Cet article a pour sujet la défaite de Satan, son écrasement et son enchaînement par la victoire du Christ mort et ressuscité. Jésus exerce son règne avec autorité, procurant à son Église un grand réconfort dans ses combats.

Source: Défi et défaite des démons. 8 pages.

Démonologie - La fin de Satan

La lutte contre Satan a abouti à la victoire totale et définitive remportée par le Christ sur l’adversaire principal de Dieu et des hommes. Que signifie exactement cette victoire? Et, question subsidiaire, mais également importante, en quoi consiste le pouvoir « actuel » de Satan?

Nous avons vu que Satan doit être considéré comme le principal agent du mal; il incite les hommes à se rebeller contre la volonté du Dieu souverain. On a dit avec raison que l’union ne se fait pas seulement autour de l’amour, mais aussi dans le contraire de celui-ci, c’est-à-dire autour de la haine. Il existe une véritable alliance dans le mal entre Satan et ses légions, entre l’ange des ténèbres et les hommes. La nature diabolique du péché, écrivait Luther, est de modifier les paroles du Décalogue en disant : « Je suis mon Seigneur et mon Dieu. »

C’est à la lumière de la croix, de la résurrection du Christ et de l’exaltation que nous aurons à évaluer correctement la position actuelle de Satan. Satan est une créature déchue, mais que comporte de concret l’expression biblique « le prince de ce monde »? Elle ne signifie nullement que ce monde temporel soit un domaine qu’il aurait régi sans partage depuis la chute. C’est pourquoi il n’avait pas le moindre droit d’offrir au Christ les royaumes de ce monde. À la lumière de la seigneurie universelle du Christ, une telle prétention reste indéfendable. Certains ont affirmé qu’il est le souverain de notre monde, bien que frappé d’une sentence divine laquelle n’a pas encore été exécutée. Ayant réussi à tromper le premier couple, il aurait arraché le sceptre de l’autorité des mains de l’homme s’arrogeant le droit de se soumettre la race tout entière.

Certes, l’Écriture ne minimise nullement l’étendue du pouvoir même actuel de Satan. Il est toujours le chef des légions des anges apostats; il dirige un ordre mondial rebelle à Dieu; il détient une puissance qui s’accommode de la corruption de l’esprit humain qui lui accorde la « chance » de poursuivre la réalisation de ses desseins. Cependant, il n’est pas le souverain dans un royaume qui lui serait délégué par ordre divin. En réalité, il n’est qu’un ennemi vaincu, un imposteur et un trompeur, magistralement dérouté.

Adam avait été promu par Dieu gérant de la création, mais Satan n’avait pas reçu la moindre autorité pour dominer l’homme ou pour régir son univers. Celui-ci n’était d’ailleurs pas son propre maître; il ne possédait pas de sceptre royal qu’il eût pu, de son gré, transmettre à un tiers, fut-ce à un ange déchu! Plus simplement, il s’avère que l’homme se trouve dans le territoire que Satan a accaparé. En rébellion contre Dieu, l’homme s’est aligné sur Satan; c’est dans ce sens-là que Satan pourrait être appelé son « dieu » et que l’homme est captif dans la juridiction qui lui est provisoirement laissée.

L’erreur qui le considère comme le maître de l’homme apparaît mieux lorsque nous examinons ce pouvoir à la lumière de la seigneurie universelle du Christ, ainsi que nous l’avons fait plus haut. Satan n’est pas le maître d’un monde dont le Christ deviendra le Seigneur seulement dans un futur lointain. Le jugement prononcé sur lui au jardin d’Eden a déjà été exécuté. Le fait est qu’il a été chassé hors du ciel et, lors de la crucifixion, définitivement dépossédé de son pouvoir. Il a été précipité sur terre. « Le Christ l’a spolié », écrit saint Paul (Col 2.14-15). Depuis la croix du Vendredi saint, le Christ est véritablement Emmanuel, le Vainqueur.

