Cet article a pour sujet la violence politique, qui vient de la haine et qui n'est pas justifiable par la Bible. Dieu a toutefois établi les États et les dirigeants pour maintenir l'ordre et punir les crimes.

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Justifier la violence?

L’époque à laquelle nous vivons n’est pas essentiellement différente de celle à laquelle nos parents ou nos ancêtres ont vécu : malgré les bouleversements de toutes sortes auxquels nous devons faire face, comme les innovations technologiques ou l’avènement de ce qu’on appelle le « village global », nous retrouvons inchangés au cours des âges certains problèmes qui affectent notre vie ou celle de nos proches. L’un de ces problèmes est la violence. Dans cet article, je voudrais examiner cette question, à la lumière de la foi chrétienne. Parlons plus particulièrement de la violence politique. Les tensions internationales, le terrorisme justifié par certains au nom d’une cause ou d’une religion quelconque m’amènent à aborder ce sujet d’actualité.

Certes, on pourrait distinguer plusieurs formes de violence politique : par exemple l’oppression économique d’un groupe par un autre, la dictature violente d’un homme ou d’un groupe ne supportant aucune critique ou opposition, la guerre d’un État contre un autre, le terrorisme ayant des motivations idéologiques ou ethniques et bien d’autres formes encore.

Quelle est donc la racine de tels maux? Sans doute la soif du pouvoir, le désir de dominer, voire d’exploiter les autres, de s’approprier leurs biens. Les conquêtes territoriales et la soif de gloire militaire sont souvent un moteur de violence. Parfois, on a affaire à un pur déchaînement d’instincts destructeurs qu’on justifie au nom d’une cause fabriquée. Des adolescents voire des enfants embrigadés et armés par des adultes qui se servent d’eux se comportent en tueurs sauvages. Des guerres ou des campagnes peuvent être entreprises pour opérer des conversions forcées à une religion donnée. On a aussi bien souvent vu, au cours de l’histoire, des guerres alibi, déclenchées tout simplement pour redorer le blason terni d’un gouvernement ou d’un souverain quelconque. La violence politique peut aussi trouver sa source dans un désir de vengeance. Mais le ressort le plus profond de cette violence, c’est la haine de Dieu et de son prochain. Le Catéchisme de Heidelberg, ce précieux résumé de la foi chrétienne vieux de quelque 500 ans, le dit sans ambages à la question 5 : « par nature, je suis enclin à haïr Dieu et mon prochain ». Certes, cette haine ne se manifeste pas nécessairement sous la forme d’une violence politique quelconque, cependant celle-ci doit bien être attribuée avant tout à une telle haine.

Dans la mesure où l’Évangile défend de haïr son prochain, toute forme de violence devrait être bannie d’une société ou d’une culture chrétienne. Pourtant, hélas!, on a trop souvent vu par le passé des nations dites chrétiennes se livrer à la violence entre elles, et ce, pour quelques-unes des raisons que je viens d’invoquer. Il est évident que les mots du Catéchisme, la mention de cette haine qui caractérise la nature de l’homme non régénéré par l’Esprit de Dieu, s’appliquent à tous sans exception. Un chrétien n’est pas quelqu’un qui est né immaculé, sans faute ni tare. Les chrétiens qui cherchent à se connaître à la lumière de la Parole de Dieu savent et confessent qu’ils ont été conçus et sont nés dans le péché. Nous sommes incapables par nous-mêmes de faire le bien et nous transgressons tous les jours et de plusieurs manières les commandements de Dieu, attirant sur nous sa colère et son juste jugement. Les traces de notre vieille nature sont toujours présentes : cette vieille nature se rebelle contre le commandement divin qui ordonne d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée et de toute sa force, et d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Dans la vie des communautés, des pays ou des nations, cette nature rebelle s’est manifestée et se manifeste encore, prenant notamment la forme de la violence politique dont nous nous occupons aujourd’hui.

