Cet article a pour sujet les dons spirituels de miracle, d'apostolat, de prophétie, de guérison, d'exorcisme, de sagesse, de connaissance, de discernement des esprits et de direction spirituelle.

Source: Essai sur le Saint-Esprit et l'expérience chrétienne. 15 pages.

Les dons de l'Esprit - Les dons individuels

  1. Le miracle
  2. L’apostolat
  3. La prophétie
  4. La guérison
  5. L’exorcisme
  6. La sagesse
  7. La connaissance
  8. Le discernement des esprits
  9. La direction spirituelle

Avant d’examiner les dons spirituels à titre individuel, nous présenterons les différentes catégories sous lesquelles certains les ont classifiés, ce qui pourra nous permettre de mieux saisir leur emploi dans l’Église apostolique.

  • Il existe des dons de la parole : la prophétie en fait partie, et nous avons déjà vu qu’elle revient dans toutes les listes présentées par Paul. 1 Corinthiens 14 y est entièrement consacré.
  • Les dons d’action : s’y trouvent les dons de guérison et d’accomplir des miracles.
  • Les dons de connaissance.

1. Le miracle🔗

Les miracles accompagnèrent non seulement le ministère du Christ, mais encore celui des apôtres. Après la disparition du dernier d’entre eux, la révélation des desseins rédempteurs de Dieu fut confiée à l’Écriture. Sa formation fait à son tour partie de cette révélation des desseins rédempteurs de Dieu. Le message de l’incarnation, de la naissance et de la résurrection du Christ devait être préservé et interprété dans et par un document écrit. L’expansion initiale de l’Église se déroula dans un milieu juif et païen qui, à l’époque, avait besoin d’un sceau extraordinaire pour authentifier le message proclamé. Mais une fois que l’Église fut établie, que le canon du Nouveau Testament fut clos et que l’Ancien et le Nouveau Testament constituèrent le moyen exclusif suffisant et nécessaire pour transmettre à la fois le récit et l’interprétation autorisée des actes rédempteurs de Dieu durant la période de l’Église et jusqu’à la parousie, nous n’avons qu’à rappeler l’œuvre indispensable de régénération que l’Esprit entreprend dans la vie des élus. Sans cette œuvre-là, il n’existe pas la moindre possibilité d’entrer dans le Royaume ni même la moindre possibilité de croire. Prenons donc garde à ne pas sous-estimer la valeur des Écritures au profit de charismes dont nous avons démontré le caractère provisoire, contrairement à l’autorité permanente de l’Écriture sainte.

Prenons garde aussi à ne pas perdre de vue le caractère unique (« ef hapax ») de la révélation. Le développement historique de l’Église primitive montre que plusieurs des charismes furent absorbés dans l’institution des ministères officiellement reconnus. Le Nouveau Testament en désigne certains comme charismatiques au sens originel du terme et non au sens qu’on lui donne couramment, par exemple celui de ministre de la Parole. Celui-ci est à la fois un don de l’Esprit fait à l’Église et une personne douée par l’Esprit. C’est ainsi que, progressivement, l’office du ministère ecclésiastique et les dons spirituels furent confondus et considérés comme identiques.

L’apostolat disparut avec la mort du dernier apôtre. En revanche, la prophétie et l’enseignement, deux charismes fondamentaux, demeurent et sont confiés aux ministères pastoral ou presbytéral. L’œuvre caritative est confiée à l’office de diacre et le gouvernement de l’Église à l’ancien, qui est le presbytre ou le « presbuteros », le conducteur spirituel de la communauté. Le groupe des dons spirituels spectaculaires décroît au fur et à mesure qu’on s’éloigne de l’ère apostolique, jusqu’à disparaître finalement de la scène ecclésiastique.

« La foi ne nie pas les miracles quand et où Dieu le veut, des grâces extraordinaires. Elle sait que Dieu est tout-puissant et elle trouve dans l’Écriture maints exemples de miracles et de révélations. Mais dans l’Évangile et dans la primitive Église, les miracles et les grâces sensibles ne sont pas, comme dans la mystique plus ou moins anthropocentrique, l’aboutissement d’un long entraînement, le sceau et le signe de la plus haute perfection. Ils sont liés à la vocation. C’est plutôt au début de la vie dans la foi que Dieu les donne chaque fois qu’il veut créer, ou réformer, ou confirmer d’une manière éclatante la foi dans le cœur de ses serviteurs. C’est au début de la vie de l’Église que Dieu se manifeste par des miracles et des révélations. Il fonde l’Église par la résurrection, l’ascension et la Pentecôte.
C’est au début de la prédication des apôtres qu’ils accomplissent des miracles éclatants. Par son apparition à son frère (ou parent), Jacques, le ressuscité décide de sa vocation et donne un chef respecté à l’Église de Jérusalem. Par une révélation extraordinaire, il soutient saint Étienne, le premier martyr. Par la vision de saint Pierre, au sujet de Corneille, il fonde l’Église universelle. L’extase dont saint Paul parle dans sa deuxième épître aux Corinthiens n’est pas l’aboutissement d’une vie mystique, le sommet de sa vie religieuse. Elle a eu lieu, dit-il, il y a quatorze ans; il n’en a donc plus eu depuis l’époque de sa conversion. Dieu lui a donné les grâces sensibles nécessaires à la vocation qu’il lui destinait, et celles-là seulement.1 »

Schlemmer cite ensuite Calvin :

