Cet article a pour sujet l'état intermédiaire entre la mort et la résurrection, où le corps et l'âme créés par Dieu sont séparés, l'âme étant consciente, non dans un purgatoire, mais entrée dans un sort irréversible.

Source: Espérer contre toute espérance. 7 pages.

L'état intermédiaire

  1. Créés corps et âme
  2. Un sort irréversible et éternel
  3. La conscience de l’âme
  4. Un purgatoire?

1. Créés corps et âme🔗

Qu’advient-il aux croyants et aux impies entre l’instant de leur mort et celui de la résurrection générale? Nous tâcherons d’apporter une réponse biblique à cette question. Selon l’Écriture, l’homme a été créé de la poussière de la terre. Cette expression rend compte de la matérialité périssable du corps humain. Toutefois, l’organisme physique de l’homme n’est ni un accident dû au hasard ni un ajout secondaire apporté à son esprit. En un sens, on peut dire que l’homme est corps.

Sa personne a été organisée de manière matérielle et physique. Contrairement à la pensée païenne qui dévalue et méprise le corps, la révélation lui accorde une importance telle qu’elle le tient pour le lieu où séjourne Dieu lui-même; en effet, notre corps est le Temple de l’Esprit. Au point de vue biblique, la dichotomie entre corps et esprit et la dislocation de la personne sont des événements anormaux. Elles sont le salaire du péché. Le corps humain, de même que le reste de la création, a été créé bon et parfait.

La chair (sarx en grec) désigne le principe du mal, le péché asservissant l’homme déchu, mais la chair n’est pas l’équivalent du corps (sôma en grec; sarx la chair). Toujours selon la Bible, l’homme n’a pas été créé mortel. La mort survient comme le châtiment de son péché, mais elle n’est pas la cessation de toute existence. L’état intermédiaire est la période provisoire, ou le lieu dans lequel séjournent après leur mort, en attendant la résurrection des corps et le jugement dernier, aussi bien les croyants que les réprouvés. Ce n’est qu’après la résurrection générale des morts que les uns et les autres seront à nouveau et définitivement formés à nouveau. Leur personnalité connaîtra alors une nouvelle organisation « corporelle ».

2. Un sort irréversible et éternel🔗

Les indications bibliques sur l’état intermédiaire n’abondent pas. Il serait donc imprudent de s’adonner à une spéculation qui pourrait éventuellement satisfaire des curiosités, mais non rendre correctement compte de la réalité. Rappelons-nous que l’Écriture attire toujours notre attention sur notre vie temporelle présente, sur l’histoire de la foi dans l’intention de consoler et d’exhorter le fidèle. Car c’est au cours de cette histoire personnelle que la foi ou l’incrédulité de chacun doivent répondre à l’appel de Dieu. C’est ici et maintenant que l’on prend la décision avec une reconnaissante obéissante, d’entrer dans la vie éternelle. L’incrédulité qui refuse la faveur de Dieu signifie la faillite, non seulement pour l’au-delà, mais déjà ici et maintenant.

Notre sort éternel est le fait de la décision et de l’élection divines. Toutefois, il ne reste pas indépendant de notre décision personnelle temporelle. Si nombre de détails restent inconnus de la foi, nombre de textes bibliques éclairent suffisamment ce qui devrait être connu et retenu pour maintenir notre espérance toujours vivante et ferme. L’état intermédiaire est celui dans lequel notre personne sera « désincarnée », si l’on peut s’exprimer de la sorte. Ce n’est qu’après la résurrection et le jugement final que notre sort sera définitif. L’Écriture nous rend attentifs à cette situation irréversible. Il n’y a aucune base biblique pour croire à un salut après la mort. Le pécheur obstiné n’a aucun droit de s’attendre à la possibilité d’une conversion après sa mort.

Celui qui aura délibérément refusé et rejeté le Christ-Sauveur, mourant dans l’incrédulité, n’aura aucune chance de « récupérer » dans l’au-delà le salut de son âme. Notre pardon ou notre condamnation sont fonction soit de notre foi, soit de notre révolte ici-bas (Mt 25.31-46; Lc 16.26; 2 Co 1.10; Hé 9.27 ne laissent planer aucun doute à ce sujet).

Mais celui qui meurt dans le Seigneur a la suprême consolation d’apprendre que nulle menace ne l’attend de l’autre côté. Son salut, acquis au prix du sacrifice de la personne de son Sauveur, ne sera point compromis. Celui qui « s’endort dans la foi », qui « meurt dans le Seigneur », Dieu l’appelle vers lui (2 Co 5.6-8; Ph 1.21-23; 1 Th 4.13-18).

