tentative fut un échec : la bataille fut courte et Josias fut mortellement blessé. Lisons ensemble comment le second livre des Chroniques, au chapitre 35, nous rapporte cet événement :

« Après tout cela, après que Josias eut restauré la maison de l’Éternel, Néco, roi d’Égypte, monta pour combattre à Karkemich sur l’Euphrate. Josias sortit à sa rencontre. Néco lui envoya des messagers pour lui dire : Qu’ai-je à faire avec toi, roi de Juda? Ce n’est pas contre toi que je viens aujourd’hui : c’est contre une maison avec laquelle je suis en guerre. Dieu m’a dit de me hâter. Ne t’oppose pas à Dieu, qui est avec moi, de peur qu’il ne te détruise. Mais Josias ne se détourna pas de lui, et il se déguisa pour combattre sans écouter les paroles de Néco, qui venaient de la bouche de Dieu. Il vint pour combattre dans la vallée de Meguiddo. Les archers tirèrent sur le roi Josias, et le roi dit à ses serviteurs : Transportez-moi, car je suis au plus mal. Ses serviteurs le transportèrent dans son char, le mirent dans son deuxième char et l’amenèrent à Jérusalem. Il mourut et fut enseveli dans les tombeaux de ses pères » (2 Ch 35.20-24).

Il semble néanmoins que la tactique de Josias ait réussi à retarder Néco suffisamment, de telle sorte que, lorsque les Égyptiens arrivèrent à Karkémish, sur la rive de l’Euphrate, les Babyloniens avaient déjà vaincu les Assyriens et les avaient écartés à tout jamais de la scène de l’histoire. Les Égyptiens se servirent de cette situation pour s’installer en Syrie et en Palestine, tandis que Babylone tâchait de trouver une stabilité pour son empire à l’est de l’Euphrate. D’après le second livre des Rois, les habitants de Juda prirent l’initiative de couronner le fils de Josias, Yoahaz (2 R 23.30). Celui-ci semble avoir été un membre du parti probabylonien dans Juda. Il semble en effet qu’il y a eu deux partis dans ce petit royaume : ceux qui favorisaient les Égyptiens (et qui furent renforcés dans leur conviction après la bataille de Meguiddo), et ceux qui voyaient en Babylone la nouvelle puissance régionale en pleine expansion.

Cependant, à peine trois mois après le couronnement de Yoahaz, ce jeune roi installé sur le trône fut déposé pour une forme d’insubordination et amené dans la capitale provinciale de l’Égypte en Syrie, la ville de Ribla, et de là en Égypte même, où il mourut. Ceci nous est rapporté au deuxième livre des Rois, chapitre 23 :

« Le pharaon Néco l’enchaîna à Ribla, dans le pays de Hamath, pour qu’il ne règne plus à Jérusalem; il imposa au pays une contribution de cent talents d’argent et d’un talent d’or. Le pharaon Néco établit roi Éliaqim, fils de Josias, à la place de son père Josias, et il changea son nom en celui de Yehoyaqim. Il fit prisonnier Yoahaz qui vint en Égypte et y mourut » (2 R 23.33-34).

En échange donc de la promotion du frère de Yoahaz, Néco imposa à Éliaqim ou Yehoyaqim une taxe exorbitante, contre laquelle le peuple nourrissait de très forts sentiments d’amertume. Yehoyaqim allait régner de 609 à 597. Nous verrons quels furent les événements principaux qui marquèrent son règne. Mais intéressons-nous pour le moment au conflit qui opposa directement l’Égypte à Babylone.

Quatre ans après la bataille de Meguiddo, une autre bataille, décisive, prit place entre Babylone et l’Égypte à Karkémish. Jusqu’à une date récente, le chapitre 46 du livre de Jérémie ainsi que quelques remarques faites par l’historien antique Josèphe, étaient les seuls documents disponibles relatant cet événement. Cependant le récent déchiffrage du livre des Chroniques des rois chaldéens (et qui couvre la période s’étendant entre 626 et 556 avant Jésus-Christ), ont rendu possible de mieux comprendre ce qui s’est passé à Karkémish. Nabopolassar, roi de Babylone, étant vieux et malade, envoya le jeune prince héritier Neboukadnetsar à la rencontre des Égyptiens à Karkémish, sur la rive droite de l’Euphrate. Les Égyptiens furent défaits et leur armée complètement mise en pièces. Nous ne savons pas si Néco lui-même était présent auprès de son armée lors de cette bataille. Toujours est-il que la victoire des Babyloniens fut complète et marqua la fin du pouvoir égyptien en Syrie et en Palestine. Neboukadnetsar poursuivit les Égyptiens jusqu’à Hamath, en Syrie, et peut-être même le long de la côte méditerranéenne, comme le chapitre 46 du livre du prophète Jérémie semble l’indiquer. Très vite, le roi de Juda Yehoyaqim devint tributaire de Neboukadnetsar, lequel était, après sa victoire sur les Égyptiens, en état de marcher à travers toutes les provinces syro-palestiniennes.

