Cet article sur Exode 3.1 à Exode 4.17 a pour sujet l'appel de Moïse à aller délivrer Israël. Moïse avait des objections, mais Dieu a répondu. Chaque croyant reçoit une vocation particulière et a besoin de l'Esprit pour l'accomplir.

Source: Récits d'hier pour la foi d'aujourd'hui. 3 pages.

Exode 3 et 4 - La vocation de Moïse

Exode 3.1 à 4.17

L’ardeur de Moïse à libérer ses frères captifs est bien éteinte : il s’est enfui, il s’est marié, installé. C’est le rôle de l’Éternel des armées (dont le buisson ardent est le signe : « une ardeur toujours passionnée qui ne se consume pas ») qui est à l’origine de la libération d’Israël (Ex 2.24-25).

La vocation de Moïse apparaît comme un accident dans sa vie : « Je vais faire un détour pour voir quel est ce spectacle extraordinaire, et pourquoi le buisson ne brûle pas » (Ex 3.3). Moïse pense que ce n’est là qu’un petit détour de sa vie, que désormais sa vie est de garder les troupeaux de Jéthro, son beau-père, et qu’il va bientôt y revenir. Sa vocation le surprend donc en pleine tranquillité et elle va le tenir jusqu’à la mort.

Sa vocation est précise et limitée : tirer Israël du territoire égyptien. Ce que Dieu demande est difficile, certes, mais non pas si disproportionné aux forces humaines que de prime abord cela apparaisse comme une impossibilité radicale. Ce sont des hommes que Dieu appelle, et il est le premier à connaître les limites de leurs forces.

Première objection : Qui suis-je? Et pourtant Moïse avait lui-même rêvé, autrefois, de délivrer ses frères avec ses seules forces. Réponse permanente de Dieu : Qui tu es est secondaire, l’essentiel c’est ma présence auprès de toi.

Deuxième objection : Elle est fondée sur l’incrédulité du peuple d’Israël lui-même. Moïse pense qu’on ne reconnaîtra pas sa vocation et que par conséquent elle deviendra impossible à réaliser. On peut parler, à la fois du besoin que « l’appelé » ressent de voir reconnaître sa vocation par la communauté, et du discernement nécessaire de la communauté vis-à-vis de l’authenticité des vocations. Réponse de Dieu : J’éclairerai moi-même l’esprit du peuple et je te donnerai des « signes » propres à l’ébranler. À noter que Moïse n’utilise pas l’argument de la résistance du Pharaon.

Troisième objection : Je ne suis pas fait pour cela, je ne suis pas « outillé ». On saisira la nuance de reproche adressée au Créateur : Tu m’as toi-même mal fait pour ce que tu me demandes. Réponse de Dieu : Je suis le Créateur. Ce que j’ordonne, je le donne.

L’arme du désespoir : Le rejet sans raison de la vocation, la folie de l’homme qui s’oppose à Dieu, la contrainte à l’obéissance, la réquisition de l’homme contre son gré. Ce n’est pas un pur déterminisme, ce n’est qu’une contrainte initiale pour arracher l’adhésion de l’homme à sa vocation.

Le mot « vocation » est employé couramment dans deux sens nettement distincts : dans un sens qu’on peut appeler « profane » et dans un sens spirituel ou chrétien. Dans le premier sens, un homme répond à sa vocation quand il réalise ce à quoi l’appellent ses capacités particulières, ses goûts personnels, sa sensibilité à la beauté (l’artiste), à la souffrance des hommes (le médecin), à la puissance de la parole (l’avocat), à la justice (le juge, le militant défenseur des minorités ou de tel ou tel groupe professionnel), à la séduction de l’argent (le banquier), etc. Il s’agit dans tous ces cas pour l’homme de se réaliser lui-même, de tirer le plus pleinement possible de sa personne, de ce qu’elle est capable, à son sens, de donner de meilleur. En le faisant, consciemment ou pas, l’homme recherche son propre bonheur (tant mieux si cette recherche fait aussi le bonheur de certains autres autour de lui, mais, sauf pour certaines des « vocations » citées, ce n’est pas le but recherché).

Au sens spirituel du mot vocation, il s’agit encore d’un appel, mais ce n’est pas l’homme qui s’appelle lui-même, il est appelé du dehors : Dieu l’appelle, et cet appel ne correspond pas toujours aux capacités particulières de l’appelé (Moïse avait la langue embarrassée et Dieu l’envoie « parler »). On peut même dire que l’homme est toujours incapable de faire seul ce que Dieu lui demande, et que c’est seulement par une quête continuelle du Saint-Esprit qu’il réalisera sa vocation. Dieu appelle moins l’homme à se réaliser qu’à réaliser une œuvre divine pour laquelle ses forces sont toujours insuffisantes.

