Cet article a pour sujet l'enseignement biblique sur Satan et les démons, leur révolte contre Dieu, leur pouvoir et leurs agissements mauvais, la souveraineté de Dieu sur eux et la victoire de Jésus-Christ sur les puissances démoniaques.

Source: Défi et défaite des démons. 5 pages.

Démonologie - Perspectives bibliques sur la démonologie - Introduction

Quel est le démonisme que nous révèle l’Écriture? Comment éviter l’écueil du sensationnalisme tout en restant vigilant à égard des multiples et mortels agissements sataniques?

La Bible, comme nous le verrons, ne se contente pas de nous mettre en garde contre Satan et ses légions. Tout d’abord, elle nous rassure surtout. Par la victoire du Christ, la tête du rusé serpent a été écrasée. Sur la croix, Satan et ses hordes de démons ont été mortellement blessés. Le prince de ce monde a été mis au pilori; il a été vu « tombant du ciel tel un éclair » (Lc 10.18). Nous ressentons les terribles soubresauts de ce moribond. Il s’agite avec violence, sachant que ses jours sont comptés. Il continue à déverser son poison, mais il n’a plus aucune chance de réussir. Le séjour des morts lui est réservé, il ne peut espérer de réhabilitation quelconque.

Or, si Satan n’existe pas ou s’il n’est pas puni, la vie devient totalement absurde et on ne saura jamais comprendre en quoi consistent l’amour et la justice de Dieu. Mais Dieu a décidé que Satan sera livré à sa perte définitive, et cela nous donne un souffle nouveau pour aller de l’avant, pour persévérer, pour nous réjouir et pour espérer contre toute espérance. Seul le sang du Christ répandu sur la croix mettra le démon hors d’état de nuire.

Le Christ est le grand exorciste, si l’on peut utiliser ce terme à son propos. Il nous a arrachés aux griffes du démon, il nous a libérés définitivement. Chrétiens, gardons-nous d’assimiler Satan à un être supérieur et invincible. Certes, Lucifer se métamorphose, se recycle et s’adapte pour les besoins de l’époque, afin de mieux s’assurer un empire qui a pourtant commencé à crouler depuis le drame de Golgotha. Cherchons à saisir les principes qui ont des conséquences pratiques pour notre comportement vis-à-vis du domaine et des forces démoniaques.

Pourquoi Dieu permet-il l’action de Satan? Dans la plénitude de sa justice et de son amour incommensurable, le Seigneur Dieu veut le bien de tous les hommes. Comment, dès lors, expliquer cette permission qu’il laisse à Satan de multiplier son action maléfique et de développer son entreprise de perdition? Il n’est certes pas aisé de répondre à cette question. Le mal aurait-il la caution divine? Le malin voudrait sans doute nous voir soutenir cette misérable pensée. Il ne faut pas oublier que les anges, comme les hommes, ont été créés libres. La théologie biblique a toujours été formelle sur ce point : il n’existe pas un principe du mal indépendant s’opposant à Dieu. Si donc le Tout-Puissant infiniment parfait n’a rien fait qui n’est bon, le diable n’a pu, à l’origine, être créé mauvais. La genèse du drame, il faut la chercher dans l’abus de la liberté. Supérieurement intelligent, Lucifer s’est laissé aveugler par l’orgueil. Il a refusé de s’ordonner librement au plan divin, de se régler sur la volonté supérieure de Dieu. Ceci implique qu’au moment du choix, avant de dire non et d’entrer en révolte contre son Créateur, il était dans la vérité. Malheureusement, « il n’a pas persévéré dans la vérité », révèle notre Seigneur, « parce qu’il n’y a point de vérité en lui » (Jn 8.44).

Quelle tentation pour un esprit pur contemplant la face du Seigneur et recevant d’elle tous ses dons de perfection, que de se complaire dans sa perfection! Quelle tentation pour ce miroir de la connaissance infinie et de la beauté souveraine, pour cette créature libre, que de s’obnubiler au point de croire que son bien, c’est lui-même. Lucifer et ses complices connaissaient les plans de Dieu. Ils savaient qu’ils seraient ses intermédiaires entre lui et l’homme. Ils étaient promis au rôle de messagers auprès de cette créature étrange, composé inséparable d’esprit et de chair, placée au sommet de l’univers sensible. Ils savaient tout cela, et on peut penser soit qu’ils refusèrent cette mission, soit qu’ils décidèrent de diriger les hommes par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Et ce fut la révolte et aussitôt la rupture. Lucifer, l’archange porteur de lumière, devint le prince des ténèbres. En se séparant du souverain bien, il éprouva une telle diminution d’être qu’elle donne l’idée d’une chute dans un abîme infini.

