Cet article a pour sujet la christologie de l'école d'Alexandrie qui soulignait l'unité de Dieu et la divinité du Christ, et l'école d'Antioche qui soulignait la distinction des trois personnes de la Trinité et l'humanité du Christ.

Source: Les débats christologiques anciens. 2 pages.

Les débats christologiques anciens (11) - La christologie des écoles d'Alexandrie et d'Antioche

L’école d’Alexandrie avait été fondée au 3siècle par Clément d’Alexandrie et Origène, à qui avaient succédé Denys, Théognoste et Prierius. Ses représentants au siècle suivant furent Didyme l’Aveugle, Athanase et les Cappadociens, ces derniers étant à la fois les plus brillants et les plus sages des disciples d’Origène. Les méthodes herméneutiques de cette école sont connues par l’œuvre d’Origène. Elle était marquée d’autre part par le mysticisme et la philosophie platonicienne. On y confesse résolument l’identité substantielle du Christ avec son Père (homoousie), en insistant essentiellement sur l’unité de Dieu, au détriment de la trinité des personnes, d’où le reproche de sabellianisme qu’on lui a fait. La divinité du Christ relègue dans l’ombre son humanité véritable. Au siècle suivant, l’Église devra combattre le monophysisme qui jaillira de cette école.

L’école d’Antioche, après une période d’éclat (360-430) où elle produisit de grands maîtres tels que Flavien, Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste et surtout Jean Chrysostome, entra dans une phase de décadence à la suite du discrédit que le nestorianisme jeta sur elle. C’est surtout en exégèse qu’elle s’oppose à l’école d’Alexandrie. Hostile à l’interprétation allégorique de l’Écriture, elle soutient que tout texte biblique a un « sensus litteralis » voulu par le Saint-Esprit, que ce soit le sens littéral ou le sens figuré. Mais le sens d’un texte est toujours unique et c’est lui qu’il s’agit de retenir. Désireuse de mettre un frein aux fantaisies que pouvait provoquer l’herméneutique de l’école d’Alexandrie, l’école d’Antioche versa dans un littéralisme qui avait tendance à faire de la Bible un écrit profane où on ne sentait plus le souffle de l’Esprit.

D’autre part, le mysticisme des Alexandrins fait place à un moralisme fortement pélagien. C’est le cas en particulier de Théodore de Mopsueste. L’aristotélisme qu’on y cultive penche aussi vers un certain rationalisme. Dans la doctrine de la Trinité, on insiste à Antioche sur la distinction entre les trois personnes qu’on appelle hypostases. Or « hupostasis » signifie étymologiquement « substance », ce qui subsiste en soi-même. De là, il n’y a qu’un pas pour affirmer que les trois personnes de la Trinité diffèrent par la substance. C’est ce qui explique l’opposition des antiochiens au terme « homoousios ». En christologie, l’accent est mis sur l’humanité véritable du Christ qu’on ne veut pas voir mutilée par l’affirmation de sa divinité.

Il est ainsi aisé de constater que les écoles d’Alexandrie et d’Antioche représentent deux christologies différentes, chacune tentant de résoudre le mystère à sa façon.

La christologie alexandrine est enracinée dans la théologie d’Athanase, selon laquelle la divinité et l’humanité sont unies sans mélange en la personne du Christ, de telle sorte cependant que tout ce qu’a fait et subi Jésus est la manifestation de sa personne unique, sans qu’on puisse attribuer ses faits et gestes tour à tour à l’une ou l’autre de ses deux natures. Cyrille d’Alexandrie pousse la christologie alexandrine à son extrême limite, en soulignant encore plus qu’Athanase l’unité de personne du Christ incarné. Le Logos a, selon lui, revêtu la nature humaine comme un habit, et un échange des attributs a lieu entre les deux natures, si bien qu’il ne faut plus parler des deux natures du Christ, mais d’une seule, d’un « prosôpon » ou d’une « hupostasis » unique. De cette doctrine au monophysisme, il n’y a qu’un pas qui sera vite franchi.

La christologie antiochienne, au contraire, souligne l’indépendance de chacune des deux natures. Sa démarche n’est pas la spéculation, mais une approche exégétique et historique, si bien que l’image du Christ que donnent les Évangiles synoptiques est décisive pour elle. Elle donne de l’importance au développement humain de Jésus et substitue à l’unité de nature (« henôsis phusikè ») des Alexandrins une union relativement vague du Fils de Dieu et du Fils de David, union indissoluble en soi, mais due uniquement à l’unité de volonté du Christ incarné. Le grand danger de la christologie antiochienne consiste à vouloir définir l’indépendance des deux natures au point qu’il en résulte deux personnes et que l’union hypostatique est brisée.

La christologie occidentale dont la paternité revient à Tertullien, suit la ligne d’Athanase et des Cappadociens, mais de façon indépendante : elle confesse l’unité de la personne du Christ, tout en distinguant les deux natures. Elle se situe ainsi à mi-chemin entre les formulations alexandrines et antiochiennes.