Les deux points préliminaires que nous venons de mentionner, à savoir la corporéité de notre personne et l’irréversibilité du sort éternel, sans épuiser la doctrine biblique de l’état intermédiaire, nous permettent d’en comprendre la nature.

Tournons-nous maintenant à proprement parler vers celui-ci.

3. La conscience de l’âme🔗

Depuis saint Augustin notamment, la théologie chrétienne affirme qu’entre la mort et la résurrection finale, dans l’état intermédiaire, les croyants endormis en Christ éprouveront la félicité, tandis que les impies subiront déjà la souffrance et la peine qu’engendre leur séparation d’avec Dieu. Au cours du Moyen Âge, cette conviction aboutit à la doctrine du purgatoire, commune aux catholiques romains et aux grecs orientaux.

En la rejetant, les réformateurs Calvin et Luther insistèrent sur la réalité de la félicité du fidèle, qui en sera parfaitement conscient. Une certaine théologie moderne, tant réformée que luthérienne, semble pourtant pencher vers une conception de l’état intermédiaire caractérisé non par l’état conscient des morts, mais par le « sommeil ».

Certes, ainsi que le fait remarquer le professeur Berkouwer, le Nouveau Testament ne parle de l’état intermédiaire que dans une sorte de chuchotement. De son côté, Anthony Hoekema fait la recension du terme psyché ou âme, qui s’applique ou désigne aussi bien les vivants que les morts (Mt 10.28; Ap 6.9; 20.4). On peut donc désigner légitimement par « âmes » ceux qui séjournent dans le séjour des morts. Parfois, le Nouveau Testament emploie aussi le terme de pneuma, esprit. Le célèbre terme de shéol, bien connu en hébreu, domine le vocabulaire de l’Ancien Testament. On peut le traduire par séjour des morts, tombeau, voire enfer. Le contexte décidera de notre choix. Genèse 37.35 et 1 Samuel 2.6 favorisent le premier sens, qui s’applique aussi à des images et figures représentant le shéol dans Job 17.13; Proverbes 27.20; Ésaïe 5.14.

Le second sens se rencontre dans le Psaume 141.7. Certains théologiens réformés estiment que shéol pourrait être rendu par le terme enfer (notamment dans Ps 9.18; 55.16 et Pr 15.24). Sans être tout à fait catégorique, on peut penser, en effet, que shéol pourrait désigner le lieu du châtiment éternel.

Ce qui est essentiel à la théologie de l’Ancien Testament c’est surtout l’attente de la délivrance du shéol. Le fidèle espère un sort meilleur que celui qui attend le réprouvé (Gn 5.24; Ps 17.15; 73.24). De son côté, tout le Nouveau Testament nous rassure en affirmant que la mort ne signifie pas l’anéantissement final de l’homme. Ici, c’est le terme de hadès qui apparaît. Il traduit en grec l’idée hébraïque du shéol. Toutefois, des termes tels que paradis et sein d’Abraham apparaissent aussi revêtus du sens d’un certain état intermédiaire où sont accueillis les croyants aussitôt après leur mort. Dans son discours de Pentecôte, Pierre reprend cette idée-là. Hadès, lui, désigne le séjour des morts. L’Apocalypse l’emploie fréquemment (voir notamment Ap 6.8; 20.13 où le hadès rend ses captifs). On peut penser que le hadès est l’équivalent de l’état intermédiaire pour les non-croyants morts dans leur rébellion. C’est dans ce sens-là que Matthieu 11.23 et 16.18 l’emploient, c’est-à-dire comme lieu de séjour des morts.

Un autre passage, qui à cet égard est unique, désigne par le terme ce lieu de tourments. Dans la parabole du riche et de Lazare, ce dernier, aussitôt après sa mort, est transporté au sein d’Abraham, tandis que le « mauvais riche » se trouve dans le hadès, où il est tourmenté (Lc 16.19-31). Bien que le terme se trouve dans une parabole et non dans un passage didactique, on ne peut pour autant en minimiser l’importance. Tout en restant une parabole, ce texte traite précisément des lieux de tourment et de félicité.

Tout ceci souligne que la mort n’est ni la cessation de l’existence ni même un arrêt de l’état de conscience de la personne. Il est clair que déjà, dans l’état intermédiaire, dans le séjour des morts, les réprouvés souffrent les tourments de leur séparation d’avec Dieu et que les fidèles, avant même d’entrer dans la vie éternelle après leur résurrection, jouissent déjà consciemment de la présence du Sauveur et de la proximité de Dieu. Selon le Psaume 73.18-19, on peut conclure qu’il n’y aura pas que les anges déchus qui seront voués aux tourments, mais encore les hommes impies.

