Cet article sur les questions d'introduction aux livres de 1 Samuel et 2 Samuel traite de leur auteur, de leur plan, de la période couverte par ces livres, de leur message et de l'établissement de la monarchie par Samuel qui a oint Saül, puis David comme roi.

Source: Introduction à l'Ancien Testament. 11 pages.

Introduction aux livres de 1 et 2 Samuel

  1. Généralités
  2. Auteur
  3. Plan
  4. Période
  5. Établissement de la monarchie
    a. Samuel
    b. Le règne de Saül
    c. Le règne de David
  6. Message

1. Généralités🔗

Dans l’ancienne traduction grecque de l’Ancien Testament (LXX), ces deux livres n’en formaient qu’un seul dans le canon hébraïque.

Les livres de Samuel racontent l’établissement de la monarchie et les règnes de Saül et de David. Les LXX les ont rapprochés des livres des Rois et ont formé un seul tout, divisé en quatre parties (livres des Règnes 1, 2, 3, 4). Les anciens avaient donc compris que le même thème domine ces quatre recueils historiques : le problème de la vraie royauté. À partir de la Réforme, tout en maintenant ces divisions, le titre de « livres de Samuel » pour les deux premières parties a été réintégré.

2. Auteur🔗

Le titre de « livres de Samuel » ne signifie pas que Samuel soit l’auteur de ces deux ouvrages; en effet, sa mort est déjà racontée dans 1 Samuel 25. Ce titre vient de ce que Samuel joua un rôle de premier plan dans cette époque de transition et qu’il est le principal héros du premier livre. D’après 1 Chroniques 29.29, qui parle d’un livre de Samuel, il est probable que le prophète rédigea la première partie de l’ouvrage. Son écrit, avec ceux de Nathan et de Gad (toujours d’après 1 Chroniques), servit de ressource à l’auteur inconnu qui, plus tard, réunit ces documents (voir la remarque de 1 Samuel 27.6 : « Tsiqlag a apparteu aux rois de Juda jusqu’à ce jour »). Serait-ce Jérémie ou Esdras qui, travaillant à conserver les souvenirs de l’histoire d’Israël, a rédigé ce recueil, compilant ou annotant même les ouvrages des prophètes Samuel, Nathan et Gad?

« La véracité du récit ressort de la franchise absolue avec laquelle sont racontés les égarements et les chutes des acteurs les plus vénérés de cette histoire, tels que le grand sacrificateur Éli et le prophète et juge Samuel, puis aussi les grands personnages politiques, Saül et David. Sacerdoce, prophétisme, royauté, tout ce qui est élevé en Israël, passe, comme le peuple lui-même, sous le niveau impartial du jugement divin » (Bible Annotée, Introduction aux livres de Samuel).

3. Plan🔗

Les deux livres ensemble :

1. Samuel le prophète et juge - 1 S 1 à 12
    a. Sa naissance et son enfance - 1 à 2
    b. Sa vocation - 3
    c. Début de son ministère - 4 à 7
    d. Établissement de la monarchie - 8 à 11
    e. Déposition de ses fonctions de juge - 12
2. Saül, roi selon le cœur d’Israël - 1 S 13 à 31
    a. Son péché envers Dieu - 13 à 15; 28
    b. Son péché envers David - 16 à 27; 29 à 30
    c. Son suicide - 31
3. David, roi selon le cœur de Dieu - 2 S 1 à 24
    a. Son avènement au trône et ses succès croissants - 1 à 9
    b. Son péché et ses conséquences - 10 à 20
    c. Ses derniers actes et ses dernières paroles - 21 à 24

Les livres séparément :

