Cet article sur Colossiens 1.12-20, suivant le commentaire de Jean Calvin, a pour sujet la suprématie du Christ et sa divinité. Il nous a acquis la rédemption, nous faisant passer de l'obscurité à la lumière.

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Colossiens 1 - Christ l'Alpha et l'Oméga

« Rendez grâces avec joie au Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière. Il nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et tout subsiste en lui. Il est la tête du corps, de l’Église. Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude et de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix. »

Colossiens 1.12-20

Dans un autre article1, j’ai déjà résumé dans leur contexte historique et religieux les enjeux et le déroulement des grands conciles œcuméniques du 4siècle, à savoir celui de Nicée, tenu en l’an 325 de notre ère, sous l’empereur Constantin, et celui de Constantinople, qui s’est déroulé environ 75 ans plus tard, en l’an 381, sous l’empereur Théodose. Ces conciles ont marqué de manière indélébile l’expression de la foi chrétienne orthodoxe, c’est-à-dire conforme à la vérité divine révélée dans l’Écriture sainte. Aujourd’hui encore, ils représentent pour l’ensemble de la chrétienté dans le monde la pierre de touche de la foi que professent les Églises chrétiennes, par delà toutes leurs différences ou divergences. Je suis du reste persuadé que toutes les différences notables qui malheureusement existent toujours entre elles pourraient être éliminées ou du moins substantiellement réduites si le contenu de ces confessions de foi dites œcuméniques était étudié et pris très au sérieux par tous les chrétiens, et non répété ou rabâché par pur formalisme ou traditionalisme ici ou là.

Quoi qu’il en soit, je voudrais montrer dans le présent article comment la confession de Nicée-Constantinople a inspiré, plus de mille ans après qu’elle ait été émise et acceptée par les Églises, un homme comme Jean Calvin, dans son exposition d’un passage particulier du Nouveau Testament, le premier chapitre de la lettre de l’apôtre Paul aux Colossiens. Je commenterai moi-même le passage en question, en donnant très largement la parole à Jean Calvin qui a commenté en détail tous les livres du Nouveau Testament, à l’exception du dernier, l’Apocalypse de Jean.

À travers toutes ses lettres, Paul revient constamment sur une opposition, une antithèse dont il a fait directement l’expérience : l’opposition radicale entre la lumière et les ténèbres. Il en fit l’expérience sur le chemin de Damas et allait dès lors vivre pour toujours de la lumière qui l’avait d’abord aveuglé. Car Paul devait d’abord être plongé dans l’obscurité par l’apparition de Jésus-Christ dans sa vie. L’astre brillant renversant ses péchés devait d’abord l’entraîner dans l’obscurité, afin de lui manifester on ne peut plus clairement, si je puis dire, les ténèbres dans lesquelles il était plongé sans son Seigneur et Sauveur. Et puis, quelque chose comme des écailles devait tomber des yeux de Paul, comme nous le lisons dans le récit de sa conversion, au chapitre 22 du livre des Actes : un disciple du nom d’Ananias est envoyé vers lui pour lui imposer les mains afin qu’il recouvre la vue. Arrivé dans la demeure où Paul se trouve, il lui dit, au nom du Seigneur : Saul, mon frère, le Seigneur Jésus, qui t’est apparu sur le chemin par lequel tu venais, m’a envoyé pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli d’Esprit Saint. Au même instant, il tomba de ses yeux comme des écailles, et il recouvra la vue. Il se leva et fut baptisé; et, après avoir pris de la nourriture, il retrouva ses forces.

Mais qu’étaient donc ces écailles si ce n’est le voile recouvrant les yeux dont Paul lui-même parle dans le troisième chapitre de sa seconde lettre aux Corinthiens; il parle de ses compatriotes qui lisent les livres de Moïse, la Torah, mais n’y voient pas l’annonce du Christ, comme si leurs yeux étaient voilés :

« Mais ils se sont endurcis dans leurs pensées. Car jusqu’à ce jour, quand ils font la lecture de l’Ancien Testament, le même voile demeure; il n’est pas enlevé, parce qu’il ne disparaît qu’en Christ. Jusqu’à ce jour, quand on lit Moïse, il y a un voile sur leur cœur; mais lorsqu’on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevé. Or, le Seigneur, c’est l’Esprit; et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3.14-17).