Selon Luc 23.42-43, ce croyant se trouvera au paradis aussitôt après sa mort. Telle est l’assurance qu’offre le Christ crucifié au brigand repenti. Le terme réapparaît dans 2 Corinthiens 12.4. Il désigne alors le ciel. Dans Apocalypse 2.7, il est question de l’arbre de la vie. Philippiens 1.21-23 offre un autre aperçu sur l’état intermédiaire. Si la manière d’être avec le Christ n’y est pas écrite, le bonheur de s’y trouver n’en est pas moins réel.

Anthony Hoekema consacre une longue étude à 2 Corinthiens 5.1-8, que nous résumerons pour en dégager l’essentiel. Ce texte ne peut être compris à moins de lire attentivement le verset 1. Que signifie, en effet, « la tente qui se détruit »? Trois solutions ont été apportées à l’expression « ce qui sera rebâti par Dieu » : le corps, l’état intermédiaire (c’est-à-dire la forme d’existence entre la mort et la résurrection) et puis l’existence glorieuse du fidèle avec le Christ dans l’état intermédiaire.

À la suite de Calvin, A. Hoekema admet la possibilité de ces deux dernières solutions. Ainsi, « état intermédiaire » et « corps de résurrection » ne sont pas compris comme : « ou bien, ou bien », mais comme « et l’un et l’autre ». Le verset 1 annonce ce qui suit immédiatement après la mort. Aussitôt, nous aurons un domicile en attendant la résurrection finale. Nous entrons immédiatement dans cet état glorieux. Selon le verset 2, les nombreuses afflictions de la vie présente nous font désirer ardemment ce corps, notre nouveau domicile. La « nudité » est précisément le manque de la gloire à venir. Notre existence temporelle est une existence « dans la nudité ». D’où nos soupirs et la profonde anxiété que nous ressentons. Nous pouvons ainsi lire les versets 6 à 8.

Du fait que nous marchons par la foi et non par la vue, nous sommes éloignés du Seigneur. Il est donc question ici non pas de résurrection, mais de ce qui adviendra aussitôt après la mort. L’apôtre espère se trouver auprès de son Seigneur. Sans se livrer à une élaboration détaillée en ce qui concerne la proximité du Christ, il nous communique une certitude inébranlable. Puisque nous ne serons pas dans ce corps, nous serons affranchis de toute souffrance, de toute imperfection et de tout péché.

La présence du Christ est la source d’une très grande joie. La communion avec le Ressuscité est réelle et irrévocable. Une telle joie et un tel bonheur ne sauraient être éprouvés dans un état d’inconscience. En toute lucidité, croyants et impies se rendront compte de leur condition dans l’état intermédiaire, où ils seront introduits aussitôt après leur mort. L’expression biblique « sommeil de mort » ne veut pas dire état inconscient. Elle souligne simplement, de manière analogique, l’aspect physiologique de la mort. La personne décédée cesse d’être active. On peut parfaitement utiliser ce terme si l’on veut indiquer par sommeil la cessation de l’existence temporelle et terrestre.

Ces données et une telle connaissance, même imparfaite, ne peuvent que nous rassurer. La pensée de l’état intermédiaire apaisera notre angoisse. Dès notre dernier souffle, nous nous trouverons en la compagnie du Christ. Une compagnie qui sera éprouvée en toute lucidité! Celui qui a été notre Médiateur nous accueillera en sa qualité de Bon Berger. Mais le séjour des morts, lui, disparaîtra dès qu’apparaîtront les nouveaux cieux et la nouvelle terre.

En revanche, nous ignorons le rapport qui existe entre le séjour des impénitents, lieu provisoire de leur tourment, et l’état qui viendra après la résurrection finale et la restauration cosmique. Le terme d’enfer peut le désigner, sans que celui-ci évoque nécessairement un enfer dantesque… Quelques autres aspects, toujours entourés de mystère, seront évoqués dans le chapitre qui traitera du jugement dernier1.

Nous devrions consacrer une section de ce chapitre à deux autres thèmes : le purgatoire et l’annihilation.

4. Un purgatoire?🔗

Il ne fait aucun doute que les doctrines romaines de la confession auriculaire et du purgatoire furent dans le passé — et restent encore de nos jours — les deux puissants moyens par lesquels l’Église réussit à s’attacher ses fidèles. Nous nous attacherons ici à examiner l’origine historique de ce dernier à la lumière des données bibliques.