Le ciel est la libre et parfaite adéquation de sa volonté à la volonté suprême. C’est la grâce acceptée et rendue à Dieu. L’archange ayant refusé de se conformer à cet ordre n’eut même pas besoin d’en être chassé; il s’en écarta lui-même et, en s’éloignant de la lumière, il entra dans la nuit; il est désormais installé dans ses propres ténèbres spirituelles. Puisqu’il veut « diriger et n’être dirigé par personne », il entend être porteur de son propre message, révélateur de son ciel à lui. Mais, comme il ne possède l’être que par délégation, ce « ciel » peut-il être autre chose qu’une illusion, un grand vide, un mensonge, le règne de personne, l’empire du vide, celui de l’inextinguible soif et faim spirituelle, en un mot l’enfer? Et voilà que maintenant et à jamais il éprouve la haine de tout ce qu’il ne peut avoir et qui n’est rien moins que ce souverain bien, unique et nécessaire à toute créature.

Certes, le Seigneur aurait pu et peut toujours neutraliser ce superbe, en qui il avait mis tant de complaisance. Mais avant que l’homme libre ait été appelé à la vie, Dieu n’a-t-il pas vu dans sa prescience que lui aussi se révolterait, que lui aussi prendrait le parti du néant, que lui aussi attenterait à la vie? Le démon n’est donc pas supprimé, mais il sert en quelque sorte de test au destin de l’homme. Qui ne se soumet pas à Dieu devient le vassal de Satan. La neutralité n’est pas possible. Il faut choisir entre le bonheur vrai offert par Dieu, ou le vrai malheur découlant de l’absence de Dieu. C’est un choix irrémédiable entre le bien et le mal, entre le bonheur et le malheur.

La Bible ne nous offre pas une doctrine systématique et détaillée comme telle. La principale raison en est que Dieu commence sa révélation au sein d’un monde polythéiste. Il cherche à libérer son peuple élu afin de le conduire au service et à l’adoration du Dieu unique qu’il est et qui se révèle comme tel. L’accent majeur de l’Ancien Testament sera placé sur la suprématie et la toute-puissance du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Cependant, la Bible laisse dès le départ clairement entrevoir la présence de Satan. Bien que l’Ancien Testament ne contienne pas une foule d’informations sur ce personnage, quelques traits suffiront. Dès son entrée en scène, il apparaît sous son vrai caractère, c’est-à-dire comme l’adversaire de Dieu et de son peuple. Il cherchera par tous les moyens et par toutes les ruses à rompre la communion entre les deux.

Les éléments les plus nombreux le concernant dans la première partie de la Bible se trouvent notamment dans le livre de Job. Cependant, nous le voyons opérer sous l’ordre exprès et la permission que lui accorde le Dieu souverain.

Les divers passages bibliques où l’on voit apparaître Satan sont de nature à la fois historique et théologique. Il entre en scène pour tenter, pour posséder et pour opprimer. La recherche d’une destinée autonome par rapport à Dieu fait l’essence même de la tentation; elle semble être l’unique chose agréable à l’esprit rebelle humain.

Une certaine théologie a estimé que la démonologie biblique aurait subi l’influence de la religion dualiste de l’ancienne Perse. Nous pensons, bien au contraire, que la satanologie perse est à la fois dualiste et a-historique, c’est-à-dire à caractère mythique, tandis que celle de la Bible est invariablement historique et théiste, et qu’elle s’éclaire à la lumière du Dieu souverain.

À l’origine, le terme grec « daimon », que nous traduisons par démon en français, n’a pas de connotation démoniaque au sens courant de cet adjectif et ne suggère aucune association avec Satan, comme c’est le cas dans le Nouveau Testament. Son sens et son emploi sont largement tributaires des concepts hébraïques de l’Ancien Testament. Ce sont donc ces sens et cet emploi-là que nous examinerons dans notre étude.

Offrons pour commencer une vue générale de l’ensemble de la démonologie biblique avant d’examiner les données particulières à l’Ancien et au Nouveau Testament. Nous sommes informés que certains anges n’ont pas conservé leur état original. Ils ont péché; ils sont appelés des esprits mauvais ou impurs, des principautés, des puissances, « le prince de ce monde » et « des esprits de la méchanceté dans les lieux célestes ».