« Car il fallait que lui [saint Paul], qui devait être exposé à tant de difficultés, qui eussent été assez suffisantes pour abattre mille cœurs, fût confirmé d’une façon singulière; afin qu’il ne succombât en lieu quelconque, mais qu’il persévérât constamment, sans se laisser vaincre. Pensons un peu combien et quels ennemis a eu sa doctrine : puis après de combien de divers moyens et assauts elle a été assaillie. Lors nous ne nous étonnerons plus pourquoi il a plus ouy de paroles, qu’il n’a été licite de déclarer. Au reste, recueillons de ceci une admonition très utile, de tenir moyen en savoir. Nous sommes de nature enclins à curiosité. Parquoi laissant là la doctrine qui sert à édification, ou pour le plus le goûtant légèrement et par acquit, nous nous transportons après des questions frivoles et inutiles. Avec cela, il y a puis après de l’audace et témérité : en sorte que nous ne faisons point de difficulté de déterminer des choses qui nous sont inconnues et cachées. De ces deux sources nous est sortie la plus grande partie de la théologie scolastique. […] Et pourtant il faut que nous soyons d’autant plus sobres et modestes, en sorte que nous n’apprécions point de savoir autre chose, si non ce que le Seigneur a voulu révéler à son Église. Mettons là les bornes et limites de notre savoir.2 »

2. L’apostolat🔗

S’il fallait suivre jusqu’au bout la logique pentecôtiste, nous devrions nous attendre aujourd’hui à la manifestation du premier et du principal des dons de l’Esprit. Pourtant, nous avons déjà remarqué que le don de l’apostolat prit fin avec la disparition du dernier apôtre.

La fonction d’apôtre, le « shaliach » hébreu, consiste à représenter le Christ dont il est l’envoyé, en tant que son porte-parole plénipotentiaire.

Selon les pentecôtistes, on devrait faire l’expérience de chaque don mentionné dans le Nouveau Testament, par conséquent celui aussi de l’apostolat. Mais cette interprétation se heurte à une difficulté majeure. Nous avons des raisons sérieuses de penser que l’apostolat figure parmi les dons de nature temporaire. Les apôtres avaient été des témoins oculaires de la résurrection du Christ. Le discours de Pierre le jour de la Pentecôte souligne ce trait.

Saint Paul, lui aussi, rattache l’apostolat au même fait; il souligne emphatiquement le caractère irremplaçable du ministère apostolique (1 Co 15.8). On se rappellera que les chrétiens galates refusaient de lui reconnaître le titre d’apôtre authentique, prétextant qu’il n’avait pas appartenu au collège apostolique originel et que, n’ayant pas rencontré physiquement le Seigneur dont il se prétendait l’apôtre, il n’était pas un témoin oculaire de ce qu’il annonçait. Paul proteste vigoureusement contre cette allégation malveillante et défend son ministère apostolique, dont l’authenticité est confirmée du fait qu’il avait reçu l’Évangile qu’il proclame directement de la part du Seigneur. « Son » Évangile ne lui a pas été transmis par les coryphées de Jérusalem. Lui aussi est dépositaire de la révélation au même titre que les membres du collège apostolique primitif. Sa vocation est intimement liée à la vision qu’il a eue du Ressuscité.

Ce caractère de l’apostolat en tant que ministère charismatique non transmissible apparaît encore dans le fait que les apôtres n’ont désigné nulle part ni à aucune occasion des successeurs. Il n’est fait mention nulle part non plus des qualifications requises pour devenir apôtre; si quelqu’un avait la velléité d’y aspirer, il aurait bien du mal à trouver un modèle… Les apôtres se contentèrent simplement de confier les Églises nouvellement fondées aux soins d’évangélistes, de pasteurs ou d’anciens. Celui qui nous rappelle peut-être le mieux les traits d’un apôtre est le jeune Timothée. Néanmoins, il est appelé évangéliste. Son autorité ne s’étend pas au-delà de certaines Églises et, selon les instructions reçues de la part de l’apôtre attitré, il exerce de la direction spirituelle et de la surveillance épiscopale.

Force nous est de constater que l’apostolat est de nature provisoire dans l’exercice du gouvernement de l’Église. L’apôtre a reçu la vocation de fonder l’Église, qui est effectivement bâtie sur « le fondement des prophètes et des apôtres » (Ép 2.20). La même idée apparaît dans Apocalypse 21.14, où les murs de la nouvelle Jérusalem ont douze fondements, chacun portant les noms des douze apôtres. Il est certain que l’édification du temple spirituel se poursuit au cours des siècles, durant le cours de notre histoire (1 Pi 2.5). Cependant, la pose du fondement eut lieu une fois pour toutes durant la période s’étendant entre l’incarnation et l’ascension du Christ, lequel est la pierre d’angle en personne.

Les apôtres sont déclarés « des fondateurs ». Ce caractère de singularité du ministère apostolique est amplement prouvé dans le Nouveau Testament. De même que le Christ s’est offert une fois pour toutes, de même la foi transmise aux saints l’a été une fois pour toutes (Jude 1.3). Par conséquent, l’attitude correcte vis-à-vis de la tradition apostolique ne consiste pas à vouloir la développer et à y ajouter des compléments, mais à se maintenir fermes dans la « paradosis », la tradition (2 Th 2.15). Il s’agit d’un dépôt sacré qu’il faudra conserver jalousement (1 Tm 6.20).

Que ces quelques années, qui n’ont eu pour l’histoire profane pas plus d’importance que d’autres périodes, puissent constituer le noyau ainsi que la norme de la totalité du temps constitue, selon Oscar Cullmann, le scandale du christianisme aux yeux du non-croyant.

3. La prophétie🔗

Pour être en mesure d’évaluer l’importance du ministère prophétique, et plus précisément le don de la prophétie, il nous faut remonter à l’origine même du prophétisme biblique. Nous avons déjà dit l’essentiel à ce sujet dans les quelques paragraphes consacrés aux aspects bibliques de l’œuvre de l’Esprit.

