Cet article a pour sujet l'espérance et la notion de l'histoire d'après le livre de Daniel qui a fait des prédictions sur l'avenir de grands empires et la venue du Royaume de Dieu déjà à l'oeuvre ici-bas.

Source: Espérer contre toute espérance. 4 pages.

Espérance et histoire d'après le livre de Daniel

Rousas John Rushdoony a développé dans son étude consacrée au livre du prophète Daniel, The Kingdom Come (on remarquera le titre significatif de l’ouvrage de l’auteur réformé américain : Le Royaume vient), quelques idées pour une « philosophie chrétienne de l’histoire ».

Le livre de Daniel, qui commence par le récit apparemment banal d’un régime alimentaire pratiqué par quatre jeunes gens, est en réalité l’un des livres les plus explosifs de toute l’Écriture et assurément de toute la littérature mondiale. Philosophie de l’histoire, ce livre est une sorte de manifeste politique du Dieu suprême et absolu. Celui-ci opère dans tous les secteurs de l’existence et règle tous les détails de celle-ci. La vie et la mort des moineaux sans valeur aussi bien que l’apparition et la disparition des empires n’échappent ni à son regard ni à son pouvoir. Il décide du sort de tous.

Affirmer l’action de Dieu d’une manière rétrospective est une chose, la prédire en est une autre. Daniel décrit à l’avance l’histoire et le cours des événements. Aussi il ne faut pas s’étonner que ce livre ait été la cible des critiques les plus violentes, car il constitue une offense humiliante à l’intelligence naturelle de l’homme. Car la question la plus gênante pour l’homme de toute époque, et plus spécialement pour nos contemporains, est de savoir que Dieu agit dans l’histoire et que, de surcroît, il connaît la suite des événements.

N’est-ce pas résumer ainsi tout le scandale causé par l’Écriture sainte? Scandale permanent aux yeux de l’homme qui tente par tous les moyens de supprimer Dieu ou, tout au moins, d’en retenir la vérité captive. Or, les pages du livre de Daniel réunissent en une admirable synthèse tous les éléments fondamentaux de la foi au Dieu souverain. Ni mythe ni poésie — n’en déplaise aux critiques —, elles témoignent des exigences absolues de Dieu. Dieu appelle l’homme et le contraint même, quel que soit son rang, à le reconnaître, à l’adorer et à le servir.

Dieu est Yahvé, l’Éternel. Auprès de lui, il n’y en a point d’autres. Il n’est ni l’équivalent de « la valeur suprême », ni « le citoyen majeur de l’univers », pas davantage « la somme totale du bien et du beau » ou « l’essence de toutes les vertus », bref, ce Dieu si souvent présenté — en dépit des qualités qui lui sont attribuées — comme un Dieu quasi impotent et qui aurait… désespérément besoin des hommes.

Or, le penser en ces termes-là est plus qu’insensé, c’est blasphémer contre le Tout-Puissant. S’il avait besoin de ses créatures, il ne pourrait être l’Auteur souverain des miracles rapportés dans le livre de Daniel, ni de la naissance virginale de Jésus-Christ, ni de la résurrection d’entre les morts… Au contraire, il faudrait évacuer à tout jamais l’idée même de miracle et commencer aussitôt par hisser l’homme à la place de Dieu.

Si Dieu n’était pas celui que la Bible nous décrit de manière claire et suffisante, s’il n’était qu’une partie de l’univers, voire son aspect supérieur et rien d’autre, il ne saurait plus être question de son pouvoir, car celui-ci ne relèverait que du simple mythe. Or, seul un Dieu absolu et tout-puissant peut accorder à la fois la révélation de sa personne, agir en notre faveur et opérer l’achèvement de notre salut.

Nul homme ne peut se connaître ni connaître son univers de manière intelligible et ultime. Mais le Dieu de Daniel, celui de toute la Bible, est non seulement le Dieu souverain et absolu, mais encore celui qui est lumière et clarté totale.

Si aux yeux du pécheur (de l’homme révolté) il reste l’inconnu et l’incompréhensible, ses adorateurs ne courent aucun risque de découvrir en lui des aspects cachés et menaçants. Cela nous permet de saisir sa révélation, aussi bien celle de ses desseins éternels que celle qui concerne son activité historique.

L’homme naturel et déchu se contenterait fort bien des révélations partielles d’un dieu-surprise, de ce dieu « en plein devenir », chenille hier et chrysalide aujourd’hui, qu’une certaine théologie radicale prétend changer selon les besoins du moment, si ce n’est selon les modes et les humeurs des fabricants d’idéologies…

En se forgeant un tel dieu, l’homme s’imagine se connaître… sans connaître le vrai Dieu. Et la hantise de sa propre connaissance l’incite à avoir recours à toutes ces « psychologies des profondeurs » et autres philosophies « en recherche ».

Comment donc l’homme pourrait-il se connaître en suivant l’avis du vieux Socrate? Comment, si ce n’est pas en et par Dieu, dont il porte l’image et dont il est la ressemblance, le partenaire de l’Alliance, l’objet de sa grâce, destiné à la communion la plus intime avec lui? En dehors de Dieu et d’une telle connaissance, il échouera fatalement, soit sur les rivages de la mythologie, soit dans les gouffres sans fond de l’irrationnel. En refusant le Dieu de la révélation, il choisit inévitablement la mort. Le message du livre de Daniel bouleverse le statu quo et ébranle les assurances, dissipe les illusions et démontre l’inanité de toute « sagesse humaine ».