1 Samuel

1. Samuel et Éli - 1 à 7
    a. Elkana et Anne à Silo - 1.1-19
    b. Naissance de Samuel - 1.20-28
    c. Cantique d’Anne - 2.1-11
    d. Enfance de Samuel - 2.18-21,26
    e. Vocation de Samuel - 3.1-21
2. Éli et ses fils - 2.12-36
    a. Leurs péchés - 2.12-17, 22-25
    b. Leur jugement - 2.27-36
3. Les Philistins et l’arche - 4 à 7
    a. Victoire des Philistins - 4 à 6
        1. L’arche prise; mort d’Éli et de ses fils - 4
        2. L’arche gardée - 5
        3. L’arche renvoyée - 6.1 à 7.1
    b. Défaite des Philistins - 7
        1. Assemblée solennelle à Mitspa - 7.2-6
        2. Victoire d’Israël - 7.7-14
        3. Ministère de Samuel - 7.15-17
4. Samuel et Saül - 8 à 15
    a. L’avènement de Saül au trône - 8 à 12
        1. Israël demande un roi - 8
        2. Dieu accorde cette demande - 9 à 11
        3. Samuel s’adresse à Israël - 12
    b. Le rejet de Saül par l’Éternel - 13 à 15
        1. La désobéissance de Saül - 13 à 14
        2. Son compromis - 15
5. Saül et David - 16 à 31
    a. David le berger - 16 à 17
        1. David et Samuel (onction) - 16.1-13
        2. David et Saül - 16.14-23
        3. David et Goliath - 17
    b. David le courtisan - 18 à 19
        1. L’amitié de Jonathan - 18.1-9
        2. La dévotion du peuple - 18.10-16
        3. L’amour de Mical - 18.17-30
        4. La jalousie de Saül - 19.1-24
    c. David le fugitif - 20 à 31
        1. Fidélité de Jonathan - 20
        2. La fuite de David - 21 à 24
        3. David et Nabal - 25
        4. Les pérégrinations de David - 26 à 27
        5. Saül et la voyante d’En-Dor - 28
        6. David, Philistins, Amalécites - 29 à 30
        7. Morts de Saül et de Jonathan - 31

2 Samuel

1. Les succès de David - 1 à 10
    a. Son règne sur Juda - 1 à 4
        1. Lamentations sur la mort de Saül et de Jonathan - 1
        2. Couronnement à Hébron - 2.1-4
        3. Guerre civile - 2.5 à 4.12
    b. Règne de David sur tout Israël - 5 à 7
        Établissement de la royauté
        1. Nouvelle capitale (Jérusalem) - 5
        2. Établissement du culte à Jérusalem (l’arche) - 6
        3. Alliance de Dieu avec David - 7
    c. Extension du Royaume - 8 à 10
        1. Conquêtes - 8
        2. Bonté envers Méphiboscheth - 9
        3. Victoires sur Syriens et Ammonites - 10
2. Le péché de David et ses conséquences - 11 à 20
    a. Le péché - 11
    b. La repentance (Ps. 51) - 12
    c. Le châtiment - 13 à 18
        1. Dans la famille - 13.1 à 14.24
            Ammon et Tamar - 13.1-33
            Absalom - 13.34 à 14.24
        2. Dans le Royaume - 14.25 à 15.18
            Révolte d’Absalom
        3. Amis et ennemis de David - 15.19 à 16.14
        4. Les conseillers d’Absalom - 16.15 à 17.23
        5. Mort d’Absalom - 17.24 à 18.33
    d. La restauration - 19 à 20
        1. Retour du roi - 19
        2. Insurrection étouffée - 20
3. Appendice - 21 à 24
    a. Famine et enterrement de la famille de Saül - 21.1-14
    b. Victoire contre les Philistins - 21.15-22
    c. Cantique de louange - 22
    d. Dernières paroles de David - 23.1-7
    e. Liste des vaillants hommes de David - 23.8-39
    f. Recensement et peste - 24

L’ouvrage se termine avant la mort de David, au moment où le gouvernement passe entre les mains de Salomon.

