Cet article a pour sujet l'apologétique ou la défense de la foi au cours de l'histoire, en particulier la contribution de Justin Martyr, d'Origène, d'Athanase et de Jean Calvin.

Source: L'apologétique réformée. 4 pages.

Apologétique (2) - La défense de la foi au cours de l'histoire

  1. Justin Martyr
  2. Origène et Athanase
  3. Jean Calvin

L’histoire de l’Église fournit de nombreux exemples d’apologètes et d’apologétiques de types différents. Notre introduction ne s’étendra pas longuement sur ces développements historiques. L’étude de la patristique, et d’une manière plus générale l’histoire de l’Église, devrait familiariser l’étudiant à des auteurs et à des ouvrages d’apologétique chrétienne.

Au cours de l’histoire, la réponse chrétienne aux objections et à l’adversité fut diverse. Les objections au 2siècle et au 20siècle naturellement ne seront pas les mêmes. La différence fait que l’apologétique est une discipline disparate. Pour l’éviter, certains choisissaient des thèmes et délimitaient leur champ apologétique. Idéalement, l’apologétique devra coïncider avec la philosophie chrétienne. Quoi qu’il en soit, l’apologétique chrétienne a toujours occupé une place de choix au cours de l’histoire de l’Église. Les grands théologiens du passé ont été de grands défenseurs de la foi. Ils ont cherché à convaincre leurs adversaires et à justifier leurs propres positions, mais aussi à s’opposer à de fausses accusations et, souvent avec un rare bonheur, d’en démontrer l’inanité.

Au début, au cours des premiers siècles de l’Église, les chrétiens étaient constamment la cible d’attaques malveillantes, non seulement des forces de l’État hostile, mais encore celles, violentes, des penseurs païens. Il a fallu également défendre la foi lors des débats théologiques internes à l’Église. Ainsi à propos de l’incarnation, de la naissance virginale, de la mort et de la résurrection du Christ et de celle des fidèles, il y a eu d’âpres et violents débats. La résurrection de la chair que professaient les chrétiens paraissait incompatible avec la théorie platonicienne de l’immortalité des âmes. Un certain nombre de questions toutes spéculatives surgissaient aussi. L’exemple suivant pourra certes amuser, mais citons-le. On se demandait sous quelle forme un martyr allait ressusciter, s’il était dévoré par un lion, lequel à son tour serait dévoré par une autre fauve! Pour l’heure, l’Église ne semblait pas être en mesure de répondre adéquatement même à une question aussi saugrenue. Elle n’avait pas formulé une doctrine adéquate et clairement suffisante. Elle n’avait pas encore bien saisi le sens des paroles de saint Paul selon qui « la chair n’héritera pas le Royaume » (1 Co 15.50). Car la chair détruite ne sera pas la matière d’où sera issue notre résurrection. La résurrection de la chair, ou du corps, sera un acte puissant et miraculeux du Dieu Sauveur. Ce sera la personnalité du chrétien qui renaîtra, non sa chair détruite.

Parmi les illustres défenseurs apologètes des premiers temps de l’Église, mentionnons notamment Justin Martyr, Origène, Athanase, Augustin; plus tard, Thomas d’Aquin; à la Réforme bien entendu, le plus grand, Jean Calvin. Plus près de nous, des théologiens tels qu’Auguste Lecerf en France, Benjamin Warfield et Cornelius Van Til aux États-Unis, pour n’en citer que quelques-uns seulement.

1. Justin Martyr🔗

Justin Martyr, au début du 2siècle, fut le premier, suivi d’autres, à entreprendre la défense systématique de la foi contre ses accusateurs et ses détracteurs. De très graves accusations étaient répandues sur le compte des chrétiens; ceux-ci étaient tenus coupables de pratiques d’inceste et de cannibalisme (à cause du manger la chair et boire le sang du Christ). Plus raisonnable pouvait être l’accusation selon laquelle les chrétiens étaient des traîtres à la patrie en refusant de servir l’empereur, se considérant « étrangers et voyageurs sur terre » et ne prenant aucune part aux affaires de la cité terrestre. Le refus de sacrifier aux idoles passait pour être une preuve flagrante d’athéisme. Le discours eschatologique et l’annonce du jugement dernier leur collaient la réputation de révolutionnaires ou d’incendiaires sociaux. Justin est l’auteur de la première et de la seconde Apologie. Il y entreprend la réfutation d’accusations d’immoralité.