L’homme de l’époque de Daniel, tout comme notre contemporain, est tourmenté par le fantôme de l’avenir. C’est là un point clé qu’il convient de souligner. Or la prophétie biblique, entre autres, prédit l’avenir. Rédigé quelque six siècles avant Jésus-Christ, le livre de Daniel révèle la trame des événements futurs, décrit les empires qui vont naître sur les cendres de ceux qui bientôt vont se disperser aux quatre vents, annonce la naissance de Jésus-Christ, l’institution de l’Église… Le tout dans la plus parfaite confiance en Dieu.

Une telle prédiction constitue précisément une pierre d’achoppement pour l’intelligence de l’homme, cet homme qui s’accroche à son autonomie, décrit « l’Horizon 1999 », disserte sur « le Choc du futur », élabore sa politique prospective et se prend pour l’unique artisan et le créateur ultime de son avenir, un avenir imaginaire…

Daniel, quant à lui, affirme l’indépendance totale de Dieu au cours de l’histoire. Il est à la fois le Créateur et celui qui gouverne, par sa providence, le temps et l’éternité. Sa main qui trace la journée d’aujourd’hui dessine également celle de demain. À ses yeux, les nations ne sont que néant et les empires des instruments qui serviront, malgré eux, à réaliser ses projets. Il soumet toutes choses à sa volonté et poursuit sans défaillance les objectifs qu’il a établis depuis toujours. Il ne se laisse pas manipuler par l’homme, et ceux qui ont annoncé sa mort, savent-ils que ce qu’ils préparent est très certainement leur propre décomposition?

L’élément miraculeux est un autre point décisif de ce gouvernement divin. Dans la conception païenne antique, la vérité et l’authenticité d’une religion se vérifiaient à l’aune du succès qu’elle procurait à ses adeptes. Si Babylone étendait son hégémonie et reculait sans cesse les frontières de son empire, elle tenait entre ses mains le signe le plus certain de la supériorité de sa religion sur toutes les autres. Si Nebucadnetsar pillait Jérusalem et emportait la vaisselle du Temple, il attribuait son éclatant succès aux dieux qu’il servait et qu’il considérait comme supérieurs à celui d’Israël. Ce pragmatisme antique nous montre parfaitement l’inspiration et l’orientation fondamentalement anthropocentrique de toute religion naturelle. Le seul vrai dieu est celui qui accorde la prospérité à ses acolytes et adorateurs! C’est pourquoi tant d’hommes méprisent et rejettent le Dieu de la Bible…

Quant au miracle biblique, qui est l’intervention de Dieu dans le cours des événements, il n’est, ni plus ni moins, qu’un affront insupportable jeté à la face de cette conception païenne de la religion et de l’histoire. Les miracles rapportés par le livre de Daniel sont une déclaration de guerre contre la religion païenne, la manifestation éclatante de la gloire de Dieu et de sa totale liberté, dont la sagesse confond les sages de ce monde et anéantit l’empire des grands.

Finalement, soulignons sa providence. Celle-ci trace d’avance le cours des événements et prédestine ceux-ci pour la seule gloire de Dieu. Examinons la manière dont cette providence a opéré dans la vie des quatre jeunes croyants juifs déportés à Babylone.

Bien que croyants, ils sont livrés, apparemment sans défense, entre les mains d’un potentat sans merci. On a l’impression que le Dieu de la Bible ne pratique pas précisément une politique d’assurance tout risque! C’est pourtant contre toute attente que la foi des jeunes juifs trouvera sa source de joie et une force indomptable.

L’ancienne Babylone entretenait un rêve grandiose : celui de créer un monde unifié dans lequel les nations seraient brisées et subjuguées, les populations assimilées et les jeunes oublieraient leur culture ancestrale et finiraient même par renier la foi héritée de leurs pères. Ce n’est qu’à cause de cette politique-là que Daniel et ses trois compagnons se trouvent dans le luxueux palais de Nebucadnetsar. Subterfuge ingénieux pour détacher les jeunes nobles juifs de leur religion dans le Dieu unique…

Eux ne veulent pas se soumettre, et ils choisissent avec fermeté de demeurer fidèles à leur Dieu, malgré toutes les pressions et en dépit des puissants courants d’idéologie païenne qui les entourent. Ils commencent tout d’abord par lui rester fidèles et obéissants dans tous les aspects de leur vie quotidienne, dans « les petites choses », car sans cette résistance jour après jour, comment pourrait-on résister à l’heure de la grande tentation?

En effet, c’est aussi dans les choses apparemment secondaires que se déroule le combat gigantesque du croyant contre l’Adversaire rusé et subtil. Ce combat exigera parfois le sacrifice suprême, celui de notre vie, mais n’est-ce pas pour la recevoir au centuple?

Jérusalem sera détruite et son élite déportée; le pays tout entier sera dévasté sous la botte de l’ennemi, mais partout et en toutes circonstances la Parole de Dieu réclamera une obéissance sans faille. L’élu de Dieu sait qu’il appartient à son Maître et non pas aux hommes, et que Dieu doit être de toute manière servi en toutes circonstances. Babylone peut poursuivre ses idées chimériques et rêver d’un paradis terrestre bâti avec ses propres mains. Le Dieu d’Israël, l’Adonaï, ne partagera pas sa gloire avec la créature déchue.

En ce qui nous concerne, il nous est fait aujourd’hui la grâce de pouvoir lire nos journaux quotidiens, ainsi que d’hypothétiques prédictions sur le futur, à la lumière de ce livre exceptionnel de l’Ancien Testament. Dans sa brûlante actualité, il nous apporte une ferme assurance et une indicible consolation. Il nous fait partager l’espérance que le Royaume de Dieu est déjà à l’œuvre ici-bas. Nous pourrons donc persévérer en dépit de toute adversité et confesser le nom de Dieu, Créateur des choses visibles et invisibles. Celui à qui appartiennent le règne, la puissance et la gloire et qui nous a rachetés pour faire de nous son peuple, dans le temps et pour l’éternité.