4. Période🔗

Les livres de Samuel reprennent le fil de l’histoire là où le livre des Juges l’avait interrompue (époque de la domination des Philistins) et rapportent le déroulement des événements jusqu’au plein épanouissement de la monarchie sous le règne de David. Il s’agit là d’une période de transition dans l’histoire d’Israël, transition entre la sombre période des juges et l’avènement de la monarchie.

Les tribus israélites ne possédaient pas de gouvernement unique. Certes, le sanctuaire central de Silo renfermait l’arche qui rappelait l’alliance et le droit de Dieu. Mais le clergé de Silo, la famille du vieil Éli, n’était pas en mesure de maintenir l’esprit du passé d’Israël. L’application du droit et l’exercice du culte laissaient à désirer, de sorte que les tribus risquaient sans cesse de devenir étrangères au climat de l’alliance.

Sous les juges, Israël était tombé peu à peu dans une complète décadence; au temps de Samson, nous voyons les Philistins dominer en maîtres dans le pays. Cette dissolution interne du peuple de Dieu avait pour conséquence de l’empêcher de résister, à l’extérieur, aux pressions continues des Philistins. Israël éprouvait la même détresse qu’au temps des juges. Le devoir d’assistance mutuelle ayant cessé d’avoir cours, les ennemis avaient le jeu facile. Après la perte de l’arche de l’alliance, objet des fallacieux espoirs du peuple, on semblait revenu à l’époque précédente.

« La naissance extraordinaire de Samuel marque le point de départ du relèvement dont le prophète devait être le principal instrument. Ce grand serviteur de l’Éternel réveille chez ses frères le sentiment de leurs droits et de leur dignité de peuple de Dieu; Israël, honteux de son esclavage, se soulève contre les Philistins; au sein de cette lutte, on voit naître chez lui le désir d’avoir un roi » (Bible Annotée, Introduction aux livres de Samuel).

C’est en pleine guerre, alors que les Philistins remettaient en question tous les succès de Saül et qu’Israël se trouvait menacé sur son sol et dans son existence même, que David prit en mains le commandement. Il fut d’abord couronné roi de Juda et fixa sa résidence à Hébron. Le fils de Saül dominait encore sur la contrée à l’est du Jourdain. Mais, à son tour, ce royaume déjà amputé se décomposait peu à peu; une trahison porta le dernier coup à la famille du roi déchu. La mort du fils de Saül permit à David de régner sur toutes les tribus d’Israël. Son premier acte de roi fut d’enlever la ville de Jérusalem aux autochtones qui s’y étaient retranchés pour en faire la capitale du pays, qu’il érigea en propriété royale, indépendante des tribus. David n’éleva pas le temple dans la métropole, mais il remit l’arche de l’alliance en honneur, donnant ainsi au peuple un centre spirituel qui lui rappelait sans cesse sa vocation spécifique.

Sous la royauté de David, pour la première et la dernière fois de son histoire, le peuple de l’alliance devint une grande puissance. David réduisit à merci ses turbulents voisins et étendit son influence jusque sur des États qui, auparavant, étaient sous la dépendance de ses propres ennemis.

Les dernières années du règne de David furent assombries par des guerres intérieures. La lutte autour de la succession au trône est ouverte et le roi doit commencer par combattre son propre fils Absalom, qui avait réussi à se faire aimer du peuple en lui témoignant une indulgence facile et en sapant les fondements du droit de l’alliance. Mais après cette lutte, qui fut souvent près de tourner mal pour David, une nouvelle révolte se produit, dirigée par Chéba, laquelle à son tour est maîtrisée. Puis ce sont des difficultés internes de toutes sortes qu’il s’agit d’aplanir, tel le mécontentement des habitants de Gabaon. La structure intérieure de l’État créé par David ressemblait à une monarchie soutenue par une puissante féodalité.