Grâce à lui, nous sommes délivrés de son joug tyrannique. La veille de sa crucifixion, Jésus avait déclaré : « Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous [les hommes] à moi » (Jn 12.32). L’offrande de la personne du Christ mit fin à toute revendication de Satan sur l’homme racheté. Or, cette Bonne Nouvelle est en vérité une très mauvaise nouvelle pour le prince déchu de ce monde. Elle le fut déjà lorsqu’il en entendit les premiers accents dans la promesse de Genèse 3.15. Cette première annonce de l’Évangile au lendemain même de la chute, dans ce qu’on appelle le « protévangile » (premier Évangile), s’est fait entendre déjà durant l’Ancienne Alliance comme la déclaration de la victoire ultime remportée sur l’adversaire. En effet, selon Romains 3.25, le pouvoir de la croix dans tous ses effets est aussi bien rétrospectif que prospectif. La passion du Christ a inauguré sa victoire. Notons que c’est immédiatement après la déclaration du Christ, selon laquelle le prince de ce monde est expulsé, que nous lisons le passage cité du quatrième Évangile. C’est par la croix du Christ que Dieu chasse Satan du domaine qu’il a usurpé et qu’il transporte les rachetés dans le Royaume de lumière de son Fils.

Dans cette même ligne de pensée, nous avons encore la déclaration selon laquelle Satan sera lié avant même que les sujets soient délivrés. « Personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses biens, sans auparavant lier cet homme fort; alors il pillera sa maison » (Mc 3.27). L’établissement du règne du Christ exigeait d’abord que Satan fût maîtrisé. Il fut assailli et lié lors de la tentation de Jésus et à chacun des exorcismes.

Examinons à présent le sens de l’écrasement de la tête du serpent, selon la promesse de Genèse 3. Celle-ci s’accomplit sur la croix du Calvaire, où la tête du serpent fut réellement écrasée et où le jugement de Dieu et sa victoire apparurent simultanément. Non seulement le pouvoir de Satan et son influence furent amoindris, mais lors de sa rencontre avec le Messie, il fut écrasé en personne. Le Nouveau Testament atteste que l’écrasement de Satan et la blessure infligée au seul juste lors de la passion eurent lieu en même temps.

Satan avait cherché à détourner le Christ de sa mission principale, de même qu’il avait cherché et réussi à faire transgresser le premier couple. Dans le cas de Jésus, Satan eut recours à un stratagème plus vil encore que lors de la tentation de nos premiers parents. Il demanda au Christ de s’incliner carrément devant lui. Il tenta Jésus aussi bien directement, dans le désert (Mt 4.1-11) qu’indirectement, par l’intermédiaire du disciple le plus zélé, Pierre (Mt 16.21-23). Mais ces deux tentatives de tentation ont lamentablement échoué. Jésus montra puissamment que Satan ne pouvait exercer aucun pouvoir sur lui. À la fin de sa carrière terrestre, sachant qu’il allait achever la mission confiée par le Père, avec une exceptionnelle détermination spirituelle et dans une soumission exemplaire, il déclara que personne n’avait le droit de lui ôter la vie, mais qu’il l’offrait de lui-même, délibérément, en toute liberté. Satan n’aura donc aucune prise sur lui (Jn 10.18 et 14.30). Loin de signaler sa défaite, sa crucifixion devint le moment d’écraser le pouvoir de Satan et de le dépouiller de son pouvoir.

Par sa mort expiatoire en faveur de son peuple, le Christ a affranchi les siens du joug de Satan (2 Co 4.4; 2 Tm 2.26). Il s’était incarné, revêtu de chair et de sang, afin d’annuler celui qui avait le pouvoir de la mort (Hé 2.14). Sa mort nous a transportés du domaine de l’adversaire en son admirable règne de lumière. Pour le fidèle, la mort n’est plus un ennemi triomphant pénible, car par sa propre mort, le Christ en a anéanti le pouvoir et retiré le poison (1 Jn 3.8; Ap 1.18). La mort elle aussi, et non seulement Satan, a été destinée à la défaite (1 Co 15.26). Par son apparition, le Christ a accompli l’antique promesse.

Abordons aussi l’idée combien rassurante pour l’Église de l’enchaînement de Satan. L’actuel enchaînement de Satan apparaît fréquemment sur les pages du Nouveau Testament. Il est jugé, il a été spolié (Hé 2.14). Le terme « enchaîner » se retrouve dans Matthieu 12.29, où le Christ parle de lier l’homme fort, et ce terme s’applique à Satan aussi dans Apocalypse 20. Les mille ans représentent toute la période de dispensation du Nouveau Testament durant laquelle, depuis l’avènement du Christ, Satan est enchaîné. Son pouvoir a été brisé, c’est pourquoi il ne peut plus tromper les nations avec le même succès qu’avant l’incarnation. Il sera incapable d’empêcher la proclamation de l’Évangile. Ceci ne signifie pas que Dieu ne lui permette pas d’élever des obstacles devant son peuple ou de le faire souffrir au cours de l’histoire. Pourtant, Satan ne peut plus empêcher la diffusion de la Bonne Nouvelle et faire échouer le dessein souverain de Dieu. Son influence sur terre est amoindrie, de telle sorte qu’il est incapable d’empêcher la croissance de l’Église parmi les nations.

