Cet article a pour sujet la justice selon la Bible qui fonde notre responsabilité chrétienne, car Dieu nous a établis gérants de sa création afin d'employer les ressources de la terre au service de Dieu et de notre prochain.

Source: Le chrétien et la société. 4 pages.

Justice biblique et responsabilité chrétienne

La compassion du Christ à l’égard de l’humanité souffrante doit s’exprimer encore de nos jours à travers ses disciples, qui forment son corps sur cette terre. Une telle activité fait partie de la manière chrétienne de vivre, et l’amour envers Dieu inspire et implique nécessairement l’amour envers le prochain. Nous n’aurons rien compris à cet amour si nous l’isolons de l’amour envers notre prochain.

Dans des textes bien connus de l’Ancien Testament, au livre du Deutéronome, chapitre 5.6 et dans Lévitique 19, la relation entre les deux est intimement liée. Tout au long des pages du Nouveau Testament, la même conjonction apparaît dans les deux dimensions de l’amour chrétien. L’amour envers le prochain est l’accomplissement même de la loi. Celui qui n’aime pas son prochain n’a pas connu Dieu. La chose est aussi simple que cela.

Les deux commandements d’amour ou le sommaire de la loi résument parfaitement ce que Dieu attend de chacun des siens. C’est un ordre qu’ils doivent appliquer, car en principe, tout homme est serviteur de Dieu. Il l’est en vertu même de sa création comme porteur de l’image de son Créateur.

Il le sera parfaitement dans la mesure où il aimera Dieu par-dessus tout et son prochain comme lui-même.. C’est dans cette forme unique, complète et indivise que nous exprimerons notre humanité authentique.

La vie chrétienne tout entière est religion. La religion est l’intégralité de notre manière de vivre et de nous comporter dans l’existence. Le service d’amour rendu au prochain exprimera d’une manière concrète notre religion vécue.

C’est aussi de cette manière-là que nous pourrons comprendre et exprimer, sans malentendu, la relation qui existe entre l’amour et la justice.

Le commandement de servir, de veiller et de sauvegarder les droits d’autrui ne saurait être séparé ni d’ailleurs surajouté au commandement d’amour, car ils en font partie intégrante; à travers eux se révèle la marque authentique de l’amour inspiré par Dieu.

Que dit au juste l’Écriture au sujet de la justice? La notion y est largement répandue et les termes y apparaissent fréquemment. D’abord, elle désigne la relation de Dieu avec l’homme. Celui qui croit au Dieu de la justice selon la Bible doit à son tour contribuer à rendre et à défendre la justice parmi les hommes, dans la société humaine. Il œuvrera sans relâche pour établir une relation correcte et équitable parmi les hommes. Le Dieu de la Bible est un Dieu juste. Toutes ses manières d’agir sont justes et parfaites, et cette justice n’est ni une notion vague ni un sentimentalisme inefficace.

L’Alliance que Dieu a conclue avec sa créature forme la totalité de ses relations avec elle. Dans cette relation, la justice est la fibre par excellence qui tisse l’Alliance de grâce. Celle-ci consiste en deux parties : d’une part le commandement de Dieu, d’autre part l’obéissance de l’homme. Dans la mesure ou l’homme obéit, sa vie sera bénie.

Ce double caractère de l’Alliance est rappelé et souligné partout (voir Jérémie 7). La justice de Dieu consiste en sa fidélité, exprimée en termes d’Alliance. Il n’y a nulle trace de tension entre la grâce de Dieu et sa justice. La première n’est pas en conflit avec la seconde, mais elle est l’expression correcte de l’amour de Dieu et la marque sûre de sa justice. Ceci apparaît parfaitement dans la doctrine biblique de la justification de l’homme en état de chute. Dieu, le juste, justifie le pécheur, et ce, grâce à l’œuvre d’amour accomplie en Christ. Lorsque les hommes acceptent la justification par la foi, ils peuvent compter sur elle; grâce à elle, leur vie sera à nouveau réintégrée et réhabilitée.

En Christ, Dieu traite l’homme comme un être humain, comme sa créature restaurée. Cette justice de Dieu est révélée en Christ. Déjà l’Ancien Testament parle du Seigneur qui est notre justice. Cette appellation décrit l’œuvre messianique et les prophètes le représentent comme celui qui fondera le royaume de justice. Il viendra juger avec justice et avec équité les malheureux de la terre qui s’attendent à lui.

Notre manière d’aimer le prochain s’exprimera par la pratique de la justice; la restauration de l’Alliance entre Dieu et les hommes implique celle d’une société bâtie sur la justice biblique. Ces convictions apparaissent sans cesse aussi bien dans les écrits de l’Ancien Testament que dans ceux du Nouveau Testament. Il ne nous est guère possible, en quelques lignes, de décrire parfaitement le contenu total de cette justice biblique. Il en est de même pour d’autres notions bibliques. Des mots tels qu’équité, bonté, etc. peuvent donner une idée de ce que doit être la justice. On peut ajouter que la justice implique et ordonne l’ordre dans l’univers créé; ce qui correspond à l’ordre de la création, tel que Dieu l’a voulu, est juste. La révélation de Dieu jette une vive lumière sur le statut particulier et privilégié de l’homme. Seul l’homme a été créé comme porteur de l’image divine. Il a reçu une vocation à laquelle il doit obéir, et doit remplir la tâche qui lui a été confiée, sa responsabilité étant initialement et principalement engagée envers Dieu. C’est à lui qu’il rendra compte pour chacun de ses actes.

