Cet article sur Jean 7.1-52 a pour sujet les réactions des gens devant Jésus à la fête des tabernacles (foi mal placée, doute, haine). Mais Jésus parle avec autorité et offre l'eau vive à ceux qui viennent à lui avec foi. Nicodème a eu soif de cette eau.

Source: Afin de croire et d'avoir la vie - Méditations sur l'Évangile selon Jean. 4 pages.

Jean 7 - Jésus à la fête des Tabernacles

Jean 7.1-52

Ne nous laissons pas arrêter par l’apparente confusion de ce chapitre. Il y règne une confusion de fête! Celui qui s’efforce de chercher un fil conducteur dans ce dédale finit par y trouver trois groupes distincts d’hommes. Les frères de Jésus, puis le peuple de la ville et des campagnes « qui ne connaît pas la loi » (Jn 7.49), enfin les pharisiens et les scribes avec leurs satellites, « les Juifs ».

Regardons de près ces trois groupes. Pareil au vieux soldat assis devant l’écran pour voir défiler la troupe et qui se reconnaît soudain lui-même, nous allons nous écrier : « Celui-là c’est moi! »

C’est l’automne avant la crucifixion. Les frères de Jésus veulent l’amener à la fête des Tabernacles. Ils supportent difficilement que Jésus « enfouisse son talent » dans un coin perdu de Galilée. Ils veulent lui offrir un public plus large. Ils en ont assez de souffrir des accusations et des calomnies qui pèsent sur leur frère. Ils aimeraient que sa gloire rejaillisse sur la famille.

« Ses frères lui dirent : Pars d’ici et va en Judée, afin que tes disciples contemplent aussi les œuvres que tu fais. Personne n’agit en secret, s’il cherche à se mettre en évidence; si tu fais ces choses, manifeste-toi au monde! » (Jn 7.3-4)

Jésus discerne dans les prétentions de ses frères une intention analogue à celle de Pierre lorsqu’il cherchait à l’écarter de la voie de la souffrance. Il y retrouve la tentation du début de son ministère : « Jette-toi en bas [du Temple]… » (Mt 4.6). Il montera à Jérusalem, mais autrement que ses frères ne l’espèrent, non pour y chercher l’admiration, mais pour y être haï de tous. C’est pourquoi il laisse ses frères prendre les devants et refuse de faire route avec eux. Jean note en passant : « En effet, ses frères non plus ne croyaient pas en lui » (Jn 7.5).

Et nous? Croyons-nous en Jésus lorsqu’il dit : « Le monde ne peut vous haïr; il a de la haine pour moi, parce que je rends de lui le témoignage que ses œuvres sont mauvaises » (Jn 7.7). Ne nous rangeons-nous pas secrètement parmi ses frères? Ils l’aiment sans doute, mais pour autant qu’il leur est utile. Soyons parfaitement honnêtes : Ne sommes-nous pas tentés d’exiger de Jésus qu’il vienne avec nous à la fête? Nous voulons bien qu’il nous accompagne pour accompagner les réjouissances populaires ou familiales, qu’il soit l’hôte de nos baptêmes, de nos repas de confirmation ou d’enterrement! Jusque-là, sa présence nous est agréable, mais pas plus loin… Jésus s’écarte de ces banquets et de ces festivités politico-chrétiennes : « Montez, vous, à la fête. Moi, je ne monte pas encore à cette fête, parce que le moment pour moi n’est pas encore accompli » (Jn 7.8).

Vous tous qui êtes tentés par la pompe d’une Église mondanisée (et il ne s’agit pas seulement de l’Église catholique!), sachez que le Christ n’est pas toujours là où l’on porte son nom en insigne. Nos invocations, même multipliées, ne sont pas la preuve de sa présence. C’est lui, non ses « frères », qui décide si oui ou non il sera de la fête, et où, quand et comment. Mais, ne doutons pas une seconde que lorsque son heure est venue, il monte à cette fête même qui manifeste la méchanceté du monde et de l’Église. Il y sera crucifié. Mais la vérité, l’amour et la justice crucifiés à cette fête sont maintenant la consolation et le refuge de tous ceux qui souffrent avec lui pour son nom.

