Cette prédication sur Jean 15.8-11 a pour sujet l'amour de Dieu pour nous qui est comparable à son amour pour son Fils. Il nous appelle à demeurer dans son amour en gardant ses commandements, afin de vivre dans sa joie.

Source: La veille de la crucifixion. 3 pages.

Jean 15 - Demeurez dans mon amour

« Voici comment mon Père sera glorifié : c’est que vous portiez beaucoup de fruits, et alors vous serez mes disciples. Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour. Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie (ou : cette joie qui est la mienne) soit en vous et que votre joie soit parfaite. »

Jean 15.8-11

Le point capital de l’allégorie du Cep et des sarments — nous l’avons vu ces deux derniers dimanches — c’est que nous produisions « beaucoup », « encore plus », toujours plus de fruits. Dans ce but, nous devons « demeurer en Christ ». Y demeurer pour porter beaucoup de fruits, afin que Dieu soit glorifié dans nos vies. Jésus nous explique aujourd’hui un nouveau sens de l’expression : « demeurez en moi ».

« Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés : demeurez dans mon amour. » Quelle surprise! L’amour du Christ pour nous est donc identique à l’amour de son Père céleste pour lui? Chers amis : que de peine — en raison de notre cœur mauvais — nous avons à nous représenter, à comprendre, à recevoir, à vivre l’amour de Dieu pour nous, et à réaliser comment cet amour nous unit et nous lie à lui! Eh bien! tel est l’amour de Dieu pour son Fils, tel est l’amour de Jésus pour chacun de nous, et tel est aussi l’amour de Dieu pour nous. Nous ne pouvons comprendre l’amour de Dieu pour nous qu’en le comparant, puis en l’identifiant à son amour pour son Fils, cet amour que Dieu lui a témoigné de toute éternité, tout au long de sa vie terrestre et jusque dans sa mort. C’est cet amour-là qui, projeté, dirigé vers nous, pauvres hommes, doit être à présent communiqué à notre cœur, à votre cœur à chacun, selon la dernière prière que Jésus fait monter vers Dieu au cours de cette veille : « Que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que je sois moi-même en eux » (Jn 17.26).

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute mon affection », dit Dieu au baptême de Jésus (Mt 3.17). « Celui-ci est mon Fils bien-aimé », répète-t-il lors de la transfiguration (Mt 17.5). Son Fils bien-aimé! Celui qui reçoit le baptême, qui lutte, souffre, donne sa vie pour rassembler ses brebis éparses et en être le Berger. Mais s’il l’a donné pour vous, ce Fils bien-aimé, c’est qu’il vous aime, vous, chacun de vous, autant et plus que lui! Ce n’est qu’en Jésus-Christ que nous pouvons comprendre l’amour de Dieu pour nous : sans le Christ, personne ne peut se faire la moindre idée de son amour, car, dit-il, « comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés ». Écoutons Jean Calvin.

« Celui qui, sans Médiateur, cherche comment il est aimé de Dieu s’entortille dans un labyrinthe auquel il ne trouvera ni entrée ni sortie. C’est pourquoi il nous faut fixer les yeux sur Jésus-Christ, en qui nous trouverons le témoignage et le gage de l’amour de Dieu tout évident; car l’amour de Dieu a été pleinement répandu sur lui, afin que de lui il découlât sur ses membres. Nous pouvons donc contempler en Christ, comme en un miroir, l’amour et la bonté paternelle de Dieu envers nous tous, car il n’est point aimé à part ni pour son profit personnel, mais afin qu’il nous conjoigne au Père avec soi. »

Demeurer en Christ, c’est demeurer dans son amour, Jésus et son amour ne font qu’un. Mais comment y demeurons-nous?

La réponse est claire : de la même manière que le Christ demeure dans l’amour de son Père :

« Si vous gardez mes commandements, vous demeurez dans mon amour, comme moi-même j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour » (v. 10).