2. Origène et Athanase🔗

Origène, dans Contra Celsum, et Athanase, lors de la controverse arienne, débattirent de la question de la filiation divine du Christ. Rappelons aussi qu’à cette époque, l’apologétique n’était pas l’affaire réservée à la seule élite intellectuelle. Tous les chrétiens prenaient part à la défense de la foi révélée. Les « laïcs » pouvaient souvent être les meilleurs évangélistes et défenseurs de la foi révélée. Pour cela, ils avaient besoin d’arguments solidement bibliques. Preuve que notre propre foi de membres de l’Église actuelle de cette génération ne peut se passer d’une défense intelligente de la foi, même si la forme des objections et des accusations a changé depuis le 2siècle. Aujourd’hui encore, selon l’exhortation de Pierre, nous devons donner la raison de l’espérance qui est en nous.

3. Jean Calvin🔗

Les chrétiens réformés sont les bénéficiaires d’une pensée théologique, d’un héritage spirituel et d’une méthode d’apologétique insurpassable en la pensée du génial réformateur français, Jean Calvin. Nous n’analyserons pas ici dans le détail la pensée théologique du réformateur. Il suffit de rappeler son œuvre d’apologète dès la première page de l’Institution de la religion chrétienne, adressée à François 1er de France.

Selon Thomas Torrance, la méthode de Calvin peut se considérer comme relevant d’une entreprise scientifique des plus originale et des plus rigoureuse, autant que d’une exceptionnelle fidélité biblique. Grâce à son esprit et à sa méthode, soutient Torrance, Calvin a jeté les fondements mêmes de l’épistémologie (la science du savoir, du comment peut-on savoir) moderne et par là de la science moderne. Humaniste avant sa conversion à l’Évangile, Calvin connaissait parfaitement les faiblesses et les erreurs ainsi que l’échec de la philosophie humaniste. Selon lui, seule la révélation permet la connaissance de Dieu et de nous-mêmes ainsi que de la réalité créée. Non seulement Dieu accorde la connaissance des faits, de la réalité créée, mais encore offre-t-il une interprétation absolument correcte de ces faits; car même le sens d’un caillou s’inscrit dans la révélation. En cela, Calvin se distingua à la fois des humanistes contemporains et de toutes les époques, et des théologiens romains ou protestants ultérieurs que, par commodité, nous appellerons des fidéistes. Il s’est élevé à la fois contre l’objectivisme scolastique de Thomas d’Aquin et le subjectivisme de Guillaume d’Occam.

Pour le théologien réformé, la possibilité de toute connaissance, celle de Dieu, de nous-mêmes, ainsi que de la réalité créée, est exclusivement possible grâce à la révélation. Là se trouvent les preuves suffisantes et les arguments valables de notre foi. Là aussi se trouvent les armes pour un système de défense de la foi au Dieu trinitaire, révélé comme Père, Fils et Saint-Esprit. Au début de l’Institution, Calvin se demande de quelle manière l’homme se connaît et connaît Dieu. Reconnaissant que la priorité de la connaissance de soi est plausible, néanmoins il conclut qu’au préalable l’homme est tenu à connaître Dieu, avant de connaître réellement.

La néo-orthodoxie affirme que Dieu élude la compréhension intellectuelle. Le langage humain est inadéquat pour la théologie; la vérité est subjective, la religion une affaire de dévouement passionnel. Comme les thomistes, la connaissance de Dieu sera ainsi réduite à des négations et à des analogies. Calvin maintient que la Parole était au commencement, la raison éternelle de Dieu; dès lors, on ne peut alléguer d’une logique divine s’opposant à une logique humaine. Deux et deux font quatre pour Dieu comme pour l’homme. Si Dieu a donné le don du langage en vue de comprendre une révélation verbale, alors ce langage est adéquat pour toute théologie.