Voyons-nous cependant Satan effectivement enchaîné? Pour nombre de chrétiens, ceci pose une véritable question. En effet, les apparences sont toutes de nature à démentir cette affirmation. Celui qui journellement est confronté à des agissements inhumains, perpétrés par des êtres humains, aura de la peine à admettre que Satan est dérouté dès maintenant, que Dieu est souverain au cours des événements agitant notre univers.

C’est l’Apocalypse qui parle explicitement de l’enchaînement de Satan (Ap 20.2-3). Jésus-Christ, un ange du ciel, vient sur terre avec la clé de l’abîme et enchaîne Satan le confinant dans l’abîme. L’effet de cet enchaînement est qu’il ne trompera plus les nations. L’Écriture ne nous révèle rien de plus au-delà de cela. Qu’il soit enchaîné veut simplement signaler qu’il ne peut plus tromper les nations comme il le faisait avant l’incarnation du Fils. Le pouvoir de l’Évangile proclamé met Satan en échec dans sa tentative pour égarer les peuples et les nations de la terre. Par conséquent, lorsqu’elle proclame fidèlement la Parole, l’Église est assurée de sa victoire. Du fait que le Christ domine sur les nations, Satan ne peut plus nuire totalement, car il existe désormais une porte ouverte pour la mission que nul ne peut fermer. L’ordre missionnaire peut être exécuté avec confiance et assurance.

L’Évangile est effectivement la puissance de Dieu pour quiconque croit. L’évangélisation et l’enseignement dans la foi sont deux activités que l’Église peut en toute sécurité mener à bien. Si les nations actuellement ne sont pas disciplinées, la raison n’en est pas que Satan les mène à sa guise, mais s’explique plutôt du fait que des chrétiens, tels ceux de l’Église de Thyatire, lui concèdent plus de pouvoir qu’il n’en détient. Lorsque la parole est fidèlement prêchée, même des magiciens se convertissent et brûlent leurs ouvrages occultes; même ceux de la synagogue de Satan seront soumis (Ap 3.9). Les fausses religions seront, en définitive, soumises à l’Église. Non seulement Dieu a écrasé la tête du serpent, mais encore il l’écrasera bientôt sous les pieds de l’Église (Rm 16.20).

Précisons que l’enchaînement de Satan ne signifie pas son élimination radicale et son immobilisation définitive ou l’arrêt total de ses agissements (2 Pi 2.4; Jude 1.6). Les acolytes de Satan ne se tiendront pas davantage tranquilles les bras croisés. Certes, selon la lettre de Jude, des anges déchus sont enchaînés; pourtant, les démons sont loin de demeurer inactifs! Satan est enchaîné, mais, même si cela nous paraît paradoxal, il est toujours actif. La laisse est, à notre gré, encore trop longue.

Bien que l’abîme soit leur habitation propre, sous la volonté permissive de Dieu et à cause de ses desseins bienveillants, quoique mystérieux, il leur est permis une certaine activité sur terre jusqu’au jour où ils seront de nouveau confinés à l’abîme. Tandis que Dieu écrasera Satan sous ses pieds à cause de la victoire totale et définitive du Christ, les deux événements ne coïncident pas dans le temps. « Le Dieu de paix brisera sous peu Satan sous vos pieds » est une promesse rassurante issue du combat décisif qui a été livré contre lui. En principe, nous devons attendre deux sortes de victoire : l’une étant l’écrasement de sa tête sous les pieds du Christ, l’autre l’écrasement du reste de son corps, sous les pieds des croyants. La deuxième victoire sera elle aussi complétée comme l’avait été la première.

Luc 10.18 décrit de manière vivante le déclin et la chute de Satan. Le pouvoir de Satan a été brisé. Il a été précipité hors du ciel. La même image se retrouve dans Apocalypse 12. Ici, Satan est décrit sous les traits d’un dragon rouge de même que tous les adversaires de Dieu dans l’Ancien Testament sont présentés sous les traits de monstres (Ap 12.3; Jb 26.13; Ps 74.13-14; És 27.1; 51.9; Éz 32.2). Le dragon est puissant, il possède dix cornes, il est difficile à tuer, il a sept têtes. Son opposition à Dieu s’étend sur une échelle cosmique. Une importante minorité des anges créés se trouve sous ses commandes. Sa cible victime est une femme sur le point d’accoucher, dont les douze étoiles de la couronne représentent les douze tribus d’Israël. La femme symbolise le peuple de Dieu, et celui qu’elle est sur le point d’accoucher est Jésus-Christ, car le Fils de Dieu fut, selon la descendance de la chair, fils d’Israël. Mais l’auteur du livre insiste fortement sur le fait qu’il put échapper aux attaques de l’adversaire, qu’il l’emporta sur Satan.