Le deuxième groupe à la fête des Tabernacles, c’est le peuple. Les chefs disent de lui : « Il est ignorant de la loi, qu’il se taise! » Le peuple, en effet, ne connaît pas les complots de ses chefs. C’est pourquoi il ose dire à Jésus : « Tu as un démon. Qui cherche à te faire mourir? » (Jn 7.20). Le peuple est pleutre et se tait. Lorsqu’il parle, ses paroles ne sont que murmures et reproches. « Personne, toutefois, ne parlait ouvertement de lui, par crainte des Juifs » (Jn 7.13). Le peuple murmure, mais n’agit pas. Faible roseau balancé par le vent, oscillant entre les dires de l’un et de l’autre…

« Il y avait dans la foule beaucoup de murmures à son sujet. Les uns disaient : C’est un homme de bien. Mais d’autres disaient : Non, au contraire il égare la foule » (Jn 7.12). « Quelques habitants de Jérusalem disaient : N’est-ce pas celui qu’on cherche à faire mourir? Le voici qui parle ouvertement et on ne lui dit rien! Est-ce que les chefs auraient vraiment reconnu que c’est lui le Christ? » (Jn 7.26).

Contradiction, crédulité, versatilité! La foule est prête à chanter « Hosannah! » Elle va clamer « Crucifie-le! » Elle hésite :

« Celui-ci, nous savons d’où il est; mais le Christ, quand il viendra, personne ne saura d’où il est » (Jn 7.27). « Des gens de la foule, après avoir entendu ces paroles, disaient : Celui-ci est vraiment le prophète. D’autres disaient : Celui-ci est le Christ. Et d’autres disaient : Est-ce bien de la Galilée que doit venir le Christ? L’Écriture ne dit-elle pas que c’est de la descendance de David et du village de Bethléem, d’où était David, que le Christ doit venir? Il y eut donc, à cause de lui, division parmi la foule » (Jn 7.40-43).

Depuis des millénaires, le peuple parle ainsi.

Grandes discussions, aucune décision. Pas une assertion qui ne soit contredite. C’est pourquoi le peuple reste ignorant, vacillant, craintif, désuni. Il discute du Christ, mais il n’écoute pas son appel, il ne le suit pas. Un peuple qui pendant des dizaines d’années a discuté, bafoué et refusé le Christ ne peut que chanceler. Lui et ses chefs sont sans colonne vertébrale. Et combien parmi nous en sont là! Ils discutent le Christ et sombrent toujours plus profondément dans le chaos de leurs considérations! Il faudrait pouvoir les prendre au collet, les secouer et leur dire : « Cessez vos discours, et faites une seule chose, si petite soit-elle, par obéissance au Christ! Un centimètre d’obéissance vaut plus qu’un kilomètre de discussions sur lui. » « Si quelqu’un veut faire sa volonté [de celui qui a envoyé Jésus], il reconnaîtra si cet enseignement vient de Dieu, ou si mes paroles viennent de moi-même » (Jn 7.17). Celui qui obéit, même imparfaitement, reçoit des clartés sur le Christ, tandis que les vaines discussions obscurcissent son image.

Certains d’entre nous se sont reconnus dans le groupe des frères de Jésus qui réclament sa présence à leurs fêtes; d’autres se retrouvent dans le peuple qui discute sans se donner. Par ses incertitudes et ses divergences, l’Église s’effrite et se mine. Nous gaspillons nos forces dans des tiraillements arides entre les différentes tendances théologiques et à cause de l’esprit de clocher. « Il y eut donc, à cause de lui, division parmi la foule » (Jn 7.43). Reconnaissons notre culpabilité et laissons tomber tout esprit de pharisaïsme. Tous, nous sommes sous le jugement de Jésus.

Voici un troisième groupe, les scribes et les pharisiens. Ceux-ci sont parfaitement au clair, ils sont tous d’accord au sujet de Jésus. L’unanimité se crée plus facilement contre Dieu que pour lui. Les « Juifs » sont par conséquent seuls actifs dans ce chapitre. Avant que Jésus ait mis les pieds à la fête, nous les voyons déjà à l’affût : « Les Juifs le cherchaient pendant la fête et disaient : Où est-il? » (Jn 7.11). Et plus loin : « Ils cherchaient donc à l’arrêter, et personne ne porta la main sur lui parce que son heure n’était pas encore venue » (Jn 7.30). Lorsqu’ils remarquèrent que le peuple subissait son influence, « les principaux sacrificateurs et les pharisiens envoyèrent des gardes pour l’arrêter » (Jn 7.32).

