Cet article a pour sujet le féminisme qui recherche la plénitude et l'accomplissement de soi par des moyens illusoires, alors que la plénitude et le bonheur se trouvent gratuitement en Jésus-Christ.

Source: Homme et femme il les créa. 4 pages.

Le féminisme et l'accomplissement de soi

Le mouvement féministe moderne a réussi, tout au moins à ses débuts, à réveiller, au moins en Occident, la conscience des femmes et à leur faire poser la question essentielle : Suis-je une personne complète? Ma vie témoigne-t-elle de la plénitude à laquelle j’aspire? Mais le féminisme moderne ne s’est pas borné à poser cette question. Il a cherché aussi à définir la nature de la plénitude de la femme.

Dans La mystique féminine, Betty Friedan affirmait naguère que la femme moderne ressent une faim que le pain ordinaire ne pourrait apaiser. Elle souffre toujours d’un sentiment de frustration parce qu’elle se voit traitée comme un être laissé pour compte, quantité négligeable, personne de seconde zone… On a tellement rabattu ses oreilles que le but exclusif de sa vie était le mariage, la famille et l’éducation de ses enfants qu’elle s’indigne et s’insurge contre ces tâches limitées et monotones, voire dévalorisantes pour sa personne. La femme a besoin de retrouver son identité, poursuivait l’auteure américaine. Elle doit cherche à atteindre un idéal élevé. Comment y parviendra-t-elle? À l’aide de l’éducation des femmes, concluait l’une des plus célèbres représentantes du féminisme contemporain.

S’occuper à longueur de journée des travaux ménagers, c’est gaspiller les talents reçus. C’est freiner, voire empêcher tout épanouissement et, finalement, la condamner à se faner et à dépérir…

Hélas, l’examen des faits, ceux de la réalité vécue quotidiennement, apportera un démenti à cette assertion catégorique, car aucun des moyens préconisés pour libérer la femme, y compris l’éducation, n’a produit les résultats merveilleux qu’on en attendait. Friedan est assez honnête pour reconnaître cet échec. L’éducation moderne n’a pas réussi à affranchir la femme des servitudes antérieures…

Force est de reconnaître que là où certaines solutions ont été essayées, on se trouve malgré tout toujours en présence de problèmes encore plus insolubles que ceux qui les ont précédés. Notons pour commencer que le féminisme en général définit l’identité d’une personne, et à plus forte raison celle de la femme, en termes d’une œuvre à accomplir. Le féminisme est l’enfant naturel de la société moderne et l’héritier de ses « valeurs » fonctionnelles, toutes éminemment pragmatiques. Ainsi, dans une culture orientée par la masculinité, la valeur de l’homme ne sera évaluée que presque exclusivement en termes de rentabilité. Il sera apprécié non pas en fonction de ses qualités personnelles, mais d’après l’optique de ses succès professionnels, même s’il se trouve dépourvu de toute dignité et n’inspire le moindre respect. L’homme moderne est devenu à la fois consommateur et objet de consommation.

Osons affirmer que la société athée et matérialiste retombe dans la vieille hérésie du salut par les œuvres, de cette doctrine théologique qui, à bien l’examiner de près, est la négation même de la valeur de l’homme en tant que porteur de l’image de Dieu. Placée sur une telle échelle de valeurs et aux yeux de la société pragmatiste, la femme qui n’exerce pas d’activité professionnelle en dehors de son foyer semble dépossédée de tout intérêt, peut-être même de toute signification personnelle. L’hérésie moderne promulgue entre autres celle du « que faire? » au lieu de poser la question primordiale et fondamentale : « Comment être? »

C’est vers une autre échelle de valeurs que nous attirerons l’attention, celle qui accorde valeur et dignité à la femme moderne comme elle le fit voici il y a vingt siècles, lorsqu’elle redonna à la femme la même dignité qu’à l’homme tout en lui reconnaissant sa spécificité et la nature de sa mission.

Pour la révélation biblique, ni l’homme ni la femme ne reçoivent leur importance de leur genre ou de la classe sociale à laquelle ils appartiennent, pas plus qu’au type de profession qu’ils exercent. Nous n’y trouverons aucune trace de pragmatisme, soit économique soit socio-utilitaire. La révélation chrétienne tient compte de l’origine de la personne, même si elle ne parvenait pas à faire prospérer les affaires; placé sous cet angle de vue, le « jeune loup » promis à une fulgurante promotion sociale n’a pas plus de valeur intrinsèque que celui qui ne connaît que l’échec!

Il est moins que certain qu’une femme qui exerce une profession en dehors de son foyer atteigne nécessairement la plénitude tant souhaitée et jouisse d’un bonheur auquel elle tend légitimement. Il faut dissiper l’illusion d’après laquelle la femme engagée dans les travaux ménagers et s’occupant à plein temps de sa famille soit abaissée au niveau de sous-femme… Nous ne prétendrons pas apporter de solutions miracles et ce que nous affirmons ici pourrait ne pas répondre à toutes les interrogations. Mais ces quelques pensées peuvent aider à orienter les recherches dans la bonne direction.

Pour le chrétien, toute tâche, fut-elle la plus humble, possède un but et une valeur : celle d’une mission et d’une œuvre qui sont confiées par Dieu. Exécuté avec conviction et conscience, notre travail ramène l’ordre dans le désordre du monde, d’un monde qui fuit Dieu ou gaspille les talents reçus. En principe, tout homme qui travaille reflète l’acte créateur de Dieu. Il porte témoignage à son œuvre. Si notre travail s’accomplit pour sa seule gloire et sous son regard, rien ne sera considéré comme dévalorisant. Chaque membre fidèle de l’Église a reçu un don qu’il mettra en pratique pour l’enrichissement des autres membres, en vue de l’édification d’un même corps organique (1 Co 12.22-26).