5. Établissement de la monarchie🔗

« Le premier livre de Samuel présente, dans la personne de Samuel et de David, l’entrée sur la scène de l’histoire des deux charges théocratiques, le prophétisme et la monarchie, qui devaient collaborer avec celle du sacerdoce. Le second livre est spécialement consacré aux quarante années du règne de David » (Bible Annotée, Conclusion à 2 Samuel).

a. Samuel🔗

Samuel étant devenu vieux, le peuple éprouva le besoin d’une autorité permanente symbolisée par un roi. Saisi par l’Esprit de Dieu, le prophète doit, comme autrefois les juges, se mettre à la tête de la nation pour la délivrer. Dieu accorde cette demande qui rentrait dans ses desseins, mais en réprouvant le sens charnel qui l’avait provoquée.

Samuel joua un rôle de premier plan dans l’histoire d’Israël, à l’époque de la crise nationale qui aboutit au couronnement du premier roi. L’importance de la vie de Samuel découle précisément de la tâche qui lui est confiée dans cette difficile période de transition entre la théocratie et la monarchie. Samuel était prophète. Bien que Moïse ait fait fonction de prophète, on peut dire que c’est Samuel qui a inauguré l’ère du prophétisme (voir Ac 3.24). Les rois n’ont jamais été des porte-parole de Dieu dans le sens où les prophètes l’ont été. C’est par les prophètes que Dieu a parlé au peuple. Avec Samuel, le prophète émerge comme étant le représentant de l’Éternel, revêtant son autorité. Le rôle du prophète a toujours été supérieur à celui du roi. Ainsi, au moment où la nation élue a réclamé un roi humain, Dieu a choisi l’enfant d’une humble croyante, l’a préparé et l’a établi juge et prophète du peuple, et c’est lui qui choisit et oint, sur l’ordre de Dieu, Saül et David rois d’Israël.

La demande d’un roi fut une désobéissance du peuple, ou plutôt un acte de rébellion contre Dieu (1 S 8.7). Mais dans sa providence, Dieu fit concourir le péché d’Israël à l’accomplissement de ses desseins. C’est de la tribu royale de David et de sa postérité que devait sortir le Messie, le Roi dont le règne n’aura pas de fin.

b. Le règne de Saül🔗

Saül est désigné comme roi et oint par Samuel; il commence bien, mais ne tarde pas à prendre les allures des despotes des autres nations. Le premier acte de Saül rappelle également les exploits des anciens juges. Il acquiert son autorité sur Israël grâce à une mesure qui permet aux tribus de reprendre conscience de leur unité et de leurs responsabilités. Mais la seconde guerre menée par Saül, cette fois-ci contre les Philistins, révèle déjà les conflits intimes et le manque d’autorité de ce chef. Une troisième guerre contre les Amalécites, les ennemis du sud, provoqua finalement la rupture entre le roi et Dieu, dont le prophète Samuel resta le porte-parole.

Cette rupture avec le gardien autorisé de la parole divine entraîna bientôt celle avec les représentants du culte et du droit, les prêtres. Dès lors, la royauté israélite risquait fort de devenir semblable à celle des autres peuples. À cela s’ajoutaient la maladie de Saül, ses déchirements intérieurs et sa neurasthénie qui le rendaient périodiquement irresponsable. Et lorsqu’il se mit à gaspiller ses forces contre David, il acheva de perdre son autorité et son royaume.

L’histoire de Saül est une des plus tragiques rapportées par la Bible. En plaçant cet homme sur le trône, Dieu répondit à la prière engendrée par la révolte du peuple (1 S 8.5). Dieu se servit de Saül comme leçon de choses pour Israël. En lui, le peuple eut une révélation de ce que la possession d’un roi comme les autres nations signifiait réellement. Notons les trois étapes de sa chute définitive : (1) sa désobéissance à la volonté de Dieu (1 S 13); (2) son compromis (1 S 15); (3) sa consultation de la magicienne d’En-Dor (1 S 28).

c. Le règne de David🔗

Cette section est tirée de la Bible Annotée (Introduction aux livres de Samuel et Conclusion sur 2 Samuel).