Cela dit, la foi chrétienne n’a pas de sens sans la repentance des œuvres mauvaises et sans la nécessaire réformation de la vie individuelle et communautaire par la Parole et l’Esprit de Dieu, le tout en vue d’une obéissance croissante au Seigneur Jésus-Christ. Voilà pourquoi il nous faut constamment retourner à la source de la foi chrétienne, c’est-à-dire à l’Évangile de Jésus-Christ. Non seulement les personnes en tant que telles sont appelées à une telle réformation, mais les communautés, les nations voire les empires doivent se soumettre à l’impératif du Seigneur Jésus-Christ, le Chef suprême de l’univers tout entier.

L’Évangile justifie-t-il la violence? On ne trouve nulle part dans le Nouveau Testament une telle justification. Jésus-Christ invite ses disciples à le suivre dans son exemple et son attitude. Même s’il est le Fils de Dieu et a le pouvoir d’invoquer des légions d’anges qui viendraient à son secours, en particulier au moment de son arrestation, il n’a pas recours à la violence, et dissuade ses disciples de le défendre par la force des armes.

Au chapitre 22 de l’Évangile selon Luc, nous lisons un passage significatif qui nous éclaire sur l’attitude de Jésus sur toute cette question. Il s’élève une dispute entre ses disciples pour savoir lequel d’entre eux est le plus grand. Jésus leur dit :

« Les rois des nations les dominent et ceux qui ont autorité sur elles se font appeler bienfaiteurs. Il n’en est pas de même pour vous. Mais que le plus grand parmi vous soit comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert. Car qui est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert? N’est-ce pas celui qui est à table? Et moi, cependant, je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22.25-27).

L’enseignement de Jésus ici est que le pouvoir ne doit pas se manifester comme volonté de domination, d’exploitation ou comme affirmation de supériorité, mais avant tout comme un service. Le Fils de Dieu devenu homme en a donné l’exemple le plus parfait.

Trouve-t-on dans le Nouveau Testament un quelconque appel à la violence physique ou morale pour forcer les non-chrétiens à se convertir? Non, on ne trouve nulle part de telles injonctions. Aucun appel à tuer les prétendus « infidèles », aucun « jihad », aucun recours à la force pour forcer des conversions. C’est en fait pacifiquement et bien davantage par le sang des martyrs chrétiens que l’Empire romain a été graduellement conquis par le christianisme. Certes, une fois au pouvoir, avec les tentations que celui-ci amène immanquablement, des chrétiens ont souvent été infidèles à cet esprit. Qu’on pense par exemple à l’empereur Charlemagne en Europe au 9siècle de notre ère. Mais je voudrais encore une fois souligner qu’il est nécessaire de retourner aux sources, c’est-à-dire à l’Évangile, pour juger du degré de fidélité ou d’infidélité des chrétiens à leur Seigneur. Car si l’on se tourne régulièrement et avec humilité vers le Christ des Évangiles, et vers sa Parole, ces derniers serviront toujours de correctif vis-à-vis des pratiques mauvaises d’hommes enclins par nature à haïr leur prochain.

Rappelons-nous aussi des paroles de Jésus-Christ dans l’Évangile selon Matthieu, au chapitre 7 : « Quiconque me dit “Seigneur, Seigneur” n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7.21). De son côté, l’apôtre Paul, le grand missionnaire, écrit au chapitre 10 de la lettre aux Romains que la prédication de l’Évangile demeure l’instrument par lequel Dieu travaille à la conversion des païens :

« Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler? Et comment entendront-ils parler de lui, sans prédicateurs? Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés? Selon qu’il est écrit : qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles » (Rm 10.14-15).

Les lettres de Paul sont remplies de vocabulaire militaire, mais il s’agit toujours d’images, d’analogies, de métaphores : les armes du chrétien sont des armes spirituelles. Par exemple, à la fin de sa lettre aux chrétiens d’Éphèse, Paul enjoint ses lecteurs à se revêtir de toutes les armes de Dieu afin de pouvoir tenir ferme contre les manœuvres du diable : entre autres la cuirasse de la justice, le bouclier de la foi, le casque du salut et l’épée de l’Esprit (Ép 6.10-17).