Dans l’Ancien Testament, le prophète est celui qui est chargé de proclamer la Parole de Dieu, celui qui déclare : « Ainsi parle le Seigneur. » Il dénonce les conditions religieuses iniques; il interpelle les faux prophètes; il interprète correctement l’Écriture; il prévoit le châtiment, sans manquer, à l’occasion, de transmettre aussi un message de consolation et d’espérance. Il parle « en esprit ». À de rares occasions, il prédit l’avenir. Aux yeux des Juifs contemporains de Jésus, ce dernier n’était qu’un autre prophète. Le Christ donne, en effet, des raisons suffisantes pour justifier cette qualification. Il parle « avec autorité » et même avec une autorité exceptionnelle, comme personne avant lui. Il ne parle surtout pas comme les rabbis de son temps… Il interprète les Écritures de l’Ancien Testament avec une rare compétence, une compétence stupéfiante, devrions-nous ajouter, en étonnant les savants docteurs de la loi.

À partir du livre des Actes, nous voyons apparaître un prophète de type nouveau. Au chapitre 21, il nous est dit que les filles de l’évangéliste et diacre Philippe prophétisaient. Agabus est un prophète qui transmet un message particulier à Paul. Il lui prédit ce qui l’attend s’il se rend à Jérusalem. Mais, strictement parlant, ce n’était pas une prédiction au sens courant du terme, puisqu’en venant à Jérusalem le prophète Agabus s’était rendu compte du sort que les Juifs de la capitale réservaient à Paul. L’apôtre comptait parmi eux des ennemis mortels qui avaient juré de le faire arrêter et de le faire périr. Rappelons-nous aussi que ce n’était pas la première fois que Paul était informé des projets d’assassinat contre sa personne (voir Ac 20.22-23).

On peut éventuellement admettre la présence de quelques éléments de prédiction dans le discours d’Agabus, mais le prophète ne prescrit rien à Paul. Au contraire, à l’instar des prophètes de l’Ancienne Alliance, il lui délivre un message afin que l’apôtre puisse éviter de tomber dans la trappe tendue par ses adversaires. Mais Paul est décidé à se rendre à Jérusalem non seulement pour s’y faire arrêter, mais encore, au besoin, pour y mourir.

La première lettre aux Corinthiens nous laisse entendre que, parmi les dons excellents auxquels on peut aspirer, se trouve celui de la prophétie, lequel contribue à l’édification de l’Église (1 Co 14.1). Ce don encourage le fidèle et console le peuple qui accueille la Parole. Nous remarquons que le prophète et son discours sont soumis à un contrôle rigoureux. Tout discours de sa part devra être approuvé; son message doit offrir les garanties de la révélation biblique; il doit parler comme annonçant les oracles de Dieu… On se rend parfaitement compte de l’estime dont l’apôtre entoure ce charisme-là.

Le discours prophétique est à même de se faire authentifier, contrairement à certains dons secondaires. Il est évident que toute étude sérieuse du Nouveau Testament ne fera que ressortir le caractère éminemment proclamatoire de la prophétie. Elle est davantage proclamation que prédiction de l’avenir. Ainsi, dans le Nouveau Testament, comme c’était déjà le cas dans l’Ancien Testament, c’est rempli par l’Esprit que le prophète proclame la Parole; ainsi édifie-t-il l’Église par ses exhortations et les encouragements qu’il dispense.

Telle n’est pas l’interprétation que les pentecôtistes accordent à cet important charisme. Ils considèrent la prophétie comme un don extatique, un discours non rationnel. L’interprétation contredit tout ce que nous connaissons du prophétisme biblique, car si elle était vraie, nous devrions mettre en question l’autorité même des Écritures. Selon celles-ci, tout discours prophétique doit pouvoir être soumis à un contrôle rationnel vérifiable. Dans la parole prononcée ici pour la première fois apparaît toute l’importance de la notion du canon biblique. Elle trace des limites, donne des lignes directrices et impose des limitations à tout oracle qui se réclame de Dieu. Pour éviter que les fidèles ne soient induits en erreur et jetés dans la confusion, Paul affirme fortement que Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais d’ordre.

Bien que ce don-là ait ses limites, il faut cependant y aspirer. Il ne faut pas éteindre l’Esprit ni mépriser la prophétie, mais éprouver toutes choses. L’Église est invitée à examiner les Écritures et à exercer son autre don, celui du discernement des esprits, afin de se protéger contre la fausse prophétie. Si le prophétisme propre au Nouveau Testament, circonscrit à l’ère apostolique, a pu revêtir parfois un caractère extraordinaire, notre conviction est que ce caractère a été limité au temps de la révélation et a disparu pour laisser le don de la prophétie agir en tant que prédication et exhortation. Même ainsi, il ne semble pas que la prophétie du Nouveau Testament ait eu la même fonction révélationelle que celle de l’Ancien Testament, la réplique exacte de celle-ci dans le Nouveau Testament étant l’apostolat.

Dans l’Église de Corinthe, il y avait des hommes capables de saisir des mystères et de les exposer. Ceci ne s’applique nullement aux prétendus dons charismatiques du « prophète » moderne. Au risque de nous répéter, nous tenons à souligner que le prophète de l’Ancien Testament et l’apôtre du Nouveau Testament sont des agents révélationnels, dont la mission ne peut pas être répétée par la suite. Ils sont irremplaçables. Les uns et les autres ont apporté le matériau verbal et écrit indispensable à la composition du canon des soixante-six livres formant notre Bible. Rarement, les prophètes, durant l’ère apostolique, ont contribué à une nouvelle révélation, et s’ils l’ont fait, ça a été jusqu’à la clôture du canon. Depuis lors, leur fonction extraordinaire ne saurait plus être exercée sans remettre en question l’autorité des Écritures.