À l’amour, l’obéissance est liée. La fidélité de l’amour, c’est la fidélité de l’obéissance. Parce que le Père a aimé son Fils, il lui a donné des ordres précis; et Jésus a montré son amour en gardant ses commandements dans une obéissance totale. Parce que le Christ vous aime, il vous donne ses commandements, ses paroles, ses promesses. Si nous l’aimons, nous les gardons, et alors nous demeurons en lui. « Demeurer dans son amour », « garder ses commandements », voilà deux manières de dire et de faire exactement la même chose. Demeurer en Christ, demeurer dans son amour, c’est garder ses commandements. Si, en tant que disciples, nous ne montrons pas une vraie obéissance, nous méprisons l’amour de Jésus et nous le rejetons, comme nous méprisons et rejetons l’amour de Dieu.

Une question se pose : telle quelle, cette affirmation n’est-elle pas trop catégorique, décourageante? Ne l’avons-nous jamais pensé? Tel ou tel d’entre vous qui m’écoutez, ne murmure-t-il pas : « Garder les commandements du Christ? Tâche impossible! C’est vraiment trop demander! À supposer que je doive m’y soumettre, quel effort, quelle fatigue et quel ennui! Je souhaite tout de même un peu de liberté, de souplesse et de joie dans cette pénible existence! Un amour qui implique une telle exigence me semble possessif et pesant. »

Écoutez bien : le Christ a été éprouvé comment chacun de nous en toutes choses; comme nous, il a souffert, il sait donc qui nous sommes. Il nous aime d’un amour vrai, vivant, en fonction de ce que nous sommes, non de ce que nous ne sommes pas. Son amour est « compatissant et miséricordieux », il s’incline jusqu’à nous, il est secourable. Son amour n’est pas une loi écrasante, meurtrissante; au contraire, il donne la force et la vie, car les préceptes de son amour, les promesses de son amour sans aucune exception sont des préceptes et des promesses de vie. Il sait bien, d’ailleurs, que nous sommes tous encore bien loin du but : mais par sa grâce, il couvre et pardonne nos imperfections. Pourvu que nous appliquions notre zèle et notre cœur à demeurer dans son amour, il tient compte de ce que nous voulons comme si nous l’avions fait. Nous portons quand même des fruits même si nous ne portons pas encore tous les fruits.

Et puis, quand le Christ vient vous dire, à chacun : « Garde mes commandements », dans quelle intention le fait-il? Pour que vous demeuriez dans son amour, comme lui-même demeure dans l’amour du Père. Être dans son amour et dans l’amour du Père, serait-ce une mutilation? Est-il possible que nous concevions l’amour du Christ comme une servitude?

Et pourquoi encore Christ vous parle-t-il ainsi? Il devance votre question : « Je vous ai ainsi parlé, afin que cette joie qui est la mienne soit en vous et que votre joie soit dans sa plénitude. » Tout le contraire de ce que nous imaginions tout à l’heure. La joie, et rien d’autre, est le fruit de l’obéissance. Remarquez-le : c’est quelques heures avant sa mort que Jésus, pour la première fois dans cet Évangile, parle de « cette joie qui est la sienne ». Demeurer dans l’amour de son Père, accomplir ses ordres, parfaire son obéissance en se soumettant à la mort, telle est la joie du Christ. Dans quelques instants, selon la tradition liturgique de son temps, Jésus va chanter avec ses disciples : « Voici la journée que l’Éternel a faite. Livrons-nous à la joie et à l’allégresse » (Ps 118.24). Il est joyeux d’obéir parce qu’il est joyeux d’aimer.

L’Évangile du Christ, c’est au sens littéral la « nouvelle de joie ». Dans la mesure où nous demeurons dans son amour, où nous gardons ses commandements, nous partageons nous aussi la joie du Christ, la même joie que la sienne, parce que le Père et le Fils ensemble font leur demeure chez nous. Jésus le redira au terme de cette soirée : « Je leur ai parlé afin qu’ils aient en eux la plénitude de ma joie » (Jn 17.13). Une joie pleine et solide! celle d’être appelés, renouvelés, justifiés, adoptés, sanctifiés, gardés… non que nous soyons dispensés d’épreuves et de tristesses, mais parce que les motifs de joie prendront toujours le dessus. Jean-Baptiste éprouvait une joie parfaite à la pensée que l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde, dût croître en lui, et lui, Jean-Baptiste, diminuer. Quand le Christ grandit en nous, quand nous le savons par la foi, nous éprouvons, nous aussi, une plénitude de joie. Demeurer en Christ, c’est devenir, c’est être joyeux.