Oui, liberté vis-à-vis des ténèbres, que seul le Saint-Esprit peut faire venir dans votre vie, comme dans celle de Paul. Le Saint-Esprit lui a clairement fait comprendre quelle était la nature de cette lumière intense qui l’avait aveuglé sur le chemin de Damas : le Fils de Dieu lui-même. L’Esprit Saint, venant sur Paul au moment de la venue d’Ananias, l’a illuminé afin de le rendre capable de voir cette lumière! Christ est en effet la lumière des nations, mais elles ne le saisiront jamais comme la lumière sans être d’abord illuminées par le Saint-Esprit.

Lumière et ténèbres : nous avons aussi lu quelque chose à leur propos dans le passage de la lettre de Paul aux Colossiens :

« Rendez grâces avec joie au Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière. Il nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés » (Col 1.12-13).

Y a-t-il un passage dans le Nouveau Testament qui illustre mieux le motif de la Réforme : Par Christ seulement? L’obscurité, les ténèbres se font sentir là où Jésus-Christ n’est pas tenu pour qui il est véritablement : le Fils éternel de Dieu. Dans son commentaire sur le verset 12 de ce chapitre, Calvin écrit ce qui suit :

« Paul retourne encore à l’action de grâces, afin que par cette occasion il leur rappelle quels bienfaits ils ont reçus par Christ; et par là, il entre dans la pleine description du Christ. Car c’était le seul remède pour fortifier les Colossiens contre toutes les embûches par lesquelles les faux apôtres voulaient les surprendre, à savoir de bien comprendre ce qu’est le Christ. Car d’où vient que nous sommes menés çà et là par tant d’enseignements divers, sinon de ce que nous ne connaissons pas quelle est la puissance du Christ? Car seul le Christ fait que toutes les autres choses s’évanouissent soudain. C’est pourquoi il n’y a rien à quoi Satan ne s’efforce davantage, que de mettre des brouillards au-devant pour obscurcir le Christ, parce qu’il sait bien qu’alors la porte est ouverte à tous les mensonges. Voici donc le seul moyen, tant pour comprendre et retenir, que pour rétablir la pure doctrine : c’est de mettre devant les yeux le Christ tel qu’il est, avec tous ses biens, afin que sa puissance soit vraiment ressentie. Il n’est pas question ici du nom seulement : en effet, beaucoup confessent bien avec nous un seul Christ, et cependant quelle grande différence y a-t-il entre eux et nous! Car, quant à eux, après avoir confessé que le Christ est le Fils de Dieu, ils transfèrent sa puissance aux autres, et la dispersent çà et là; ce faisant, ils le laissent quasiment vide et inutile, ou pour le moins ils le dépouillent de la plus grande part de sa gloire, en sorte que bien qu’il soit, parmi eux, nommé le Fils de Dieu, toutefois il n’est plus tel que le Père a voulu qu’il soit pour nous. Mais quiconque considérera le point principal de ce premier chapitre comprendra bien ceci sans aucune difficulté. Car Paul n’y parle rien d’autre, sinon que nous sachions que Christ est le commencement, le milieu et la fin; que c’est de lui qu’il nous faut recevoir toutes choses, et que hors de lui il n’y a rien, et qu’on n’y peut rien trouver. »

Nous verrons encore comment Calvin reste fidèle à la confession de la pleine divinité de Jésus-Christ, dans l’esprit même des Conciles de Nicée et de Constantinople dont nous avons parlé précédemment.

Ce motif de la Réforme transparaît si fortement dans le commentaire de Calvin sur les paroles de l’apôtre Paul : Par Christ seulement. Les chrétiens n’ont-ils pas parfois honte de proclamer haut et fort ce motif, craignant peut-être qu’il ne fasse de l’ombre au Père céleste? Mais la Réforme a aussi propagé cet autre motif : Par l’Écriture seulement. Or, un tel motif ne signifie rien d’autre que Jésus-Christ est la parole et la sagesse éternelles de Dieu qui s’est incarnée en une personne humaine, et que l’Écriture elle-même trouve son accomplissement en lui! Et lorsque la Réforme a lancé cet autre motif : Par la grâce seulement, elle a voulu dire que Dieu manifeste sa grâce en et par Jésus-Christ seulement, et par nul autre moyen. Quant à cet autre motif central de la Réforme : Par la foi seulement, que signifie-t-il, si ce n’est par la foi en Jésus-Christ seulement? En effet, tâcher de passer outre Jésus-Christ serait tout simplement retourner à l’abîme de ténèbres dont les croyants ont été retirés.

