Cet article sur Jean 15.1-17 a pour sujet la vigne et les sarments qui annoncent l'union du Christ avec les croyants appelés à demeurer en communion avec lui afin de porter beaucoup de fruit et d'obéir au commandement de l'amour.

Source: Afin de croire et d'avoir la vie - Méditations sur l'Évangile selon Jean. 3 pages.

Jean 15 - Le Cep et les sarments

« Moi, je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il le retranche; et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde afin qu’il porte encore plus de fruit. Déjà, vous êtes émondés, à cause de la parole que je vous ai annoncée. Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s’il ne demeure sur le cep, de même vous non plus, si vous ne demeurez en moi. Moi, je suis le cep; vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruit, car sans moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, et il sèche; puis l’on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent. Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé. Mon Père est glorifié en ceci : que vous portiez beaucoup de fruit, et vous serez mes disciples. Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme j’ai gardé les commandements de mon Père et que je demeure dans son amour. Je vous ai parlé ainsi, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n’y a pour personne de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelé amis, parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi, je vous ai choisis et je vous ai établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, pour que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne. Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. »

Jean 15.1-17

On peut se demander où ont été prononcées les paroles conservées dans les chapitres 15 à 17. Pour les uns, malgré l’ordre de Jésus « levez-vous, partons d’ici » (Jn 14.31), les disciples sont restés dans la chambre haute, peut-être debout avec leur Maître qui y a continué à les exhorter puis a prononcé une prière finale. Pour d’autres, tous ont quitté la salle du repas et nous avons ici l’écho de conversations tenues devant le Temple, ou sur le chemin de Gethsémané, ou pendant un arrêt dans quelque lieu solitaire de la vallée du Cédron. Certains enfin, à cause du lien évident entre la sainte Cène et l’image de la vigne (Jn 15.1-10), pensent que ces passages ont été déplacés et représentent un discours de Jésus qui aurait immédiatement suivi l’institution de la sainte Cène (racontée par les synoptiques).

L’entretien précédent (Jean 14) portait sur la séparation de Jésus et des disciples ainsi que sur les promesses qu’il leur accordait. Dans celui qui commence (Jean 15), Jésus se transporte en pensée à l’époque où il ne sera plus avec les siens et où ceux-ci, sous l’inspiration du Consolateur qui leur sera donné et dans la communion la plus étroite avec le Seigneur vivant, entreprendront l’apostolat auquel il les a appelés.

À travers la similitude du cep et des sarments, c’est donc la vie de l’Église après la Pentecôte que le Seigneur prophétise et inspire. L’union intime des sarments entre eux et celle des sarments avec le cep annoncent l’unité du Christ avec les membres de son corps et la solidarité qui devra régner entre ses différents membres. Comme le cep ne porte de lui-même directement aucun fruit et n’offre ses grappes au monde que par l’intermédiaire des sarments, ainsi Jésus ne répandra la vie spirituelle ici-bas que par l’organe de ceux qui l’ont reçue. Il y a une parenté étroite entre l’image choisie par le Seigneur pour exprimer ses rapports avec les disciples une fois qu’il sera rentré dans la gloire céleste, et celle de la tête et du corps que l’apôtre Paul, dans la même intention, exposera plusieurs fois (1 Co 12; Ép 4; Col 1.18; 2.19).

La croix est sans cesse présente dans la pensée de Jésus et il fait des allusions certaines au sacrement qui vient d’être institué pour la commémorer et lui permettre de produire ses fruits dans le cœur du croyant : la sainte Cène. Elle apparaît comme le moyen choisi par le Seigneur pour unir à lui et unir entre eux ceux qu’il va laisser sur la terre. Si la signification du pain n’est pas indiquée, c’est que le chapitre 6 l’a longuement développée; mais, ici comme là, il est question sans cesse de « demeurer dans le Seigneur ». « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui » (Jn 6.56).

Ce serait pourtant restreindre à l’excès le sens de ce passage de n’y voir qu’une explication et une application de la sainte Cène. Il s’agit ici de la vie tout entière du croyant qui doit sans cesse demeurer uni à son Sauveur, car sans lui il ne peut rien faire. C’est ce que montrera clairement une rapide analyse du texte.

Dès le début (Jn 15.1-3), Jésus explique à ses disciples ce qu’il doit être pour eux. Il s’affirme la véritable vigne que Dieu a plantée et qu’il continue à entretenir en retranchant les sarments stériles; allusion claire au sort de Juda et de tous ceux qui tomberont dans l’infidélité. Puis Dieu émonde, nettoie, purifie ceux qui portent déjà du fruit afin qu’ils en portent davantage. C’est le cas des disciples déjà purifiés par les paroles de leur Maître, qui doivent encore subir l’action parfois douloureuse du grand Vigneron pour lui offrir plus de fruits de foi et d’obéissance.