On peut en déduire que cette rencontre du Christ avec Satan était de dimension cosmique et qu’elle incluait la lutte des bons anges contre les anges déchus. Il convient d’établir un parallèle entre ces textes et le rôle des anges lors de la tentation du Christ au désert. Daniel y faisait déjà allusion (Dn 10.13-21; 12.1; Jude 1.9). Satan est rejeté, précipité hors du ciel, il a perdu son pouvoir et ses accusations calomnieuses ne peuvent plus avoir de force après la mort expiatoire du Christ. Satan fut incapable de détruire le Christ lors de sa naissance, incapable de lui faire transgresser le commandement de servir Dieu, incapable de l’arrêter lorsqu’il s’emparait de la maison de l’homme fort, et ses hordes incapables de résister aux bons anges.

Selon Apocalypse 12, l’activité frénétique de Satan s’explique par le fait qu’il est jeté dehors, hors du ciel. Ayant perdu la bataille spirituelle, il se livre à présent à la persécution physique contre la femme, c’est-à-dire contre le peuple de Dieu. Mais la femme s’est réfugiée dans le désert. Selon l’auteur du livre, le peuple de Dieu sera entièrement à l’abri des attaques diaboliques. Si Satan a détruit physiquement l’ancien peuple de Dieu (destruction de Jérusalem en 70), c’est parce qu’il fut un instrument entre les mains de Dieu, lequel châtie le peuple qui avait rejeté le Messie.

Satan est le dragon déchu. Il n’est pas l’ennemi absolument redoutable devant qui l’Église doit trembler. Si nous devons tenir compte de sa farouche opposition et de ses flèches empoisonnées, nous nous garderons toutefois de vivre une vie de sanctification misérable et une mission chrétienne de défaitiste. Parce que Jésus-Christ a remporté la victoire, nous-mêmes, son troupeau et son armée, nous participons à son triomphe. Jésus-Christ a fait à ses disciples le don d’un pouvoir sur les démons (Mt 10.1; Mc 6.7; 9.38; Lc 10.17; Ac 5.16; 8.7; 16.16-18; 19.12). Il partage sa victoire avec son armée, de sorte que ses disciples, à leur tour, au lieu de se laisser aller à la panique, écrasent l’ennemi. Une telle victoire, le monde non croyant et même les sorciers professionnels ne le possèdent pas.

Ce pouvoir exclusif que le Christ délègue à ses disciples signifie deux choses : D’abord, que le disciple n’est jamais menacé d’être possédé par le démon. L’opposition entre le Saint-Esprit qui le remplit et l’esprit impur qui rôde autour de lui est radicale (Mc 3.29-30). Il est impensable d’avoir simultanément les deux esprits. Ensuite, qu’à cause de la puissance qui accompagne la prédication de la Parole par laquelle la Bonne Nouvelle de la royauté du Christ pénètre les recoins les plus éloignés de l’existence et s’enracine dans les profondeurs de la réalité, elle dissipe les ténèbres et, par conséquent, réduit les probabilités mêmes de possession démoniaque dans la société. Oublier cet élément essentiel de l’Évangile induit actuellement dans une grave erreur nombre d’écrivains évangéliques qui ne voient partout qu’explosion démoniaque et qui versent dans le sensationnalisme. Nous n’ignorons pas qu’une culture apostate offre un terrain propice à la possession, mais l’activité démoniaque ne doit pas être gonflée hors de proportion!

