Cet article a pour sujet la conception du monde et de la religion et la croyance en l'activité des démons dans les cultures primitives, qui montre que Satan est bien réel et qu'il intervient toujours dans le monde des humains.

Source: Défi et défaite des démons. 5 pages.

Démonologie - Le conflit des pouvoirs - La conception du monde des cultures primitives

  1. La continuité et la non-différentiation
  2. L’élévation spirale et l’élargissement de pouvoirs
  3. Le caractère non absolu, non polarisé du monde
  4. Le dynamisme cosmique impersonnel

L’expression « rencontre des puissances » avait été forgée par Alan Tipett pour décrire le conflit entre le Royaume de Dieu et le règne de Satan. Nous lui préférons, dans la logique même exprimée par le titre de notre étude, celle de « conflit des pouvoirs », qui rend mieux compte de la nature de la confrontation entre l’autorité suprême du Christ, telle que nous l’avons décrite, et la prétention de l’ennemi à exercer sur les humains sa contrefaçon de souveraineté. En effet, toute tentative de s’opposer à l’Évangile devra être vue comme un conflit entre deux puissances. À l’heure actuelle, ce conflit est réel, bien qu’avec la même assurance que jadis, nous puissions nous confier à la seigneurie universelle du Christ et croire en la victoire ultime du Royaume de Dieu. Les esprits iniques, les faux dieux ou les idéologies en vogue sont appelés à disparaître définitivement.

Avant d’examiner la nature précise et l’ampleur de ce conflit actuel entre le pouvoir universel du Christ et le pouvoir restreint et en déconfiture de Satan et de ses diverses manifestations, notamment dans le monde des cultures primitives, offrons un aperçu sur les conceptions générales du monde dans ces mêmes cultures. Pour G.W. Peters, la croyance en l’activité démoniaque ou encore le refus d’y croire s’expliquent par divers motifs. Par conséquent, il convient de traiter le sujet non de manière isolée et abstraite, mais en tenant compte des conceptions du monde et de la vie de ceux qui s’y intéressent. Peters examine pour commencer la conception générale de la religion et ses diverses implications, non seulement sur le sujet qui nous occupe, mais sur la vie en général.

L’expérience religieuse, que ce soit dans son expression normale ou dans des phénomènes paranormaux, constitue l’essentiel de ce qu’il y a de plus mystérieux et de plus complexe dans l’existence humaine. La religion comprend la totalité de la personnalité et inclut tous ses rapports. En principe, cela comporte les trois domaines suivants : le domaine humain qui relève du naturel; le domaine divin, celui qui transcende le naturel; le domaine du démoniaque, lequel, sans appartenir au transcendant, dépasse néanmoins le domaine de la nature pour se ranger dans la catégorie de la surnature.

Le phénomène religieux est la réalité la plus globale, donc la plus inclusive de l’existence humaine. Cela explique qu’aucune définition psychologique, sociologique, phénoménologique, voire, selon Dooyeweerd, anthropologique, ne peut en rendre adéquatement compte. La religion est le contenu, l’objectif, le but, la motivation, l’infrastructure même de l’existence tout entière, le ciment qui maintient l’ensemble et qui en façonne et oriente le mode.

Si nous quittons l’Occident, l’étude de la religion deviendra plus complexe encore. La culture occidentale est à la fois tributaire de la pensée grecque et héritière de la révélation biblique chrétienne, conditionnée par la foi. Ailleurs, le climat est tout autre.

Selon le penseur indien Radhakrishnan, « l’esprit occidental est rationaliste et éthique, positiviste et pragmatiste, tandis que l’esprit oriental est davantage enclin à la contemplation et à la pensée intuitive ». Généralement parlant, on constatera qu’ici, l’aspect dominant insiste sur l’intuition créatrice, tandis que les systèmes de pensée occidentaux sont caractérisés par l’intelligence critique. Accordons un certain crédit à ces définitions. L’humanité, peut-on dire, reste partagée en deux grands blocs; le bloc grec et biblique et le bloc formant le monde étranger aux catégories de pensée grecque et biblique. Les deux grands blocs en question ont leur propre cadre fondamental de référence.

Pour saisir le milieu religieux des divers peuples, il faudra se familiariser tout d’abord avec leur conception du monde et de la vie, et comprendre l’interprétation qu’ils en donnent. En ce qui nous concerne, nous les évaluerons à la lumière de la Bible, seule et suffisante lumière sur notre sentier. En voici les prémisses; retenons-en quatre pour notre objectif : un monde de continuité et de non-différentiation; un monde d’élévation spirale et d’élargissement de potentiel, de pouvoirs, de personnalités; un monde de non-absolus, non polarisé dans le domaine du bien et du mal, du vrai et du faux; enfin un monde dynamique, régi par des caprices et le « fiat » d’ancêtres et par des « esprits » plutôt que par l’Esprit et la Parole du Dieu vivant, Créateur et Rédempteur.

