Cet article a pour sujet l'équilibre entre la prière qui demande à Dieu de pourvoir à nos besoins et le contentement qui vit dans la reconnaissance et la confiance dans la bonne providence de Dieu.

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Demander ou pas?

  1. Savoir demander
  2. Et les débonnaires?
  3. Les deux à la fois!
  4. Deux questions

Je voudrais commencer avec une question : Ce que nous avons reçu, l’avons-nous toujours demandé? À l’évidence, non. À commencer par l’existence… Noé a-t-il demandé à construire une arche, Abram à quitter son pays, Moïse à aller voir Pharaon, David à devenir roi? Marie a-t-elle demandé à donner naissance au Messie? Saul a-t-il demandé à être apôtre? Non. Et Siméon, qui a reçu l’enfant Jésus dans ses bras? Mais il est dit de lui qu’il « attendait la consolation d’Israël » (Lc 2.25). Cette attente ressemble à une demande, n’est-ce pas? Une demande vécue. De même, il est écrit que le Seigneur reviendra au dernier jour « pour ceux qui l’attendent » (Hé 9.28).

« L’Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien » (Ps 23.1). « C’est une grande source de gain que la piété, si l’on se contente de ce qu’on a » (1 Tm 6.6).

Voici encore deux paroles de Jésus qui paraissent contradictoires…

  • « Heureux les débonnaires » (Mt 5.5). Les débonnaires ce sont ceux qui ne réclament rien.
  • « Demandez et vous recevrez! » (Mt 7.7).

Que faire? C’est simple : il faut garder les deux! Les deux sont vraies! On ne va pas faire une Église de débonnaires et une Église de demandeurs! Mais tantôt il faudra se rappeler une de ces deux paroles; et tantôt l’autre.

1. Savoir demander🔗

« Demandez et vous recevrez », dit Jésus. « Frappez et on vous ouvrira. » Et chez Luc, cette parole est même précédée par le récit de l’ami importun qui vient sonner en pleine nuit! (Lc 11.5-13). Les débonnaires pensent qu’il ne faut pas demander : ce n’est pas poli! Pourtant, Jésus dit de demander! Ce n’est donc pas impoli! Et non seulement ce n’est pas impoli, mais c’est un commandement de le faire.

J’ai connu un pasteur (âgé maintenant) qui disait : Je ne demande jamais rien pour moi, à Dieu. Mes parents m’ont appris à ne rien leur demander. Ils savaient ce dont nous avions besoin (un carré de chocolat, une pâte de fruits), et nous n’avions rien à demander d’autre. Cela aurait été incorrect. On disait merci, c’est tout. Et donc ce pasteur faisait de même avec Dieu.

Il est vrai que Dieu sait ce dont nous avons besoin (Mt 6.32). Mais Jésus ne dit pas de ne pas demander. Jésus dit de ne pas « multiplier les vaines paroles, comme font ceux qui ne connaissent pas Dieu » (Mt 6.7), car Dieu sait ce que nous allons dire avant que nous le disions. Et juste après, il donne le « Notre Père » comme modèle. Cette prière est pleine de demandes. Donc nous pouvons demander. Nous devons demander à Dieu ce dont nous avons besoin. Et aussi (d’abord!) que sa volonté soit faite.

La philosophe Simone Veil1 a dit ceci : « Dieu veut donner à quiconque demande, mais seulement à qui demande. » Pourquoi cela? Parce que demander, c’est reconnaître que l’on a besoin, que l’on n’a pas tout; c’est la position du pauvre, de l’enfant au cœur ouvert. C’est la position de la foi. L’apôtre Jacques le dit : « Il faut que celui qui demande demande avec foi » (Jc 1.6). Demander dans la foi prépare à recevoir dans la foi! « Faites connaître vos besoins à Dieu », dit Paul (Ph 4.6).

« Comme il commençait à enfoncer, Pierre s’écria : Sauve-moi! » (Mt 14.30). Celui qui crie ainsi à Dieu est prêt à recevoir le secours, et le secours est prêt pour lui!

« Demandez et vous recevrez », dit Jésus. Dans sa lettre, Jacques écrit ceci : « Vous ne recevez pas parce que vous ne demandez pas » (Jc 4.2), « ou vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos convoitises » (Jc 4.3). Il y a donc deux défauts à éviter : ne pas demander (par fierté ou par incrédulité) ou demander mal (par convoitise, par désir désordonné). C’est bon à savoir. Mais il y a une manière de demander qui est juste et que Dieu attend. Non pas pour l’informer…, mais pour reconnaître qu’on a besoin de lui, pour lui dire qu’on est prêt à recevoir le secours qui vient de lui.

Peut-on demander n’importe quoi à Dieu? En réalité, je ne crois pas. Dieu doit nous montrer ce que nous devons demander, c’est-à-dire… ce qu’il désire lui-même nous donner! Notre prière doit être accordée avec Dieu (1 Jn 5.14-15)! C’est la différence entre le jeûne et une grève! La prière que Dieu exauce, c’est celle qu’il inspire2.

2. Et les débonnaires?🔗

« Heureux les débonnaires [ceux qui ne réclament rien]. Ils hériteront la terre! »

Vous voyez la différence entre réclamer (l’état d’esprit de la grève, du rapport de force, de la demande capricieuse, obstinée, sourde…) et demander (faire connaître ses besoins).

C’est l’attitude de Paul quand il écrit : « J’ai appris à être content de l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout, j’ai appris à être rassasié et à avoir faim » (Ph 4.11-12).

Le débonnaire est conscient qu’il ne mérite rien, pas même l’air qu’il respire. Tout est grâce pour lui. Il est reconnaissant en tout temps. Il est simple comme une colombe.