Voyons maintenant quelle fut à partir de là la relation entre Neboukadnetsar et Juda, en nous intéressant au premier siège de Jérusalem par les Babyloniens, sans jamais perdre de perspective que Dieu seul gouverne l’histoire et que tous ces événements n’arrivent pas gratuitement, mais sont inclus dans son plan souverain.

Rien ne semblait pouvoir arrêter la montée de l’Empire babylonien et de son roi, Neboukadnetsar, qui étendit ses possessions vers l’ouest, c’est-à-dire en Syro-Palestine, mettant par la même occasion le petit royaume de Juda sous sa coupe. Quelle fut la relation entre Juda et les Babyloniens?

De 605 jusqu’à la fin de son règne en 598, Yehoyaqim eut de sérieux problèmes avec les Babyloniens. Neboukadnetsar, leur nouveau roi, succéda vraisemblablement à son père Nabopolassar en septembre 605, même si la première année officielle de son règne ne commença qu’au début de l’année nouvelle, selon le calendrier babylonien, c’est-à-dire en avril 604. Cependant, dès novembre 604, Neboukadnetsar avait progressé suffisamment vers le sud de la Palestine pour être en état de prendre des trésors ainsi que des otages de la ville de Jérusalem, le jeune Daniel et ses amis étant parmi les plus notables des captifs judéens (le début du livre du prophète Daniel, dans l’Ancien Testament, rapporte ces faits). D’après 2 Chroniques 36.5-7, il semble que Yehoyaqim ait lui aussi été fait prisonnier par Neboukadnetsar et qu’il ait été emmené à Babylone en tant que vassal soumis, ayant fait des promesses solennelles de loyauté envers son nouveau suzerain. Il s’engageait notamment à ne plus essayer de s’allier avec Néco contre la suprématie babylonienne.

Bien que Yehoyaqim retint son trône, le retour des Babyloniens en Syrie en l’an 604 et jusqu’à Askalon sur la côte méditerranéenne en 603, ainsi qu’une attaque frontale avec Néco à la frontière de l’Égypte en 601, ne permirent pas à Juda de mettre fin à sa vassalité vis-à-vis de Babylone. Comme le combat ayant opposé les troupes de Neboukadnetsar aux Égyptiens fut cette fois mitigé, les deux armées s’étant retirées après avoir souffert de sévères pertes, il est possible que Yehoyaqim en ait profité pour suspendre le paiement du tribut qui avait été imposé par Neboukadnetsar au royaume de Juda. Bien que le roi de Babylone n’ait pas envoyé son armée de conquête à Jérusalem pendant plusieurs années, il incita des bandes de pillards chaldéens, soutenus par des Moabites, des Ammonites et des Syriens, à effectuer des raids sur Juda. C’est ce dont semble se faire l’écho le chapitre 49 du livre du prophète Jérémie. Au cours de cette guérilla, le règne de Yehoyaqim fut soudainement interrompu par la mort du jeune roi, le 6 décembre 598, dans des circonstances qui nous sont inconnues, bien qu’il soit possible que cela ait eu lieu au cours d’une bataille.

Pour certains cependant, il est possible qu’il ait été assassiné par un parti qui lui reprochait de faire mal voir Juda aux yeux des Babyloniens; les conspirateurs auraient tenté de cette manière d’assouplir le traitement que Babylone faisait subir à Juda. Quoi qu’il en soit, d’après la Bible, le règne de Yehoyaqim avait été caractérisé par une politique égoïste causant oppression et injustice. La mort du roi fut l’accomplissement d’un jugement divin dont il avait fait l’objet et que le prophète Jérémie avait exprimé sans ambages.

