Cet article sur Jean 4.1-30,39-42 a pour sujet la rencontre de Jésus avec la Samaritaine qui a reçu l'offre d'une eau qui désaltère, un appel à la repentance et à la véritable adoration. Car Jésus est le Messie et le Sauveur du monde.

Source: Afin de croire et d'avoir la vie - Méditations sur l'Évangile selon Jean. 4 pages.

Jean 4 - La femme samaritaine

« Le Seigneur sut que les pharisiens avaient appris qu’il faisait et baptisait plus de disciples que Jean. Toutefois, Jésus ne baptisait pas lui-même, mais c’étaient ses disciples. Alors il quitta la Judée et repartit pour la Galilée. Or il fallait qu’il traverse la Samarie. Il arriva donc dans une ville de Samarie nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C’était environ la sixième heure. Une femme de Samarie vint puiser de l’eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire. Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres. La femme samaritaine lui dit : Comment toi qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une Samaritaine? — Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains. — Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire! c’est toi qui lui aurais demandé (à boire), et il t’aurait donné de l’eau vive. Seigneur, lui dit-elle, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond; d’où aurais-tu donc cette eau vive? Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux? Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n’aie plus soif et que je ne vienne plus puiser ici. Va, lui dit-il, appelle ton mari et reviens ici. La femme répondit : Je n’ai pas de mari. Jésus lui dit : Tu as bien fait de dire : Je n’ai pas de mari. Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari. En cela tu as dit vrai. Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète. Nos pères ont adoré sur cette montagne; et vous dites, vous, que l’endroit où il faut adorer est à Jérusalem. Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient — et c’est maintenant — où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité. La femme lui dit : Je sais que le Messie vient — celui qu’on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera tout. Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle. Alors arrivèrent ses disciples, qui furent étonnés de ce qu’il parlait avec une femme. Toutefois, aucun ne dit : Que demandes-tu? ou : De quoi parles-tu avec elle? La femme laissa donc sa cruche, s’en alla dans la ville et dit aux gens : Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait; ne serait-ce pas le Christ? Ils sortirent de la ville et vinrent vers lui. […] Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : Il m’a dit tout ce que j’ai fait. Aussi, quand les Samaritains vinrent à lui, ils le prièrent de rester auprès d’eux; et il resta là deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole, et ils disaient à la femme : Ce n’est plus à cause de tes dires que nous croyons; car nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »

Jean 4.1-30, 39-42

Le récit de l’entretien de Jésus avec Nicodème faisait allusion à l’un des grands thèmes du quatrième Évangile : la signification symbolique de l’eau. C’est elle qui, à travers le baptême, représente la grâce purificatrice.

Jésus, dans sa conversation avec la femme samaritaine, va reprendre ce symbole en l’approfondissant. L’eau n’a pas pour seule fonction de laver, elle désaltère aussi. Outre son rôle extérieur, elle en a donc un plus intérieur. Le Seigneur n’est pas seulement celui qui pardonne, mais aussi celui qui fait vivre. Il donne l’eau vive, il est une source intarissable dans le cœur de ceux qui ont cru en lui comme leur Sauveur. Il exauce la prière de l’Ancien Testament : « Comme une biche soupire après des courants d’eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant » (Ps 42.2-3). Quelques pages plus loin, dans cet Évangile, nous l’entendrons proclamer : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein » (Jn 7.37-38).

Cette vie que le Christ peut seul donner n’est pas réservée au peuple d’Israël. Ce n’est pas par hasard, en effet, que Jésus prononce ces paroles lorsqu’il traverse la Samarie. Certes, en butte à l’hostilité des pharisiens, il a intérêt à prendre la route de Galilée la plus courte. Mais l’expression de l’évangéliste « il fallait » (Jn 4.4) n’exprime pas une nécessité seulement extérieure, historique; il y a là une obligation spirituelle. Dieu veut que Jésus annonce aussi la bonne nouvelle à des non-Israélites. Il est vrai qu’il doit consacrer son ministère aux brebis perdues de la maison d’Israël, car « le salut vient des Juifs » (Jn 4.22); et il ne demeurera que deux jours avec les Samaritains. Mais cela suffit pour montrer clairement que le salut est offert à tous et que, lorsque l’Évangile est refusé par le peuple élu, il est accueilli avec joie par des infidèles. Jésus est « le Sauveur du monde » (Jn 4.42).

Notons maintenant quelques éléments essentiels de ce passage.

Tout d’abord, l’affirmation de l’humanité de Jésus. Celui qui va déclarer « Je suis le Christ » (Jn 4.26) est maintenant assis sur le bord de la route, à l’heure brûlante du midi, épuisé par la longue marche et souffrant vivement de la soif. Sa demande à la femme samaritaine n’est pas un prétexte pour entrer en conversation; elle correspond à un réel besoin physique de Jésus. Il est vraiment un homme comme nous, « hormis le péché ». Mais son amour des âmes est tel que, lorsqu’il a commencé à causer avec cette femme et à deviner l’appel secret de son cœur, il ne pense pas à boire et il n’a plus faim (Jn 4.32). Il est désaltéré, il est nourri par la joie d’accomplir la volonté de son Père.

On pourrait, certes, s’attacher à montrer l’évolution psychologique de la Samaritaine qui part d’une hostilité railleuse pour aboutir à une foi conquérante. C’est la marche normale à suivre dans l’enseignement. Mais l’essentiel n’est pas là. Ici, comme dans tout l’Évangile, ce n’est pas l’interlocuteur qui importe (il va disparaître, comme Nicodème et tant d’autres, sans que l’on sache ce qu’il deviendra), c’est le Seigneur qui attire sur lui toute l’attention : « Je donne. […] Crois-moi. […] Je suis… » Contemplons donc Jésus pendant cet entretien.