Or, c’est justement pour cet acte de délivrance que Paul rend grâces au Père. Reprenons les paroles de Paul au début de ce passage :

« Rendez grâces avec joie à Dieu le Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière. Il nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés » (Col 1.12-14).

Calvin commente de la manière suivante cette action de grâces :

« Paul parle encore du Père, car il est le commencement et la cause efficiente — comme on dit — de notre salut. Comme le mot de Dieu exprime plus clairement la majesté, le nom de Père signifie la clémence et l’affection cordiale. Il faut que nous contemplions l’une et l’autre en Dieu, afin que sa majesté nous incite et à l’avoir en respect, et que son amour paternel engendre en nous une pleine assurance. Ainsi, ce n’est pas sans cause que Paul a conjoint ces deux choses ensemble. Mais de quel bienfait rend-il grâces à Dieu? De ce qu’il l’a rendu capable, et les autres aussi, de participer à l’héritage des saints. Car nous naissons enfants de colère, bannis du royaume de Dieu, et c’est la seule adoption de Dieu qui nous en rend capables. Or cette adoption dépend de l’élection gratuite. L’esprit de régénération est le sceau de l’adoption. Paul ajoute “dans la lumière”, afin qu’il y ait une opposition entre les ténèbres du royaume de Satan, et la lumière du royaume de Dieu. »

Et Calvin continue son commentaire sur les paroles suivantes de l’apôtre Paul : « … qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres… » :

« Voici le commencement de notre salut, quand Dieu nous délivre du fond de la ruine dans laquelle nous sommes plongés. Car là où sa grâce manque, il n’y a que ténèbres, comme dit Ésaïe : “Voici, les ténèbres couvriront la terre, et l’obscurité couvrira les peuples; mais le Seigneur se lèvera sur toi, et sa gloire sera vue de toi.” Premièrement, nous-mêmes sommes appelés ténèbres, puis le monde entier, et Satan, le prince des ténèbres, sous la tyrannie duquel nous sommes détenus captifs, jusqu’à ce que nous soyons délivrés et affranchis par la puissance du Christ. Recueillons de ceci que le monde entier, avec toute sa sagesse et justice fardées, n’est estimé autre chose devant Dieu que ténèbres, parce que hors le royaume de Christ il n’y a point de lumière. »

Ensuite, Calvin aborde les paroles : « Et nous a transportés au royaume du Fils de sa dilection. »

« Ce sont déjà les commencements de notre béatitude, quand nous sommes transportés au royaume du Christ, d’autant que nous passons de la mort à la vie. Saint Paul attribue ceci aussi à la grâce de Dieu, afin que nul ne pense pouvoir obtenir un si grand bien par son propre effort. Comme donc notre délivrance de la servitude du péché et de la mort est l’œuvre de Dieu, ainsi autant en faut-il dire de ce que nous passons dans le royaume du Christ. Il appelle Jésus-Christ Fils de dilection, ou le Fils très cher du Père, parce que c’est lui seul en qui le Père a pris tout son bon plaisir, comme il est dit dans l’Évangile selon Matthieu, et par lequel tous les autres sont aimés. Car il faut que nous tenions pour tout certain que nous ne sommes pas agréables à Dieu autrement que par Christ. Il ne faut pas douter que Paul veuille tacitement noter la séparation mortelle que les hommes ont d’avec Dieu, jusqu’à ce que la dilection apparaisse en la personne du Médiateur. »