Au livre du prophète Jérémie, nous lisons les paroles suivantes où apparaît très nettement le contraste entre la conduite de Yehoyaqim et celle de son père, le roi juste Josias qui obéit à la loi de l’Éternel :

« Malheur à celui qui bâtit sa maison en dépit de la justice, et ses chambres hautes en dépit du droit; qui fait travailler son prochain pour rien, sans lui donner son salaire; qui dit : Je me bâtirai une maison de vastes dimensions et des chambres spacieuses; et qui s’y fait percer des fenêtres, la lambrisse de cèdre et l’enduit de couleur rouge! Est-ce que tu règnes parce que tu as de la passion pour le cèdre? Ton père ne mangeait-il pas, ne buvait-il pas? Mais il pratiquait le droit et la justice, de la sorte tout allait bien pour lui; il jugeait la cause du malheureux et du pauvre, de la sorte tout allait bien pour lui; n’est-ce pas là me connaître? Oracle de l’Éternel. Mais tu n’as des yeux et un cœur que pour ton intérêt, pour répandre le sang de l’innocent et pour exercer une oppression écrasante. C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel sur Yehoyaqim, fils de Josias roi de Juda : on ne lui fera pas de funérailles, en disant : Hélas, mon frère! Hélas mes sœurs! On ne lui fera pas de funérailles, en disant : Hélas, seigneur, hélas, sa majesté! Il aura la sépulture d’un âne, il sera traîné et jeté hors des portes de Jérusalem » (Jr 22.13-19).

Rappelons-nous aussi que c’est en l’an 605, durant la quatrième année de son règne, que le rouleau contenant la prophétie de Jérémie avait été lu en présence du roi Yehoyaqim, qui l’avait découpé en morceaux et jeté au fur et à mesure dans le feu, attirant sur lui un jugement de même nature. Ceci nous est rapporté au chapitre 36 du livre de Jérémie où nous lisons :

« La parole de l’Éternel fut adressée à Jérémie en ces mots, après que le roi eut brûlé le rouleau avec les paroles que le secrétaire Baruch avait écrites sous la dictée de Jérémie : Prends de nouveau un autre rouleau, et tu y écriras toutes les paroles qui étaient dans le premier rouleau qu’a brûlé Yehoyaqim, roi de Juda. Et contre Yehoyaqim, roi de Juda, tu diras : Ainsi parle l’Éternel : C’est toi qui as brûlé ce rouleau en disant : Pourquoi y as-tu écrit ces paroles : Le roi de Babylone viendra certainement, il détruira ce pays et il en fera disparaître hommes et bêtes? C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel contre Yehoyaqim, roi de Juda : Aucun des siens ne siégera sur le trône de David, et son cadavre sera exposé à la chaleur pendant le jour et au froid pendant la nuit. J’interviendrai contre lui, contre sa descendance et ses serviteurs à cause de leur faute et je ferai venir sur eux, sur les habitants de Jérusalem et sur les hommes de Juda tout le malheur que je leur ai annoncé, sans qu’ils m’écoutent » (Jr 36.27-31).

Nous nous souvenons également que c’est durant les premières années du règne de Yehoyaqim que Jérémie avait proclamé sans peur dans le parvis du temple que ce même temple serait réduit en ruines. Puis en l’an 605, à la faveur d’une situation historique particulière, Jérémie avait mis par écrit sa prophétie.

À la mort de Yehoyaqim, en 598, la politique anti-babylonienne très précaire de Juda reposait désormais dans les mains d’un jeune homme de 18 ans, Yehoyakin, fils de Yehoyaqim. Le règne de Yehoyakin n’allait cependant durer que trois mois. Apparemment, ayant compris la futilité de résister à une puissance aussi forte que Babylone, le jeune roi se rendit le deuxième jour du mois d’Adar, la septième année du règne de Neboukadnetsar, c’est-à-dire le 16 mars 597. En conséquence, les Babyloniens dépouillèrent le temple de Jérusalem ainsi que les trésors royaux. Yehoyakin et sa mère furent emmenés prisonniers. Les accompagnèrent dans leur exil des officiels du palais, des officiers royaux, des artisans et les notables les plus en vue de Jérusalem. Le prophète Ézéchiel était parmi eux. Alors que la fois précédente, en 605, les Babyloniens n’avaient pris que des otages, cette fois-ci il s’agissait d’un exil massif du royaume de Juda, avec pas moins de 10 000 personnes exilées. Cet exil est rapporté en détail en 2 Rois 24.10-17.