C’est sans doute pour que cela apparaisse clairement que Dieu appelle souvent à telle ou telle tâche précise ceux qui sembleraient à première vue les moins capables. Les disciples de Jésus qu’il charge les premiers d’annoncer l’Évangile au monde en sont un bon exemple. Mais il n’en est pas toujours ainsi (l’apôtre Paul avait des capacités d’argumenter et d’évangéliste indéniables, et une culture raffinée, mais aussi une « écharde dans la chair » chargée de lui rappeler son incapacité).

D’autres exemples bibliques sur la vocation peuvent être cités : la vocation de Samuel (1 S 3.4); la vocation de David (1 S 16.1-13); Ésaïe (És 6 et És 49.1); Jérémie (Jr 20.7-13); Amos (Am 7.14-15); les disciples de Jésus (Mt 4.18-22; 9.9; Jn 1.35-51; Paul : Ac 9.1-22; Rm 1.1; 1 Co 1.1); les ministères dans leur diversité et leur unité (1 Co 12).

Il y a généralement, quant à réaliser sa propre vocation, un accord profond de l’homme. Mais quant à réaliser la vocation à laquelle Dieu l’appelle, les témoins bibliques les premiers nous montrent que, quand il en prend conscience, l’homme recule, se débat et cherche à échapper à l’avance à une tâche jugée trop lourde.

La question du « bonheur » de l’appelé semble aussi ne peser que d’un faible poids, ou alors il s’agit d’un bonheur détaché de tout matérialisme, intérieur et secret, don de Dieu et non résultat des circonstances extérieures. Ce n’est pas de cette question qu’il peut d’abord s’agir. Mais il s’agit de la réalisation du plan de Dieu, de la marche vers la Royaume de Dieu. Eu égard à la grandeur surhumaine de ce but, l’homme doit être prêt au sacrifice, savoir renoncer à lui-même.

Que répondre à l’appel de Dieu ne fasse pas toujours le bonheur de l’homme, cela prouve tout simplement la pesanteur de ce monde qui s’oppose à Dieu. Cette pesanteur, ces péchés, sont dans le monde autour de l’appelé, ils sont dans l’appelé lui-même. La joie parfaite de servir Dieu, de lui obéir ne sera vraiment entière que dans le Royaume. Le ciel et la terre seront alors remplis de cette joie-là. Mais jusque-là, c’est contre beaucoup d’oppositions que doit s’effectuer le travail de l’appeler, la réalisation de sa vocation.

Il faut dire aussi qu’il y a en quelque sorte deux vocations chrétiennes distinctes : L’une est l’appel au « salut », l’autre un appel au travail dans l’Église. La première est commune à tous : tous les hommes sont appelés au salut, à connaître et à aimer celui qui est l’artisan de ce salut, Jésus-Christ. C’est aussi, si l’on veut, l’appel au baptême, l’appel à entrer dans l’Église. Cette vocation tous les hommes la reçoivent (ou devraient la recevoir).

L’autre est commune à ceux qui ont répondu à ce premier appel, qui ont été baptisés et sont entrés dans l’Église : c’est l’appel à trouver dans l’Église sa place, non pas celle qui plairait le mieux ou qui semblerait le mieux convenir, mais celle que le Seigneur veut. Évidemment, chacun doit trouver sa place, et cette place n’est pas la même pour tous. C’est pourquoi il y a là encore « des » vocations, la vocation de pasteur, de missionnaire, d’organiste, de prédicateur laïque, de visiteur des malades, de trésorier, de responsable de quartier ou de village; le travail auprès des étudiants; le travail auprès des catholiques; le travail auprès des « laïcs »; le travail dans un groupe professionnel; le travail au sein d’une équipe d’évangélisation; le travail d’approche de l’incroyant; le travail auprès des jeunes, auprès des vieux, etc.

Pour ceux qui ont répondu au premier appel et qui sont chrétiens, il n’est pas concevable qu’ils n’entendent pas aussi le second et qu’ils ne cherchent pas pour quel travail particulier en tant que témoin de Jésus-Christ, dans la communauté paroissiale ou en dehors, pour l’annonce de l’Évangile, Dieu leur donne une vocation précise. Peut-être est-ce là aussi que l’Église ne sait pas bien diriger les fidèles! Et pourtant un chrétien qui n’a pas trouvé sa place particulière, son travail personnel à l’avancement du Royaume, est comme un crayon qui a tout ce qu’il faut, mine et bois, mais qui n’est pas taillé : on ne peut pas écrire avec.