Cet article a pour sujet l'universalité du chant des Psaumes d'après le contexte d'Éphésiens 5.19 et Colossiens 3.16, les caractéristiques de la poésie hébraïque et la pratique dans l'histoire de l'Église.

Source: Réflexion sur le chant des Psaumes. 7 pages.

Le chant des Psaumes hier et aujourd'hui

  1. Un riche héritage légué à l’Église universelle
    a. Colossiens 3.16
    b. Éphésiens 5.19
  2. Une parole encore pour nous aujourd’hui
  3. Des caractéristiques de la poésie hébraïque
  4. Le chant des Psaumes dans l’histoire de l’Église
    a. Durant l’Ancien Testament
    b. Pendant les premiers siècles
    c. Au Moyen-Âge
    d. Au temps de la Réforme
    e. Après la Réforme
    f. Au 18siècle
    g. Aux 19e et 20siècles
    h. Après la 2guerre mondiale
  5. Un élément clé de la piété réformée

Nous avons déjà vu le sens des mots « psaumes », « hymnes » et « cantiques spirituels » dans Éphésiens 5.19 et Colossiens 3.16 ainsi que la signification de l’exhortation apostolique contenue dans ces deux passages1. Pour nous faire découvrir un peu plus la richesse et la sagesse du plan de Dieu pour l’Église universelle concernant le chant des Psaumes, nous devons regarder au contexte plus large dans lequel Paul a donné ces exhortations. La signification théologique des Psaumes et les caractéristiques de la poésie hébraïque nous permettront également de mieux apprécier la portée universelle du chant des Psaumes. Nous ferons enfin un survol de la pratique du chant des Psaumes hier et aujourd’hui.

1. Un riche héritage légué à l’Église universelle🔗

a. Colossiens 3.16🔗

L’épître aux Colossiens célèbre la suprématie du Christ et l’étendue cosmique de son œuvre de rédemption (Col 1). Par le ministère de l’apôtre Paul, Dieu a fait connaître la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens. Le but de l’apôtre est d’avertir et d’instruire « tout homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait en Christ » (Col 1.28). Paul se réjouit donc de ce que l’Évangile soit parvenu chez les Colossiens et qu’il fasse « des progrès dans le monde entier » (Col 1.6). Unis à Jésus-Christ ressuscité, l’homme nouveau est appelé à vivre la vie nouvelle (Col 3). Ces exhortations de l’apôtre à vivre la vie nouvelle ont une portée universelle. « Il n’y a là ni Grec ni Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni barbare ni scythe, ni esclave ni libre; mais Christ est tout et en tous » (Col 3.11).

C’est dans ce contexte que nous trouvons cette belle exhortation apostolique :

« Que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos cœurs. Soyez reconnaissants. Que la parole du Christ habite en vous avec sa richesse, vous instruisant et vous exhortant réciproquement, en toute sagesse, par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels; chantant à Dieu de tout votre cœur par la grâce » (Col 3.15-16).

Puisque la suprématie du Christ s’étend à l’univers et que son œuvre de rédemption est parfaite et adéquate pour tout homme de toute époque et de toute culture, c’est l’Église universelle qui reçoit ces exhortations à vivre la vie nouvelle. La Parole du Christ habitera pleinement dans son Église entre autres lorsque son Église s’instruira et s’exhortera par les psaumes, par les hymnes et par les cantiques spirituels et qu’elle les chantera à Dieu de tout cœur. Le chant des Psaumes dans l’Église du Nouveau Testament célèbre le règne universel de notre grand Roi (Ps 2) et l’œuvre parfaite de notre Souverain Sacrificateur, assis à la droite de Dieu, qui étend son règne universel et exerce le jugement parmi les nations (Ps 110). Nous avons donc toutes les raisons de chanter en tout lieu à la gloire de Dieu les Psaumes de l’Ancien Testament qui contiennent les paroles de notre Seigneur universel.

b. Éphésiens 5.19🔗

L’épître aux Éphésiens célèbre la catholicité de l’Église. Autrefois, les païens étaient sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse. Mais maintenant, en Jésus-Christ, ceux qui étaient loin sont devenus proches par le sang du Christ. Le mur de séparation entre juifs et païens a été aboli. Désormais, Jésus-Christ a créé en sa personne un seul homme nouveau. Les païens sont maintenant « concitoyens des saints » (Ép 2.19). En Jésus-Christ, qui est la pierre de l’angle, « tout l’édifice s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous aussi, vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu en Esprit » (Ép 2.11-22).