À la place de Yehoyakin, Neboukadnetsar mit sur le trône de Juda un homme de 21 ans du nom de Mattania, oncle du jeune roi déposé, donc fils lui aussi de Josias. Comme signe de sa suzeraineté sur Mattania, Neboukadnetsar lui donna un autre nom, celui de Sédécias. Il était désormais vassal et avait solennellement juré allégeance à Neboukadnetsar, comme le souligne 2 Chroniques 36.13. Il est possible que Sédécias ait appartenu au parti probabylonien en Juda, et même qu’il ait été une sorte de régent ou gouverneur, alors que Yehoyakin était déjà considéré comme le roi officiel.

On aurait pu s’attendre à ce que les expériences des années 598-597 aient rendu Juda obéissante et docile vis-à-vis de Babylone, au moins pour un certain temps. Mais il n’en fut rien! Le règne de Sédécias, de 597 à 587, ne vit qu’une agitation continuelle et des tentatives de sédition, jusqu’à ce que la nation, apparemment sur la pente de l’auto-destruction, parvint à causer sa propre ruine. Au bout de dix ans, la fin était arrivée. La folie de Yehoyaqim avait coûté cher à Juda. Certaines de ses villes principales, comme Lakish et Debir, avaient été prises et ravagées par les armées de Neboukadnetsar. Le territoire de Juda était vraisemblablement réduit par la perte de contrôle sur le Négueb, au sud, son économie était paralysée et sa population réduite de façon dramatique. Bien que le nombre des déportés, environ 10 000, ne semblât pas large, il l’était proportionnellement à la population totale; ces déportés représentaient aussi l’élite gouvernante du pays.

Les nobles qui servaient Sédécias étaient des hommes à la vision réduite et de petit caractère, comme le prophète Jérémie l’exprime clairement au chapitre 24 du livre du même nom : il reçoit de l’Éternel la vision de deux paniers contenant chacun des figues; mais alors que les figues contenues dans le premier panier sont de bonne qualité, celles contenues dans le second panier sont pourries et immangeables. Or, ces mauvaises figues sont expressément la figure de Sédécias, de ses ministres et du reste des habitants de Jérusalem. Tous ces facteurs, ajoutés à de sérieuses faiblesses de caractère, contribuèrent à faire de Sédécias un roi trompeur et inepte. Ses défauts peuvent être vus dans la manière dont il envisagea ses relations avec le prophète Jérémie et le roi Neboukadnetsar.

Voyons comment se déroula son règne et quelle en fut la fin désastreuse. La position de Sédécias était en outre assez ambiguë dans la mesure où son neveu Yehoyakin était toujours considéré comme le roi officiel de Juda, non seulement par beaucoup de sujets du royaume, mais aussi par les Babyloniens eux-mêmes. Des textes découverts à Babylone, qui montrent que Yehoyakin était un pensionnaire à la cour de Neboukadnetsar, le nomment « roi de Juda », tandis que des jarres trouvées en Palestine portent l’inscription « Eliakim, intendant de Yehoyakin »; ceci prouve que le titre de roi couronné lui appartenait toujours. Même les Juifs qui se trouvaient à Babylone comptaient les dates et les années à partir de « l’exil du roi Yehoyakin », comme l’indique le début du livre du prophète Ézéchiel. D’après Jérémie 27, beaucoup en Juda avaient les mêmes sentiments et attendaient son retour d’exil avec impatience. L’ambiguïté de la position de Sédécias sapa sans aucun doute l’autorité dont il pouvait disposer. Mais au même moment se trouvaient vraisemblablement en Juda des nobles ayant profité de la déportation de leurs prédécesseurs et qui se considéraient comme le véritable reste de Juda auquel le pays appartenait de droit. Ceux-là commencèrent apparemment à nourrir l’espoir qu’une dynastie royale émergerait de la personne de Sédécias.

Bien qu’il ait solennellement fait serment d’allégeance vis-à-vis de Neboukadnetsar au nom de Dieu, Sédécias fut infidèle à ce serment de vassalité. Les archives babyloniennes indiquent que Neboukadnetsar eut affaire à une révolte à Babylone, ainsi qu’à d’autres troubles dans son empire, au cours des premières années du règne de Sédécias (en 595 et 594). Il semble que des éléments de l’armée aient été impliqués dans cette rébellion. Certains des déportés juifs, excités par leurs prophètes qui leur faisaient miroiter l’éventualité d’une libération prochaine, furent incités à commettre des actes de désordre et semblent avoir pris part à la révolte. Bien que nous ne connaissions pas l’étendue de cette sédition, certains des prophètes juifs furent exécutés par Neboukadnetsar en raison des propos qu’ils tenaient, comme le rapporte le chapitre 29 du livre du prophète Jérémie.