Pendant que les uns cherchent à faire rejaillir sur eux sa gloire et que les autres discutent à l’infini, les adversaires sont à l’œuvre et tentent de mettre la main sur lui. Mais ces derniers, malgré leurs machinations, se sentent impuissants contre Jésus :

« Les gardes retournèrent vers les principaux sacrificateurs et les pharisiens qui leur dirent : Pourquoi ne l’avez-vous pas amené? Les gardes répondirent : Jamais homme n’a parlé comme parle cet homme » (Jn 7.45-46).

Puissions-nous recevoir la Parole du Christ comme ces agents et nous écrier avec eux : « Jamais homme n’a parlé comme il parle! »

Jésus voit une triple hostilité se dresser contre lui : la foi mal placée des siens, les doutes de la foule, la haine incrédule des chefs. Il ne reste pas inactif face à cette masse hétérogène unifiée contre lui. Dès avant son arrivée, il domine la situation. Il est présent à la fête comme s’il avait surgi du sol. Il est dans le Temple même, là où l’inimitié est la plus tenace; il enseigne en plein camp ennemi.

« Je ne suis pas venu de moi-même : mais celui qui m’a envoyé est vrai, et vous ne le connaissez pas. Moi, je le connais, car je suis là de sa part et c’est lui qui m’a envoyé » (Jn 7.28-29).

Personne ne pourra donc lui faire de mal, aussi longtemps que l’heure de son Père n’est pas venue.

Il parle avec puissance, avec une autorité telle qu’il n’y en eut jamais de semblable :

« Si un homme reçoit la circoncision pendant le sabbat, afin que la loi de Moïse ne soit pas violée, pourquoi vous irritez-vous contre moi parce que j’ai rendu à la santé un homme tout entier pendant le sabbat? » (Jn 7.23).

Et il continue :

« Je suis encore avec vous pour un peu de temps, puis je m’en vais vers celui qui m’a envoyé. Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas, et là où je serai, vous ne pouvez venir » (Jn 7.33-34).

Au milieu de la fête, il est assis et enseigne. Le Père lui a dressé une table en face de ses adversaires.

Soudain, Jésus élève la voix et s’adresse à toute la foule hostile. Il s’écrie : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive! » (Jn 7.37). Qui donc peut encore l’écouter? Jésus appelle, il implore, il supplie : « Si quelqu’un a soif… » Si quelqu’un d’entre vous attend de moi autre chose qu’un drapeau de fête, qu’un problème à discuter, qu’il vienne à moi; dans quelques jours, il sera trop tard! Et qu’il boive!

Aujourd’hui encore, le Christ vous appelle, il vous offre la coupe de l’eau de la vie. Approchez-vous de lui et buvez à longs traits! Buvez-en tous! Voici la promesse du Christ : « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein » (Jn 7.38). Ce n’est pas seulement une gorgée d’eau vive qui ranime un homme altéré, c’est un fleuve qui sauve toute une contrée de la sécheresse. « Des fleuves d’eau vive », des fleuves de connaissance pure et d’amour actif pour le prochain, des fleuves de joie et de paix jailliront de celui qui se laisse submerger par l’eau qui, du Christ, se répand dans le monde. Jésus évoque ce fleuve messianique annoncé par Ézéchiel qui jaillit près de l’autel du Temple et s’écoule vers la plaine, jusqu’à la mer. Partout où passe ce fleuve, les arbres produisent leurs fruits douze fois l’an (voir Éz 47.12).

L’appel de Jésus est entendu. Un homme émerge du groupe des incrédules et des haineux, là où nul ne l’aurait cherché. Il s’avance. C’est Nicodème, un homme qui a « soif » au sens le plus profond de l’Évangile. Sa soif l’a empêché de dormir et l’a amené, de nuit, jusqu’à Jésus. Il ne peut plus vivre dans son état présent. Il aimerait « naître de nouveau » et recherche auprès de Jésus la paix que ni le monde ni sa piété n’ont pu lui donner. Lui aussi, il a discuté. Mais aujourd’hui, ses lèvres ne peuvent plus discuter, elles désirent boire. Il s’avance et prend la parole pour la défense de Jésus. Il fait un pas en avant, timide encore, hésitant, mais un premier pas décisif à la suite du Christ. « Notre loi juge-t-elle un homme avant qu’on l’ait entendu et qu’on sache ce qu’il a fait? » s’écrie-t-il (Jn 7.51). Il ne risque rien moins que l’exclusion de son parti et le mépris de la société. « Ils lui répondirent : Serais-tu, toi aussi, de la Galilée? » (Jn 7.52). La démarche de Nicodème ouvre une voie pour beaucoup dans le peuple. « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés! » (Mt 5.6).