Cependant, quelqu’un dira : soit, le Nouveau Testament enseigne bien ce que vous dites et ne prône ni violence politique, ni violence religieuse, mais qu’en est-il de l’Ancien Testament, que vous considérez aussi, après tout, comme Parole inspirée de Dieu? Comment évaluez-vous par exemple le récit de la conquête de Canaan par Josué et les Israélites, récit marqué par la destruction des villes de Canaan et l’extermination des populations locales? Je ne nie pas en effet que ces récits soient présents dans l’Ancien Testament, puisque notre série « la Bible racontée aux enfants » les a aussi passés en revue. Il nous faut cependant bien comprendre leur fonction et le message qu’ils nous apportent aujourd’hui : ce sont des récits historiques décrivant des événements qui se sont passés il y a plus de trois mille ans, et qui ne sont pas destinés à être répétés. On ne pourrait en aucun cas les invoquer pour justifier une quelconque forme de croisade religieuse.

Par delà la conquête militaire de Canaan, aussi brillante qu’elle ait pu être, ces récits témoignent du jugement incontournable de Dieu sur le monde païen en rébellion contre lui. Le peuple de l’alliance, dans la mesure où il reste fidèle à Dieu, est radicalement distingué du reste des nations. Nous avons là une figure des choses à venir, c’est-à-dire de l’alliance scellée en Jésus-Christ et du jugement à venir, lequel est une réalité que la Bible ne cherche jamais à étouffer ou escamoter. Mais l’ère inaugurée par l’incarnation de Jésus-Christ est l’ère de la patience de Dieu, qui appelle toutes ses créatures à se repentir et à se tourner vers lui et qui use de la prédication de l’Évangile pour proclamer cet appel. Il est clair, à la lumière de l’Évangile, que la violence politique, qu’elle soit teintée de motifs religieux ou non, n’est nulle part à l’ordre du jour dans l’Évangile. À cet égard, l’exemple de Jésus-Christ parle plus que n’importe quel texte.

Examinons maintenant d’autres passages de la Bible, en particulier de l’Ancien Testament, pour mieux saisir la position de la foi chrétienne sur la question de la violence. La Bible ne fait pas mystère de ce que le jugement de Dieu se manifeste sur les nations impies. Cet aspect ne doit jamais être gommé de notre compréhension de la révélation biblique. Autrement, on se condamne à faire une caricature du Dieu vivant, qui serait réduit à un fantoche incapable de punir le mal. Même le Nouveau Testament, par exemple dans la lettre aux Hébreux, parle de « l’attente terrifiante du jugement et l’ardeur du feu prêt à dévorer les rebelles » (Hé 10.27).

Dès le début du livre de la Genèse, au moment du déluge, l’expression du jugement de Dieu, qui prend une forme radicale, est explicite. Mais notez bien que ce jugement n’est pas arbitraire : il est motivé par la violence et la corruption de la race humaine. Lisons ensemble un passage tiré du chapitre 6 de la Genèse :

« La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence. Dieu vit que la terre était corrompue; car toute chair avait une conduite corrompue sur la terre. Alors Dieu dit à Noé : J’ai décidé de mettre fin à tous les êtres vivants; car la terre est pleine de violence à cause d’eux; je vais donc les détruire avec la terre » (Gn 6.11-13).

Par la voix des prophètes, Dieu accuse les hommes pour leur violence. Par exemple, le prophète Ézéchiel proclame, au chapitre 7 : « Préparez les chaînes, car le pays est rempli de jugements criminels, la ville est pleine de violence » (Éz 7.23). Plus loin, au chapitre 45, il annonce :

« Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : C’en est assez, princes d’Israël! Faites cesser la violence et le pillage, pratiquez la droiture et la justice, délivrez mon peuple de vos expropriations » (Éz 45.9).