Nous possédons l’assurance de la victoire morale lors de toute rencontre avec le prince des ténèbres. Le Christ le Souverain Sacrificateur intercède en notre faveur (Jn 17). Cette prière compte pour et dans nos propres victoires (Jc 5.16). En résistant à Satan, nous l’obligeons à fuir (Jc 4.7). Armés de la panoplie de Dieu, nous saurons mener le bon combat. Parce que le Saint-Esprit en nous est plus grand que l’adversaire qui est dans le monde, nous ne rencontrerons pas d’obstacles insurmontables pour l’emporter sur lui, sur l’Antichrist, sur le monde (1 Jn 4.3-4). Le Saint-Esprit se charge d’éclairer nos esprits au sujet de la justice faite à Satan. À l’opposé de l’œuvre du Malin, notre Défenseur et notre Avocat convainc le monde au sujet du jugement, parce que le prince de ce monde a été jugé (Jn 16.11; Ac 2.36-37; 1 Co 15.24-28). C’est le Saint-Esprit en nous qui rend manifeste la défaite ultime de Satan, en le délogeant progressivement de notre existence. Comme Jésus s’est opposé à Satan par la Parole, de même le Saint-Esprit vient à notre secours par la Parole pour que nous résistions à notre adversaire. Nous sommes plus forts que l’homme fort (Mt 12.29). Aussi pouvons-nous contrer tout enseignement anti-chrétien (1 Jn 4.1-4). Comme Satan n’a eu aucune part en Christ (Jn 14.30), de même il n’en a pas avec nous : « Celui qui est né de Dieu se garde et le Malin ne peut le toucher » (1 Jn 5.18).

Même en cas de persécution physique, le fidèle l’emporte dans la bataille contre Satan. L’avertissement de Pierre au sujet de Satan rôdant autour de nous tel un lion rugissant est contrecarré par cette autre affirmation du même auteur relative à la seigneurie du Christ (1 Pi 4.11; 5.8-11). Tandis qu’à cause du déclin de son pouvoir l’adversaire déverse sa fureur sur le monde, les fidèles, eux, sont assurés de l’autorité du Christ et peuvent marcher sur des serpents et des scorpions et résister au pouvoir du Malin. Rien ne les touchera (Lc 10.19). Lorsque la persécution adviendra, c’est Satan qui en sera la victime principale, non le disciple. Même le martyr chrétien ne dérobera le Christ de son autorité totale, au contraire il la confirmera davantage encore (Rm 8.35-37; Ap 12.10-11).

Cette victoire s’étend et s’applique à notre mission d’évangélisation. Selon l’ordre de Jésus dans Matthieu 12.28-29, le disciple a le pouvoir de chasser les démons. Ce pouvoir délégué annonce que le Royaume de Dieu est arrivé. Une telle victoire aurait été impensable si Satan n’avait pas été déjà lié. La puissance de l’âge à venir a été l’objet d’une expérience éprouvée. L’enchaînement de Satan constituait une partie essentielle de son œuvre messianique. Dieu ne connaît pas de laps de temps. Nous savons qu’aussi bien de son point de vue que du nôtre, la croix du Calvaire demeure au cœur de l’histoire et que Satan est véritablement expulsé.

Redoutable et rugissant comme un lion, rusé pour ourdir toutes sortes de machinations, exerçant son influence néfaste, il n’en demeure pas moins que le coup qui lui a été porté a été mortel. Si ses rugissements font trembler le monde, le temps dont il dispose est court; si sa haine contre l’Église décuple, la violence de ses assauts ne saurait ébranler l’assurance de celle-ci en la victoire de son Seigneur. Même au sein de la pire tribulation, elle se sait plus que vainqueur par celui qui l’a rachetée, la soutient et la protège.

Si Satan a troublé la terre dans le passé, à présent le Christ restaure l’univers. S’il a déversé le poison de la malédiction, le Christ purifie les siens. S’il a été l’instigateur des misères qui affligent le corps et l’esprit, le Christ ressuscitera ce corps mortel pour le revêtir d’immortalité. Le « shalom » eschatologique, la paix divine qui emplit dès à présent nos cœurs et qui sera complète dans le Royaume qui vient, comporte une rédemption globale. Assurée de sa victoire, l’Église peut revêtir toute l’armure spirituelle qui est mise à sa disposition. L’issue du conflit ne laisse aucun doute. Le fidèle vit entre l’heure de la précipitation de Satan hors des cours célestes et son enchaînement d’une part et son écrasement définitif dans l’abîme d’autre part.

L’exhortation biblique a une double visée : elle est simultanément consolation et encouragement; exhortation, elle nous appelle au combat; consolation, elle nous assure de la victoire. L’Église a été désignée comme l’instrument principal de son Seigneur ici-bas sur terre et au cours de l’histoire. Son action fera disparaître les vestiges du passage de l’adversaire; sa mission est une œuvre assurée et joyeuse. Aucun geste de bienfaisance ne sera méprisé; même le verre d’eau offert à l’assoiffé a valeur de mission. Ce serait faire preuve de défaitisme de n’envisager que théoriquement la mission présente de l’Église comme sel de la terre et lumière du monde. En réalité, Satan se comporte actuellement en « squatter ». Il ne possède aucun territoire qui lui appartienne.