Nous observons que, dans les débats actuels, non seulement les arguments non chrétiens, mais encore catholiques romains et néo-orthodoxes, aussi plausibles puissent-ils paraître, se fondent sur des prémisses autres que Dieu. Essentiellement, ces positions sont, même inconsciemment, anti-théistes. Elles doivent choisir entre Augustin et la sécularisation, une position délibérément anti-théiste. Cette position est réduite au scepticisme par sa totale incapacité à justifier des vérités universelles et nécessaires, y compris les formes de la logique. Notre façon de défendre la foi chrétienne doit se conformer aux normes bibliques. Pour le théologien présuppositionaliste, seule une telle méthode répond aux normes véritablement scripturaires. Lorsqu’Augustin affirme : « Je crois afin de comprendre », il pose le postulat fondamental de toute apologétique présuppositionnelle; car, dans la perspective biblique, la foi précède toujours l’intelligence. On ne saura échapper à cette règle. La vérité qui fonde la méthode d’apologétique présuppositionnelle se trouve dans la Bible.

Ainsi que le dit Calvin : « Il faut bien dire que tous ceux qui ne trouvent point saveur en leur doctrine [celle des prophètes], sont par trop dégoûtés et par trop stupides.1 » Ici, Calvin reconnaît clairement que I’absence de connaissance à salut doit être attribuée à un problème se rapportant au pécheur lui-même. Car les tendances (ou les pensées) de la chair sont ennemies de Dieu, parce que la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu, et elle en est même incapable. C’est uniquement dans ce que déclare l’Écriture que l’homme peut véritablement commencer à comprendre Dieu tel qu’il est (un Dieu à la fois saint et Créateur). Ainsi qu’il écrit encore : « De là, on peut bien conclure que les hommes ne sont jamais assez touchés et émus du sentiment de leur pauvreté jusqu’à ce qu’ils se soient comparés à la majesté de Dieu. » Une connaissance vraie de Dieu ne peut nous venir que de la révélation que Dieu nous donne de lui-même dans les Écritures. Calvin affirme que si, dans un certain sens, tous les hommes connaissent Dieu comme Créateur et Juge, cela est dû à l’opération de la grâce commune dans leur cœur :

« Voilà ce qu’est la vraie et pure religion : à savoir la foi conjointe avec une vive crainte de Dieu, en sorte que la crainte comporte sous soi une révérence volontaire, et tire avec soi un service tel qui lui appartient, et tel que Dieu même l’ordonne en sa loi. Et d’autant plus est ceci à noter, que tous indifféremment font honneur à Dieu, et bien peu le révèrent vu que tous montrent belle apparence, mais bien peu s’y adonnent de cœur.2 »
« Nous mettons hors de doute que les hommes aient un sentiment de divinité en eux, même d’un mouvement naturel. Car, afin que nul ne cherchât son refuge sous titre d’ignorance, Dieu a imprimé en tous une connaissance de soi-même, de laquelle il renouvelle tellement la mémoire, comme s’il en distillait goutte à goutte, afin que quand nous connaissons depuis le premier jusqu’au dernier qu’il y a un Dieu, et qu’il nous a formés, nous soyons condamnés par notre propre témoignage, de ce que nous ne l’aurons pas honoré, et que nous n’aurons pas dédié notre vie à lui.3 »

L’autorité de l’Écriture provient de Dieu lui-même : c’est une autorité qui se confirme par elle-même.

« Quant à ce que ces canailles demandent d’où et comment nous serons persuadés que l’Écriture est procédée de Dieu, si nous n’avons refuge au décret de l’Église, c’est autant comme si quelqu’un s’enquérait où nous apprendrons à discerner la clarté des ténèbres, le blanc du noir, le doux de l’amer.4 »

L’apologétique de Calvin est manifestement présuppositionnelle.

Notes

1. Institution, 1.8.2.

2. Institution, 1.2.2.

3. Institution, 1.3.1.

4. Institution, 1.7.2.