Le prophète Michée, quant à lui, s’en prend à ceux qui abusent de leur pouvoir pour spolier les plus faibles :

« Malheur à ceux qui méditent l’injustice et qui trament le mal sur leur couche! Au point du jour, ils l’exécutent, quand ils ont le pouvoir en main. Ils convoitent des champs et ils s’en emparent, des maisons et ils les enlèvent; ils oppriment le citoyen et sa maison, l’homme et son héritage. C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel : voici que je médite un malheur contre ce clan; vous n’en préserverez pas votre cou, et vous ne marcherez pas la tête levée, car c’est le temps du malheur » (Mi 2.1-3).

La Bible est réaliste en ce qui concerne l’abus de pouvoir et l’oppression des faibles par les forts. Le livre de l’Ecclésiaste, au chapitre 5, l’exprime de façon presque désabusée :

« Si tu vois dans une province qu’on opprime le pauvre et qu’on viole le droit et la justice, ne t’étonne pas de la chose : car un grand protège un autre grand, et il en est encore de plus grands au-dessus d’eux » (Ec 5.7).

Mais le mot d’ordre divin, par rapport à la violence, reste le sixième commandement : « Tu ne commettras pas de meurtre » (Ex 20.13). Mot d’ordre qui du reste n’est pas seulement applicable à l’Ancien Testament, mais également au Nouveau. Nous avons aussi vu que la violence (politique ou autre), fomentée par une nature humaine viciée, appelle une rétribution divine, dont témoignent aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament.

Ceci m’amène à bien préciser que, contrairement à l’idée moderne selon laquelle la nature humaine est bonne en elle-même, ou tout au moins perfectible grâce à l’éducation, au progrès, à la connaissance du passé ou aux échanges internationaux enrichissants, la foi chrétienne n’attend rien moins qu’une régénération du cœur de l’homme par l’Esprit de Dieu pour que ce cœur porte des fruits agréables à Dieu. Aucun optimisme béat sur l’homme n’est de mise en ce qui concerne la nature humaine après la chute. Or, seule l’œuvre de Jésus-Christ accomplie sur terre est le moteur d’une telle transformation, dont le but ultime est l’honneur et la gloire de Dieu, et rien d’autre. Tirons la conséquence de cet axiome : pour la foi chrétienne, la non-violence ne constitue pas en soi l’idéal ultime de l’action humaine. Si l’Évangile rejette la violence, politique ou autre, ce n’est pas pour faire de la non-violence une idole, un idéal religieux définitif. Encore une fois, la gloire et l’honneur de Dieu demeurent le but ultime de toute action humaine.

Voilà pourquoi, même dans le Nouveau Testament, on ne trouve pas de traces d’une idéologie de la non-violence, qu’on pourrait assimiler par exemple à des courants modernes, tels que le mouvement suscité en Inde par le Mahatma Gandhi. Dans la mesure où des lois justes et appliquées avec justice reflètent dans un cadre donné la loi divine, l’autorité publique peut et doit exercer une forme de violence à l’encontre des perpétrateurs de méfaits détruisant d’autres personnes ou d’autres groupes. N’en déplaise à beaucoup, le Nouveau Testament confirme que la peine de mort demeure la prérogative de l’État vis-à-vis des criminels.

Paul, au chapitre 13 de sa lettre aux chrétiens de Rome, déclare sans ambages :

« Celui qui s’oppose à l’autorité publique résiste à l’ordre de Dieu, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. Les gouvernants ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu ne pas craindre l’autorité? Fais le bien et tu auras son approbation, car elle est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, sois dans la crainte; car ce n’est pas en vain qu’elle porte l’épée, étant au service de Dieu pour montrer sa vengeance et sa colère à celui qui pratique le mal » (Rm 13.2-4).