Or, il nous semble que le souci, voire l’obsession de plénitude et d’accomplissement de soi trahit chez les féministes modernes une préoccupation qui ne touche que les femmes appartenant à une certaine élite, qui peuvent s’offrir une occupation intéressante ou une carrière lucrative. Quant à celles qui n’ont ni les dons, ni la santé, ni l’instruction nécessaires pour choisir et mener à terme la carrière dont elles rêvent, ne seront-elles pas doublement frustrées? Ce ne sont pas les lamentations et les critiques acerbes contre la société « machiste » et la culture « phallocratique » qui résoudraient leurs problèmes, quelle que soit la part de vérité qu’il y a dans ces critiques…

Mais qu’entend-on par accomplissement de soi, de la vie, du monde? S’il s’agit d’avoir découvert la sérénité et la certitude d’être utile parce que l’on a découvert le sens de la vie, reconnaissons qu’il y a plénitude. Mais ceux et celles qui n’ont pas découvert l’essentiel de l’existence, à savoir le sens, démissionneront sans tarder, ou peut-être avec retard, devant tout effort à accomplir. D’autres estiment que la plénitude n’est qu’un rêve irréalisable, réservé aux années de l’adolescence. D’autres encore se lanceront avec frénésie et tête baissée dans tout et n’importe quoi, et les toutes dernières expériences offertes leur donneront l’illusion, d’ailleurs de courte durée, d’avoir enfin trouvé ce qui leur faisait si cruellement défaut!

Il existe pourtant bien des personnes qui ont découvert le sens de leur existence, voire de la plénitude, au moment d’une grande crise ayant secoué leur existence, comme à l’occasion d’une maladie, en présence de la mort qui leur a emporté un être cher ou encore lors des ébranlements et bouleversements inattendus que la vie réserve à tous et à chacun. Bref, en traversant « les eaux profondes », pour reprendre le langage à la fois poétique et réaliste du livre des Psaumes, ces personnes ont appris qu’elles possédaient tout parce qu’elles étaient possédées par quelqu’un. Et c’est à ce moment-là qu’elles ont pu parvenir à l’accomplissement, à goûter au bonheur réel et légitime!

Le livre de l’Ecclésiaste, dans l’Ancien Testament, est extrêmement critique à l’égard de tout athéisme pratique. Il porte un jugement sans appel sur l’homme ou la femme qui s’imaginent trouver la plénitude dans les « citernes crevassées » dont parlait le prophète Jérémie. Pour l’auteur, il n’y a rien dans l’univers matériel créé qui ne peut suppléer à un besoin aussi profond, qui est toute autre chose que la faim et la soif des choses. Le mal et la mort ôtent de notre vie toute possibilité de satisfaction absolue et les sombres rayons du mal nous font comprendre que ce que nous appelons parfois le bonheur n’est que cendres et poussière…

La sagesse et le plaisir, ainsi que toutes les richesses matérielles, n’avaient apporté à l’Ecclésiaste aucune satisfaction profonde et durable. L’auteur affirmait que leur poursuite n’était que vanité. Aussi a-t-il entrepris à détruire systématiquement et avec un dur réalisme toutes les illusions et tous les faux espoirs d’une impossible plénitude (Ec 5.19-20). La foi véritable et la jouissance des choses créées sont le don même de Dieu (v. 8-12). Il nous montrait du doigt ce qu’est une foi authentique. Un auteur chrétien, C.S. Lewis, dira la même vérité à sa façon :

« Si les gens avaient seulement appris à regarder dans leur cœur, ils sauraient qu’ils cherchent et recherchent intensément ce qui n’existe pas dans le monde temporel. Le monde tient rarement ses promesses. Les aspirations, même lorsqu’elles sont légitimes, par exemple un premier amour, les voyages, l’érudition, voire le mariage, ne peuvent satisfaire notre âme de manière totale et ultime. Même ce qui nous apparaît parfois comme sublime n’est, en quelque sorte, qu’infime et en tout cas nous échappe, glisse entre nos mains et se perd aussitôt, nous laissant sur notre faim… »

Jésus-Christ, plénitude de toute réalité et de tout bonheur pour toute personne de foi, déclarait une vérité qui devrait nous occuper et nous préoccuper jusqu’à la fin : « Quiconque voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la trouvera » (Mt 16.25). Celui qui cesse de faire de la poursuite du bonheur son objectif principal pour fixer ses regards et ses désirs sur le Royaume, dont le Christ est à la fois l’ambassadeur et le contenu, celui-là apprend à sa grande surprise qu’il possède la plénitude. Le connaître c’est étancher nos soifs les plus brûlantes. C’est aussi là que toute femme chrétienne apprendra que sa valeur lui a été restituée par le divin Libérateur.

Tout ce qu’elle accomplit trouve sa plénitude en celui qui récapitule en sa personne toutes choses. Nos existences, même apparemment « gâchées », et nos travaux émiettés sont restaurés en lui. Nous engager pour son Évangile nous procurera une telle joie et nous remplira d’une telle paix qu’aucun mouvement de libération d’homme ou de femme ne saurait même imaginer. Le but de notre existence ne se trouve pas dans l’accomplissement de nous-mêmes ni même dans le succès de nos travaux, mais dans la recherche de nous recentrer par rapport à celui en qui sont cachés « tous les trésors de la divinité ». Que la femme exerce sa mission dans le Royaume, qu’elle témoigne des desseins révélés de Dieu et de ses œuvres complètes (Col 3.23-24). Cette parole s’applique aussi bien à l’homme qu’à la femme saisis par le Libérateur et en marche vers l’accomplissement et la restauration de toutes choses, sur la terre comme dans le ciel.