Cet article a pour sujet les dons spirituels, leur diversité, leur permanence dans l'Église d'après le pentecôtisme et la cessation de l'utilisation de certains de ces dons dans l'Église.

Source: Essai sur le Saint-Esprit et l'expérience chrétienne. 4 pages.

Les dons de l'Esprit - La variété et la permanence des dons

  1. La variété des dons
  2. La permanence des dons

1. La variété des dons🔗

Nous avons déjà vu les passages du Nouveau Testament présentant des listes de dons spirituels variés. La liste d’Éphésiens 4 comprend les apôtres, les prophètes, les évangélistes, les pasteurs et les docteurs ou enseignants. Un passage isolé, 1 Pierre 4.11, mentionne ceux qui proclament la Parole et ceux qui accomplissent un service chrétien.

Ces divers passages font ressortir deux points distincts. Tantôt, il y est question des dons, tantôt des personnes qui les ont reçus. L’ordre des dons n’est pas le même dans les listes énumérées. Ce serait risqué que d’évaluer l’importance d’un don d’après l’ordre dans lequel il apparaît, sauf là où le passage lui-même fait ressortir son importance par rapport à un autre, ou lorsqu’il est relativisé.

Les différentes listes contenant les dons de l’Esprit dans le Nouveau Testament et la variété de ceux-ci prouvent qu’il n’existe pas de rigidité à ce sujet et que l’Esprit les dispense selon les besoins de l’Église, afin de permettre à celle-ci de s’acquitter de sa mission en se servant de ceux qui lui sont le plus nécessaires.

Les pentecôtistes n’ont retenu de ces listes que les dons que nous avons appelés spectaculaires et qui se trouvent dans la liste de 1 Corinthiens 12.7. Mais cette préférence ne rend justice ni à l’ensemble du message du Nouveau Testament ni aux dons eux-mêmes. Il est peut-être plus commode de classer les dons en spirituels et en non spirituels, en naturels et en non naturels, en ordinaires et en extraordinaires, en miraculeux et en non miraculeux, en permanents et en non permanents… pourvu qu’on tienne compte du texte et de la relativité d’une telle classification.

Nous devons noter que certains dons apparaissent dans plus d’une liste et qu’ils y sont désignés différemment bien qu’étant identiques. Lorsque le ministère de l’Église est mentionné, l’accent n’est jamais placé sur l’office comme tel, mais sur la variété des fonctions et des services. Certains ont reçu plus d’un charisme et Paul en offre un exemple parfait. Notons aussi que les deux passages de la première aux Corinthiens mentionnent les dons qu’on pourrait qualifier d’extraordinaires, ce qui n’est pas le cas dans la lettre aux Romains et dans celle aux Éphésiens. Nous avons vu que ceci s’explique par la situation particulière de l’Église corinthienne. Si l’apôtre reconnaît que ces dons sont aussi accordés par l’Esprit, il les subordonne toutefois à une double condition : l’édification de l’Église lorsqu’il s’agit de la prophétie et l’unité de celle-ci, sur laquelle il insiste fortement. La distribution des dons est une affaire qui ressort de la souveraineté divine.

Nous avons déjà remarqué que le fait d’avoir reçu des charismes ne garantit pas de manière absolue une existence de sainteté. L’Église de Corinthe offre un exemple visible d’immoralité même sexuelle et, en même temps, elle semble être un endroit privilégié en ce qui concerne les charismes… D’où l’exhortation pressante d’aspirer à l’amour et non aux dons moins importants!

Il est bon de se rappeler que le contenu des trois chapitres de la première aux Corinthiens corrobore les événements du jour de la Pentecôte sans aucune contradiction, même si les explications et les interprétations à ce sujet peuvent varier… Les apôtres parlèrent en une langue qui pouvait être comprise par les gens rassemblés autour d’eux. Mais on ne peut pas pour autant affirmer que la proclamation de l’Évangile se fit en des langues étrangères. Pierre prononça son discours public en langue araméenne qui pouvait être comprise par tous ses auditeurs. Il cite ainsi le passage bien connu de Joël 2.

Tandis que dans 1 Corinthiens 14.23-25, Paul tire un argument à partir d’une hypothèse : si un étranger entre dans l’assemblée et ne comprend pas ce qui est dit lors d’une « séance » de glossolalie, à quoi servirait-il qu’on ait parlé en une langue extraordinaire?

2. La permanence des dons🔗

Les charismes mentionnés dans les listes examinées ont-ils tous la même valeur et sont-ils de nature permanente? L’orthodoxie réformée répond à la question par la négative. Écoutons, avant de poursuivre notre propre réflexion, les lignes suivantes qui concluent une étude du docteur André Schlemmer.