L’Esprit de Dieu n’habite plus dans le Temple de Jérusalem, mais dans un Temple nouveau répandu sur toute la terre. La vocation de l’apôtre auprès des païens est universelle, car il a reçu une plénitude de la révélation du mystère qui avait auparavant été gardé caché (Ép 3.1-13). Ainsi, désormais, « les païens ont un même héritage, forment un même corps et participent à la même promesse en Jésus-Christ par l’Évangile » (Ép 3.6). Parmi ce riche héritage, nous avons reçu l’ensemble de l’Ancien Testament, incluant le Psautier qui était le recueil de chants donné à Israël et qui est maintenant légué à l’Église universelle. « À lui la gloire dans l’Église et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles » (Ép 3.21). La vie nouvelle de l’homme nouveau recréé en Jésus-Christ et renouvelé par le Saint-Esprit est à la fois un merveilleux don de la grâce et un appel exigeant adressé à toute l’Église de tous les temps (Ép 4 et 5).

C’est dans ce contexte où nous trouvons la belle exhortation apostolique :

« Soyez remplis de l’Esprit, vous entretenant par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels, chantant et psalmodiant de votre cœur au Seigneur, rendant toujours grâce pour tout à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ » (Ép 5.19).

Le nouveau Temple de Dieu est appelé à être rempli de l’Esprit, encore plus que l’ancien Temple de Jérusalem, là où les Psaumes étaient souvent chantés. Depuis l’accomplissement des promesses du Sauveur annoncées et célébrées d’avance par le peuple d’Israël dans les psaumes, dans les hymnes et dans les cantiques de l’Ancien Testament, l’Église du Nouveau Testament a désormais encore plus de raisons de célébrer les œuvres magnifiques de leur Seigneur et Sauveur, par les mêmes psaumes, hymnes et cantiques spirituels. Le nouveau Temple de Dieu est appelé à être rempli du Saint-Esprit et ainsi à chanter et psalmodier les louanges du Seigneur par les psaumes, les hymnes et les cantiques à l’honneur de notre Sauveur Jésus-Christ.

Cette exhortation de l’apôtre Paul à chanter les Psaumes de l’Ancien Testament ne vise donc pas à garder les croyants à l’époque juive de l’Ancien Testament. Elle n’est pas non plus limitée à une époque, à une culture ou à un lieu particulier. Cette exhortation est universelle, car Dieu est digne d’être adoré et chanté dans son nouveau Temple en tout lieu et à toute époque. Les Psaumes de l’Ancien Testament eux-mêmes annonçaient prophétiquement que les nations de toute la terre allaient un jour célébrer et psalmodier en l’honneur de Dieu, comme Paul nous le confirme en Romains 15.9 en citant le Psaume 18.50 : « Les païens glorifient Dieu pour sa miséricorde, selon qu’il est écrit : C’est pourquoi je te confesserai parmi les nations, et je psalmodierai en l’honneur de ton nom. »

2. Une parole encore pour nous aujourd’hui🔗

Évidemment, des questions pratiques se posent. Comment les croyants peuvent-ils chanter dans leur langue et avec des mélodies appropriées de vieux Psaumes écrits en hébreu et autrefois chantés sur des mélodies que nous n’avons plus aujourd’hui? Nous ne sommes pas la première génération à nous poser cette question. La recommandation de Paul donnée aux Églises d’Éphèse et de Colosses s’adressait à des croyants d’Asie Mineure qui étaient en majorité d’origine non juive. Sans doute peu d’entre eux pouvaient lire ou chanter les Psaumes de l’Ancien Testament en hébreu. Pour qu’ils puissent psalmodier avec intelligence (1 Co 14.15), ils devaient adorer Dieu dans leur propre langue (le grec ou une langue locale). Il fallait donc qu’ils utilisent une traduction des Psaumes pour la prédication, pour l’enseignement ainsi que pour le chant en Église ou en famille. Une traduction grecque de l’Ancien Testament existait déjà (la Septante), incluant les Psaumes. Elle était en usage parmi les juifs de la Diaspora et parmi les premiers chrétiens, aussi bien d’origine juive que d’origine grecque. D’autres traductions de la Bible ont rapidement vu le jour à mesure que l’Évangile s’est répandu dans l’Empire romain et au-delà.

