Cette fiche de formation a pour sujet l'importance de la prédication, sa définition, et la priorité de ce ministère qui est un moyen de grâce, une proclamation, une exhortation, un enseignement et un entretien.

Source: Cours d'homilétique - L'art de prêcher la Parole de Dieu. 5 pages.

Homilétique (1) - L'importance de la prédication

  1. Éléments de définition
    a. La modestie
    b. L’importance
  2. Éléments scripturaires
    a. Un moyen de grâce utilisé dans l’Ancien et le Nouveau Testament
    b. Un ministère prioritaire
    c. Un ministère astreignant
  3. Une définition plurielle
    a. Une proclamation
    b. Une exhortation
    c. Un enseignement
    d. Un entretien familier

Entrée en matière

Exercice : Sur le tableau, inscrire sur deux colonnes les termes associés à « Bonne prédication » et à « Mauvaise prédication ». Quelles causes? Quelles conséquences?

1. Éléments de définition🔗

L’Encyclopédie du Protestantisme1 dit : « En tradition protestante, la prédication consiste en une lecture actualisée d’un passage de l’Écriture. »

Cette définition est intéressante, car l’expression « lecture actualisée » souligne à la fois la modestie et l’importance du rôle du prédicateur.

a. La modestie🔗

Le prédicateur est le serviteur d’un texte. J’ai parfois cette nette impression qu’à la limite, la lecture suffirait!

« Esdras lut dans le livre depuis le matin jusqu’au milieu du jour, sur la place qui est devant la porte des eaux, en présence des hommes et des femmes et de ceux qui étaient capables de l’entendre. Tout le peuple fut attentif à la lecture du livre de la loi » (Né 8.3; voir Dt 31.9-13).

Le verset 9c dit : « Tout le peuple était dans la désolation et dans les larmes. » C’était simplement la lecture de la loi, sans commentaire. Si celui qui lit a un cœur brisé et consacré à Dieu, la lecture pourrait suffire, dans certains cas, au moins. Lire et laisser un temps de silence… Il n’est pas certain que ce qu’on y ajoute vient toujours de Dieu.

Avec la modestie se trouve la dimension de la sobriété. Il n’est pas forcément nécessaire d’être long ou de parler fort pour prêcher correctement la Parole. La notion d’urgence elle-même s’accommode (ou commande!) une forme de sobriété, comme l’écrit l’apôtre Pierre : « La fin de toutes choses est proche. Soyez sages et sobres » (1 Pi 4.7).

b. L’importance🔗

L’attitude de cœur du prédicateur va éclairer ou assombrir le texte… Mais au-delà de l’attitude (on va y revenir), il s’agit d’actualiser le texte. Non pas le transformer, l’améliorer, le compléter, mais l’actualiser, c’est-à-dire reformuler ce que le texte dit (« tel quel », 1 Co 15.3) de telle sorte que les auditeurs d’ici en comprennent tout le sens pour eux, maintenant.

Nous voyons déjà ce que cela implique pour le prédicateur : le travail sur son attitude, le travail sur le texte biblique. « Notre prédication ne reposait pas sur l’erreur ni sur des motifs impurs… » (1 Th 2.3). Les apôtres Pierre (Ac 6.4) et Paul (1 Tm 5.17) évoquent ce travail, ce labeur. Il y a un autre « travail » : l’observation attentive de ce qui se vit ici et maintenant. Beaucoup de passages démontrent qu’un prédicateur est aussi un fin observateur de ce qui se passe autour de lui (Ac 17.22-23).

En somme, il est possible de parler de « trois exégèses » :

  • l’exégèse du cœur du prédicateur (son écoute de Dieu, sa motivation…);
  • l’exégèse du texte (que dit vraiment ce texte?);
  • l’exégèse du contexte actuel (cette assemblée, ici et maintenant).

Il est évident que le Saint-Esprit doit être à l’œuvre, mais il ne fera pas le travail du prédicateur à sa place (Ac 20.28). Si le prédicateur se trompe dans une de ces trois exégèses, on ne devra pas l’imputer au Saint-Esprit! En réalité, la finalité d’un cours d’homilétique est de permettre au prédicateur d’éviter de dériver sans s’en rendre compte. C’est seulement cela…, mais c’est très important!

Les textes bibliques déjà évoqués (Ac 6.4; 1 Tm 5.17…) montrent bien que l’action de l’Esprit ne dispense aucunement d’un travail à accomplir2. Jésus lui-même a dû longuement expliquer ce qui le concernait aux disciples d’Emmaüs, en commençant par Moïse et tous les prophètes (Lc 24.27). Et c’était Jésus… après sa résurrection. Il en est de même dans le livre des Actes, après la Pentecôte (Ac 18.24-28).

La prédication est une lecture actualisée d’un texte biblique. Dans ce sens, l’exégèse de l’assemblée, mais aussi l’exégèse de l’époque que nous vivons, sont aussi importantes que l’exégèse du texte. L’apôtre Paul le dit ainsi : « Cela importe d’autant plus que vous savez en quel temps nous sommes : c’est l’heure de vous réveiller enfin du sommeil, car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru » (Rm 13.11).

2. Éléments scripturaires🔗

a. Un moyen de grâce utilisé dans l’Ancien et le Nouveau Testament🔗

Il est toujours utile de relier étroitement le Nouveau et l’Ancien Testament. Ainsi, nous apprenons que Jésus a prêché par l’intermédiaire de Noé (1 Pi 3.19). En un sens, c’était déjà l’Évangile! Seul le contexte (le temps) a changé.

Moïse, dans le Deutéronome, réactualise la loi, l’adapte à la nouvelle situation. Ses cinq discours sont « la loi prêchée » et appartiennent au genre de la prédication.

Les prophètes sont les porte-parole de Dieu. Ils vont s’exprimer dans des circonstances extrêmement diverses, inattendues parfois3.

Les discours de Jésus occupent une place très importante dans les Évangiles. Lui aussi tout à la fois redit les mêmes vérités et s’adapte à chaque situation.

Beaucoup parmi le peuple juif ont le cœur vivement touché par la prédication de Pierre le jour de la Pentecôte. Dans le livre des Actes, nous voyons le contexte évoluer peu à peu : jusqu’au chapitre 28, la synagogue demeure l’objectif premier, même si, de plus en plus, les portes s’ouvrent en direction des païens. Le même Évangile doit être annoncé, mais il ne l’est pas exactement de la même manière dans tous les cas.

b. Un ministère prioritaire🔗

Aux yeux de Paul, l’importance de la prédication est considérable, pour toutes les générations.

« Mais comment feront-ils appel à lui s’ils n’ont pas cru en lui? Et comment croiront-ils en lui s’ils ne l’ont pas entendu? Et comment entendront-ils s’il n’y a personne pour le leur annoncer? Et comment y aura-t-il des gens pour l’annoncer s’ils ne sont pas envoyés? Aussi est-il dit dans l’Écriture : Qu’ils sont beaux les pas de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles! » (Rm 10:14-15; voir 2 Tm 4.1-2).

Cette importance n’est absolument pas remise en question par la venue du Saint-Esprit lors de la Pentecôte. C’est toujours sur la base de l’Écriture que l’annonce et l’enseignement s’appuient (Ac 17.2; 18.28).

Cette importance n’est pas non plus remise en question par la réalité de l’élection divine (Rm 8.29-30). « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2.3-4). « Parle, car j’ai un peuple nombreux dans cette ville » (Ac 18.10). « Ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent » (Ac 13.48).

c. Un ministère astreignant🔗

« Nous devons nous consacrer à la prière et à l’enseignement » (Ac 6.4). Le verbe « consacrer » suppose d’être prêt à beaucoup de sacrifices. « Les responsables qui dirigent bien l’Église méritent un double honneur, notamment ceux qui se dévouent au ministère astreignant de la Parole [logos] et de l’enseignement » (1 Tm 5:17). Le pasteur Stuart Olyott le dit ainsi : « Prépare ta prédication comme si tout dépendait de toi. Prêche comme si tout dépendait de Dieu. »4

3. Une définition plurielle🔗

La notion de prédication comprend plusieurs dimensions :

a. Une proclamation🔗

C’est le sens du grec kêrussô (qui a donné le substantif kérygme) : annoncer à la manière d’un héraut. « Oyez, oyez braves gens! » « Il se mit à publier dans toute la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui » (Mc 5.20). « Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant la bonne nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute infirmité » (Mt 4.23). « Comment y aura-t-il des prédicateurs s’ils ne sont pas envoyés? » (Rm 10.15). Dans ce sens, même si elle s’adresse au peuple de Dieu, la prédication peut avoir un caractère public. C’est ce qui la différencie de l’étude biblique.

Avec le verbe kêrussô, l’attention est fixée sur le cœur du message à proclamer.

b. Une exhortation🔗

C’est le sens du grec paraklêsis : avertissement, exhortation, encouragement. « Que celui qui exhorte s’attache à l’exhortation » (Rm 12.8). « Jusqu’à ce que je vienne, applique-toi à la lecture, à l’exhortation [paraklêsis] et à l’enseignement [didaskalia] » (1 Tm 4.13).

Avec le mot paraklêsis, l’attention est fixée sur le vécu des auditeurs.

c. Un enseignement🔗

C’est le sens du grec didaskalia, qui signifie aussi doctrine. « Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, la communion fraternelle… » (Ac 2.42). « Que celui qui enseigne s’attache à son enseignement » (Rm 12.7; voir Ac 6.4). « Tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction » (Rm 15.4; voir 1 Tm 4.13 cité ci-dessus).

Avec le mot didaskalia, l’attention est fixée sur le fondement et l’équilibre.

d. Un entretien familier🔗

C’est le sens du grec homiléô/homilia, terme utilisé par les Pères de l’Église. Il s’agit d’une discussion sur le texte et non d’un discours en trois points. « Tout en s’entretenant avec Corneille, Pierre entra dans la maison et découvrit les nombreuses personnes qui s’y étaient réunies » (Ac 10.27). « Quand Paul est remonté, il a rompu le pain pour manger, puis il a poursuivi l’entretien encore longtemps, jusqu’à l’aube. Après quoi il est parti » (Ac 20.11).

Avec le verbe homiléô, l’attention est fixée sur le contact, la transmission, l’application.

Ainsi, nous pouvons penser que la prédication ne devrait pas se réduire à une seule de ces dimensions : chacune a sa légitimité, son importance. Il n’y a pas qu’un seul modèle de prédication, qui devrait s’imposer à tous et partout.

Nous pouvons aussi déduire que le culte n’est pas le seul lieu pour l’annonce, pour la prédication. En réalité, la plupart des prédications du Nouveau Testament se situent dans un cadre non cultuel. La forme de l’annonce doit impérativement tenir compte du lieu, des auditeurs, du contexte : on ne s’adresse pas à une assemblée de disciples comme à un auditoire mélangé; on ne parle pas à 20 personnes comme on parle à 200…, même si dans tous les cas, c’est le texte qui est prêché!

Interrogeons-nous : Dans certaines Églises, les fidèles ne peuvent jamais s’exprimer sur le texte biblique. Est-ce normal? N’ont-ils rien à dire? Rien à demander? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur la vision du ministère, sur l’action de l’Esprit au sein de l’Église, sur la responsabilité spirituelle de chacun5?

Notes

1. Encyclopédie du Protestantisme. Pierre Gisel. Labor et Fides-PUF, 2006, page 1112.

2. Exactement comme un artisan forgeron qui fabrique un portail : il peut lui aussi demander le secours du Saint-Esprit. Mais il devra également faire chauffer sa forge et manier son marteau.

3. Le nom du Qohéleth signifie « celui qui s’adresse à la foule », « l’orateur », « le prédicateur ».

4. Ce pasteur réformé baptiste était dans son bureau, indisponible pour quiconque durant toutes les matinées. Seule son épouse savait où il était. Il préparait ses messages. À la fin de son ministère, il a enseigné l’homilétique au Pays de Galles.

5. Paul indique que son ministère s’exerçait « publiquement et dans les maisons » (Ac 20.20). Le professeur Pierre Courthial utilisait l’expression « prédication privée » pour parler du travail pastoral lors de visites. Mais cela ne signifie pas qu’il prêchait dans les maisons de la même manière que devant l’assemblée tout entière.