À cet effet, il a été mandaté par Dieu pour gérer le monde en son nom et pour régir l’univers d’après ses lois.

Ambassadeur du Christ et serviteur du Très Haut, telle est la vocation de l’homme. En cela, le chrétien ne peut vivre dans une sorte de schizophrénie spirituelle, divisant sa vie en deux compartiments étanches : d’une part la partie spirituelle, d’autre part la partie profane; ce qui équivaut à séparer l’âme du corps…

Le mandat que l’homme reçoit du Créateur est un mandat à la fois culturel et cultuel. La justice dans la société — improprement appelée justice sociale — doit se fonder exclusivement sur l’enseignement biblique. Faisons pourtant un pas de plus. L’être humain a besoin d’espace pour épanouir sa personnalité. La vocation qu’il reçoit de Dieu entraîne l’accomplissement d’une multiplicité de tâches. Il œuvre pour l’établissement d’institutions telles que le mariage, la famille, l’école, la cité, l’industrie, autant que l’organisation d’une Église. Dans ce domaine, la justice doit revêtir des formes concrètes et s’exprimer avec harmonie, afin de rendre la vie plus humaine.

L’accomplissement de ces diverses tâches doit entraîner la sage utilisation de la nature et de ses ressources. La justice selon la Bible exige une allocation des biens matériels en accord avec le caractère de la créature. Elle demande la liberté en vue du service; elle veille sur les droits de chaque homme. L’un des fruits immédiats du salut opéré par Christ, c’est la reconnaissance des droits de tout homme; il réalise, en principe, la restauration de l’homme déchu.

D’aucuns estimeront que la Bible, rédigée il y a plusieurs millénaires, est périmée, et que par conséquent les notions de justice et de service qu’elle nous donne sont, elles aussi, périmées. Or pour nous, chrétiens réformés, elle demeure le seul fondement de la vie et de la foi, et ses principes sont éternels et valables pour toute époque. Ils devront être les seuls principes régissant la société et fondant une solide justice parmi les hommes.

Voici à présent une triple implication par laquelle nous terminerons notre exposé :

L’Écriture a une conception différente de la propriété. La terre n’appartient pas à l’homme, mais au Seigneur. L’homme n’en est que l’administrateur, qui doit rendre des comptes au véritable propriétaire. C’est pourquoi, en l’année du Jubilé, toute portion de terre vendue en Israël devait revenir à son ancien propriétaire. Combien nous sommes loin, ici, des abus et des escroqueries en tous genres dans le domaine des ventes et achats de propriétés, et surtout des spoliations et des expropriations rapaces dont nous sommes les témoins impuissants et affligés… Lire à cet égard Lévitique 25.

Toutes les faveurs et chacune des bénédictions que Dieu accorde aux hommes doivent être utilisées pour le service de Dieu et du prochain. Dans les livres de l’Ancien Testament, les pauvres font constamment l’objet d’une attention particulière. Dieu veut qu’ils puissent vivre décemment. Ce sont quatre groupes de personnes qui requièrent ce service d’amour : les veuves, les orphelins, les déshérités et, finalement, les étrangers, ceux qui n’ont ni famille ni appui dans le pays où ils vivent. Ceci n’est pas une conception collectiviste de la vie, une sorte de socialisme, comme l’on dirait de nos jours, mais une vraie et solide justice, une justice qui permette à chacun de trouver sa place au sein de sa communauté.

Enfin, en ce qui concerne la terre, celle-ci doit être utilisée, mais non sauvagement exploitée et saccagée. À cet égard, la responsabilité écologique du chrétien doit être exercée, de nos jours, avec une vigilance accrue. Si le chrétien peut contribuer au développement technique et au progrès de la science, il doit également veiller sur les buts visés par la technologie et la science modernes, si souvent aliénées de Dieu. Car la nature fait partie de la création de Dieu, et l’homme ne peut ni la saccager ni la spolier au risque de compromettre sa propre survie.

L’homme a besoin de repos; la nature aussi. Nos contemporains ayant rejeté ces principes de base bibliques, il ne faut pas s’étonner de la grave crise écologique moderne. Dieu, qui nous a donné l’ordre de dominer, d’assujettir et de cultiver la terre, nous a accordés aussi sa révélation, où nous trouvons les lumières nécessaires pour une gestion sage et efficace des biens matériels qu’il a mis a notre disposition pour le servir et l’honorer en tout premier lieu, et que, ce faisant, nous trouvions, avec notre prochain, notre véritable place dans sa création.