Le Nouveau Testament laisse entendre assez clairement qu’il fut de durée limitée et provisoire. Durant des siècles, en fait depuis Malachie, le dernier prophète écrivain de l’Ancien Testament, jusqu’à Jean Baptiste, le dernier prophète de l’ancienne dispensation, aucune voix prophétique ne se fit entendre. Bien que 1 Corinthiens 12 et 14 font mention des prophètes, nous ne voyons apparaître leurs noms nulle part ailleurs. Le Nouveau Testament n’exhorte pas les Églises à exercer d’urgence ce charisme, ainsi que le pensent les pentecôtistes. Les lettres pastorales (1 Timothée, 2 Timothée et Tite) ne le mentionnent pas, alors qu’on aurait pu s’y attendre du fait de l’organisation institutionnalisée des Églises.

La prophétie, telle qu’on put l’exercer durant la période du développement de l’Église, prit fin avec la formation du canon. Tous les éléments constitutifs de notre salut et la connaissance que nous en avons sont inclus dans celui-ci. Les « addenda et corrigenda » apportés à l’Écriture par les pentecôtistes lui font autant violence que ceux que lui apportent les libéraux modernes. C’est le texte biblique qui demeure l’autorité exclusive, suffisante et définitive pour la foi et pour la vie. Les pentecôtistes ajoutent à l’Écriture ce qui n’est pas permis et ils en retranchent ce qui lui est vital.

4. La guérison🔗

Qu’en est-il de la guérison miraculeuse? Autre sujet de controverse. Selon l’apôtre Paul, le don de guérison n’est accordé qu’à quelques-uns. Dans la lettre de Jacques, il est associé au ministère des anciens. Depuis toujours, l’Église a prié pour ses malades; Jésus en personne avait consacré une part importante de son ministère à guérir des malades et des possédés de mauvais esprits. Les apôtres ont exercé le même ministère de compassion. Selon la lettre aux Hébreux, la guérison est le signe et le témoignage que Dieu accorde à l’Évangile toute la puissance pour le salut de celui qui y croit. L’apôtre Jean, dans le quatrième Évangile, appelle les miracles accomplis par Jésus des « signes ». Ces signes attestent la nature du Royaume et en annoncent la proximité, ainsi que l’autorité divine dont le Christ est investi. Le don de guérison n’a pas été accordé pour le compte de ceux qui l’ont reçu, mais afin de confirmer l’Évangile et pour témoigner de l’avènement du Royaume.

Mais il y a aussi des miracles et des guérisons qui peuvent relever des pouvoirs sataniques. Ainsi, l’apparition de l’Antichrist sera marquée par la multiplicité de signes extraordinaires et de miracles sataniques. De tels avertissements nous mettent en garde contre les guérisons effectuées soit directement par les démons, soit en ayant recours à la magie (voir Jn 14.3; Ép 2.3; 6.2; 1 Co 11.14; Col 1.13; 1 Tm 3.7; 2 Tm 2.26; 1 Pi 5.6; 1 Jn 3.8; Ap 2.9-13). Un don de guérison qui ne serait pas contrôlé par les normes bibliques et placé au service de l’Église pourrait facilement cohabiter, voire s’accommoder de ce qui est du domaine de l’occulte (Mc 13.22).

Selon Jacques, la guérison devra avoir lieu dans le cadre du pardon des péchés. Le Christ en a déjà donné le modèle. Durant son ministère, la guérison apparaissait parfois comme le résultat de la foi du malade; ailleurs, comme celui de la foi des parents ou des amis qui s’en occupent. Dans la guérison évangélique, la foi et le pardon sont étroitement associés. Il existe cependant des cas où l’absence même de la foi n’empêche pas le miracle de se produire et, a fortiori, il devient clair que le miracle est l’effet de la seule grâce divine. Il faut se garder de conclure que toutes nos maladies sont dues à la réalité d’un péché particulier, personnel, bien qu’il soit exact que la maladie, en tant que telle, témoigne d’une manière toute particulière du mal universel et du fait qu’elle est liée, d’une manière tout à fait spéciale, au péché dans le monde. La maladie aussi se trouve dans la liste des malédictions prononcées contre le péché.

Certains passages bibliques laissent entendre qu’elle est le fait d’une force satanique oppressive, même si Satan ne détient qu’un pouvoir restreint. D’autres textes laissent entendre qu’elle est le châtiment disciplinaire que le Père miséricordieux exerce sur ses enfants lorsqu’il doit les corriger. Pour les pentecôtistes en général, la maladie ne saurait provenir que de Satan. Dieu n’aurait aucun rapport avec elle.

L’Écriture déclare que nombre d’adversités, aussi bien dans l’existence chrétienne que dans celle des hommes en général, peuvent être attribuées à l’action de Dieu, mais elle n’exclut pas l’implication directe de Satan. Pourtant, Dieu n’inflige un châtiment que lorsqu’il en voit la nécessité; mais même lorsqu’il éprouve notre foi, il nous tient toujours entre ses mains, nous incitant à la persévérance (1 Co 11.32). Cependant, il demeure le Dieu de la guérison (És 15.26) et le Psaume 103 associe la guérison à son pardon.

Paul nous apprend que l’écharde qu’il portait dans sa chair lui était infligée afin qu’il ne se glorifiât qu’en la puissance de Dieu, car la grâce divine devait se manifester dans cette faiblesse. Timothée semble avoir des problèmes gastriques et de digestion. Épaphrodite, un autre compagnon de Paul, tomba si gravement malade qu’on désespéra de son rétablissement.

À la lumière de ces exemples bibliques, nous sommes invités à exercer une très grande vigilance, nous gardant d’affirmer péremptoirement que la guérison dépend de la seule foi du chrétien ou, ce qui est plus grave, de celle du guérisseur.