Il est très probable que l’état de préoccupation de l’empereur vis-à-vis de ces événements souleva l’espoir des Judéens que l’Empire babylonien disparaîtrait sous peu. La conséquence en fut qu’au cours de sa quatrième année de règne, Sédécias rompit son serment d’allégeance à Neboukadnetsar en entrant dans une alliance avec Édom, Moab, Ammon, Tyr et Sidon. De faux prophètes leur assurèrent le succès de cette entreprise, mais le prophète Jérémie avertit ces nations ainsi que Sédécias contre la coalition qu’ils mettaient sur pieds. La coalition ne déboucha cependant pas sur une révolte ouverte contre Babylone, mais il est certain qu’elle y éveilla de forts soupçons quant à la loyauté de Sédécias. Certains pensent que l’ambassade envoyée par Sédécias à Babylone et rapportée en Jérémie 29 visait précisément à donner des garanties de loyauté à Neboukadnetsar.

Cependant, en 589 avant Jésus-Christ, Sédécias se révolta ouvertement contre Neboukadnetsar. Cet événement est particulièrement souligné dans les annales de son règne, aussi bien en 2 Rois 24 qu’en 2 Chroniques 36, car il constitue la cause directe de la destruction de Jérusalem. Nous ne savons pas exactement quels actes Juda commit pour entrer de plain-pied dans cette révolte. Un accord avec l’Égypte dut certainement être conclu : les deux pharaons égyptiens régnant à cette époque étaient Psammeticus II (de 593 à 588), puis son fils Hophra (de 588 à 569). Tous deux recommencèrent une politique d’interférence en Asie. En revanche, la révolte ne semble pas avoir été générale en Palestine et en Syrie. D’après ce que nous savons, seule Tyr (que Neboukadnetsar assiégera après la chute de Jérusalem) et Ammon semblent s’être engagés. D’autres états étaient apparemment assez tièdes, voire hostiles à l’idée d’une révolte, Édom se rangeant même du côté des Babyloniens. À en juger par ses fréquentes consultations avec le prophète Jérémie, Sédécias lui-même était loin d’être sûr de son fait, mais il était incapable d’offrir une résistance à l’enthousiasme de ses nobles.

La réaction de Babylone fut rapide. D’après 2 Rois 25 et Jérémie 52, l’armée babylonienne arriva dès janvier 588 et mit le siège autour de Jérusalem. Les villes fortes de Juda furent prises l’une après l’autre jusqu’à ce que finalement seules demeurent encore, vers la fin de l’année, Lakish et Azekah. Des fouilles opérées sur le site de Lakish fournissent la preuve de la destruction que la ville dut subir durant les deux invasions babyloniennes et de la reconstruction de ses défenses entre ces invasions. Des documents découverts à cet emplacement donnent une idée de l’activité régnant juste avant le second siège : établissement d’une liaison avec Jérusalem, échange de signaux entre les villes, envoi d’une mission en Égypte. La chute d’Azekah peut être illustrée par l’une des lettres de Lakish, dans laquelle un officier responsable d’un poste d’observation écrit au commandant de la garnison de Lakish pour lui dire que les feux servant de signaux à Azekah ne peuvent plus être vus. Le moral en Juda commença à baisser, plusieurs des dirigeants pensant que la cause était perdue.

Sédécias consulta Jérémie pour savoir si l’Éternel interviendrait en sa faveur, mais le prophète répondit que la défaite était assurée. Sédécias chercha à apaiser l’Éternel en promettant de faire relâcher tous les esclaves hébreux. Probablement durant l’été 588, la nouvelle qu’une armée égyptienne était en marche força les Babyloniens à lever provisoirement le siège de Jérusalem. Il est très probable que les Égyptiens se soient mis en marche en réponse directe à l’appel lancé par Sédécias, appel reflété dans une des lettres de Lakish, laquelle nous dit que le commandant de l’armée de Juda se rendait en Égypte à ce moment. Une vague d’espoir et de détente s’empara de Jérusalem, tandis que seul Jérémie continuait à annoncer le pire. Sédécias revint alors sur sa promesse de faire libérer tous les esclaves hébreux, comme nous le lisons au chapitre 34 du livre du prophète Jérémie. Bientôt cependant les forces égyptiennes s’en retournèrent en Égypte et les Babyloniens reprirent le siège de la ville de Jérusalem.