Dans une deuxième partie de la similitude (Jn 15.4-8), Jésus montre aux disciples les obligations auxquelles il leur faut se soumettre s’ils veulent rester en communion avec lui. Ce n’est qu’en demeurant volontairement unis au cep qu’ils pourront continuer à recevoir la sève vitale. En eux-mêmes, il n’y a aucune force, aucune puissance de bien; ce n’est que dans la communion de leur Maître qu’ils pourront porter des fruits. Cette vérité est si importante que Jésus la répète presque dans les mêmes termes (Jn 15.5-7) en développant les deux conséquences opposées de ce principe. Ceux qui se refuseront à demeurer en Christ seront jetés dehors et détruits comme les sarments secs dont on se débarrasse en les brûlant. En revanche, ceux qui demeureront dans le Seigneur pourront d’abord porter beaucoup de fruit, et encore, par cette communion intime avec leur Maître, recevoir tout ce qu’ils demanderont. Le but, c’est de glorifier le Père; le moyen, c’est de demeurer en Christ.

Ici, le Seigneur abandonne la similitude de la vigne. Il n’en a plus besoin. Une fois de plus, il révèle le secret de cette communion vivante avec lui : c’est l’amour (Jn 15.9-11). L’amour que le Père a pour son Fils est le même que celui que le Fils éprouve pour ses disciples. Ainsi, par une grâce prodigieuse, le croyant est introduit dans ce mystère de l’amour divin. Ce qui lui est demandé, c’est de ne pas s’écarter de cet amour. Aimer, pour le Fils, c’est demeurer uni au Père et accomplir sa volonté. Aimer, pour les disciples, ce sera demeurer dans la communion du Sauveur et garder ses commandements. Alors, ils connaîtront eux aussi cette joie qu’éprouve le Christ au moment même où il va souffrir et mourir, parce qu’il se sent complètement en harmonie avec son Père.

Mais l’amour est indivisible. S’il va du Père et du Fils aux disciples, il doit aussi unir entre eux ceux qui sont les objets d’une telle grâce (Jn 15.12). Jésus renouvelle donc le commandement nouveau (Jn 13.34). Il ne s’agit pas là d’une obéissance extérieure, mais du fruit de la communion de Jésus avec les siens. Il va leur donner le signe du plus grand amour : donner sa vie pour les siens. Ils devront s’aimer de cet amour qui s’oublie soi-même, qui se donne pour les autres et qui, s’il le faut, accepte pour ses frères le sacrifice suprême (Jn 15.13).

Ceux qui obéissent à ce commandement d’amour, Jésus les appelle ses amis et il leur accorde des dons précieux, l’intimité la plus étroite avec lui, la connaissance la plus grande des choses de Dieu et, avant tout, le salut qui leur viendra de la croix (Jn 15.14-15). De cette plénitude de grâces, ils ne doivent cependant pas s’enorgueillir. Rien de tout cela ne vient d’eux-mêmes; tout est don de Dieu. C’est le Seigneur qui, dans son insondable miséricorde, les a choisis entre tant d’autres, leur a donné les connaissances et les forces nécessaires pour accomplir leur mission, et qui bientôt leur accordera le puissant secours du Consolateur. Ainsi, qu’ils aillent de l’avant maintenant. Dans la communion du Sauveur, qu’ils portent dans le monde hostile, malgré les persécutions et à travers elles, des fruits que rien ne pourra détruire; qu’ils soient pleins de foi et de joie, sachant qu’ils pourront demander au Père tout ce dont ils auront besoin pour demeurer fidèles jusqu’au bout (Jn 15.16). Enfin, le Seigneur répète une dernière fois le commandement de l’amour. Car c’est leur amour mutuel qui sera le signe indubitable qu’ils demeureront dans l’amour de Dieu (Jn 15.17).

Le message du chapitre est donc : Dieu est amour. Nous voudrions que Dieu témoigne de son amour selon nos lumières et nos désirs personnels…, mais Dieu agit selon ses voies à lui. Il révèle son amour d’une façon unique et inimitable, en un lieu et un temps que lui seul a fixés. Quiconque se refuse de s’en remettre à la volonté de Dieu mettra toujours en doute son amour. Dieu plante son amour comme un cep sur notre terre. Mais le plus grand miracle est encore que la grâce de Dieu transforme les hommes en sarments. Le Christ prend l’homme déchu que nous sommes et l’unit totalement à lui. Lui seul peut opérer cette transformation de sauvageons inutiles en sarments chargés de fruits. Nous nous trouvons ici en présence de l’insondable mystère de l’élection divine qui nous admet, dans sa miséricorde, dans la communion de Dieu. Le Christ veut donner l’amour avec profusion. Il sait à quel point le monde en a faim et soif. Jour après jour, à travers des centaines de sarments et des milliers de petits canaux de sève, l’amour de Dieu se déverse dans le monde. Nous vivons en un temps où l’injustice triomphe et où la charité de plusieurs se refroidit, mais l’amour qui est implanté en Jésus-Christ sur la terre ne mourra pas. Il triomphe de la haine et de la mort. Il peut être haï, persécuté, lapidé, persiflé et crucifié, mais la victoire lui est assurée. « Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, l’amour; mais la plus grande, c’est l’amour » (1 Co 13.13).