Pour ce qui est des mélodies employées dans les Églises d’Éphèse et de Colosses au temps de Paul, nous ne savons pas si elles étaient les mêmes que celles employées par David et le peuple d’Israël ou si elles étaient différentes. Paul n’a pas prescrit sur quelle musique chanter les psaumes, les hymnes et les cantiques spirituels. L’Église semble avoir une liberté à ce niveau. L’important était de chanter d’un cœur habité par l’Esprit qui adore et célèbre Dieu et d’une manière qui enseigne et exhorte réciproquement les frères et sœurs, avec reconnaissance au Seigneur. Cela pouvait impliquer une adaptation des mélodies juives, la composition de nouvelles mélodies ou une certaine adaptation des paroles à la mélodie. La Bible ne nous dit rien à ce sujet. Ce sujet ne semblait pas préoccuper l’apôtre envoyé auprès de toutes les nations. Paul exhorte simplement l’Église universelle à chanter les Psaumes!

Dieu a donné à son Église un magnifique recueil de chants inspirés par son Saint-Esprit et il a aussi donné à l’humanité le don de la musique, afin que Dieu soit adoré par le chant partout sur la terre. Son peuple a reçu tout ce qu’il faut pour répondre à son appel par sa grâce. Les différences de langues, de temps, de culture ou de style musical ne changent donc en rien notre obligation et notre privilège de chanter les Psaumes encore aujourd’hui.

3. Des caractéristiques de la poésie hébraïque🔗

Dans sa sagesse et sa bonté infinies, Dieu s’est servi de caractéristiques propres à la poésie hébraïque pour donner à son Église de tous les temps un recueil de chants à la fois inspiré par son Esprit Saint et facilement utilisable à toute époque et en tout lieu.

Certains Psaumes sont alphabétiques : chaque ligne commence par une nouvelle lettre de l’alphabet (Ps 9, 10, 25, 34, 37, 111, 112, 119, 145). Il est difficile de faire apparaître cette caractéristique dans une traduction moderne. Cela change toutefois peu de choses à la signification des paroles des Psaumes que nous chantons dans notre langue. D’autres Psaumes utilisent un nombre symbolique de lettres, de mots ou de groupes de mots, faciles à rendre dans une traduction (Ps 19 : sept fois « Éternel », Ps 29 : sept fois « la voix de l’Éternel »). De plus, les Psaumes utilisent fréquemment des synonymes et des expressions colorées, dont la plupart sont faciles à traduire.

La caractéristique principale de la poésie hébraïque est toutefois la suivante : Le rythme est donné par le contenu et la signification des mots (pensées et sentiments). Le rythme est libre, il n’est pas déterminé par un nombre fixe de lignes, de syllabes, de rimes ou d’accents réguliers. En hébreu, les Psaumes ne sont ni versifiés ni métriques. Par contre, le parallélisme est fréquemment employé. D’une phrase à l’autre, le contenu est répété, expliqué, amplifié, contrasté, etc., au moyen de parallélismes synonymiques, complémentaires ou antithétiques. Le rythme des mots développe une idée jusqu’à un point culminant.

Cette flexibilité permet d’exprimer une grande diversité d’émotions sous plusieurs formes. Ce type de poésie est merveilleux, car puisqu’il est basé sur le contenu des mots et des idées, il peut être facilement transposé dans toute langue sans perdre sa signification, sa beauté et sa force. Par la providence de Dieu, la poésie hébraïque est bien adaptée pour inviter toutes les nations de la terre à chanter à la gloire de son nom.

« Chantez à l’Éternel, toute la terre!
Chantez à l’Éternel, bénissez son nom,
Annoncez de jour en jour la bonne nouvelle de son salut!
Racontez parmi les nations sa gloire,
Parmi tous les peuples ses merveilles » (Ps 96.1-2).
« Je te célébrerai parmi les peuples, Éternel!
Je psalmodierai en ton honneur parmi les nations » (Ps 108.4).

4. Le chant des Psaumes dans l’histoire de l’Église🔗

La pratique du chant des Psaumes dans l’histoire de l’Église est un vaste sujet qui nécessiterait une étude approfondie. Voici à grands traits un survol rapide qui nous permettra d’identifier schématiquement les principales caractéristiques des grandes étapes de cette histoire depuis l’Ancien Testament jusqu’à aujourd’hui.

a. Durant l’Ancien Testament🔗

  • Essentiellement le chant des Psaumes.
  • Quelques autres hymnes inspirés (textes bibliques poétiques).