Dieu rejette Saül et choisit David qui apprend, par de longues épreuves, à attendre avec soumission l’accomplissement de la volonté de Dieu. C’est lui qui est vraiment l’oint du Seigneur; Dieu lui promet de maintenir à jamais dans sa famille la dignité royale; il devient ainsi le type du Messie promis. Malgré les hautes prérogatives dont Dieu l’honore, David fait une chute profonde, et cette chute même, dont il se relève cependant par une vraie humiliation, dut apprendre aux fidèles à reporter sur un plus grand que lui leurs espérances pour l’accomplissement des desseins du Seigneur.

David, le roi choisi par Dieu « selon son cœur », est une personnalité riche et attachante, dont la vie fait éclater la souveraineté et la fidèle patience de Dieu. Les livres de Samuel nous racontent comment Dieu le prépara à la royauté en le faisant passer par la rude école de la souffrance, et 2 Samuel, sans nous cacher les faiblesses et les fautes de ce saint de Dieu, nous fait assister à l’épanouissement de la royauté pendant les quarante ans de son règne. Pendant sept ans et demi, il régna sur Juda seul, à Hébron, et pendant trente-trois ans sur tout le peuple après avoir fait de Jérusalem le centre du royaume.

David est le vrai fondateur de la royauté israélite. Après les égarements de Saül, il a ramené à l’état normal la souveraineté établie au sein du peuple de Dieu. Il a été, comme il est dit en 1 Samuel 13.14, l’homme selon le cœur de Dieu. Non que ce titre doive servir, aux yeux de l’Écriture, à atténuer ou à excuser ses fautes. Elles sont au contraire signalées, stigmatisées dans le récit biblique avec une franchise et une rigueur qui ne laissent rien à désirer.

Mais voici en quoi, malgré de si grandes fautes, il est pourtant resté l’homme selon le cœur de Dieu : Tout roi qu’il était, il a accepté les reproches des messagers divins, Nathan et Gad. Il a donné gloire à l’Éternel par sa repentance et par son humiliation profondes, par l’acceptation humble des châtiments que Dieu lui infligeait, par son recours à la grâce et les relèvements qui l’ont suivi, et par la docilité avec laquelle il a consenti à renoncer à ses pensées les plus chères pour se faire l’instrument de celles de Dieu. Et c’est ainsi que, selon l’expression de saint Paul, il est mort après avoir accompli tout le dessein de l’Éternel envers son peuple.

C’est lui qui a proprement constitué et organisé ce peuple. Comme le dit un historien, jusqu’à lui la nation n’était encore qu’un peuple adonné à l’agriculture et au soin des troupeaux, sans richesse et sans luxe. Sous David, une réforme totale se produisit. En effet, non seulement l’État fut accru par des guerres heureuses, dans lesquelles David se montra personnellement l’un des plus vaillants de l’armée; mais encore, un gouvernement régulier fut institué, une armée organisée, sous des chefs qui servaient à tour de rôle, chacun un mois par année, à la tête d’un corps de troupe de 24 000 hommes; outre cela, une garde du corps se tenait constamment aux ordres du souverain. Des ministres furent établis, chargés de diriger chaque branche de l’administration, les impôts furent régularisés, l’exploitation des domaines royaux remise à des employés de confiance, un chef général de l’armée fut établi et des conseillers privés attachés à la personne du roi.