1. La continuité et la non-différentiation🔗

Voyons d’abord la continuité et la non-différentiation. L’esprit occidental est conditionné à penser en termes de définitions, de classification, de départements. Il établit des sections, il divise, sépare, analyse, diagnostique, sait compartimenter. Chaque chose reçoit son étiquette correspondante. Pourtant, la vie réelle, elle, est plus imprévue que ne le tolère une logique rigide.

Tel n’est justement pas le cas pour le non-occidental. Celui-ci vit dans une totalité, dans l’unité individuelle, dans le « holos ». La particularisation s’y trouve à un niveau inférieur et le sujet ainsi que l’objet cheminent ensemble. Il n’existe pas de différentiation tranchée. Le non-occidental évolue dans la perpétuelle continuité, dans une réalité qui disparaît ou qui saute d’une sphère à l’autre, sans obstacle, sans subir de tension. Il ne distingue pas formellement entre le sacré et le profane, le religieux et le séculier, le spirituel et le matériel, le temporel et l’éternel, le vivant et le mort. À ses yeux, la vie tout entière est religion et placée sous son égide. Le tout constitue un courant unifié.

À première vue, cela peut paraître positif, voire s’apparenter à la conception biblique. Il n’en reste pas moins qu’il en découle des conséquences négatives que nous mentionnerons brièvement. Ce caractère de continuité englobe la vie tout entière pour influencer chacune des expériences en en éliminant toute différentiation. Une approche analytique et critique serait extrêmement difficile ici, voire infructueuse. La logique y obéit à des règles différentes, construites davantage sur l’intuition et sur un discernement non rationnel que sur des faits empiriquement vérifiables et étayés par des preuves tangibles. Ce qui est rationnel y sera remplacé par ce qui est mystique, imaginatif et intuitif. Des ethnologues et des sociologues de la religion appellent cela pensée intuitive. La grille des expériences y est totale et complexe, elle oscille de l’extrêmement positif vers l’extrêmement négatif, sans délinéations tranchées. Ce qui est spirituel s’évanouit dans ce qui est religieux, dans le psychologique, le psychosomatique, l’occulte, le démoniaque et, finalement, dans le satanique. Il s’agit d’une symbiose entre la religion et une mystique dépersonnalisante. Il n’est pas aisé de délimiter et de définir ce qu’est quoi, puisque les expériences semblent enjamber un côté comme l’autre et se mouvoir d’un domaine vers un autre domaine sans connaître de tension sérieuse et sans être enregistrées dans la conscience de l’individu. La conscience est davantage un courant qu’une conceptualisation, éveil mystique plutôt que relevant de la perception intellectuelle.

2. L’élévation spirale et l’élargissement de pouvoirs🔗

Le deuxième principe concerne l’élévation spirale et l’élargissement de pouvoirs. Le dynamisme cosmique apparaît par des manifestations diverses, lesquelles, à partir de ce qui est impersonnel, s’élèvent de manière spirale vers ce qui est personnel, de la dynamique impersonnelle, ou animatisme, vers l’animisme, le spiritisme, le démonisme, « les divinités ».

Des plantes et des animaux possèdent une force spirituelle proche de celle de l’homme, quoiqu’à un degré inférieur. De son côté, le pouvoir humain est moindre que celui des esprits, et le pouvoir de ces derniers, inférieur à celui des divinités. À noter qu’aucune des puissances mentionnées n’atteint cependant la totalité du bien et du mal; dès lors, le bien et le mal sont relatifs et, par conséquent, mutuellement non exclusifs.

Entre alors en scène l’expert. Le secret de son pouvoir de faire le bien ou de faire venir le mal réside dans la connaissance qu’il a de la source du pouvoir, ainsi que de sa propre aptitude à se mettre en rapport avec une puissance supérieure pour la posséder ou pour être possédé par elle; alors il parviendra à manipuler le bien et le mal.

3. Le caractère non absolu, non polarisé du monde🔗

Le troisième principe, celui du caractère non absolu, non polarisé du monde, découle normalement du précédent. Dans la mesure où il existe plus de logique naturelle qu’il n’est d’ordinaire accordé à la mentalité non occidentale et en particulier à celle des peuples primitifs, l’homme primitif apparaît tel un philosophe, au sens premier du mot. Il l’est de manière intuitive, sans procéder par les voies logiques que sont les nôtres.