Le désir d’obtenir à tout prix la guérison comporte la grave tentation de vouloir précipiter l’établissement du Royaume eschatologique de Dieu ici et maintenant. Or nous ne sommes sauvés qu’en espérance. C’est pourquoi nous souhaitons ardemment l’avènement de celui-ci. Le Royaume n’est visible ou sensible qu’à travers quelques signes discernables à notre seule foi. Sa plénitude n’est pas manifestée. Rendons aussi grâces à Dieu pour les progrès de la médecine et de ce qu’il a permis, à travers la contribution de la science médicale, que des maladies considérées jadis comme incurables soient aujourd’hui jugulées.

Cela ne nous empêche pas d’admettre que l’Esprit, dans sa liberté souveraine, puisse accorder une guérison miraculeuse lorsqu’il le juge bon. À cet effet, nous devrions prier avec plus d’ardeur. Toutefois, dans ce domaine plus que dans un autre, la menace de l’occulte et de la magie nous guettent sans cesse.

Marc 16 fait état d’un autre signe miraculeux : celui de pouvoir « saisir des serpents ». Mais en examinant les données du Nouveau Testament sur ce sujet, nous n’y trouvons ni la confirmation d’un tel don ni l’exercice d’un tel pouvoir. On songe toutefois au cas de Paul après son naufrage sur l’île de Malte. Bien que l’expérience de l’apôtre fut en effet exceptionnelle, nous ne nous aventurerions pas à affirmer qu’un véritable miracle fut accompli à cette occasion. Le texte ne dit pas que Paul eut délibérément saisi un serpent entre ses mains afin de l’écraser. Il y est simplement déclaré qu’un serpent surgit des branches allumées et que Paul eut la présence d’esprit de le saisir et de le jeter dans le brasier. Ce fut un acte apparemment normal et qui lui évita une nouvelle mésaventure, après les mémorables malheurs qu’il subit durant le récent naufrage en Méditerranée.

Le même texte de Marc parle du pouvoir d’absorber des boissons empoisonnées sans danger comme d’un autre signe miraculeux. Mais pas plus ici, nous n’avons d’autres textes du Nouveau Testament pour confirmer un don extraordinaire de cette nature.

En ce qui concerne l’imposition des mains, le livre des Actes nous en rapporte de nombreux cas, sans toutefois affirmer que tous les chrétiens ont reçu le don. Le geôlier de Philippe, par exemple, après sa conversion, n’entreprit pas de guérir Paul et Silas. Il se contenta, tout simplement, de panser leurs plaies.

La conception du « signe » telle qu’elle ressort des discours de Jésus, des écrits de Paul et du contenu de la lettre aux Hébreux est totalement différente de celle entretenue dans certains milieux pentecôtistes. Le signe nous est donné pour authentifier la foi, non pour la remplacer. Nous constatons également que les versions du mandat missionnaire dans les Évangiles selon Matthieu, Luc, Jean et le livre des Actes ne font pas mention de tels pouvoirs miraculeux.

Plus loin, nous examinerons la situation de la fin de Marc 16 et les problèmes qu’elle pose à l’exégèse biblique, mais déjà il nous est permis de déclarer que ce passage ne peut servir comme tel de modèle pour la pratique du miraculeux chez les apôtres. Nous nous étonnons que les pentecôtistes ne retiennent de la liste incluse que deux signes sur cinq : la guérison et la glossolalie. Logiquement et théologiquement, il allait de soi de posséder tous les cinq ou, au cas contraire, ne rien dire à leur sujet.

Ce qui vient d’être dit au sujet de la guérison par la foi peut s’appliquer également à d’autres miracles dont se réclament les pentecôtistes.

L’Ancien Testament comme le Nouveau Testament font mention de plusieurs miracles. L’Exode, les quarante années dans le désert, l’entrée en terre promise, les ministères prophétiques d’Élie et d’Élisée marquèrent des périodes exceptionnelles sur le plan des événements miraculeux. Dans le Nouveau Testament, c’est surtout le ministère de Jésus qui témoigne de sa puissance salvatrice à travers des actes puissants et miraculeux. C’est aussi le cas durant l’ère apostolique, où des miracles furent accomplis même dans un cercle plus large que celui des apôtres (Ac 6.8).

Mais l’Écriture ne nous encourage pas à rechercher le miracle en tant que tel, et l’Évangile selon Jean insiste particulièrement sur le caractère de « signe » des miracles accomplis par Jésus. Ils sont accordés pour conduire les hommes vers Dieu grâce à la Parole incarnée et pour confirmer la foi à ses débuts; ils signifient en tout premier lieu que Jésus est le Fils de Dieu. La foi accueille les signes comme tels, mais Jésus n’encourage pas une foi qui ne chercherait et ne se contenterait que des signes extérieurs (Jn 4.48). Le signe est aussi louange rendue à Dieu (Lc 9.34) et manifeste sa gloire (Jn 2.11).

Lorsque les pharisiens chercheront à mettre Jésus à l’épreuve en lui demandant d’accorder un signe visible, celui-ci répondra que le seul signe qui leur sera offert sera celui de Jonas, indiquant par là sa mort et sa résurrection (Mt 16.4; Lc 11.29).

Dans la parabole de l’homme riche et de Lazare, Jésus met l’accent sur la nécessité de la repentance, à laquelle conduit la parole écrite (Lc 16.19-31).

Le signe confirme et fortifie la Parole parlée et écrite, notamment pour ceux qui sont faibles dans la foi. Le Nouveau Testament se trouve aux antipodes du climat de merveilleux particulier aux croyances superstitieuses. La mission principale de l’Église consiste à proclamer la Bonne Nouvelle du salut gratuit offert par Dieu. Cette Bonne Nouvelle amènera toute pensée captive à l’obéissance du Christ (Lc 14.23-34).