L’idée « germinale » de ce que nous appelons la doctrine du purgatoire remonte bien au-delà de l’ère chrétienne et se trouve déjà dans nombre de pratiques religieuses en Perse et chez les hindous. Elle est liée à l’idée d’une purification à travers le feu après la mort. Elle n’est pas étrangère aux croyances religieuses de l’Égypte, d’où elle est passée chez les Grecs et plus tard chez les Romains. Platon lui fait une place dans sa philosophie. D’après celle-ci, le bonheur après la mort n’est possible qu’à condition d’expier tous les péchés commis; si ces péchés sont beaucoup trop grands, il n’y a pas de rémission, mais une souffrance infinie. Les conquêtes d’Alexandre le Grand répandirent largement l’influence hellénistique, dont cette idée, qui gagna les pays de l’Asie occidentale jusqu’en Palestine.

C’est ainsi qu’elle s’infiltra dans la littérature juive extracanonique. On a voulu trouver une allusion au purgatoire dans le livre apocryphe de 2 Maccabées 12.39-45. Ce texte dit que Judas Maccabée envoya une certaine somme en Judée afin qu’on veuille prier en faveur des martyrs juifs de la répression étrangère, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés. Mais il ne dit rien d’autre.

Les débuts de la pensée chrétienne sur ce thème commencent avec l’hérétique Marcion, bien qu’on en trouve déjà des traces dans un autre écrit bien connu, Le Pasteur d’Hermas (2siècle apr. J.-C.). D’après ces écrits, Christ, après sa mort, se rendit dans le monde souterrain infernal, y prêcha aux esprits emprisonnés (interprétation incorrecte de 1 Pi 3.19) et les fit conduire triomphalement au ciel. À partir de ce moment commencera peu à peu la prière en faveur des morts qu’incluent les liturgies chrétiennes admettant implicitement l’idée du purgatoire. Elles supposent donc que le sort des morts n’est pas tout à fait définitif. Selon Origène (3siècle), la purification à travers le feu aurait lieu après la résurrection, à laquelle succéderait la restauration universelle, y compris celle des anges déchus (apokatastase). Le feu purificateur restaurerait tous les êtres dans la faveur de Dieu. On pourra ajouter que l’idée du sacerdoce clérical s’est introduite dans l’Église à partir de la fin du 2siècle. Augustin est le premier à donner à cette idée une forme définitive, bien que le grand docteur de l’Église ait eu des doutes sérieux au sujet du purgatoire.

Grégoire le Grand (590-604) lui donnera sa forme définitive, telle que nous la connaissons actuellement. À partir de lui, cette tradition, quelque peu floue, s’introduira officiellement dans les sphères d’une eschatologie mythologique. On admet l’idée que trois parties, le ciel, le purgatoire et l’enfer, forment le monde invisible.

La Réforme du 16siècle rejeta toute idée de purgatoire. On se rappellera la vigueur avec laquelle les réformateurs dénoncèrent l’abus des pratiques liées à cette doctrine. La croyance au purgatoire exerça une véritable terreur sur les consciences mal éclairées des fidèles chrétiens.

Voici dans les grandes lignes l’idée romaine du purgatoire : seuls les croyants ayant atteint l’état de perfection se rendront au ciel immédiatement après leur mort. Les adultes non baptisés et ceux qui après leur baptême commettent des péchés mortels et meurent sans confession iront immédiatement en enfer. La masse de ceux qui n’ont été que partiellement sanctifiés, ceux qui meurent dans la communion de l’Église (munis des saints sacrements), mais sont néanmoins encombrés de certains péchés véniels, se rendent après leur mort au purgatoire où, durant une période plus ou moins longue, ils doivent souffrir jusqu’à ce qu’ils soient purifiés de tous leurs péchés; ce n’est qu’après cette purification qu’ils pourront passer au ciel.

Tous les chrétiens (excepté les martyrs) — même de hauts représentants du clergé — se rendent au purgatoire pour payer pour des péchés commis durant leur existence terrestre; mais les sacrifices accomplis par les martyrs reflètent leur honneur sur l’Église et sont considérés comme des substituts adéquats pour la souffrance du purgatoire.

Le degré de souffrance serait variable. Certaines seraient très légères, d’autres pourraient rappeler celles de l’enfer, à la seule différence qu’elles ne seraient pas interminables. De toute manière, elles devraient être achevées au jugement dernier. Après celui-ci, le purgatoire sera tout à fait évacué de ses occupants.