Le principe de la non-absoluité et de la non-polarité atteint ses sommets et son expression la plus achevée dans l’hindouisme. Essentiellement, la réalité ultime se trouve au-delà de ce qui est personnel, car elle est indéfinissable et inconnaissable. Ce qu’on peut dire de mieux à son sujet est que l’on ne peut l’atteindre et la connaître que partiellement. Or, seules les formes inférieures du savoir lui assignent une personnalité, avec sa concrétisation et ses limitations; de la sorte, elles la ramènent et la rabaissent au niveau de l’homme. Celles-ci peuvent se trouver dans l’hénothéisme, le polythéisme, l’idolâtrie ou le spiritisme sous ses diverses manifestations.

Selon cette idée, il conviendrait mieux de rester agnostique que de formuler une doctrine relative à la nature de la réalité ultime. C’est un signe de respect et de maturité religieuse que d’être agnostique au lieu d’afficher un dogmatisme rigide ou d’élaborer une théologie précise.

4. Le dynamisme cosmique impersonnel🔗

À notre avis, ceci ne s’applique pas comme tel à l’Afrique et aux Amérindiens. Car ces deux cultures évoluent dans un cadre où domine un dynamisme cosmique impersonnel, confus, doué d’une personnalité cosmique, voire du concept même de dieu. D’une manière générale, les religions africaine et amérindienne fonctionnent dans une interaction et une relation réciproques avec le dynamisme cosmique; mais il est pratiquement impossible, au moins dans l’esprit de la vaste majorité des gens, d’effectuer la rencontre entre la réalité temporelle, perceptible, et l’autorité ultime.

Par conséquent, affirmera Radhakrishnan, un système religieux ou théologique unique ne devrait pas prétendre à une validité absolue!

Il est évident, d’après cette logique, que le sujet reste inévitablement à la merci de l’incertitude totale. Il lui est offert une foi qui n’a ni commencement, ni fin, ni fondement, ni direction bien orientée, aucun débouché vers l’espérance. L’âme se trouve abandonnée à la dérive totale dans un océan tourmenté, tel un navire sans compas, privé même de pilote! En réalité, le navire n’a même pas de havre vers où se diriger, aucun port à atteindre pour y jeter l’ancre.

L’étudiant des religions africaines ou asiatiques nous apprend que ce dynamisme cosmique constitue la source fondamentale d’où surgissent le chamanisme, le mysticisme, le spiritisme, l’occultisme, ainsi que le culte des ancêtres ou l’animisme. L’univers est ressenti comme vivant, chargé de dynamisme, de force vitale, d’âmes, d’esprits et de dieux, bons ou mauvais… C’est le plaisir et le caprice de ces pouvoirs qui régissent l’univers et déterminent le destin de l’individu. Leur plaire, les apaiser, en capturer la force, les persuader et manipuler ces pouvoirs personnels et impersonnels, c’est le secret du succès et du bien-être. L’expert est celui qui, médecin, devin, faiseur de pluie, se sert de son savoir pour les manipuler en vue du bien de sa communauté. C’est la magie blanche, la bonne magie. La mauvaise, elle, consiste en une pratique qui se sert de ces mêmes pouvoirs pour causer du mal à des êtres humains ou à leurs propriétés. Ici interviennent alors la sorcellerie et les mauvais magiciens.

Nous n’éliminons pas de notre pensée tout ce qui est mystérieux en le tenant uniquement pour une projection purement subjective, une expression de la seule superstition ou de l’hallucination, ou encore un effet de l’hypnotisme ou de l’extase, où l’évidence de rupture ou de désorganisation de la personnalité ne relèverait que de la psychopathologie d’un type ou d’un autre. Afficher une pareille attitude revient à se défaire à bon compte d’une situation complexe que nous aurions de la peine à expliquer à l’aide de nos catégories et de nos concepts rationnels. Nous avons reconnu l’existence et les agissements du monde souterrain et du démoniaque. Nous ferons bien de tirer des leçons de l’histoire, laquelle a sa façon de se moquer des attitudes doctrinaires, prétendument émancipées par rapport à d’anciennes superstitions. L’existence, elle, se fait sentir par mille voies mystérieuses.

Il existe ici-bas des puissances, des forces et des principautés des ténèbres, des multitudes spirituelles du mal, la ruse même du diable. Le chrétien en est solennellement averti et il est invité à se revêtir de toutes les armes de Dieu.

On ne se débarrassera pas de ces présences actives en les déclarant de simples phénomènes pathologiques, car leur activité défie toute logique. Une intelligence supérieure, celle de Satan, intervient encore et toujours dans le monde des humains. Dieu et Satan existent; en outre, ils se placent chacun à sa manière à notre portée; le premier pour notre bien et notre salut, le second exclusivement pour notre perte.