Mais David réussit surtout par son ardente piété à élever le niveau spirituel de son peuple. Son amour pour l’Éternel éclata dans le zèle et dans la persévérance avec lesquels, au travers de tous les troubles extérieurs et intérieurs de son règne, il poursuivit le dessein de rassembler les matériaux destinés à la construction du temple, et cela lors même qu’il lui avait été dit que ce ne serait point lui qui aurait l’honneur d’accomplir cet ouvrage cher à son cœur. Les sentiments qui remplissaient son âme se montrèrent également dans ses Psaumes, destinés à être chantés par les Lévites et par le peuple, et dans lesquels aujourd’hui encore le fidèle de la Nouvelle Alliance trouve une expression si vivante de l’adoration, de la repentance et de la confiance, qui émeut son cœur. Nous savons bien que tous les chants du Psautier ne sont pas de David, mais il est l’auteur de nombre d’entre eux.

Certes, la narration ne présente pas David comme un saint ou un surhomme. Mais il écoute la Parole de Dieu, qui l’appelle à la repentance; David est devenu ainsi, pour la tradition israélite, le symbole de la véritable monarchie, et les rois qui exercent leur charge dans le même esprit sont les vrais successeurs du fils de Jessé et les témoins du Messie promis.

On a dit de David qu’il était l’un des hommes qui ont le plus contribué à préparer l’Évangile. Sa vie entière préfigure, en effet, comme celle de peu d’autres, les détresses et les victoires de l’Homme de douleurs, du vrai Roi d’Israël : la conquête de Jérusalem et son élévation au rang de capitale, l’achat de l’emplacement du temple, l’organisation du culte national, la prépondérance décidée et acquise à la foi monothéiste, l’attente du Messie qui devait sortir de sa famille conformément à la promesse de Nathan, répandue dans le peuple et exprimée d’une manière sublime dans les Psaumes 2 et 110… Ceux-ci ont contribué, plus que toutes les victoires et institutions politiques de David et toutes les magnificences de Salomon, à préparer le cœur des croyants israélites à reconnaître et à accueillir le Fils de Dieu.

Cette histoire du règne de David est écrite avec une telle finesse psychologique, une connaissance si profonde des caractères, une telle abondance de renseignements précis, une intelligence si claire de l’enchaînement des causes et des effets que même l’incroyant Renan n’hésite pas à déclarer que nous possédons certainement dans l’histoire de David des pages du temps de David lui-même.

Saül, Jonathan, Abner, Joab sont des figures plus vivantes que celles présentées dans les meilleurs romans. David lui-même, avec ses chutes, ses larmes et ses relèvements, est un être de chair et d’os et non un héros de légende. Quelle que soit l’époque où ce livre a été rédigé, nous avons l’assurance, en nous en séparant, qu’un fragment important de la grande histoire du règne de Dieu vient de passer sous nos yeux. (Bible Annotée).

6. Message🔗

Nous avons tracé les grandes lignes de la trame historique de ces livres. Dans cette histoire, il y a un message.

La naissance de Samuel, dont la mère était restée longtemps stérile, annonce, comme celle d’Isaac, de Samson et plus tard de Jean-Baptiste, l’aurore d’un temps nouveau. Le cantique d’Anne s’achève sur la perspective du règne de Dieu.

Mais le thème dominant est celui de la royauté. Les livres ne dissimulent pas l’équivoque de son institution. Israël a pour Roi le Seigneur. Que représente alors un souverain humain? Le problème est résolu en faveur de l’institution monarchique, puisqu’en définitive le Seigneur et Samuel, son intermédiaire, président à la désignation de Saül. Si l’initiative du peuple est cependant condamnée sans ambages, c’est peut-être pour signifier que la royauté d’un homme ne procède pas, en droit, de la volonté humaine, mais de l’autorité divine, que la monarchie israélite n’est pas plus démocratique qu’autocratique, mais qu’elle demeure subordonnée à la théocratie. La présence de Samuel rehausse la suprématie de l’homme religieux, médiateur de la volonté divine. La chute de Saül indique que le roi ne doit pas empiéter sur un domaine qui n’est pas le sien.