Comme le souligne abondamment Calvin, notre rédemption est en Christ et s’exprime dans le pardon de nos fautes, mais qui exactement est notre Sauveur? Quelle est son identité? Paul doit expliquer à ses lecteurs, lesquels étaient captifs d’une croyance en toutes sortes d’autres médiateurs secondaires, pourquoi ils se trompent, pourquoi ils mettent leur confiance dans des créatures qui ne peuvent pas être des médiateurs, même si ce sont des créatures célestes. Dieu s’est parfaitement fait connaître à nous en Jésus-Christ, c’est la raison pour laquelle Christ est appelé l’image du Dieu invisible. Le Fils bien-aimé de Dieu est celui en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés, écrit Paul. Calvin commente comme suit :

« Maintenant, Paul continue de montrer par ordre que toutes les parties de notre salut sont contenues en Christ, et que lui seul doit être apparent et en vue par-dessus toutes les créatures, parce qu’il est le commencement et la fin de toutes choses. Il dit en premier lieu que nous avons en lui la rédemption et la délivrance, et il précise aussitôt après que c’est la rémission des péchés, car ces deux choses sont conjointes ensemble par une apposition : car quand Dieu nous remet nos péchés, il nous exempte aussi de la condamnation de la mort éternelle. Voilà notre liberté et notre gloire contre la mort : que nos péchés ne nous sont pas imputés! Il dit que cette délivrance a été acquise par le sang du Christ, car, par le sacrifice de sa mort, tous les péchés du monde ont été purifiés. Souvenons-nous donc que le sang du Christ est le seul prix de la réconciliation.
Paul s’élève encore plus haut en parlant de la gloire du Christ. Il l’appelle l’image du Dieu invisible, signifiant par là que c’est lui seul par lequel Dieu (autrement invisible) nous est manifesté, selon qu’il est dit, au début de l’Évangile de Jean : “Nul n’a jamais vu Dieu; le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui-même l’a raconté.” Saint Paul veut dire en somme, que Dieu est invisible en soi, c’est-à-dire en sa majesté nue, et non seulement aux yeux corporels, mais aussi aux entendements humains, mais qu’il nous est manifesté en Christ seul, en sorte que nous le contemplons en lui comme en un miroir. Car en Christ il nous montre sa justice, sa bonté, sa sagesse et sa puissance, voire soi-même tout entier. Gardons-nous donc de le chercher ailleurs, car tout ce qu’on voudra mettre en avant pour représenter Dieu hors de Christ, ce sera une idole!
Il est le premier-né de toute créature : La raison pour laquelle il est ainsi appelé est mise aussitôt après : c’est parce que toutes choses ont été créées en lui, de même qu’il est nommé après “le premier-né d’entre les morts”, parce que nous ressuscitons tous par lui. C’est pourquoi il n’est pas seulement appelé premier-né, parce qu’il a précédé dans le temps toutes les créatures, mais parce que le Père l’a engendré afin qu’elles soient créées par lui, et qu’il soit comme la substance ou le fondement de toutes choses. L’argument des ariens est donc vain, qui déduisaient de ceci que le Christ est une créature, car il n’est pas ici parlé de ce qu’il est en soi-même, mais de ce qu’il fait dans les autres. »

De nos jours, on est confronté dans l’Église à toutes sortes de faux enseignants qui ne cherchent pas seulement à réintroduire dans de nouveaux accoutrements l’ancien arianisme — lequel, rappelons-le, nie la pleine et entière divinité de Jésus-Christ —, mais aussi à briser l’unité de la révélation divine, comme si chaque auteur biblique avait sa propre théologie, ses propres idées sur Dieu, sur la vraie religion, etc. Il y aurait la théologie de Paul, différente de celle de Jean ou de Luc. Mais voyez combien est forte l’unité que l’on trouve, par exemple, entre les écrits de Jean et de Paul dans le Nouveau Testament : on trouve chez Jean la même opposition entre la lumière et les ténèbres que l’on retrouve chez Paul.

Nous lisons ceci sous la plume de Paul, dans ce premier chapitre de la lettre aux Colossiens :

« Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour lui » (Col 1.16).

Et voici ce que nous lisons au début de l’Évangile de Jean :

« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes » (Jn 1.1-4).

Comment ne pas voir la très forte similarité de pensée et d’expression dans ces deux textes d’auteurs différents? Comment ne pas voir que chacun, avec son génie et son style respectif, est conduit par le même Esprit?