Bien que Jérusalem ait résisté héroïquement jusqu’à l’été suivant, son sort était scellé. D’après Jérémie 38, Sédécias voulut se rendre, mais eut peur de le faire. Le 18 juillet 587, alors que les réserves de vivres venaient d’être épuisées, les Babyloniens firent la brèche dans l’enceinte de la ville et s’engouffrèrent dans Jérusalem. Avec plusieurs de ses soldats, Sédécias s’enfuit durant la nuit vers la rivière du Jourdain, espérant sans doute atteindre le territoire d’Ammon et y être, au moins temporairement, en sécurité. Mais il fut rattrapé près de Jéricho et amené devant Neboukadnetsar, à son quartier général de Riblah, en Syrie centrale. On ne lui témoigna aucune pitié. L’empereur babylonien avait fait avec lui un traité que Sédécias avait alors confirmé d’un vœu imprécatoire, c’est-à-dire qu’il avait appelé sur lui toutes sortes de malédictions au cas où il contreviendrait aux termes de ce traité. Après avoir vu ses fils exécutés devant lui, on lui creva les yeux et il fut emmené, enchaîné, à Babylone, où il mourut. Ces faits sont rapportés en détail en 2 Rois 25, ainsi qu’en Jérémie 52.

Un mois plus tard, vers le 12 ou le 15 août, Nebuzaradan, commandant de la garde de Neboukadnetsar, arriva à Jérusalem et, exécutant les ordres qu’il avait reçus, mit le feu à la ville et réduisit en monceaux ses remparts. Les trésors de la ville avaient déjà été enlevés lors du premier raid de 597. Cette fois-ci, les vases sacrés furent pris et transportés à Babylone, de même, semble-t-il, que l’arche de l’alliance, car c’était la coutume de Neboukadnetsar, en cas de victoire sur des peuples ennemis, de leur ôter tous leurs objets de vénération. Même les deux colonnes et la mer de bronze furent emportées après avoir été brisées afin que leur métal puisse être transporté à Babylone. Voilà donc quelle fut la fin du temple de Jérusalem, qui avait été la gloire d’Israël.

Certains des officiers civils et militaires ainsi que des membres du clergé et autres citoyens notables furent emmenés à Riblah devant Neboukadnetsar et exécutés sur place, tandis qu’une autre partie de la population était déportée à Babylone. L’état de Juda avait bel et bien disparu.

Si nous cherchons à tirer un enseignement de ces événements historiques intervenus il y a 2600 ans, nous pouvons nous tourner vers 2 Chroniques 36, dans l’Ancien Testament, qui donne le compte-rendu suivant du règne de Sédécias :

« Sédécias avait 21 ans lorsqu’il devint roi et il régna 11 ans à Jérusalem. Il fit ce qui est mal aux yeux de l’Éternel, son Dieu; et il ne s’humilia pas devant le prophète Jérémie, qui parlait au nom de l’Éternel. Il se révolta même contre le roi Neboukadnetsar, qui lui avait fait prêter serment par Dieu; il raidit sa nuque et endurcit son cœur au lieu de revenir à l’Éternel, le Dieu d’Israël. Tous les chefs des sacrificateurs et le peuple multiplièrent aussi les pires infidélités, suivant toutes les horribles pratiques des nations; ils profanèrent la maison de l’Éternel, qu’il avait sanctifiée à Jérusalem. L’Éternel, le Dieu de leurs pères, leur avait envoyé de bonne heure des avertissements par l’intermédiaire de ses messagers, car il voulait épargner son peuple et sa propre demeure. Mais ils se moquaient des messagers de Dieu, ils méprisaient ses paroles et se raillaient de ses prophètes, jusqu’à ce que la fureur de l’Éternel contre son peuple monte et soit sans remède. Alors l’Éternel fit monter contre eux le roi des Chaldéens (c’est-à-dire de Babylone) et tua par l’épée leurs jeunes gens dans leur temple; il n’épargna ni le jeune homme, ni la jeune fille, ni le vieillard, ni l’homme aux cheveux blancs. Il livra tout entre ses mains » (2 Ch 36.11-17).

La Bible ne laisse donc aucun doute sur l’identité et le pouvoir de celui qui contrôle les événements historiques et exerce son jugement sur les nations infidèles. C’est ce même Dieu qui restaurera 70 ans plus tard Juda et fera sortir de cette petite nation son messie, Jésus-Christ, appelé à régner non seulement sur Juda, mais sur toutes les nations de la terre.