C’est pourquoi l’Église est-elle exhortée à ne pas vivre pour elle-même, mais pour son Seigneur. Le Messie est reconnu et exalté. L’incarnation et l’exaltation du Fils ont prouvé magistralement que le monde présent d’injustice, d’immoralité et de rébellion est un monde illégal. Dieu l’a réclamé pour lui et l’a acquis de manière souveraine. Chaque chrétien peut et doit rendre témoignage à cette nouvelle réalité en confessant publiquement, par ses discours et par ses gestes, la seigneurie actuelle et effective du Christ. Reconnaître actuellement une quelconque autorité à Satan est une concession qui, en définitive, nous fera succomber à sa séduction, une preuve d’idolâtrie. Car pour la seule gloire du Père, Jésus le Christ est « Kurios ».

Nous n’avons pas à nous angoisser. Celui qui nous a arrachés à la perdition de la mort est le même qui nous conduit de victoire en victoire. Son autorité ne se confine pas à nos seules vies individuelles, ni même à l’existence de l’Église. Elle s’étend sur la totalité de l’univers, au ciel, où il se trouve hors d’atteinte de l’adversaire; et, avec lui, son Église est déjà transportée dans les lieux célestes. Chaque fois que l’Évangile est fidèlement proclamé, le pouvoir de Satan reçoit un coup dévastateur.

Bien que nous ne soyons pas de ce monde présent, nous ne sommes pas pour autant invités à le fuir. Notre confession de foi ainsi que toute notre mission donnent les signes sûrs et joyeux de la seigneurie ultime du Christ Sauveur. « Voici, il fait toutes choses nouvelles » (Ap 21.5). Aussi, avec les disciples de toutes les générations, proclamons dans l’allégresse et une conviction inébranlable : « Christus est Victor », le Christ est vainqueur!

Nous devrions en tirer une grande assurance et un grand réconfort dans notre confrontation avec l’adversaire. Jadis, il inspirait des terreurs conduisant même le peuple élu de l’Alliance vers l’idolâtrie et l’apostasie. L’incroyance faisait une violente escalade dans le monde. À tel point que Dieu dut châtier le monde lors du Déluge, lors de la construction de la tour de Babel, à Sodome et à Gomorrhe… Il punit jusqu’à son propre peuple, qu’il venait pourtant d’arracher d’une main puissante à l’esclavage en Égypte. Si Satan était tellement influent au sein du propre peuple de Dieu, on s’imagine l’étendue de son pouvoir sur les païens! Le monde se trouvait dans le mensonge, la détresse et les profondes ténèbres jusqu’à l’avènement du Messie, qui effectua un changement radical sur le tableau de l’histoire humaine.

Ainsi, la Bible ne se contente pas de nous mettre en garde contre Satan. Simultanément, elle nous rassure. Le fidèle disciple du Sauveur n’a rien à craindre de lui. Sur la croix du Calvaire, Satan et ses légions ont été définitivement mis en déroute, mortellement blessés.

Si nous ressentons donc actuellement les soubresauts d’un moribond, même s’ils sont par moments d’une extrême virulence, sachons pourtant que ses jours sont comptés. S’il s’agite avec violence, ce n’est que pour très peu de temps. Il continue à déverser du poison, il ne réussira pourtant aucune de ses funestes entreprises.

Cela ne doit pas nous épargner l’effort de prendre au sérieux à la fois son existence, ses activités et son châtiment ultime. Autrement, notre existence même perdrait tout sens, nous ne comprendrions ni ce qu’est la justice divine, ni ne pourrions-nous nous confier en l’amour de Dieu. Dieu a décidé de livrer Satan à sa perte définitive, et cette connaissance nous accorde un souffle nouveau, nous permet d’avancer, de persévérer, de nous réjouir et d’espérer contre toute espérance. Nous avons été arrachés des griffes mortelles de notre ennemi par un Maître qui lui est infiniment supérieur.

L’étude de la seigneurie du Christ et de la fin de Satan devrait nous rendre à la fois sobres et vigilants. Il nous faut garder constamment à l’esprit les diverses facettes de la lutte et de la défaite des démons, sinon nous n’aurons qu’une vue déformée des activités du Malin et de la portée réelle de son pouvoir. Nous serions injustement découragés, angoissés, voire paniqués, devant un adversaire pourtant réellement écrasé.