Reprenons le fil du commentaire de Calvin avec la suite de ce passage de la lettre aux Colossiens : « Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs » (Col 1.16). Calvin traite ici des choses visibles et invisibles :

« La distinction précédente des choses célestes et terrestres comprenait bien ces deux espèces-ci : mais parce que saint Paul voulait principalement affirmer ceci des anges, il fait maintenant mention des choses invisibles. Non seulement donc les créatures célestes qui apparaissent devant nos yeux, mais aussi les créatures spirituelles ont été créées par le Fils de Dieu. Ce qui s’ensuit : soit les trônes, ou les dominations, etc., équivaut à : de quelque nom qu’on les appelle. Certains, par les trônes, comprennent les anges; mais je pense que c’est plutôt le palais céleste de la majesté de Dieu qui est désigné par là, palais que nous ne devons point imaginer être tel que notre entendement peut le comprendre, mais tel qu’il est convenable à Dieu. Nous voyons bien le soleil et la lune, et tout l’ornement du ciel : mais la gloire du royaume de Dieu est cachée à notre sens, parce qu’elle est spirituelle et au-dessus de tous les cieux. Bref, par les trônes, nous entendons le siège de cette immortalité bienheureuse, qui est exempte de toute mutation. Quant aux autres noms, il n’y a pas de doute que Paul ne désigne par eux les anges. Il les appelle les principautés, puissances et dominations, non pas qu’ils aient quelque royaume à part pour exercer ou qu’ils aient une vertu ou puissance par eux-mêmes, mais parce qu’ils sont les exécuteurs de la puissance divine, et les ministres de sa domination.
Or c’est un usage que Dieu transfère ses noms aux créatures selon qu’il montre sa puissance en elles. Ainsi, il est seul Seigneur et Père, mais ceux auxquels il veut faire cet honneur, sont appelés aussi seigneurs et pères. Et de là vient que tant les anges que les juges sont appelés dieux. C’est pourquoi en ce passage, les anges sont ornés de titres magnifiques qui déclarent non pas quelle puissance ils ont d’eux-mêmes, ou étant séparés de Dieu, mais ce que Dieu fait par eux, et quelles charges et office il leur a donnés. Ce qu’il nous faut comprendre de telle sorte que la gloire de Dieu ne soit en rien diminuée; car il ne communique pas sa puissance aux anges de telle sorte qu’il soit amoindri; il ne travaille pas par eux de sorte qu’il leur abandonne sa puissance; il ne veut pas que sa gloire reluise en eux de sorte que cependant elle soit obscurcie en lui. Or saint Paul élève ainsi magnifiquement la dignité des anges bien à propos, afin que nul ne pense qu’elle puisse empêcher que Christ ne soit le seul éminent par-dessus eux. C’est pourquoi il use de ces noms comme par forme de concession, comme s’il disait que toute leur excellence n’ôte rien à la gloire du Christ, quels que soient les titres honorables dont ils sont ornés. »

Nous sommes à nouveau étonnés par l’extraordinaire unité du Nouveau Testament sur cet enseignement, tout comme nous l’avons été précédemment en comparant ce qu’écrit Jean au début de son Évangile et ce qu’écrit Paul au début de sa lettre aux chrétiens de Colosses. Sur les anges et leur statut, de loin inférieur à celui du Fils de Dieu, lisons ce que dit le début de la lettre aux Hébreux, toujours dans le Nouveau Testament :

« Dieu nous a parlé par le Fils en ces jours qui sont les derniers. Il l’a établi héritier de toutes choses, et c’est par lui qu’il a fait les mondes. Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l’expression de son être, soutient toutes choses par sa parole puissante; après avoir accompli la purification des péchés, il s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts, devenu d’autant plus supérieur aux anges qu’il a hérité d’un nom bien différent du leur » (Hé 1.2-4).

Mais que dit Calvin sur les mots du verset 17 de Colossiens chapitre 1 : « Tout a été créé par lui et pour lui »?