Le débonnaire est satisfait de ce qu’il a. Comme cet enfant qui joue avec une feuille morte, un bout de bois. Le contraire de l’enfant gâté qui a une chambre pleine de jouets et qui en désire encore un qu’il n’a pas. Sa mère ne veut même plus l’emmener faire les courses : toujours il réclame quelque chose. Toujours insatisfait, ingrat, il s’empoisonne la vie et il empoisonne celle des autres.

Le débonnaire possède déjà ce que Dieu a promis, avant même l’exaucement (Ph 4.6-7), y compris s’il doit mourir avant de l’avoir reçu3. Pensons à Paul et Silas dans leur cachot (Ac 16.25). C’est l’attitude qu’exprime le Psaume 23 : « Je ne manquerai de rien. »

Le débonnaire est celui qui est rassasié de ce qu’il a déjà reçu (c’est la foi), mais aussi de ce qui lui est réservé pour plus tard (c’est l’espérance). Il n’a pas encore hérité la terre (!), mais il est déjà heureux (Jn 8.56). Il n’a besoin de rien d’autre.

3. Les deux à la fois!🔗

La foi demande; l’espérance attend! Les deux sont précieuses et légitimes. Ces deux attitudes peuvent et doivent coexister dans l’Église, sans se combattre, sans se dénigrer l’une l’autre. Les deux viennent de Dieu. Elles doivent s’accepter; mais aussi se corriger mutuellement, car chacune est menacée par un défaut.

a. La foi qui accepte (celle des débonnaires) est bonne! C’est la foi de ceux qui sont conscients qu’ils ne méritent rien et qui sont déjà rassasiés de la bonté de Dieu. En Christ, nous avons tout! Que demander de plus? Parfois, c’est quand on arrête de demander qu’enfin on reçoit… Mais, aussi belle qu’elle soit, cette foi-là est menacée par la passivité, par le fatalisme, par le manque d’ambition pour Dieu. Ce n’est pas bon. Le fatalisme est une forme d’incrédulité qui déshonore Dieu; quant à la passivité, elle fait le jeu de l’ennemi!

Il faut des débonnaires dans l’Église, des chrétiens qui disent merci pour ce qu’ils ont, qui attendent patiemment ce qu’ils n’ont pas « Il est bon d’attendre en silence le secours de l’Éternel » (Lm 3.26). L’espérance est pour eux « une ancre de l’âme, solide et sûre » (Hé 6.19). Il faut accepter qu’il y ait des choses que nous n’aurons qu’après la résurrection. Mais les débonnaires doivent apprendre à demander, quand il le faut, pour recevoir ce que Dieu désire leur donner aujourd’hui en vue de mieux servir, pour aller plus loin. L’espérance qui attend; la foi qui demande et reçoit. Il faut les deux! (1 Tm 6.6 : la piété, c’est les deux).

b. La foi qui demande est bonne aussi. « Demandez et vous recevrez! » Mais elle est menacée par l’ingratitude, par l’oubli de la dimension de l’espérance : on ne va pas tout recevoir maintenant! L’esprit de revendication se focalise sur un objectif au risque de confondre sa volonté et celle de Dieu; au risque parfois de mal utiliser l’Écriture au profit de son propre dessein… « Trois fois, j’ai demandé à Dieu », dit Paul (2 Co 12.8). Il ne fallait pas demander davantage…

Il faut des chrétiens qui demandent, des chrétiens qui ont soif de recevoir selon toute la mesure de la grâce de Dieu; des chrétiens qui veulent grandir, aller de l’avant, qui ne se contentent pas du minimum vital… Ils ont raison. Mais ils doivent se souvenir de la dimension de l’espérance qui attend avec patience ce qu’on n’a pas encore. Abraham a bien reçu Isaac, mais il n’a pas vu Jésus de ses yeux, ni sa postérité étendue à toutes les nations… Il l’a vu, mais par la foi, sans l’avoir obtenu.

Nous devons apprendre à distinguer entre la persévérance et l’obstination : la persévérance sert Dieu, tandis que l’obstination s’oppose à lui! (2 Co 12.8-9). Dans nos prières, alternons les affirmations « Tu es mon berger » (Ps 23.1); « tu penches ton oreille vers moi » (Ps 116.1-2) et les demandes. Il faut les deux!

4. Deux questions🔗

Deux questions pour terminer ce message :

a. Si je penche moi-même trop d’un côté, saurai-je me corriger pour avoir une foi équilibrée? Entendre Dieu me dire : Demande! ou : Attends!

b. Dieu pourra-t-il m’utiliser pour encourager mes frères débonnaires à avoir aussi la foi qui demande et reçoit ce que Dieu a préparé pour eux? ou pour encourager « ceux qui demandent toujours » à dire merci pour ce qu’ils ont déjà, à faire confiance à Dieu pour ce qu’ils n’ont pas?

Notes

1. Pas celle de la loi sur l’avortement. L’autre Simone Veil (1909-1943) est une philosophe. Elle a écrit notamment La pesanteur et la grâce.

2. L’apôtre Jean dit ceci : « Si nous demandons une chose selon sa volonté, nous savons qu’il nous écoute, et s’il nous écoute, nous savons que nous avons ce que nous avons demandé » (1 Jn 5.14-15). Cela implique de demander ce que Dieu veut. « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe… Toutefois, que ma volonté ne s’accomplisse pas, mais la tienne » (Mt 26.39). Cela implique d’écouter quand on prie…

3. Dans les béatitudes, le présent et le futur sont en quelque sorte confondus. « Ils seront consolés », c’est un futur qui commence maintenant!