Ce que dit Paul ici n’est pas en contradiction avec tout ce que le Nouveau Testament enseigne sur l’amour du prochain, puisqu’immédiatement après, le même Paul écrit que tous les commandements de la loi se résument dans cette parole : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait pas de mal au prochain; l’amour est donc l’accomplissement de la loi » (Rm 13.9-10). La loi de Dieu, à laquelle tous sont appelés à se soumettre, n’exclut pas qu’il y ait désobéissance et qu’une telle désobéissance puisse et doive être punie par ceux à qui Dieu a confié la charge d’exécuter ses jugements sur terre. Mais Paul place clairement une telle autorité, celle des pouvoirs publics, dans la perspective de la soumission à Dieu : « L’autorité est au service de Dieu pour ton bien » (Rm 13.4). Le pouvoir de l’épée, de la force publique, n’est pas au service des intérêts d’un particulier, d’une oligarchie ou d’une ethnie, mais au service de Dieu, qu’il doit lui aussi honorer. C’est dans ce cadre-là seulement que l’État a le devoir d’utiliser l’épée, ou toute autre arme, car, comme nous l’avons vu avec les paroles de Jésus-Christ, tout pouvoir confié par Dieu à des hommes doit être avant tout un service rendu, qui lui aussi glorifie le Seigneur.

Ne nous étonnons donc pas si, dans le Nouveau Testament, nous ne trouvons nulle trace d’une abolition de la profession des armes : celles-ci sont rendues nécessaires par une situation de péché dans laquelle les actes criminels doivent être réprimés sévèrement, pour autant qu’une justice impartiale soit rendue. N’oublions donc pas que l’autorité publique a, tout autant que les particuliers, le devoir impératif de réformer ses pratiques à la lumière de l’Évangile, en comprenant quelle est la nature du service que Dieu exige d’elle.

Dans le Nouveau Testament, le passage le plus éloquent indiquant cette direction est certainement celui de Luc, qui raconte comment des soldats sont venus trouver Jean-Baptiste, celui qui annonçait de près la venue du Messie, Jésus-Christ. « Des soldats aussi lui demandèrent : Et nous, que ferons-nous? Il leur dit : Ne faites violence à personne, et ne dénoncez personne à tort, mais contentez-vous de votre solde » (Lc 3.14). Tirant la conclusion de ce que je viens d’énoncer, il nous faut reconnaître que dans une situation de péché, d’oppression et de menaces, certaines guerres peuvent être justifiées. Si l’autorité publique est là pour la protection des citoyens ou des sujets, elle faillit à son devoir lorsqu’elle laisse une violence externe détruire ceux qu’elle est censée protéger.

Bien évidemment, il nous faut aussitôt mettre des bornes à une telle permission, qui peut très facilement se changer en licence de déclarer la guerre pour des motifs impurs de convoitise ou de soif du pouvoir. Quels sont les véritables causes et motifs de l’entrée en guerre d’un pays? Nous ne savons que trop que tout n’est jamais ni tout blanc ni tout noir, et que dans notre monde, la corruption de diplomaties tortueuses fabrique aussi bien des prétextes tronqués que des alibis vicieux. Cela ne dispense pourtant pas les chrétiens de réfléchir sérieusement à ces questions si vitales pour la marche de la société. Une autre borne consiste à déterminer quels sont les moyens licites qui peuvent être employés dans une guerre qu’on peut justifier. À notre époque, où les guerres dites « sales » se multiplient, et où le terrorisme met en jeu la vie des civils n’importe où et à n’importe quel moment, il est évident qu’aucune réponse facile ne peut être fournie. Que faire si l’ennemi utilise justement des armes qui nous paraissent illicites?

Voilà bien des questions en suspens, mais elles nous ramènent pourtant toutes à un point encore plus fondamental : l’arme la plus puissante du chrétien c’est sa foi et son allégeance inébranlable à Jésus-Christ. C’est avec cette arme-là que nous devons approcher ceux-là mêmes qui menacent d’exercer la violence à notre égard. Le Seigneur ne nous a-t-il pas enseigné :

« Mes chers amis, je vous le dis : ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps, mais qui n’ont pas le pouvoir de faire davantage. Savez-vous qui vous devez craindre? Je vais vous le dire : c’est celui qui, après la mort, a le pouvoir de vous jeter en enfer. Oui, je vous l’assure, c’est lui que vous devez craindre » (Lc 12.4-5).