« Il s’ensuit quatre raisons pour lesquelles il met les anges au-dessous du Christ, afin qu’ils n’obscurcissent pas sa gloire. Premièrement, parce qu’ils sont créés par lui. Deuxièmement, parce que leur création doit se rapporter à Christ comme leur fin légitime. Troisièmement, parce qu’il a toujours été, avant même qu’ils soient créés. Quatrièmement, parce qu’il les soutient par sa puissance et les maintient en leur état. Toutefois, il n’affirme pas ceci seulement des anges, mais aussi du monde entier. Ainsi, il place le Fils de Dieu au plus haut degré d’honneur, afin qu’il ait la prééminence tant sur les anges que sur les hommes, et abaisse toutes les créatures, tant au ciel que sur la terre. »

Le Fils est le souverain de toutes choses, que ce soit sur terre ou au ciel. Cela dit, seule l’Église véritable reconnaît cette domination et la proclame, alors que le monde, lui, la rejette et se révolte contre elle, comme le Psaume 2 le dit explicitement dans l’Ancien Testament. Je vous en cite les premiers versets :

« Pourquoi les nations s’agitent-elles et les peuples ont-ils de vaines pensées? Les rois de la terre se dressent et les princes se liguent ensemble contre l’Éternel et son messie : brisons leurs liens, et rejetons de nous leurs chaînes! Le Seigneur se moque d’eux, il leur parle dans sa colère, et dans sa fureur il les épouvante : C’est moi qui ai sacré mon roi sur Sion, ma montagne sainte! Je publierai le décret de l’Éternel; il m’a dit : Tu es mon fils! C’est moi qui t’ai engendré aujourd’hui. Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, et pour possession les extrémités de la terre » (Ps 2.1-8).

Nous voyons donc quelle importance revêt pour l’Église la confession que Christ est sa tête, son chef. Paul a en effet écrit : « C’est lui qui est le chef du corps de l’Église » (Col 1.18). Or, si même les anges ne peuvent prétendre à le remplacer ou à servir d’intermédiaires entre les hommes et Dieu, comment une Église, des systèmes, des institutions, des leaders humains pourraient-ils prétendre remplir ce rôle? Calvin souligne que Paul n’octroie même pas cet honneur aux anges et cependant il ne coupe pas la tête de l’Église, car de même que Christ s’attribue ce titre, de même en exerce-t-il l’office. Le nom de chef, dit-il, est si honorable et magnifique qu’il ne peut être transféré à aucun homme mortel, sous quelque prétexte que ce soit, à plus forte raison quand cela se fait contre le commandement du Christ. Grégoire 1er, ajoute-t-il, a été plus restreint quand il dit que l’apôtre Pierre est bien l’un des principaux membres de l’Église, mais que lui et les autres apôtres ne sont que des membres sous un seul chef. De même que la tête, dans le corps humain, est comme une racine, à partir de laquelle la vitalité est répandue à tous les autres membres, de même la vie de l’Église découle du Christ. Paul montre donc que le Christ est celui qui, seul, a la puissance de gouverner l’Église, qu’il est le seul auquel les fidèles doivent regarder, et que de lui seul dépend l’unité du corps.

Christ est bien l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin. Puissiez-vous vous nourrir de cette certitude qui vous apportera joie et réconfort, au milieu même des plus difficiles épreuves.

Christ, l’Alpha et l’Oméga : ce titre résume bien le dernier volet de cette méditation portant sur les versets suivants de Colossiens 1 :

« Christ est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude et de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix » (Col 1.18-20).

L’Alpha et l’Oméga : qu’est-ce que cela veut dire? Tout simplement que Jésus-Christ est le commencement et la fin, tout comme alpha est la première lettre de l’alphabet grec et oméga la dernière. C’est ce que nous trouvons dans la lettre même de Paul, lorsqu’il écrit, au verset 18 : « Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. » Calvin commente ainsi ces mots :

