Cet article a pour sujet la grâce qui est la source de notre foi en Jésus-Christ, car c'est par la grâce de Dieu seulement que nous sommes sauvés, et non par nos oeuvres (le sola gratia de la Réforme).

Source: Les solas de la Réforme (ÉK). 4 pages.

Par la grâce seulement

Après avoir vu ensemble les motifs par l’Écriture seulement et par la foi seulement, je vous propose maintenant d’examiner ensemble le motif par la grâce seulement qui, s’articulant avec les précédents de manière organique, donne consistance à l’expression de la foi chrétienne. Car cette foi dont je vous ai parlé dans un article précédent, d’où nous vient-elle? Peut-on la considérer comme une bonne œuvre de notre part qui nous raccroche, nous relie à Dieu? Qui en est l’auteur dans nos vies? C’est là bien sûr qu’intervient le motif par la grâce seulement.

La grâce est la source de notre foi en Jésus-Christ, la foi est le moyen par lequel nous avons accès au salut, mais la foi n’est pas la cause première de notre salut. Elle est plutôt le canal nécessaire qui exprime en notre for intérieur l’entière confiance que nous avons en Dieu, l’auteur de notre salut. Avec d’autres croyants, nous exprimons publiquement cette confiance dans une confession de foi commune, et par l’adoration commune de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Mais, je le répète, la source de cette foi, c’est la grâce divine et elle seule. Le dire, c’est aussi exprimer notre foi en Dieu, c’est affirmer que lui seul est l’auteur de notre salut. Ce n’est pas nous-mêmes qui opérons notre salut, nous en sommes tout bonnement incapables. Notre nature, abîmée par le péché, est trop viciée pour cela. Mais ce qui est impossible à nous est toujours possible à Dieu.

Le texte de l’Écriture le plus clair à cet égard est sans doute le passage suivant de la lettre de l’apôtre Paul aux chrétiens d’Éphèse :

« Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est un don de Dieu; ce n’est pas le fruit d’œuvres que vous auriez accomplies. Personne n’a donc de raison de se vanter. Ce que nous sommes, nous le devons à Dieu; car par notre union avec le Christ-Jésus, Dieu nous a créés pour une vie riche d’œuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance afin que nous les accomplissions » (Ép 2.8-10).

Ce passage de la lettre aux Éphésiens, si central pour comprendre le plan de salut de Dieu, nous montre clairement l’ordonnance divine des choses concernant notre salut : la foi est le don de la grâce divine en nous. Si nous reconnaissons qu’il s’agit d’un don, et pas d’une œuvre bonne provenant de notre propre nature, alors nous savons que nous ne pouvons pas nous vanter de quoi que ce soit. Cette foi nous unit au Christ vivant, pour nous faire vivre de sa vie, et le but de notre vie nouvelle est maintenant d’accomplir les œuvres bonnes que Dieu lui-même a préparées d’avance afin que nous les pratiquions.

Comme vous le voyez, il n’est pas question de dire que les œuvres bonnes n’ont pas de place dans la vie du croyant, ou qu’elles ne sont pas une marque nécessaire d’une foi véritable. Elles sont la conséquence et le signe immanquable de notre union avec Christ, mais elles ne sont pas la cause de cette union, elles en sont plutôt le fruit. Et d’ailleurs, c’est Dieu qui, dans sa grâce et dans son éternité, les a préparées, elles entrent dans son plan souverain de salut qui ne doit rien à nous-mêmes, et tout à lui. Donc : Par la grâce seulement!

Le thème de la grâce abondante de Dieu parcourt toute la lettre de Paul aux Éphésiens et notamment la section qui précède le passage que je vous ai cité. Lisons donc cette section, à partir du début du chapitre 2, et notez bien comment Paul insiste sur le fait qu’avant d’avoir été greffés en Christ, tous sont morts spirituellement, leurs œuvres sont dignes du jugement de Dieu, de sa colère divine :

« Autrefois, vous étiez morts à cause de vos fautes et de vos péchés. Par ces actes, vous conformiez alors votre manière de vivre à celle de ce monde et vous suiviez le chef des puissances spirituelles mauvaises, cet esprit qui agit maintenant dans les hommes rebelles à Dieu. Nous aussi, nous faisions autrefois tous partie de ces hommes. Nous vivions selon nos désirs d’hommes livrés à eux-mêmes et nous accomplissions tout ce que notre corps et notre esprit nous poussaient à faire. Aussi étions-nous, par nature, destinés à subir la colère de Dieu comme le reste des hommes. Mais Dieu est riche en bonté. Aussi, à cause du grand amour dont il nous a aimés, alors que nous étions spirituellement morts à nos fautes, il nous a fait revivre les uns et les autres avec le Christ. — C’est par la grâce que vous êtes sauvés. — Par notre union avec Jésus-Christ, Dieu nous a ressuscités ensemble et nous a fait siéger ensemble dans le monde céleste. Il l’a fait afin de démontrer pour tous les âges à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce qu’il a manifestée en Jésus-Christ par sa bonté envers nous. Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est un don de Dieu; ce n’est pas le fruit d’œuvres que vous auriez accomplies. Personne n’a donc de raison de se vanter. Ce que nous sommes, nous le devons à Dieu; car par notre union avec le Christ-Jésus, Dieu nous a créés pour une vie riche d’œuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance afin que nous les accomplissions » (Ép 2.1-10).