« Les charismes prodigieux que Dieu a donnés aux jeunes Églises ont assez vite disparu, selon la prophétie de saint Paul, qui n’y tenait pas beaucoup. […] La foi, quand elle est fondée, et l’Église, une fois établie, vivent des grâces que Dieu donne toujours avec la vocation, quand celle-ci est reçue et mise en œuvre avec la ferveur sans réserve de l’ardente charité. Les plus grands miracles et les plus précieux dons de Dieu ne sont pas toujours les plus éclatants. Dans les existences consacrées à Dieu, transformées par lui, dans la vie de son Église, sans cesse et partout, la foi les reconnaît et elle en rend grâces à Dieu, dont elle ne cesse d’admirer, et d’adorer la toute-puissance et la bonté. C’est ainsi que, selon sa promesse, le plus simple culte ou, mieux encore, le sacrement de la Sainte Cène révèlent à la fois, quand Dieu le veut, sa grandeur et son amour. »

Schlemmer cite ensuite Calvin :

« “J’admoneste les lecteurs […] qu’ils s’efforcent de monter plus haut que je ne les puis conduire. Car moi-même toutes fois et quantes qu’il est question de cette matière, après avoir tâché de tout dire, je vois bien qu’il s’en faut beaucoup que je n’atteigne à l’excellence. Et combien que l’entendement ait plus de vertu à penser et estimer que la langue à exprimer, néanmoins iceluy même est surmonté et accablé d’une telle grandeur. Parquoi il ne me reste autre chose en la fin que de tomber en admiration devant ce mystère, auquel à droitement penser l’entendement ne peut suffire, comme la langue aussi n’est pas capable de le déclarer.1
Si la foi est vraiment la seule forme de mysticisme qui soit purement et spécifiquement évangélique, l’Église réformée (réformée selon la Parole de Dieu) n’en a besoin d’aucune autre, et ne doit pas en cultiver d’autre, pour être fidèle à la vocation que Dieu lui a confiée auprès des âmes. Elle ne manquera de rien; par la foi, elle reçoit tout. »

Les dons que nous appelons spectaculaires ont été accordés à l’Église exclusivement pour la première phase de son développement. Nous estimons qu’ils ont cessé d’exister et que leur « ressuscitation » est une tentative artificielle de faire revenir à la vie ce qui ne peut plus contribuer à l’édification de l’Église et de la foi personnelle. En Hébreux 2.3-4, par exemple, nous voyons que ces dons extraordinaires ont servi à attester la véracité du message des témoins oculaires de l’œuvre rédemptrice du Christ.

« Ce salut, annoncé à l’origine par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l’ont entendu, Dieu appuyant leur témoignage par des signes, des prodiges, des miracles variés et par des communications du Saint-Esprit selon sa volonté.2 »

L’apôtre Paul le confirme en parlant « des signes, des prodiges et des miracles » comme étant « les signes distinctifs de l’apôtre » (2 Co 12.12).

À partir de la formation du canon du Nouveau Testament, et même avant la formation de celui-ci, une fois que les écrits apostoliques eurent été accueillis dans l’Église et joui d’une autorité explicite et incontestée, les charismes extraordinaires n’avaient plus aucun rôle à jouer. La révélation divine avait été complétée par les écrits des témoins et des apôtres du Christ ressuscité. Le ministère du Christ, depuis son incarnation jusqu’à son ascension, ainsi que l’effusion de l’Esprit sont les événements constitutifs de notre rédemption et, par conséquent, ils sont de nature non répétable. Il ne peut pas y avoir de récurrence des grands faits du salut; ce sont là ce que nous appelons des « ef hapax », une fois pour toutes.

Ce caractère désigne également les signes extraordinaires qui témoignèrent de la nouvelle réalité. Nous n’avons aucune raison de nous attendre à la réapparition dans l’Église des signes extraordinaires et des charismes spectaculaires qui lui furent nécessaires à ses débuts. Nous n’insisterons jamais suffisamment sur le fait que l’œuvre du Christ et celle de l’Esprit sont de nature et de dimension exclusivement révélationelle et que, sous aucune forme ni aucun prétexte, elles ne sauraient se répéter. À présent, il suffit de nous en tenir exclusivement aux données de la révélation biblique.

Le Christ vint annoncer le Royaume et l’établir « parmi nous ». Il attesta la réalité et la présence de celui-ci, bien qu’il ne fut pas et n’est pas encore totalement établi et visiblement aperçu. Cependant, des signes et des miracles en attestèrent sa présence. Or, depuis que le Royaume fut annoncé et même partiellement établi aux yeux de la foi, sa nature véritable nous est connue. Nous savons que le Roi assume toute autorité et qu’il confie une mission à son Église : celle de proclamer le règne universel de Dieu et d’exhorter par sa prédication tout homme à se soumettre à cette autorité universelle. Pour s’acquitter de cette tâche, l’Église n’a plus besoin d’authentifier son ministère à l’aide de signes exceptionnels.

Notes

1. J. Calvin, Institution de la religion chrétienne, IV.17.7.

2. A. Schlemmer, « Y a-t-il un mysticisme réformé? », Foi et Vie, 1935.