b. Pendant les premiers siècles🔗

  • Essentiellement le chant des Psaumes.
  • Quelques autres hymnes inspirés de la Bible, incluant des textes poétiques du Nouveau Testament.
  • Apparition de quelques hymnes non inspirés.
  • Les Conciles de Laodicée (381) et de Chalcédoine (451) interdisent le chant d’hymnes non inspirés.
  • Tertullien (2e-3s.) et Jérôme (4e-5s.) ont attesté que le chant des Psaumes était à leur époque un élément essentiel du culte d’adoration.
  • Chrysostome (4e-5s.) et Augustin (4e-5s.) l’ont vivement recommandé.

c. Au Moyen-Âge🔗

  • Déclin du chant des Psaumes par l’assemblée qui chante de moins en moins.
  • La langue latine liturgique est de moins en moins comprise par le peuple.
  • Le chant des Psaumes est conservé par les moines et le clergé (monastères, bréviaires).

d. Au temps de la Réforme🔗

Calvin et les Églises réformées :

  • Redécouverte du chant des Psaumes.
  • Retour au chant par toute l’assemblée, dans la langue du peuple.
  • Chant à l’unisson et non pas à quatre voix ni chorale.
  • Psaumes versifiés (métriques avec rimes) : Clément Marot, Théodore de Bèze.
  • Composition de musique devant refléter le contenu : Louis Bourgeois, Maître Pierre.
  • Églises du continent européen : grande variété métrique et modale (Psautier de Genève).
  • Églises de Grande-Bretagne : moins de variété (Psautier écossais).
  • Traduction et publication de différents Psautiers : Genève, Lausanne, Londres, Pays-Bas.
  • Chant sans instrument de musique.

Luther et les Églises luthériennes :

  • Composition d’hymnes, surtout basés sur des Psaumes, dans la langue du peuple.
  • Certains chants étaient des chorals à 4 voix (développé plus tard par Jean-Sébastien Bach et Georg Philipp Telemann).
  • Chant avec instruments de musique.

e. Après la Réforme🔗

  • Développement du chant des Psaumes versifiés dans les Églises réformées et presbytériennes.
  • Publication et réimpression de plusieurs Psautiers.
  • Plusieurs Psautiers avec une moins grande variété musicale que le Psautier de Genève.
  • Anglicans : chant (récitatif?) des Psaumes non métriques, surtout pour chorales.
  • Déclins et renouveaux partiels du chant des Psaumes, selon la situation des Églises, en fonction du degré d’isolement, du niveau d’éducation et de formation musicale, etc.
  • En général, les réformés et les presbytériens chantent essentiellement les Psaumes.

f. Au 18siècle🔗

  • Composition de beaucoup d’hymnes par Isaac Watts, Charles Wesley, Nicolas Louis, conte de Zinzendorf.
  • Développement du chant des hymnes, accentue davantage l’expérience de l’adorateur.

g. Aux 19e et 20siècles🔗

  • Déclin du chant des Psaumes.
  • Beaucoup d’hymnes et de chants évangéliques (« Gospel songs »).
  • Beaucoup d’expression émotive et subjective de la foi.
  • Redécouverte de grands hymnes plus anciens.
  • Paraphrase libre des Psaumes ou d’extraits de Psaumes.
  • Instruments de musique davantage employés durant les cultes.
  • L’usage des Psaumes dans les cultes se limite surtout à la lecture.
  • Quelques Églises réformées conservent le chant des Psaumes.

h. Après la 2guerre mondiale🔗

  • Renouveau liturgique et début de retour au chant des Psaumes.
  • Catholiques et anglicans : composition de musique pour Psaumes responsoriaux.
  • Protestants : redécouverte d’anciens Psautiers versifiés, compilation de nouveaux.
  • Musique de louange contemporaine, pop, rock (batterie, guitare électrique).

5. Un élément clé de la piété réformée🔗

Le chant des Psaumes est devenu le pivot du culte public réformé. Le Psautier est également devenu l’un des moyens les plus puissants pour communiquer l’essentiel de la spiritualité réformée. Les Psaumes étaient chantés en privé, en familles et en public, comme cri de ralliement des foules, comme chants de « combats » (le fameux chant du Ps 68 à lui seul a marqué des générations de huguenots) et comme chants d’espérance au milieu de persécutions. On reconnaissait les huguenots à les entendre chanter les Psaumes. Le Psautier est devenu leur manuel de vie spirituelle et a grandement contribué à solidifier leur foi et à former leur caractère au milieu de leur combat et de leurs souffrances. Il est impossible de concevoir l’histoire de la Réforme et des Églises réformées sans le chant des Psaumes.

Note

1Voir mes deux premiers articles d’une série de huit intitulés Réflexion sur le chant des Psaumes.