« Parce que le mot grec signifie parfois la fin à laquelle toutes choses se rapportent, nous pourrions dire, dans ce sens, que Christ est la fin (c’est-à-dire le but); mais j’aime mieux comprendre ainsi les paroles de saint Paul : qu’il est le commencement et le premier-né d’entre les morts. Car il y a une restauration de toutes choses dans la résurrection, et par là le commencement de la seconde et nouvelle création, car la première création était déchue avec la ruine du premier homme. Et parce que Christ, en ressuscitant, a commencé le royaume de Dieu, il est à bon droit appelé le commencement. Car alors nous commençons vraiment d’exister devant Dieu, quand nous sommes renouvelés pour être de nouvelles créatures. Il est appelé le premier-né d’entre les morts, non seulement parce qu’il est ressuscité le premier, mais parce qu’il a aussi rendu la vie aux autres; comme ailleurs il est nommé : les prémices de ceux qui ressuscitent (1 Co 15.20).
Puis viennent les mots : afin d’être en tout le premier : Il conclut de ceci que la primauté lui appartient en toutes choses. Car s’il est l’auteur et l’instaurateur de toutes choses, il apparaît que cet honneur lui est dû à bon droit. Bien que le mot en tout puisse être compris de deux manières : en toutes créatures, ou : en toutes choses. Mais cela ne sert pas à grand-chose vu qu’il veut simplement dire que toutes choses sont assujetties à son empire. »

En commentant le verset 19 de ce chapitre de la lettre de Paul, Calvin va insister sur la relation entre le Père et le Fils, une relation divine qui est un mystère. Mais ce mystère amène avec lui le cœur de la foi chrétienne, c’est-à-dire la foi en la Trinité. Paul a écrit : « Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude. » Calvin commente comme suit :

« Afin que ce qu’il a dit du Christ soit plus ferme et assuré, il ajoute maintenant qu’il en était ainsi décidé par la providence de Dieu. Et afin que nous adorions ce mystère avec tout le respect qui lui est dû, il nous faut toujours revenir à cette source. Ceci a été fait, dit-il, par la décision de Dieu, à savoir que toute plénitude habite en lui. Cette plénitude s’étend à toute justice, sagesse, vertu et toutes sortes de biens; car tout ce que Dieu a, il l’a conféré à son Fils, afin qu’il soit glorifié en lui comme il est dit au chapitre 5 de l’Évangile de Jean, verset 20 (“Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il a fait; il lui montrera des œuvres plus grandes encore, afin que vous soyez dans l’étonnement”). Or, il nous montre aussi qu’il nous faut puiser de la plénitude de Christ tout ce que nous désirons de bon pour notre salut, d’autant que le bon plaisir de Dieu est de ne pas communiquer ni lui ni ses dons aux hommes, en dehors de son Fils. C’est donc comme s’il disait que Christ est pour nous toutes choses, et que hors de lui nous n’avons rien. D’où il s’ensuit que tous ceux qui dérogent à Christ, ou qui amoindrissent sa vertu, ou qui le dépouillent de ses offices, ou même qui prennent une goutte de sa plénitude, renversent, pour autant qu’ils le peuvent, le conseil éternel de Dieu. »

Paul a ensuite écrit : « Et de tout réconcilier avec lui-même. » Calvin poursuit :