L’Écriture nous a été donnée comme le témoignage écrit sur les œuvres de Dieu (Jn 2.31). Jésus a prononcé une bénédiction spéciale sur ceux qui croiront en lui sans cependant l’avoir vu (Jn 20.24). Les signes donnés par Dieu sont une concession faite à notre faiblesse; gardons-nous de nous en servir de manière qui pourrait se prêter à malentendu quant à l’essence de la foi et à son objet.

Dans Jean 3.2, un savant de la loi reconnaît que Jésus est investi d’un pouvoir céleste. Jésus lui fait comprendre que le signe comme tel est totalement insuffisant pour introduire l’homme religieux dans le Royaume de Dieu. Il faut une régénération totale, c’est elle qui est la condition sine qua non de la vie dans la foi. Ailleurs, Jésus bénit celui qui, au-delà du signe, s’attache au Sauveur par une foi véritable (Lc 17.11-19).

Toute promesse se prétendant chrétienne ou biblique qui ferait miroiter monts et merveilles, notamment lors de ces « réveils » et « renouveaux » menés tambour battant à coups de « miracles », devra être refusée avec la dernière énergie. Une telle approche revient pratiquement à nier, en dépit des apparences, l’importance de la croix et de la résurrection du Christ pour amener au salut l’homme égaré.

5. L’exorcisme🔗

Outre les miracles de guérison à proprement parler, Jésus pratiqua également l’exorcisme. Une grande partie de son ministère fut consacrée à chasser les « esprits impurs ».

Citons deux cas où ces derniers s’opposèrent à sa mission. Le premier et le plus célèbre est celui qui eut lieu peu après son baptême où, durant les quarante jours passés au désert, il résista au grand adversaire, Satan. Le Fils de Dieu et second Adam affronta le tentateur en lui opposant l’Écriture. Jésus reconnut et établit ainsi, dès le début de son ministère, l’autorité de la Parole écrite de Dieu.

Le second cas est celui de l’homme possédé de Gadara (Mc 5.20). C’est une légion entière de démons qui avait pris possession du pauvre malheureux, le tourmentant jour et nuit. Il devait vivre hors de toute communauté et fuir la société des hommes. Il avait fini par se retrancher dans la désolation des cimetières… Lorsque Jésus s’approcha de lui, les démons lui crient (notons bien que ce sont les esprits impurs qui parlent et non l’homme possédé) : « Qu’y a-t-il entre nous et toi, Jésus Fils du Dieu très haut? » Ils le supplient de ne pas les tourmenter. Jésus expulsa les démons et leur permit de se réfugier dans un troupeau de pourceaux; ceux-ci se précipitèrent aussitôt du haut d’une falaise surplombant un lac et s’y noyèrent…

En envoyant en mission ses soixante-dix disciples, Jésus leur accorde le pouvoir de chasser les démons comme celui de guérir les malades (Luc 9.1). Pendant son ministère terrestre, même ceux qui ne faisaient pas partie du cercle intime de ses disciples exorcisaient aussi en son nom (Mc 9.38-41).

Nous remarquons que tous les évangélistes distinguent entre la guérison d’une maladie ordinaire et l’exorcisme des démons. Par conséquent, si on prend au sérieux leur témoignage, on ne peut pas considérer l’exorcisme comme une version différente par rapport à une guérison ordinaire, encore moins penser que le fait de croire en des esprits impurs fait partie des idées superstitieuses de l’époque. L’Évangile ne laisse planer aucun doute quant à la réalité des démons au temps de Jésus et leur action maléfique.

Son ministère étant de nature eschatologique, il était venu inaugurer les « derniers jours », et les derniers jours s’ouvrent précisément par la défaite et par l’écrasement des forces diaboliques opposées à Dieu et aux hommes. Il ne faudrait pas s’étonner que durant son ministère terrestre l’activité démoniaque décuplât et que les forces souterraines se missent à ravager plus violemment encore les malheureux humains. Mais elles durent reculer devant la puissance et l’autorité du Fils et, à chacune de ses apparitions et de ses gestes, trembler devant sa majesté (Mc 3.22-27).

Si actuellement les forces des ténèbres n’exercent plus leur activité avec la même intensité et la même agressivité, cela devra être attribué à leur défaite de principe, due au ministère du Sauveur, à sa mort et à sa résurrection. Nous constatons cependant que leur activité s’est poursuivie intensément durant l’ère apostolique (Ac 9.11-20).

L’histoire de l’Église nous rapporte des moments de dense possession démoniaque. Cela se voit plus intensément là où l’Évangile atteint pour la première fois une population foncièrement païenne. Même à notre époque, le monde occidental n’est pas à l’abri des assauts, d’une rare violence, de la part des forces des ténèbres qui cherchent à le replonger dans le paganisme de l’ère préchrétienne. Les cas de possession par de mauvais esprits et leur exorcisme sont des faits courants aussi à notre époque et au milieu de nos sociétés hautement technicisées.

Il faudrait toutefois aborder de tels phénomènes avec prudence. Un climat de curiosité malsaine n’est propice ni à une information objective ni à l’action et à l’intercession chrétienne tellement urgente et indispensable dans de telles situations. Il y a aussi depuis toujours des gens ayant un goût immodéré et indécent pour ce qui est paranormal et qui voient du démon partout… De telles attitudes peuvent être un obstacle pour établir un diagnostic correct et pour apporter les solutions qui s’imposent souvent sur le plan médical. Il ne faudrait pas confondre possession avec anomalie, qu’elle soit d’ordre psychique ou mental, et exorciser des malades ordinaires comme s’ils étaient des démoniaques… Il existe également des cas de comportement anormal dus tout simplement à un refus conscient d’admettre le péché.

La lecture de l’Écriture nous apprend qu’une personne possédée est complètement démunie face à tout secours humain et que ce sont les démons, indépendamment de sa volonté, qui parlent à sa place.