Le roi par excellence est David. Il est dès les origines, par ses exploits et sa modestie, objet aussi bien de l’affection divine que de celle du peuple, bien que le livre ne cherche pas à dissimuler ses faiblesses et ses chutes, ainsi que nous l’avons souligné plus haut. Cependant, ce roi « selon le cœur de Dieu » se soumet au Seigneur et donne la preuve de son repentir sincère. En Israël, le roi n’est pas affranchi des lois. Mais à la différence de Saül, David n’est pas puni dans sa descendance. Il est assuré que l’un de ses fils régnera à sa place. Ce fils est Salomon. Ainsi, la maison de David occupera à jamais le trône de Jérusalem, quelles que soient les fautes personnelles de ses membres régnants. Pourtant, un jour viendra où les rois se rendront coupables de tant de manquements que la royauté elle-même sera condamnée. Le verdict définitif sera prononcé en 587 avant notre ère. Néanmoins, le peuple fidèle ne cessera pas de croire à la garantie d’éternité accordée à David et il attendra avec confiance la venue d’un fils de David, digne des promesses faites à son aïeul. Ce sera le Messie.

L’époque de David est devenue une image du royaume de Dieu pour les générations subséquentes. Dieu veut maintenir son peuple sous la discipline solide et durable de ses ordonnances, en attendant le jour où il établira son empire sur le monde entier. Mais avant cet événement, avant la venue du Messie dans toute sa puissance, le peuple de Dieu a besoin d’un ordre et d’un gouvernement humains; toutefois, une institution humaine est en soi toujours ambiguë : elle peut se muer soudain en son contraire.

L’institution monarchique risque de conduire Israël à substituer à son Seigneur divin un maître humain. Pour que la royauté soit un ordre de Dieu, il faut que son représentant s’applique, d’une part, à faire respecter le droit de l’alliance, et d’autre part, à diriger les guerres prescrites par Dieu. Le but de la monarchie est de sauvegarder l’unité du peuple de Dieu. C’est pourquoi cette institution est fondée sur un pacte qui rappelle l’autre alliance, celle qui a marqué les origines d’Israël au Sinaï.

Une institution de Dieu est exactement du même ordre qu’un commandement de Dieu. Tous deux sont des dons qui placent l’homme en face d’une décision. C’est pourquoi ils peuvent l’un et l’autre entraîner l’élection ou le rejet, la bénédiction ou la malédiction. Saül est devenu le type du roi réprouvé, comme David est devenu le type du roi élu. Tous deux témoignent, par leurs actions et leurs décisions, de leur rejet ou de leur élection. La désobéissance de Saül à la parole du prophète, son manque de foi et sa présomption expriment la conduite d’un réprouvé, fût-il l’oint de Dieu, qui a le pouvoir de susciter également des esprits mauvais. David, au contraire, montre par ses actions et ses décisions qu’il est profondément enraciné dans l’élection et la bénédiction de Dieu.

Ainsi il fait de l’arche de l’alliance le centre de l’organisation sociale; il juge selon le droit et reste en contact avec les prêtres et les prophètes, c’est-à-dire avec les représentants du droit et de la Parole de Dieu.

En résumé, les livres de Samuel montrent que la réprobation et l’élection sont les deux voies qui s’offrent à Israël et avant tout à ses responsables. Le gouvernement du peuple de Dieu cesse donc d’être un bon gouvernement lorsque ses représentants prétendent encore servir Dieu, comme Saül, tout en ne prenant plus suffisamment au sérieux ses exigences. Il est vrai que, même alors, on continue de célébrer les cultes et d’écouter la Parole de Dieu.

Mais lorsque cette Parole rend un son confus, Dieu finit par ne plus parler du tout. Au sein du peuple de l’alliance, la volonté de Dieu ne saurait être mise sur le même pied que la volonté et les idées de l’homme. Au contraire, le gouvernement du peuple de Dieu devient un bon gouvernement lorsqu’il s’inspire de l’esprit de David. Cela se produit lorsque le souvenir de l’alliance demeure vivant et que la puissance de Dieu, et non pas les calculs de l’homme, commande les décisions, y compris les décisions politiques. Pour cela, il faut que les responsables acceptent d’être ramenés sans cesse à la Parole vivante de Dieu, même lorsqu’il leur en coûte un acte de repentance. Et il faut que le représentant du pouvoir témoigne, par sa vie, qu’il n’est pas un surhomme, mais le serviteur de Dieu.

