Cet article sur Amos 4:11-13 a pour sujet le défi adressé à Israël de se préparer à la rencontre de son Dieu pour lui rendre des comptes. Il nous appelle à nous tourner vers lui dans la repentance et la conversion afin de ne pas mourir.

Source: Un prophète pour quoi faire? - Méditations sur le livre d'Amos. 4 pages.

Amos 4 - Le défi et la grâce

« Je vous ai bouleversés, comme Sodome et Gomorrhe que Dieu bouleversa, et vous avez été comme un tison arraché de l’incendie. Malgré cela, vous n’êtes pas revenus à moi, — Oracle de l’Éternel. C’est pourquoi voilà ce que je vais te faire, ô Israël! Et puisque je vais te faire cela, prépare-toi à la rencontre de ton Dieu, ô Israël! Car voici celui qui forme les montagnes et crée le vent et qui fait connaître à l’homme ses pensées, celui qui change l’aurore en ténèbres et qui marche sur les hauteurs de la terre : son nom est l’Éternel, le Dieu des armées. »

Amos 4.11-13

Le défi et la grâce sont présents, tous les deux, dans cette péricope du livre d’Amos. C’est le célèbre : « Prépare-toi à la rencontre de ton Dieu » qui les exprime.

D’abord, le défi est lancé sous forme d’ironie; ensuite la grâce, adressée telle une gracieuse invitation à la conversion.

Avec Jean Calvin et nombre de commentateurs, je crois que ce texte contient les deux successivement. Commençons par le premier.

C’est au milieu de l’euphorie générale que surgit Amos, l’étranger. Cet inconnu apparaissait subitement au milieu d’une fête religieuse célèbre par les fastes qu’affectionnaient les Israélites. Sur le ton d’une complainte funèbre, il entonne un chant dont aussi bien l’accent que le contenu jettent le trouble dans l’assemblée en fête. Il implique en même temps l’assurance et l’imminence du jugement céleste sous la forme d’une catastrophe soudaine devant déterminer une véritable famine de la Parole divine. C’est le défi de l’opposant suprême, du combattant, qu’il faut à tout prix prendre au sérieux. Même son ironie, cet humour noir qui frôle le mépris, prouve, s’il en était encore besoin, que nous ne pouvons pas soutenir le défi, nous qui sommes des créatures frêles et prétentieuses, semblables à la grenouille de la fable qui, voulant devenir grosse comme un bœuf, s’est gonflée démesurément et a fini par éclater.

Ce que le prophète appelait un « jugement imminent », « une catastrophe prête à s’abattre », avait déjà octroyé des traites. Elles étaient au nombre de sept. L’intervention ou les interventions de la providence divine dans l’histoire récente avaient pour but d’exposer en plein jour le formalisme et la profonde vanité des manifestations religieuses. Des châtiments tels que la famine, la sécheresse, la rouille, les sauterelles, l’épidémie, la guerre, le tremblement de terre venaient comme un avertissement avant la grande confrontation directe. Mais toutes ces calamités, d’après le prophète, n’avaient qu’un but unique : ramener Israël vers Dieu, pour en finir avec l’étalage impudique d’une religiosité formaliste et vermoulue. Dieu n’en était pas dupe. Il en avait même horreur. « Et parce que vous n’êtes pas revenus à moi, dit le Seigneur l’Éternel, alors, prépare-toi à la rencontre de ton Dieu. »

Le caractère redoutable de ce discours est dû, en partie, à son imprécision. Le passé, avec ses jugements providentiels, n’est rien en comparaison avec la rencontre avec Dieu en personne. L’heure de la confrontation est venue. Ce n’est certes pas le jugement final, éternel, mais un défi préparatoire. Puisque vous me refusez, puisque vous fuyez la paix, alors vous saurez qui est le plus fort d’entre nous… Pourriez-vous seulement relever mon défi, supporter la vue de ma majesté, faire l’expérience de mon pouvoir omnipotent?

Il nous advient, à nous, gnomes du 20e siècle, de parler de Dieu plus qu’il ne faut, c’est-à-dire de vouloir le définir, le disséquer, et si possible de le manipuler. Dieu, quant à lui, nous offre une description surprenante et suffisante de sa personne et de ses attributs. Il déclare être à l’origine des montagnes; il a créé le vent; il connaît la pensée de l’homme. On ne peut absolument pas lui échapper, puisque l’univers tout entier lui est accessible. Il exerce sa souveraineté sur toute créature, sur tout ce qui nous dépasse, même sur ce qui nous demeure caché, dans le domaine de l’invisible. Comment oserions-nous tenir tête à ce défi divin? Il s’approche incessamment et nous demande de lui rendre des comptes.