La prière de la foi, qui a le pouvoir de chasser les mauvais esprits, est assurée de son exaucement. Par-dessus tout, le moyen le plus efficace d’exorciser consistera à prêcher fidèlement et systématiquement, avec fermeté et clarté, le message de la rédemption, sans en amoindrir aucune partie ou laisser à l’ombre tel ou tel aspect.

Nous ne mettrons en question ni la réalité du démon ni celle de la possession démoniaque, mais il ne faudra pas trop vite identifier démonisme avec tout phénomène à l’apparence bizarre. L’Église prêchera le salut et la libération avant tout autre chose, ce qui sera la meilleure façon d’exorciser plutôt que de simplement prononcer le nom de Jésus. On court le risque d’opposer au satanisme des formules devenues quasiment magiques.

Qu’elle prenne pourtant cette mission au sérieux, qu’elle s’y prépare par une étude appropriée et par l’examen approfondi des phénomènes paranormaux. Une telle préparation doit avoir lieu sous la conduite de l’Esprit Saint et par la prière de la foi.

6. La sagesse🔗

Parmi les dons moins « spectaculaires », mais que nous considérons parmi les plus urgents se trouve celui de la sagesse. Son caractère est assurément permanent. Le Christ promit aux disciples une sagesse telle qu’aucun adversaire ne serait en mesure de les contredire ni de s’opposer à eux (Lc 21.15). Nous voyons notamment la confirmation de cette promesse lorsque les apôtres Pierre et Jean, à la suite de la guérison d’un infirme, furent conduits devant le Sanhédrin pour y rendre compte de leurs activités (Ac 3.1-10). Nous apprenons de cet incident que leur manière de se défendre surprit le conseil religieux suprême des Juifs. On savait que ces deux disciples étaient des personnes plutôt incultes. Les conducteurs religieux apprirent qu’ils appartenaient au cercle des disciples de Jésus (Ac 4.13 et 6.8-18).

La sagesse est un charisme qui permet de préserver intact l’Évangile en vue de le transmettre avec intelligence et fermeté. Saint Pierre applique cette qualité ou reconnaît ce don aux écrits de l’apôtre Paul (1 Pi 3.15). Selon ce dernier, tous les trésors de la divinité et de la connaissance sont cachés en Christ (Col 2.3).

Il est évident que la sagesse spirituelle consiste à démontrer ou à révéler l’Esprit du Christ, très spécialement lors de la défense de l’Évangile, afin que les auditeurs soient convaincus de la vérité exposée ou de son effet contraire, l’endurcissement face à l’offre de la grâce.

Le don de la sagesse ne dispense ni l’Église ni le fidèle en tant qu’individu d’une étude approfondie et responsable de la Bible. Mais il est réconfortant de se rappeler, notamment en période d’opposition et de persécution, que nous n’avons pas à nous faire des soucis quant à la manière dont nous devrons témoigner de l’Évangile et de notre foi, sachant que l’Esprit nous accordera ce charisme et que le Seigneur ne nous abandonnera pas.

7. La connaissance🔗

Comme pour le don précédent, le Nouveau Testament ne définit pas avec précision la connaissance en tant que charisme de l’Esprit. Chaque croyant a reçu une mesure de connaissance de la révélation, et plus spécialement au sujet de la personne et de l’œuvre du Christ. D’une manière générale, cette connaissance est celle de notre salut; en d’autres termes, elle décrit la foi et en témoigne en connaissance de cause (Rm 10.10). Ceci admis, suivons aussi le texte selon lequel la connaissance est un don spirituel et, comme telle, elle n’est pas invariablement accordée à tous. Dans Éphésiens 4, saint Paul pense à une connaissance spéciale, celle dont il fut le récipiendaire privilégié.

En ce sens-là, on ne peut pas dire que les croyants d’aujourd’hui possèdent la même connaissance de la révélation du salut que celle des apôtres. Pour l’Église d’aujourd’hui, il s’agit spécifiquement d’une connaissance ainsi que d’une direction spirituelle, d’une bonne compréhension et d’une fidèle interprétation de l’Écriture, ainsi que la possibilité de la communiquer. Aucun ministre de la Parole ne devrait en être privé. C’est la raison pour laquelle un don de nature charismatique doit être toujours confirmé au moyen d’une étude sérieuse de l’Écriture. Une saine théologie est par conséquent indispensable pour signaler (et authentifier) ce don.

Les milieux pentecôtistes identifient connaissance avec enseignement. D’autres l’associent à la direction spirituelle. D’autres encore avec une révélation surnaturelle des faits du passé, du présent ou du futur qui ne serait pas accessible à la raison naturelle. Pour d’autres encore, la connaissance concernerait l’application charismatique de la Parole dans une situation donnée. Dans la majorité de ces cas, sagesse et connaissance seraient interchangeables.

8. Le discernement des esprits🔗

Le discernement des esprits est un charisme biblique dont l’objet consiste à identifier la présence ou l’absence de Dieu dans l’activité et les discours de l’homme (voir Mt 7.16). Il est le moyen par lequel on reconnaît la présence même de l’Esprit Saint. C’est un don lié par conséquent à la sagesse dans son acception biblique la plus noble, car il est plus que la science et la compréhension intellectuelle d’une vérité; il va au-delà du sentiment et il est exercé dans le cadre de l’amour de Dieu tel que l’éprouve le fidèle (Rm 5.5). À ce propos, nous devrions nous rappeler de l’avertissement de Jean (1 Jn 1.4). À cause de la fausse prophétie qui s’infiltre dans l’Église et du fait que Satan est l’imitateur rusé de la vérité et le faussaire par excellence de l’Évangile, l’Église devra exercer ce don avec une extrême vigilance. Il fait partie des charismes que des particuliers peuvent aussi recevoir et exercer. Le discernement des esprits est nécessairement lié à la connaissance et à la sagesse spirituelle (1 Co 14.29-33).