Même le grand Thomas d’Aquin a soutenu que les tourments des réprouvés de l’enfer et des justes au purgatoire sont causés par le même feu! La moindre douleur du purgatoire dépasserait de loin la plus grande souffrance endurée sur terre…

Officiellement, l’Église romaine s’est abstenue de se prononcer sur l’intensité des souffrances endurées dans le purgatoire. Elle s’intéresse davantage à la durée de celles-ci, qui peuvent être abrogées suivant le nombre de prières prononcées en faveur des tourmentés et surtout suivant les sommes d’argent offertes à l’Église. Ces souffrances peuvent être déjà abrogées du vivant même du fidèle… s’il fait dire des messes pour lui-même ou pour les siens! Plus on donne satisfaction de son vivant, moins il reste de péchés pour être purgés après la mort…

Rappelons ici les grands principes évangéliques tels qu’ils furent redécouverts par la Réforme, pour mieux évaluer et refuser cette doctrine infondée. Sans nous adonner nécessairement à une polémique stérile et retomber dans un de ces conflits pouvant empêcher toute communion avec les fidèles romains, notre devoir est de dire que cette doctrine est sans doute parmi celles qui portent les atteintes les plus graves à l’intégrité de l’Évangile de la pure grâce. Énumérons brièvement nos objections.

L’Écriture affirme que Dieu ne fait acception de personne. Il ne remet pas les péchés plus tôt et plus complètement à celui qui, mieux pourvu en moyens matériels, aura été plus généreux dans ses dons et dans ses offrandes et fera dire des messes après sa mort! Le jugement de Dieu se fonde sur le caractère moral de la personne, non point sur ses ressources financières; car Dieu est un être moral.

Le désespoir du fidèle catholique romain peut être grand à l’approche de sa mort ou lors du décès d’un proche. Car quelle terrible perspective, pour celui qui ignore ou refuse de croire, avec l’Esprit et la Parole qui rendent pourtant témoignage à ce fait, que le Christ, le grand Berger, est présent lorsque son racheté rend le dernier soupir et vient le prendre avec lui.

Le grand principe biblique de la justification par la foi seule ne laisse aucune place à l’idée d’un purgatoire dans lequel le pécheur, même repenti, devrait purger lui-même ses péchés après la mort pour gagner le ciel. L’Écriture canonique ne laisse entendre nulle part l’existence d’un purgatoire. Elle ne fait mention d’aucune étape intermédiaire entre le ciel et l’enfer, mais uniquement de ces deux derniers, réservés le premier à ceux qui meurent en Christ, le second à ceux qui demeurent des pécheurs impénitents. Le sang du Christ est suffisant pour purifier le fidèle de tous ses péchés (Ph 3.9; Hé 9.27-28). Luc 23.43 notamment ne laisse pas entendre que le larron repenti devait purger ses fautes dans un lieu de tourment avant de se rendre au paradis que lui promit le Sauveur mourant. En outre, même si la certitude nous en vient d’une parabole (Lc 16.26) il est absolument impossible que ceux qui se trouvent dans un lieu de souffrance puissent se rendre au ciel (sein d’Abraham) et vice versa.

Par ailleurs, la théologie biblique et réformée ne reconnaît à la souffrance aucun pouvoir expiatoire.

Sur quoi l’Église romaine s’appuie-t-elle pour fonder cette doctrine? Elle cite entre autres les propos de Jean-Baptiste (Mt 3.11) d’après lesquels celui qui viendra après lui baptisera d’Esprit Saint et de feu. De même le passage bien connu de 1 Corinthiens 3.13, sur la purification à travers le feu des œuvres de chacun, ou encore Jude 1.22-23. Nous avons déjà noté que l’essentiel de cette doctrine puise ses arguments dans un livre apocryphe dans lequel, pourtant, nous ne trouvons que le fait que Judas Maccabée fit des dons en vue d’un sacrifice pour le péché.

Bien qu’une nouvelle interprétation théologique romaine cherche à donner à la doctrine du purgatoire un contenu pastoral, ce que nous ne discuterons pas ici, qu’il soit dit, pour conclure, que la seule purification des péchés — même par le feu — devra s’effectuer dès ici-bas dans la foi et la repentance. Déjà, de célèbres textes vétérotestamentaires nous orientent dans ces sens (Ps 51.9; És 6.7). Malachie 3.3 parle également de la purification des fils de Lévi, dès ici-bas, lors de l’apparition du Messie. Enfin, des passages du Nouveau Testament aussi clairs que Matthieu 8.3, Jean 15.2 et Hébreux 1.3 ne laissent aucune ambiguïté à ce sujet. « Aujourd’hui, donc si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Hé 3.8). C’est ici et maintenant qu’est l’heure du salut, c’est ici et maintenant qu’on se convertit à Jésus-Christ et que l’on reçoit le plein pardon de Dieu pour avoir libre accès au trône de la grâce.

Note

1. Voir mon article intitulé Le jugement dernier.