« Voici une autre excellente louange du Christ, que nous ne pouvons pas être conjoints à Dieu autrement que par lui. Premièrement, considérons que notre félicité consiste en ce que nous adhérions à Dieu; au contraire qu’il n’y a rien de plus misérable que d’être éloignés de lui. Il déclare donc que nous ne sommes bienheureux que par Christ, d’autant qu’il est le lien de la conjonction que nous avons avec Dieu; au contraire que, hors de lui, nous sommes plus que misérables, dans la mesure où nous sommes bannis de la compagnie de Dieu. Or, souvenons-nous que ce qu’il attribue à Christ lui est propre, en sorte que rien de cette louange n’est transféré à un autre, si excellent soit-il. Si donc cette prérogative est donnée au Christ, elle n’appartient pas aux autres. Car, de propos délibéré Paul dispute contre ceux qui imaginaient que les anges étaient des pacificateurs par lesquels on puisse avoir accès à Dieu.
Puis viennent les mots : Apaisant par le sang de sa croix. Il parle du Père, à savoir qu’il a été apaisé envers ses créatures par le sang du Christ. Or il l’appelle le sang de la croix, du fait que le sang du Christ a été le gage et le prix de notre pacification avec Dieu, parce qu’il a été répandu sur la croix; car il a fallu que le Fils de Dieu ait été fait sacrifice de purification, et qu’il ait soutenu la peine du péché, afin que nous soyons justice de Dieu en lui. Le sang de la croix signifie donc le sang du sacrifice, qui a été immolé sur la croix pour apaiser la colère de Dieu. En ajoutant par lui, il n’a rien voulu dire de nouveau, mais exprimer plus clairement ce qu’il avait dit auparavant, et l’imprimer plus vivement en nos cœurs, à savoir que Christ seul est si bien l’auteur de la réconciliation, qu’il exclut tous les autres moyens; car il n’y en a pas d’autre qui a été crucifié pour nous. C’est donc lui seul par qui, et pour l’amour duquel Dieu nous est favorable.
Paul ajoute les choses qui sont tant sur la terre que dans les cieux. Si on veut seulement le comprendre des créatures raisonnables, ce seront les hommes et les anges; mais il n’y aura pas d’inconvénient de l’étendre à toutes sans exception. Mais afin de ne pas philosopher trop subtilement, il vaut mieux le comprendre des hommes que des anges. Quant aux hommes, il n’y a pas de difficulté à comprendre qu’ils aient besoin d’un pacificateur envers Dieu; mais quant aux anges, la question n’est pas facile à expliquer. Car quel besoin de réconciliation y avait-il, là où il n’y avait ni discorde ni haine? Je dis que les hommes ont été réconciliés avec Dieu, parce qu’ils étaient auparavant étrangers de Dieu par le péché, et qu’ils devaient le sentir pour Juge à leur confusion et à leur ruine, si la grâce du Médiateur ne s’était mise entre deux pour apaiser sa colère. La forme de la pacification entre Dieu et les hommes, a donc été que les inimitiés ont été abolies par Christ, et ainsi Dieu est devenu Père au lieu de Juge.
La raison de la réconciliation entre Dieu et les anges est tout autre, car il n’y a pas eu de révolte ni de péché en eux, et, par conséquent, il n’y a pas eu de séparation. Cependant, il a quand même fallu que les anges soient pacifiés avec Dieu, et pour deux raisons. Puisqu’ils sont des créatures, ils n’étaient pas hors du danger de tomber en faute, s’ils n’avaient pas été confirmés par la grâce du Christ. Or ceci n’est pas de petite importance pour avoir une paix perpétuelle avec Dieu, que d’avoir un état bien fixé dans la justice, pour ne plus craindre la chute ou la révolte. En outre, il n’y a pas une perfection si exquise dans l’obéissance que les anges rendent à Dieu, qu’elle puisse contenter Dieu en tout et partout, et qu’elle n’ait besoin de pardon. Il n’y a pas une si grande justice chez les anges, qu’elle leur suffise pour être pleinement conjoints avec Dieu. C’est pourquoi ils ont besoin d’un Pacificateur, par la grâce duquel ils puissent entièrement adhérer à Dieu. Dès lors, saint Paul parle très bien quand il affirme que la grâce du Christ ne réside pas seulement chez les hommes, mais qu’il l’a faite aussi commune aux anges. Et ce n’est pas faire tort aux anges, que de les renvoyer au Médiateur, afin que par son moyen ils aient une paix ferme avec Dieu.
Si quelqu’un voulait poser une question concernant les démons, à savoir si Christ est aussi leur pacificateur, je réponds que non, et pas même des méchants. Toutefois, je reconnais qu’il y a une différence, parce que le bienfait de la rédemption est offert aux méchants et aux réprouvés, et non pas aux démons. Mais cela ne concerne pas les paroles de Paul, qui ne contiennent pas autre chose sinon que Christ est le seul par lequel toutes les créatures qui ont une quelconque conjonction avec Dieu, adhèrent à lui. »

Sur ces paroles, concluons cette méditation sur le premier chapitre de la lettre de Paul aux Colossiens. J’espère qu’elle vous aura convaincus que la Bible enseigne clairement que notre seul accès à Dieu, notre seul Médiateur, le seul qui puisse nous dispenser les bénéfices de la vie éternelle, c’est Jésus-Christ, le Fils éternel du Dieu vivant. Tournez-vous donc vers lui, cherchez-le de tout votre cœur, de tout votre esprit, de toute votre force, car en dehors de lui, il n’y a que ténèbres et obscurité.