Éprouver les esprits n’est pas une tâche aisée. Toute naïveté à cet égard devrait être écartée. Jésus nous a déjà avertis : « Ce ne sont pas tous ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui hériteront le Royaume… » (Mt 7.21). La soumission à la volonté de Dieu constitue une épreuve suffisamment sûre du discernement des esprits (1 Jn 3.10). Actuellement, la nécessité de recevoir ce don et d’en faire usage est encore plus pressante qu’autrefois, à cause des torrents de boue théologique déferlant un peu partout, contrefaçon de la véritable doctrine du Saint-Esprit.

La théologie officielle et accréditée de l’Église, celle qui reste fidèle à la Parole et à la prière, est une partie essentielle de la panoplie pour lutter contre l’erreur et pour discerner les esprits. Saint Paul nous offre un bon exemple du théologien capable de faire l’exégèse de l’Ancien Testament, afin de pouvoir s’opposer aux déviations des judaïsants de la Galatie.

On peut regretter que, dans les milieux pentecôtistes, il y ait une absence totale d’appréciation concernant le travail théologique. La théologie y a mauvaise presse; elle est considérée comme une œuvre humaine, tandis que le témoignage oral ou écrit de quelqu’un et surtout une expérience considérée comme exceptionnelle attirent non seulement l’attention, mais sont encore auréolés de l’accréditation d’authenticité. Tout devient d’origine et d’inspiration divine, contrairement à la « théologie » qui, elle, ne serait qu’un simple discours humain!

Nous devrons rappeler d’autant plus que seule l’Écriture doit et peut exercer un tel examen et un tel discernement. Le travail théologique a une place éminente dans la mission de l’Église. Les excès que nous constatons chez certains chrétiens, quelle que soit leur bonne foi, devraient nous rendre méfiants vis-à-vis de toute expérience subjective se plaçant au-dessus de l’Écriture… ou même s’en passant allégrement. Toute idée qui abaisserait l’autorité suffisante des Écritures, sous prétexte de spiritualité et même à son insu, devra être écartée. Autrement, nous compromettrions l’autorité souveraine de l’Écriture et, par là même, l’absolue souveraineté de Dieu. Certes, la foi chrétienne possède un caractère empirique, mais l’Église ne peut accorder foi à des expériences qui ne sont pas fondées sur l’Écriture et qui n’en portent pas la garantie, mais prétendent parfois se placer au-dessus même de son autorité.

9. La direction spirituelle🔗

D’après Romains 13.2 et Colossiens 1.9-10, deux aspects se présentent invariablement dans la prière de Paul : la connaissance de la volonté de Dieu et la pratique de sa justice. La prière pour obtenir la direction de l’Esprit fait partie de la prière universelle de l’Église. Elle est indispensable pour toute décision et pour chacune des entreprises chrétiennes.

Les milieux pentecôtistes offrent une vive conscience de la nécessité d’une telle direction. Si d’une part on doit s’en réjouir, de l’autre il convient de mettre l’Église en garde contre tout abus. Chaque chrétien ne peut pas prétendre avoir l’absolue certitude d’être conduit par l’Esprit jusqu’au moindre de ses actes.

Parfois, la manière de chercher cette direction est fort fantaisiste : On ouvre la Bible au hasard et on choisit arbitrairement tel ou tel passage, qu’on considère ensuite comme la réponse divine accordée à la requête et comme le signe sûr et certain d’une direction spirituelle infaillible, quel que soit son lien avec le problème personnel ayant motivé le recours à cette méthode. Ailleurs, on l’attend d’une illumination intérieure ou d’un message prophétique extrabiblique… Une telle conception de la direction de l’Esprit contient une large part de superstition qui ne relève que de la magie; sans s’en rendre compte, elle introduit une dichotomie entre ce qui est classé comme spirituel et surnaturel et ce qui est considéré comme faisant partie du domaine naturel, guidé uniquement par la raison. On parvient à relativiser ainsi, consciemment ou non, l’autorité de l’Écriture et à répudier la pensée de Paul exprimée dans 2 Timothée 3.16.

Il est normal de penser qu’outre l’Écriture la direction spirituelle nous sera accordée aussi par la providence de Dieu. La prière tiendra alors une grande place dans cette recherche, ainsi que le conseil d’amis chrétiens éprouvés. Elle peut, certes, nous parvenir par une voie inhabituelle, mais celle-ci doit se trouver en accord avec l’Écriture, car Dieu ne se contredit jamais. C’est Satan qui cherche toujours à tromper par des apparences, car il se déguise facilement en ange de lumière (2 Co 11.4).

Combien d’erreurs, parfois extrêmement graves, ont été commises et combien d’abus et de tromperies ont été pratiqués sous prétexte de direction spirituelle! Combien de décisions, prétendument prises en conformité avec la volonté divine, n’en ont pas moins égaré les simples et les naïfs! Plus grave encore est d’attribuer, carrément et sans scrupule, nos échecs au Seigneur Dieu en personne!

Celui qui, dépourvu de sagesse et de discernement, a été trompé parce qu’il ne priait pas suffisamment n’a sans doute pas pris le soin de vérifier qui était le véritable responsable de son erreur. Or, nous savons que la sagesse de Dieu est source de sagesse pour l’homme. Elle n’est jamais abstraite, mais concerne notre marche quotidienne. Une sagesse non guidée par la révélation n’est, en définitive, qu’une folie (Jc 3.15.). L’Église de Dieu ne trouvera la sagesse qu’en Christ, son Seigneur et son Époux, source et fondement exclusifs de sa vie (1 Co 1.30).

Notes

1. André Schlemmer, « Y a-t-il un mysticisme réformé? », Foi et Vie, 1935.

2. J. Calvin, Commentaire sur 2 Corinthiens 12:4, cité par A. Schlemmer.