La conversation s’engage sur une demande matérielle, et longtemps la femme se cantonnera dans ce domaine, ne pouvant en sortir et (peut-être en cela semblable à Nicodème) ne le voulant pas non plus. Jésus ne se décourage pas. L’opposition qu’il établit entre l’eau du puits, qu’il faut chercher péniblement et dont l’effet désaltérant est provisoire, et l’eau vive qui devient en celui qui la reçoit une source intarissable finit par pénétrer dans le cœur de cette femme. Elle pressent obscurément qu’il est question d’une richesse qu’elle ne possède pas et qu’elle désire sans même en avoir conscience.

Mais elle risque de croire qu’il s’agit d’une connaissance nouvelle, d’un mystère rafraîchissant qui peut lui être révélé indépendamment de son état intérieur. Alors Jésus fait tourner la conversation et, par son ordre au sujet de son mari, la met en face d’elle-même. L’eau vive qui désaltère ne peut être accordée qu’à celui qui se repent.

Cette fois-ci, la femme comprend très bien ce que Jésus veut; elle est frappée de cette clairvoyance surnaturelle de prophète qui a mis à nu la misère de sa vie. Veut-elle alors, comme le pensent certains, échapper à ce sujet gênant et revenir à une conversation moins personnelle en posant une question controversée sur la valeur réciproque des cultes juifs et samaritains, ou bien a-t-elle le désir sincère de faire acte de repentance et d’offrir un sacrifice d’humiliation dans celui des deux sanctuaires qui est authentique? Peu importe, puisqu’ainsi elle donne à Jésus l’occasion d’un de ses enseignements les plus importants… et les plus mal compris.

Sa déclaration sur « l’heure venue » (Jn 4.21-24) a d’abord une valeur prophétique : quelques années plus tard, les deux sanctuaires seront à jamais détruits et l’on adorera le Père dans le monde entier. Mais il y a là bien plus qu’une annonce de l’avenir; l’enseignement de Jésus a une portée eschatologique, c’est-à-dire concernant les événements de la fin des temps et du Royaume de Dieu.

Avec sa venue sur la terre, le Royaume de Dieu s’est approché des hommes (Mc 1.15). Les temps de la fin, annoncés par l’Écriture, ont commencé : le Christ est là, et tout adorateur doit désormais s’adresser au Père en son nom. La supériorité des Juifs venait de la révélation dont ils étaient les dépositaires. Celle-ci n’est pas abolie, mais accomplie. Désormais, Juifs et Samaritains, peuple élu et peuples païens sont sur le même pied. Ils ne peuvent connaître le Père que par le Fils unique qui est issu du Père.

« L’adoration en esprit et en vérité » ne se réduit ni à un culte purement intérieur et personnel, ni à une foi « spiritualiste » qui n’aurait plus besoin d’Églises, de cultes ou de sacrements, ni enfin à la sincérité des adorateurs (« toute religion est bonne lorsqu’elle est sincère »). La véritable adoration du Père doit être inspirée par celui qui seul peut donner l’Esprit parce qu’il en a été baptisé et qu’il en est animé. Sans lui, les cultes les plus beaux, la vie intérieure la plus pure ne sont qu’illusion et perdition, parce que lui seul est la vérité.

Devant cette déclaration, la Samaritaine découvre qu’il y a plus qu’un prophète, et, par une intuition profonde de son âme bouleversée, elle jette le cri de la foi qui découvre et espère, sans avoir encore une pleine certitude. C’est alors la réponse extraordinaire de cet homme fatigué, poussiéreux, dont le regard la transperce : « Je le suis, ce Messie, moi qui te parle! » (Jn 4.26).

Ses dernières hésitations sont emportées : elle croit. Mais croire, dans le quatrième Évangile, c’est aussi témoigner de sa foi. Oubliant sa cruche (symbole de ses préoccupations matérielles), ne tenant pas compte du mépris de ses concitoyens à cause de sa vie débauchée, la voilà qui clame la bonne nouvelle avec une telle force que, délaissant leur sieste et surmontant leur méfiance de l’étranger abhorré, les habitants du village sortent de leur demeure.

Pendant ce temps, Jésus essaie de faire partager à ses disciples la joie qu’il a éprouvée en annonçant la bonne nouvelle à cette femme. Ils ont de la peine à comprendre ce qu’est cette nourriture spirituelle qui a rassasié leur Maître. Mais celui-ci veut leur communiquer l’espérance qui l’anime. Ces hommes qui viennent à lui, sur le témoignage de leur compatriote, sont les prémices de ces multitudes païennes du monde entier qui doit venir au Sauveur pour être sauvé (Jn 4.42). Ils sont la preuve que, malgré l’hostilité ou l’incompréhension que rencontre la prédication du Christ, le temps de la moisson ne peut plus tarder. Certes, le Christ ne donnera que ce signe précurseur. Ce sont les disciples qui seront chargés de la moisson; qu’ils n’oublient jamais le Semeur qui au prix de sa vie, « accomplit son œuvre » (Jn 4.34). Mais voilà les Samaritains. Ils s’approchent de Jésus, l’écoutent, beaucoup d’entre eux croient à leur tour; et lorsque le Sauveur partira, ces hommes méprisés feront entendre d’un seul cœur la première confession de foi chrétienne et universelle : « Il est véritablement le Sauveur du monde » (Jn 4.42).