D’autres textes de l’apôtre Paul, dans le Nouveau Testament, se font l’écho de ces paroles de la lettre aux Éphésiens. Par exemple lorsqu’il écrit ceci à son jeune ami Timothée, au début de la seconde lettre qu’il lui adresse :

« C’est Dieu qui nous a sauvés et nous a appelés à mener une vie sainte. Et s’il l’a fait, ce n’est pas à cause de ce que nous avons fait, mais bien parce qu’il en avait librement décidé ainsi, à cause de sa grâce. Cette grâce, il nous l’a donnée de toute éternité en Jésus-Christ. Et maintenant, elle a été révélée par la venue de notre Sauveur Jésus-Christ. Il a brisé la puissance de la mort et, par l’Évangile, a fait resplendir la lumière de la vie et de l’immortalité » (2 Tm 1.9-10).

Écoutons maintenant ensemble ce que dit le Catéchisme de Heidelberg sur les œuvres bonnes que nous devons accomplir. La question 86 du Catéchisme inaugure la troisième partie de cette instruction chrétienne, modelée sur la lettre de Paul aux Romains :

« Question : Puisque nous sommes délivrés de notre misère par la grâce du Christ, sans aucun mérite de notre part, pourquoi devons-nous faire des œuvres bonnes?
Réponse : Parce que le Christ, après nous avoir rachetés par son sang, nous renouvelle aussi par son Saint-Esprit à son image, afin que nous montrions à Dieu, par toute notre vie, notre reconnaissance pour ses bienfaits et qu’ainsi nous le glorifiions; ensuite, afin que nous puissions aussi être nous-mêmes assurés de notre foi par les fruits qu’elle porte, et que par la sainteté de notre vie, nos prochains soient gagnés à Jésus-Christ. »

Le Catéchisme nous donne donc trois raisons pour lesquelles notre salut par grâce, et non par nos propres œuvres, doit justement nous inciter à accomplir de telles œuvres : d’abord, de telles œuvres manifestent clairement notre reconnaissance envers Dieu pour le salut qu’il nous a offert gratuitement. Elles sont aussi le signe de notre renouvellement intérieur à son image, renouvellement effectué par le Saint-Esprit. Dieu est glorifié par nos œuvres. Ensuite, notre foi, qui grandit et se fortifie de jour en jour, toujours par l’action du Saint-Esprit, se trouve confirmée par les œuvres qu’elle suscite : en voyant les fruits qu’elle porte, nous sentons que notre foi est bien réelle et vivante, et nous pouvons nous réjouir de ce que nous voyons l’Esprit de Dieu à l’œuvre en nous. Et enfin, nos œuvres sont un témoignage de l’amour de Dieu vis-à-vis du monde : en voyant nos œuvres bonnes, notre prochain est amené à connaître la puissance et l’amour de Dieu, et il peut être gagné à Jésus-Christ par ce puissant témoignage. Même si nous nous sentons faibles, et voyons bien que nos meilleures œuvres demeurent imparfaites, Dieu, dans sa patience et son amour, s’en sert pour amener les incroyants à la connaissance de son nom glorieux. Nos œuvres deviennent un instrument puissant d’évangélisation.

Terminons ce message en citant quatre passages du Nouveau Testament qui confirment cet enseignement du Catéchisme : Dans 1 Corinthiens 6, Paul écrit : « Car vous avez été rachetés à grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit qui appartiennent à Dieu » (1 Co 6.19-20). Dans le sermon sur la montagne, Jésus dit à la foule venue écouter son enseignement sur la montagne : « Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos œuvres bonnes, et glorifient votre père qui est dans les cieux » (Mt 5.16). Et, plus loin, Jésus ajoute encore : « Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre produit de mauvais fruits » (Mt 7.17). Enfin, dans sa première lettre, l’apôtre Pierre écrit : « Au milieu des païens, ayez une bonne conduite, afin que là où ils vous calomnient comme faisant le mal, ils voient vos œuvres bonnes, et glorifient Dieu au jour de sa visite » (1 Pi 2.12).

Après les motifs par l’Écriture seulement, par la foi seulement et par la grâce seulement, il nous faudra encore examiner la signification du motif suivant : par Jésus-Christ seulement, qui est relié organiquement aux précédents. C’est ce que nous ferons dans un prochain article, que je vous invite donc à lire.