Notre monde moderne ne diffère en rien de celui des contemporains du prophète. Bien sûr, notre culture dépasse à bien des égards celle du dernier millénaire avant J.-C. Depuis, nous avons fait des bonds en avant et nous sommes parvenus au sommet d’une civilisation technique telle que même les auteurs des contes de fées n’auraient pu l’imaginer. Parallèlement à la conquête de l’espace extérieur, grâce aux travaux de la neuropsychologie, nous en savons davantage sur la constitution du cerveau humain que tous les siècles qui nous ont précédés.

Mais gardons-nous de rester bouche bée devant la science moderne et de nous ranger dans le cortège des thuriféraires qui l’encensent. Non que je dédaigne toute science ou toute technologie, dont je profite comme tout un chacun. Je sais que la science et le progrès, comme le bien-être matériel dont nous pouvons jouir, sont aussi le fruit de la providence divine lorsqu’ils sont mis au service de l’homme; autrement, ils s’abattront sur lui, comme des désastres fabriqués par ses propres mains.

Je ne puis donc me laisser enivrer par tout cet acquis après avoir lu et médité le discours d’Amos. Il m’annonce celui qui est plus grand que l’homme et devant qui nous sommes ou pourrions devenir insignifiance et néant. Si les menaces qu’il profère nous confondent, nous effrayent et nous découragent, n’oublions pas que c’est un cœur paternel qui les fait, des lèvres mues par la patience, la longanimité pour être plus précis, qui les profèrent.

Dieu n’a pas cessé d’appeler l’homme dès l’instant où celui-ci, insensé, s’est abrité derrière le refuge dérisoire de quelques feuilles de figuier pour se dissimuler au regard de son Créateur. Quant à nous, nous avons usé et abusé de sa bonté, triché tels des métayers qui volent le bétail du propriétaire et qui s’enrichissent des fruits de la vigne qui leur a été confiée, mais qui ne leur appartient pas en propre. « Tournez-vous vers moi et vous vivrez, maison d’Israël. » Tournez-vous vers Dieu! voilà le grand mot. Nous en connaissons le terme équivalent : conversion, ce mot dont nous n’aimons pas entendre parler. Notre cœur endurci, qui fuit le défi de Dieu, fuit encore plus loin lorsqu’il entend l’appel au repentir. Appel, conversion et repentir sont pourtant au centre du discours d’Amos, de même que du message biblique tout entier et de toute religion qui se veut chrétienne.

Le 31 octobre 1517, Martin Luther l’accrochait à la porte de l’Église de Wittenberg en Allemagne. C’était le premier mot de ses 95 thèses. La Réforme avait commencé par ces mêmes paroles. « La vie du chrétien, écrivait le grand réformateur allemand, doit être chaque jour repentance et conversion. » Plusieurs siècles plus tard, un théologien suisse écrivait :

« Le cours naturel de notre cœur et de notre volonté consiste à nous chercher nous-mêmes, comme le fait l’araignée au milieu de sa toile, guettant sa proie. Nous voulons nous placer au centre de l’univers et attirer tout à nous, comme cette araignée. Notre moi siège sur son trône et veut être servi par l’univers tout entier. Il veut être son propre seigneur et son propre dieu. Voilà l’homme naturel, l’homme qui ne s’est pas converti, l’homme sans Dieu et sans amour. Mais il peut arriver une chose qui n’arrive jamais dans la nature, où une oie ne devient jamais un canard. Il peut arriver et il arrive que cette tendance naturelle du cœur humain qui dit toujours : moi, moi, peut être détournée de façon à dire : toi, toi, et c’est alors un grand miracle. Car Jésus-Christ devient alors le centre où tout gravite. Le seul Roi légitime, Dieu, devient le Roi effectif. Il prend sur le trône la place occupée par le moi, roi rebelle. C’est une révolution prodigieuse. Dans la Bible, cela s’appelle repentance, pénitence, conversion… Où Dieu règne, il ne s’agit plus de glapir : moi, moi!, mais toi, toi!, c’est-à-dire uniquement Dieu. Toi, Dieu, tu es mon Seigneur. »

Oui, nous aurons à en tirer les conclusions. La conversion n’est pas une bonne petite affaire opportuniste, quelque chose ressemblant à un bon fauteuil où l’on pourrait se reposer une fois pour toutes, mais la mort à soi, jour après jour. Non pas une affaire terminée en un jour, mais la marche quotidienne sur le sentier rétréci et l’entrée par la porte étroite. Il faut en finir avec des questions insignifiantes et insipides du genre : Ma vie a-t-elle un sens? Où trouverai-je le bonheur? Comment me réaliser? Car la question importante, voire décisive, c’est Dieu qui la pose. C’est lui qui offre également la réponse : « Tournez-vous vers moi, pourquoi mourriez-vous? »

Si vous vous obstinez à boucher vos oreilles à l’appel de la grâce, elle peut se tourner en défi, en un défi inéluctable, car Dieu reste le seul défi inéluctable. Préparons-nous donc à le rencontrer en Jésus-Christ, l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes.