Cet article sur les questions d'introduction au livre de Nahum traite de son auteur, des circonstances, de la date, de la composition, du plan du livre et de son message (Dieu de l'alliance, Ninive doit périr, colère de Dieu, victoire).

Source: Introduction à l'Ancien Testament. 9 pages.

Introduction au livre de Nahum

  1. Auteur
  2. Circonstances
  3. Date
  4. Composition
  5. Plan
  6. Message
    a. Le Dieu de l’alliance
    b. Ninive doit périr
    c. La colère de Dieu
    d. La victoire

1. Auteur🔗

Le septième des petits prophètes a pour auteur Nahum ou « le consolé ». Qui peut consoler si ce n’est celui qui a été lui-même consolé? (2 Co 1.3-7). Il apporte aux siens le réconfort et la consolation. Dans l’une des périodes les plus sombres de l’histoire nationale, il s’accroche à la grâce et respire dans le climat d’une espérance contre toute espérance. Celle-ci anime sa foi, qu’il affirme d’ailleurs avec une exceptionnelle vigueur; il a confiance en la victoire du Seigneur, même si à l’heure actuelle, alors qu’il rédige son oracle, l’ennemi semble au faîte de son pouvoir et se comporte comme un lion terrifiant ou un fauve qui use de la séduction!

On ne peut l’identifier ni avec Naham (1 Ch 4.19) ni avec Néhémie (Né 1.1), pas plus qu’avec Nahamani (Né 7.7). C’est de la lecture de son message que nous obtiendrons le peu de renseignements que nous avons sur sa personne. Il est originaire d’Elkosch, où il est né et où il a vécu.

Le Nouveau Testament, dans la généalogie de Jésus, évoque Nahum fils d’Esli, père d’Amos (Lc 3.25), généalogie de Joseph, le père légal de Jésus.

Nahum n’est nulle part ailleurs nommé dans la Bible. Il vécut dans la seconde moitié du septième siècle. Ses oracles annoncent la chute de Ninive et celle de Thèbes. Il est de ces patriotes passionnés qui attendent jusqu’à l’exaspération la fin de Ninive, capitale de l’empire d’Assur, depuis Sennachérib, et qui tombera en 612. Il semble avoir vécu ou connu la déchéance de No-Amon, la ville d’Amon, l’orgueilleuse Thèbes, capitale d’Égypte, prise en 663 par le roi assyrien Assurbanipal. Cependant, l’époque où prophétise Nahum ne saurait être très éloignée de cette date, car les Assyriens ne purent garder longtemps cette ville, trop éloignée de leurs bases. D’ailleurs, au temps où il rend ses oracles, Juda est encore sous le joug d’Assur et Ninive encore puissante. La mort d’Assurbanipal marquera le début de son déclin.

On a cherché à identifier Elkosch avec la ville galiléenne de Capernaüm, hypothèse conjecturée à partir d’une étymologie douteuse qui signifierait « ville de Nahum »; on l’identifia également avec Helkesei, avec Quosh, à quelque 50 km au nord de Mossoul, dans l’Iraq actuel. D’autres ont cherché à l’identifier avec Eleutheropolis (la moderne Beit Jibrim), au sud-ouest de Juda.

La location assyrienne en Iraq semble invraisemblable, du fait que le livre ne fait aucune allusion à la vie des Israélites dans l’Assyrie où ils avaient été déportés après la prise de la Samarie. La location galiléenne ne semble pas davantage acceptable, à moins que le prophète ne se soit déplacé de la Galilée vers Juda, car la partie nord de la nation à cette époque se trouve en exil. La plupart des commentateurs pensent que le livre fut rédigé ayant en vue une audience israélite; le texte de Nahum 1.15 mentionne le temple et le culte qui y est célébré. Certains ont estimé que le livre serait un texte liturgique et que le prophète serait un prophète cultuel au service du culte officiel du temple de Jérusalem. Ces conclusions ne sont pas convaincantes. Notons que Nahum n’est ni un messager nationaliste étriqué ni un faux prophète annonçant, par pure démagogie nationaliste, des oracles dévastateurs sur l’ennemi assyrien.

2. Circonstances🔗

Le seul point de repère que nous possédions c’est la destruction de Thèbes, ou No-Amon, par Assurbanipal en l’an 663 avant J.-C., que Nahum décrit comme un événement récent (Na 3.8). Comme il annonce la chute définitive de Ninive, son ministère doit se placer entre 663 et 612 avant notre ère, date de la prise de la capitale assyrienne par Cyaxare le Mède et Nabopolassar, alors vice-roi de Babylone. Nahum serait-il parmi les prophètes qui parlèrent au nom de l’Éternel au roi Manassé après sa repentance et son retour de Babylone? (2 Ch 33.18).

Ninive fut fondée par Nimrod, l’un des arrière-petits-fils de Noé (Gn 10.6-12). Durant de longs siècles, elle fut la capitale de l’Empire assyrien. Au sommet de sa prospérité, elle est appelée « une grande ville », avec une population qui, au moment de la prédication de Jonas, atteignait 120 000 habitants. Les monarques assyriens sont connus pour leur cruauté. Cette nation païenne avait envahi et pillé Israël à plusieurs reprises. Aussi le prophète désire-t-il sa destruction. À cette époque, elle est la ville la plus puissante de l’antiquité, célèbre par ses murailles qui s’élèvent à plus de 10 mètres et assez larges pour que trois chariots puissent y courir de front. Ces murailles voient également s’élever des tours de la hauteur de 10 mètres, et à leur base s’étend un fossé de 50 mètres de largeur et de 20 mètres de profondeur. À vue humaine, elle est imprenable. Pourtant, le prophète prédit que la ville sera prise à la suite d’une inondation des fleuves qui la traversent.

Depuis que les armées de Tiglath-Piléser III avaient porté un premier choc aux petits états syriens, tout le monde se sentait menacé. Par deux fois, le peuple de Dieu avait mesuré le danger assyrien; une première fois en 722, à la chute du royaume du Nord, une seconde fois, quelques années plus tard, lorsque les troupes de Sennachérib menaçant Jérusalem avaient dû, comme par miracle, lever le siège.

Pendant deux longs siècles, la puissance de l’Assyrie se révéla invincible. Les successeurs de Sennachérib parvinrent même, bien que pour peu de temps, à dominer l’Égypte; Thèbes, « la ville aux cent portes », orgueil des pharaons, était tombée en 663. Elle sera restaurée une dizaine d’années plus tard. Si le prophète ne mentionne pas cette restauration, on ne doit pas en conclure que le livre fut écrit avant 654. Toute l’Égypte, y compris ses alliées, l’Abyssinie, l’Arabie du Sud et la Libye, avaient été mises hors de combat. Mais ce n’était pas seulement la gloire militaire d’Assur qui remplissait le monde; les grands conquérants assyriens avaient voulu faire de Ninive la capitale des sciences et des arts, une sorte de ville des lumières, et ils y étaient parvenus grâce aux ressources prodigieuses de la cité, devenue un véritable marché mondial.

La conversion de Ninive en réponse à la prédication de Jonas avait eu lieu vers 760; le peuple s’était repenti et Dieu avait épargné la ville inique. Cependant, quelque 150 ans après la mission de Jonas, la ville sera détruite, car, malheureusement, le réveil fut de courte durée et les Assyriens retournèrent à leurs pratiques païennes. Les armées alliées des Mèdes, des Babyloniens et des Scythes pénétrèrent dans la ville par des brèches causées par l’inondation du Kosher, l’un des deux fleuves qui la traversent; les briques de terre cuite furent défaites, ce qui est bien conforme à la prophétie de Nahum.

Voici les principaux événements qui se sont passés entre le réveil suscité par la prédication de Jonas et le ministère de Nahum :

Moins de 50 ans après la repentance de Ninive, Pul, roi d’Assyrie, menaça Israël, extorqua une forte rançon à Ménahem et s’éloigna (2 R 15.19-20).

Peu de temps après, vers 735, Tiglath-Piléser emmena en captivité les habitants de la Galilée et du pays de Galaad. Il se fit remettre les trésors du temple par l’impie Achaz, roi de Juda (2 R 16.7-11,18).

Salmanasar prit la Samarie et Sargon organisa une seconde déportation en Assyrie (2 R 17.3-6).

Une vingtaine d’années plus tard, Sennachérib ravagea la Judée et ordonna la capitulation de Jérusalem, mais Dieu intervint miraculeusement en frappant 185 000 hommes de son armée, ce qui l’obligea à rentrer en Assyrie. Ses deux fils aînés, jaloux de la préférence que leur père accordait à leur cadet, l’assassinèrent, et après l’échec de leur complot s’enfuirent au pays d’Ararat, l’actuelle Arménie (2 R 17.24-41).

Le successeur de Sennachérib sera le plus puissant des monarques assyriens.

« L’Asie ne lui suffit pas, et comme jadis les Pharaons de la 18e dynastie avaient conquis la Mésopotamie, il voulut à son tour attaquer l’Égypte. Il s’empara de Memphis et de tout le pays jusqu’à Thèbes. Tirhaka, roi d’Éthiopie, fut chassé et Assarhaddon, à son retour, raconta ses exploits dans une inscription que l’on a retrouvée sur une paroi de rocher près de Beyrout. Il était impossible que la Palestine échappât à son attention, et nous trouvons, en effet, Manassé de Juda mentionné parmi les vingt-deux rois des Héthiens qui étaient ses tributaires. Il abdiqua en 668 en faveur de son fils Assurbanipal.
Ce nouveau roi sut encore conserver l’unité de l’empire que son père lui avait légué; mais sous son règne, de fréquentes révoltes dans les provinces firent pressentir la décadence prochaine de la puissance assyrienne. Assurbanipal sut, sans doute, réprimer ces rébellions, et il le fit avec une cruauté telle que la haine du nom de Ninive se répandit dans toute l’Asie. Il était à peine sur le trône qu’une nouvelle invasion de Tirhaka le força d’entreprendre une expédition contre l’Égypte; il reçut à cette occasion l’hommage de Manassé et de tous les rois de l’Asie occidentale; il prit Memphis et rétablit les petits souverains installés par son père. Mais à la mort de Tirhaka, en 664, le successeur de ce dernier, Rud-Amon, recommença la guerre; l’armée assyrienne reprit le chemin de l’Égypte et remporta des succès brillants; Thèbes fut prise et saccagée, et les inscriptions énumèrent tous les trésors qui furent rapportés à Ninive » (Bible Annotée, Introduction à Nahum).

Au temps de Nahum, l’Assyrie avait atteint son apogée sous Assurbanipal (669-633), qui parvint à étendre les frontières de son empire et exercer son influence aussi loin que possible dans le monde antique connu. Pourtant, un rapide déclin attendait l’orgueilleuse capitale. En 612, elle fut conquise par les Mèdes, les Babyloniens et les Scythes, ses anciens vassaux, et après que l’hégémonie mondiale eut successivement passé aux Babyloniens, puis aux Perses, Ninive devint un véritable désert. Quelques siècles encore et plus personne ne pouvait plus retrouver les traces de cette reine du monde antique. En effet, la destruction de Ninive fut si grande et complète que 200 ans plus tard Xénophon, le général grec, en traversant ses ruines, ignorait quel en était le nom.

Après sa destruction en 612, le site ne fut découvert… qu’en 1842. Oui, Dieu avait préparé un sépulcre pour la ville impie et rebelle, sépulcre dans lequel il l’a enfuie pendant de longs siècles (Na 1.14). Lentement, les archéologues, depuis le 19siècle, ont remis les décombres de Ninive à jour pour mieux constater combien sa ruine fut grande. Des découvertes archéologiques comprennent les temples de Nabu et d’Ishtar, d’autres dieux assyriens, ainsi que les palais des rois Assurbanipal, Assurnazirpal et Sennachérib. L’une des découvertes les plus importantes est la bibliothèque royale d’Assurbanipal, contenant plus de 16 000 tablettes écrites en cunéiforme. Elles comportent les histoires mésopotamiennes de la création et du déluge, de même que des textes religieux et historiques. C’est à Ninive que Sennachérib avait apporté le tribut levé d’Ézéchias de Juda (2 R 18.13-15). Ninive est l’une des villes les plus anciennes du monde; son origine, selon les fouilles archéologiques, remonterait aux environs de 4500 avant notre ère.

Un rapport babylonien décrit après 612 la prise de Ninive et souligne le rôle joué par les alliés mèdes sous la conduite de D’Umakishtar (le Cyaxare d’Hérodote) :

« Ils avancèrent sur la rive du Tigre, campèrent devant Ninive, lancèrent une attaque puissante contre la cité, et au mont Abu la ville fut prise. Ils firent un massacre de ses princes, prirent un butin abondant dans le temple et dans la ville et firent de celle-ci un monceau de pierres et une ruine. »

Nahum fait allusion à ces faits; malgré la splendeur de Ninive, son nom sera haï, et malgré son éclat sa ruine est imminente et irréparable. Les oracles du livre de Nahum remontent à la période qui va de la chute de Thèbes à celle, définitive, de la capitale assyrienne.

3. Date🔗

Le prophète parle de la chute de Ninive avec une clarté et une familiarité telles qu’on peut en conclure que l’événement est immédiat et que l’auteur est quasiment un témoin oculaire. Des découvertes assyriennes ont permis de fixer la date de composition avec une assez grande précision. Depuis, on est mieux renseigné sur la période durant laquelle Nahum a exercé son ministère prophétique.

On a proposé trois dates possibles après la chute de Thèbes : peu après celle-ci; aux environs de la mort d’Assurbanipal; peu avant la chute de Ninive, ou la chute de l’Assyrie. Une date maccabéenne, ainsi que l’on a suggéré, est hors de question.

On pourra aisément situer la date de composition entre 621 et 612. Dans ce cas, Nahum dut être contemporain de Sophonie, d’Habacuc et de Jérémie. La prise de No-Amon, ou Thèbes, pillée par le roi Assurbanipal d’Assyrie vers 666 ou 663, peut situer la composition du livre entre ces deux dates. Une autre pièce à conviction en faveur de cette hypothèse semble laisser entendre que ce dut être peu après la réforme de Josias.

4. Composition🔗

Nahum nous révèle un prophète dont l’œuvre est d’une force peu commune. Un homme qui manie avec aisance le langage du culte officiel, mais qui est aussi prophète authentique et un visionnaire. Sa pensée est plus nuancée et plus riche qu’on ne le prétend en général. Il occupe une place à part parmi les prophètes. Contrairement à la plupart d’entre eux, il ne fustige pas le peuple d’Israël pour ses péchés et ses infidélités et n’appelle pas à la repentance. Son livre est tout entier centré sur la destruction de Ninive.

Aucun livre de l’Ancien Testament n’a été aussi mal jugé que celui-ci. On l’a souvent traité de livre vengeur, de pamphlet exhalant une rancœur insoutenable et débordant d’un nationalisme exacerbé, jubilant à la perspective de la ruine de l’oppresseur. On est allé jusqu’à vouloir l’ôter du canon biblique, car il manquerait de profondeur théologique et d’envergure du point de vue éthique… Certains ont même pensé qu’il pourrait s’agir du livre d’un faux prophète! À notre avis, et ici nous rejoignons les meilleurs spécialistes, le livre est parfaitement à sa place dans le canon. Son message, nous l’examinerons plus loin, concerne principalement la justice divine et ne s’épuise pas dans les expressions de vengeance et de haine vouées à l’adversaire.

Il faudrait considérer le livre de Nahum comme le compagnon du livre de Jonas. Car, avec la prophétie de Jonas, celle de Nahum est entièrement consacrée à la ville de Ninive. Vers l’an 800, Jonas avait été envoyé par Dieu prêcher la repentance à cette ville païenne. Les habitants prirent le sac et la cendre, mais leur repentance ne produisit pas des fruits durables, et 200 ans plus tard le châtiment fatal de Dieu réduisit à néant la capitale rebelle. Nahum souligne l’aspect obscur et ténébreux de l’intervention de Dieu. Jonas, quant à lui, traçait les traits de sa bonté et de sa patiente miséricorde. Ces deux aspects de l’action divine sont complémentaires. Quoique le côté positif de cette intervention soit demeuré plus silencieux chez notre auteur, il n’est pas pour autant absent, à en juger par Nahum 1.3 et 7.

Une analyse littéraire attentive soulignera la structure littéraire, d’une très grande élégance. On a relevé, avec raison, le fait que l’auteur possédait un grand don littéraire; son style est d’une rare puissance poétique, à la fois de concision et d’une étonnante richesse. Le livre consiste en deux moitiés égales. Certains ont pensé que, pour bien expliquer cette symétrie littéraire, il fallait discerner une influence musicale. On a avancé que l’original hébreu porterait les marques de composition et de performances musicales dans l’exercice liturgique.

Un hymne introductif (Na 1.10) donne le ton pour la suite du livre. Il annonce la manifestation redoutable de l’Éternel, qui paraîtra comme le Guerrier divin. Ce qui en a résulté forme une sentence qui, avec le passage central du livre (Na 2.10), résume son message : quand l’Éternel apparaîtra pour juger, tout sera plongé dans une désolation extrême.

5. Plan🔗

L’analyse générale montrera que le livre peut être divisé en cinq grands paragraphes :

  1. La colère redoutable de Dieu et sa bonté - 1.2-8
  2. Dieu détruira ceux qui ont affligé Juda - 1.9 à 2.22
  3. La chute de Ninive - 2.3-13
  4. Ninive sera détruite à cause de son péché - 3.1-7
  5. La fin de Ninive sera comme celle de No-Amon - 3.8-19

6. Message🔗

a. Le Dieu de l’alliance🔗

Nahum ne se contente pas de raconter, il dégage avec foi le sens profond de l’événement; tout est dans les mains de Dieu; l’Éternel est le Maître de l’histoire. Le prophète affirme la toute-puissance du vrai Dieu sur le destin du monde.

Son livre ne contient pas de prophétie messianique, mais cette pensée centrale, la souveraineté de l’Éternel sur le monde, se rattache intimement à cette conception du règne de Dieu dont le Messie est la figure centrale.

Nahum se réfère au Dieu de l’alliance (Na 1.4). Il voit le peuple de Dieu menacé par le puissant empire qui se forme. Juda subit, sans pouvoir rien faire, la pression économique, culturelle et religieuse d’un monde inconnu. Mais, déclare Nahum, l’assurance que Dieu donne et qui constitue le plus grand trésor de ce petit peuple désarmé est précisément ce qui fait défaut à l’immense empire sous les menaces duquel tremblent les nations (Na 3.3-7). La patience de Dieu ne l’empêche pas d’exercer sa vengeance partout où l’homme prétend régner à sa place (Na 1.2).

C’est aux membres du peuple de l’alliance et non aux gens de dehors que Nahum annonce le jugement qui frappera l’orgueilleuse cité. Il reprend ainsi le témoignage d’Ésaïe qui avait déjà révélé à ses contemporains comment Dieu, après avoir fait des nations de proie ses instruments, frappera impitoyablement leur orgueil (És 10.5).

b. Ninive doit périr🔗

Le péché de Ninive consiste en meurtres, rapines, soif de violence, effusion de sang, politique trompeuse. Quand les nations verront sa destruction, elles se moqueront de Ninive. Mais pourquoi la manifestation du Dieu d’Israël entraîne-t-elle la disparition de Ninive? Qu’est-ce que Ninive? Un mot résume tout : Ninive n’est pas simplement le fief de l’homme, de l’ennemi de Dieu, mais aussi de l’ordre universel, de l’équilibre cosmique, politique et social que l’Éternel établit. À l’ordre universel créé par l’Éternel, Ninive oppose son ordre à elle, ordre dont les séductions et les conséquences sont éloquemment évoquées dans les symboles de la grande prostituée. Un ordre humain qui a des attraits indéniables et qui offre de voluptueuses jouissances, mais qui en fait réduit les hommes à des objets, à des marchandises qu’on peut manipuler.

Nahum suggère les deux péchés de Ninive : D’abord son pouvoir militaire impitoyable, dont les conséquences sont que le sang coule à torrents, des nations sont annihilées, les institutions détruites… La guerre sévit avec son cortège d’atrocités. À des gens qui violent la décence de la vie humaine, il leur est dit : « Voici je suis contre toi. » L’autre péché c’est son commerce immoral et sans scrupules. Les nations environnantes sont corrompues, afin qu’elles puissent servir leurs vices luxueux dans leurs villes damnées. Des commerçants avides d’amasser des fortunes vendent leur marchandise dans une ville qui convoite des objets de luxe. La morale et l’honnêteté périssent, mais la richesse injuste s’accroît et les plaisirs se multiplient (Na 3.1-4). Sur ce péché, le courroux divin ne tardera pas à s’abattre et il sera redoutable (Na 3.5). Tout en offrant les charmes de son art et de sa science, l’ordre politique auquel aspire Ninive est un crime contre l’humanité. Ninive exploite les nations, et forte de son administration policière et bureaucratique, elle contrôle leur économie en installant partout des missions commerciales.

Comme Caton, le sénateur romain, qui concluait chacun de ses discours par la célèbre « Carthago delenda est », c’est-à-dire Carthage doit périr, Nahum est obsédé par l’idée de la destruction de Ninive. Son regard est obstinément fixé sur la ville prostituée et il scrute ses innombrables péchés. Sa prophétie est le cri déchirant de l’opprimé, une assertion passionnée de la justice qui, à la fin, prévaudra. Une sévère rétribution sera rendue. Il en affirme la nécessité morale. Il en prévoit l’accomplissement définitif. Telle est son idée, seule, singulière, brûlante de sainte passion.

Ninive est l’exemple type du royaume de ce monde, royaume brillant, savant, luxueux et bureaucrate, royaume qui promet le bonheur sur terre, mais qui s’évanouit au moment où le Dieu vivant fait son apparition. Son actualité ne saurait être niée. De nos jours, Ninive est plus puissante que jamais. On arrête des projets contre l’Éternel et on est persuadé qu’il n’en viendra pas à bout. On a cessé de croire à la théophanie. La foi de Nahum apparaît comme une folie. Pourtant, son message est dans la Bible, que l’Église considère encore et toujours comme Parole de Dieu; message du Dieu vivant, dont la manifestation entraîne la disparition de Ninive; message qui mérite d’être lu et médité, d’être reçu et cru.

c. La colère de Dieu🔗

La première note du livre est : « La vengeance est à moi ». C’est un sentiment de grande solennité qui s’empare de nous lorsqu’on lit la prophétie de Nahum concernant l’entière et irrévocable destruction de la ville de Ninive. Le message du prophète est une révélation de la justice divine. C’est une vision de la personne de Dieu et celle, terrifiante, de sa colère (notons les expressions employées : se venger, jaloux, rancune, ardente fureur).

Les premiers versets du chapitre premier ne sont pas simplement un magnifique morceau littéraire, dans lequel un homme emporté par sa passion attribuerait à Dieu les sentiments qui animent son propre cœur, mais c’est une remarquable description de la colère divine. Cette colère n’a rien à faire avec la colère humaine, dont l’homme devient l’esclave et qui est toujours coupable. La colère de l’Éternel jaillit de son cœur rempli d’un amour passionné pour les hommes; elle n’est jamais aveugle et elle n’atteint pas ceux qui se confient en lui.

Cette sainte colère n’est pas seulement un sentiment, elle passe à l’action de Dieu. Pourquoi? À cause du péché de ses ennemis, orgueil vis-à-vis de lui, cruauté vis-à-vis des hommes (deux péchés qui vont toujours de pair). Si Dieu frappe, c’est donc par amour pour les opprimés. Quand Dieu se venge-t-il? Quand l’œuvre de sa patience est terminée. Cent ans auparavant, Ninive avait été l’objet de la grâce divine. Puis la ville se repentit de sa repentance et maintenant Dieu la châtie. Tous les hommes droits approuvent ce jugement et reconnaissent qu’il est nécessaire.

En résumé, retenons que derrière la colère de Dieu se cache le mystère de son amour et que sa vengeance en révèle la profondeur. L’orgueil, la cruauté et l’impénitence, ainsi que le retour aux idoles qu’on avait fait profession d’abandonner, attirent la juste fureur divine. La justice de Dieu est parfaite, car lorsque sa colère se répand comme le feu, il est un refuge pour ceux qui placent en lui leur confiance. Nous savons que la jalousie du Seigneur prend successivement différents visages. Rien de surprenant donc à ce que les voix de ces hérauts aient des tonalités très variées, solidaires au sein d’une même tradition. Ne nous étonnons donc pas de ne pas trouver dans les 47 versets du prophète tous les aspects de la prédication prophétique que nous rencontrons dans cette somme qu’est, par exemple, le livre de Jérémie.

d. La victoire🔗

Ce qui touche le plus dans l’acuité et la clarté de sa vision, c’est la passion qui l’anime, l’ardeur de sa foi en dépit des apparences. Il affirme avec la force d’une inébranlable conviction, puisée d’en haut, que la victoire appartient au Seigneur Dieu. Au-delà des oppositions superficielles, il faut reconnaître chez lui la manifestation d’un même dynamisme puisé dans une exceptionnelle communion avec le Dieu vivant, le Seigneur, Maître de l’histoire et de tout homme.

Il faut insister sur la solidité de ses convictions à un moment où le Dieu d’Israël semble ne pas protéger son peuple, où la tyrannie et l’arbitraire l’emportent sur les forces de l’ordre et du droit, où les dieux assyriens règnent non seulement en Mésopotamie, mais dans le monde tout entier, jusqu’à Thèbes, aux confins de l’Éthiopie, où l’influence déterminante de Ninive se fait sentir dans tous les domaines de la vie, aussi bien politique que culturel. Nahum proclame la présence vivante du Dieu d’Israël et le retour imminent à un nouvel équilibre dû à la simple présence du Dieu vivant et de ses forces mystérieuses. C’est lui en personne qui gronde les forces du destin, du chaos et qui les anéantit; c’est lui aussi qui procède au nettoyage du repaire des lions et à la punition de la grande prostituée; qui mettra fin au règne d’Assurbanipal.

Il faut noter que si Nahum évoque souvent les préparatifs de guerre, il ne nous met jamais en présence d’un combat. On prépare un siège d’une ville (Na 2.4-6) et on procède sans combat au pillage (Na 3.12-13). Et toutes les mesures prises en vue d’un siège éventuel sont vaines, puisqu’il n’y aura pas de siège (Na 3.15). La notion de combat est incompatible avec la toute-puissance du Dieu d’Israël. L’Éternel ne livre jamais bataille; il se manifeste et l’ennemi est liquidé.

Nahum a saisi avec une singulière passion la vérité divine, selon laquelle la colère du Tout-Puissant est motivée par la méchanceté de l’inique.

Il est un personnage bien au courant des affaires aussi bien nationales qu’internationales. Il possède des idées claires et de fortes convictions relatives à la souveraineté divine qui s’exerce sur les nations et sur les hommes. L’homme est insignifiant en sa présence. L’homme se consulte et se persuade. Je suis fort, qui me fera chanceler? Mais Dieu se chargera de lui. Peu importe sa force, qui n’est que de façade. Il lui infligera la punition, il soufflera sur lui le souffle de la mort, il le renversera. L’ennemi de Dieu n’a aucune chance; il périra irrémédiablement.

À son peuple, le prophète annonce que des messagers lui apportent déjà de bonnes nouvelles. Ceux-ci sont en route. Comme expression de gratitude pour la ruine de l’oppresseur, le peuple de Juda observera des saisons religieuses et s’accomplira de toutes ses obligations de la foi.