Enfin, il faut que tout ensemble l’Église et l’État ne deviennent pas des buts en eux-mêmes, mais remplissent leurs tâches respectives en vue de la seule gloire du Seigneur de l’élection.

Tout cela montre que les livres de Samuel ne sont pas simplement un exposé d’histoire ancienne. Ce sont, en langage moderne, des écrits envisageant toute l’histoire de Saül dans la perspective du rejet. À l’inverse, les exploits de David sont fortement mis en évidence.

En lisant, ou en écoutant cette histoire, le peuple de Dieu se rend compte qu’il est appelé à décider de toute sa structure sociale et politique. Le message rappelle tout d’abord à l’État qu’il a reçu de Dieu lui-même la tâche de diriger la politique et de rendre la justice; ensuite, que cette double fonction peut être mal remplie, notamment dans l’esprit de Saül, sous le signe de la réprobation; enfin, qu’il y a eu, dans l’histoire, un gouvernement fidèle à sa vocation, fondé sur l’alliance et la Parole de Dieu, l’État davidique, et qu’un nouveau David, objet de l’espérance des prophètes depuis l’époque d’Amos, viendra restaurer l’ordre détruit.

Ainsi, David est devenu une figure idéale. On lui prête sans cesse la restauration finale de l’État selon Dieu. Celui qui veut exercer fidèlement le pouvoir au sein du peuple de Dieu doit suivre les traces du roi David et devenir un témoin du « nouveau David » promis. Dans cet effort, il lui est permis d’avoir part à la grandeur du fils de Jessé, qui fut toute d’obéissance et de confiance.

Cette attitude est possible dans le cadre même du pouvoir, dans les décisions politiques et dans l’administration de la justice. Les livres de Samuel attestent que, dans les affaires de l’État également, la subordination à l’alliance est le signe d’un ordre humain authentique. Du témoignage et de l’intention qui s’expriment dans ces documents Dieu a fait sa Parole, afin de montrer à son peuple la voie vers l’ordre véritable et de le maintenir dans son alliance.

De nombreux enseignements spirituels de ces deux livres, dégageons-en quelques-uns seulement.

Dieu est souverain. Personne n’est en dehors de son contrôle et aucun événement n’échappe à son gouvernement. Dieu fait tout concourir, même les forces sévères, à l’exécution de nos plans (demande d’un roi par le peuple). Sa victoire est définitive, indépendante des hommes. Sa volonté triomphe, malgré la faillite de Saül, mais il désire la coopération de l’homme. Le rôle joué par l’instrument humain dans l’accomplissement de la souveraine volonté de Dieu dépend de l’attitude du cœur (David).

La souveraineté de Dieu n’annule pas la libre volonté de l’homme. Dieu n’a pas empêché le peuple de suivre sa propre voie en demandant un roi. Israël obtint ce qu’il voulut, mais il en subit les conséquences. Si la volonté de l’homme n’est pas soumise à celle de Dieu, c’est le chaos individuel et social.

La miséricorde de Dieu est indépendante de nos défaillances. Que deviendrions-nous si ce n’était pas le cas? Le peuple a péché, mais Dieu ne l’abandonne pas. Saül a failli à sa mission, mais Dieu a choisi un remplaçant. David a commis une très grave faute, mais Dieu tiendra la promesse qu’il lui a faite. La valeur d’un homme vient de ce qu’il désire être et ne dépend pas de ses chutes ou défaillances du moment; Dieu n’est jamais à court d’instruments.