L’Écriture distingue également entre diable et démon. Dans le monde spirituel, supraterrestre, il y a un seul diable, mais il existe de nombreux démons. Ces esprits mauvais ont été créés au départ de la même nature que les bons anges. Leurs noms et leurs titres expriment leur nature et leur pouvoir qualifiant aussi bien les uns que les autres. Leur condition originelle était sainte. En ce qui concerne leur chute et la nature de leur péché, la Bible ne nous offre pas de données explicites nous permettant de parvenir à une certitude absolue à ce propos. D’après une théorie majeure qui cherche à répondre à cette question, une multitude d’anges déchus auraient prit part à la rébellion fomentée par Lucifer (2 Pi 2.4; Jude 1.6; Ap 12.7-9).

Origène, l’un des plus grands théologiens des premiers siècles chrétiens, pensait à une rébellion précosmique qui aurait entraîné tous les êtres rationnels créés libres, hommes et anges. Les démons sont les anges qui ont participé à cette sédition fomentée par Lucifer.

Les références bibliques à Satan sont toutes, sans exception, des références à un être personnel; par conséquent, il n’est pas permis d’interpréter ce terme comme l’équivalent d’une personnification du mal. L’idée que la croyance en Satan aurait été introduite dans la religion juive après la captivité babylonienne et sous l’influence des religions perses ou païennes ne peut davantage être soutenue. Nous le voyons apparaître déjà comme le tentateur du premier couple.

Outre le fait qu’il est l’adversaire de Dieu, il est aussi « le prince du domaine des ténèbres ». En participant à son apostasie, l’homme se place sous sa tutelle et ne trouvera son salut qu’en secouant son joug tyrannique et mortel, se faisant transporter, par la pure grâce de Dieu, dans le « Royaume de son Fils bien-aimé ».

On ne peut davantage souscrire à l’idée selon laquelle les démons seraient les esprits d’hommes iniques décédés. Le témoignage biblique affirme que les démons sont des anges qui n’ont pas conservé leur dignité (2 Pi 2.4; Jude 1.6). De même, le titre de « principautés » et de « puissances » dans la Bible ne s’applique qu’aux ordres angéliques.

Quant à leur pouvoir et à leurs agissements, il nous est dit qu’ils sont nombreux et efficaces. Ils ont accès au monde pour opérer aussi bien dans la nature que sur l’esprit des humains.

Notons encore qu’aussi bien les démons que les saints anges restent des créatures limitées malgré leurs pouvoirs surnaturels. Ils dépendent de Dieu et ne peuvent agir qu’avec son autorisation; ils restent placés dans les limites qu’il contrôle exclusivement. Leurs opérations suivent nécessairement les lois de la nature; ils ne peuvent interférer dans le domaine de la liberté et de la responsabilité morale des hommes, les manipuler tels des automates. Les hommes qui se soumettent librement à Satan, dont le pouvoir est aussi redoutable que réel, deviennent ses esclaves; les esprits méchants opèrent dans le cœur des hommes désobéissants et rebelles. Le chrétien, lui, est averti contre leurs ruses et il est invité à leur opposer une vive résistance, non certes par ses propres forces, mais armé de toute la panoplie de Dieu.

Cependant, l’idée saugrenue d’une alliance entre hommes et femmes avec de mauvais esprits, qui les auraient investis d’un pouvoir surnaturel au prix de la perdition éternelle de leurs âmes, a été à l’origine d’une campagne de persécution qui a tragiquement noirci les annales des 17e et 18e siècles. Des hommes, même parmi les plus éclairés d’Europe, se laissèrent emporter par leur imagination, ce qui, hélas!, coûta la vie à des milliers de personnes, hommes, femmes et même enfants…

Il faut se garder cependant d’aller à l’autre extrême, en niant purement et simplement la réalité des démons et celle de leurs actions néfastes, soit sur la nature, soit sur les esprits des hommes. Il suffit de suivre la sobre, mais suffisante lumière que la révélation biblique projette sur ce sujet. Redisons que ces esprits ne peuvent agir qu’en accord avec les lois de la nature et le libre consentement des hommes. Leur influence et leurs opérations ne peuvent être clairement détectées, pas plus que celles des bons anges, bien que les uns et les autres puissent agir avec efficacité pour le bien ou pour le mal.

Soyons reconnaissants à Dieu pour le ministère invisible, tout à fait réel et certain, des bons anges; restons cependant sur nos gardes et cherchons la protection divine contre les machinations des esprits mauvais.