Cet article a pour sujet la proclamation de l'Évangile qui est la mission que Dieu a confiée à son Église avec le don de l'Esprit et par sa Parole. La communication du message révélé est possible et permet l'évangélisation.

Source: La communication de l'Évangile. 3 pages.

L'Évangile doit être proclamé

  1. L’impératif
  2. Le don de la mission évangélisatrice
  3. La Parole
  4. La communication est possible

1. L’impératif🔗

La mission proclamatrice de l’Église est l’événement capital, vital de toute l’histoire humaine. Le Seigneur à qui toute autorité a été donnée dans les cieux et sur la terre confie à son Église une mission dont il assure la pérennité et la poursuite par son Esprit ainsi que son efficacité par sa Parole.

Sa présence parmi les siens, jusqu’à la fin des siècles, est également assurée, partout où son nom sera annoncé.

Proclamer l’Évangile est la mission fondamentale de l’Église chrétienne.

2. Le don de la mission évangélisatrice🔗

La mission confiée à l’Église n’est pas premièrement un ordre et une tâche, bien qu’elle le soit, mais elle est avant tout un don céleste.

Notons le lien indissoluble entre l’Esprit Saint et le témoignage à rendre. La première page du livre des Actes ne nous parle pas du Saint-Esprit en soi, de manière isolée et détachée de la mission apostolique. Sa promesse est liée à ce témoignage, de même que plus tard elle le sera à son accomplissement. Comme le Saint-Esprit, la mission est le don que le Seigneur exalté fait à son Église.

Notons aussi en passant l’association entre la mission et le Royaume. Le Seigneur ressuscité met toutes choses dans leurs perspectives propres. Il associe son Royaume à l’exercice de notre mission. Il n’apprécierait certainement pas l’obsession de la futurologie de certains chrétiens évangéliques modernes, pour qui le Royaume est une affaire lointaine, objet seulement d’une attente future, mais sans grande incidence sur leur vie et leur témoignage ici et maintenant. Certains calculs futurologiques dispensationalistes ont la fâcheuse manie de substituer à l’espérance vivante et active biblique une sorte d’attente paresseuse du futur. Si nous tombons dans ce piège, nous ne bénéficierons d’aucune stimulation pour nous engager ici et maintenant dans la mission évangélisatrice. Dans ces interprétations futurologiques, il n’y a pas de proclamation hardie et dynamique de l’Évangile, mais un discours anémié.

3. La Parole🔗

La communication de l’Évangile est le domaine réservé au peuple de Dieu, son privilège. La foi chrétienne est essentiellement orientée par la Parole.

Le professeur Georges Gusdorf écrit :

« Les livres saints du christianisme affirment (eux aussi) la signification divine du langage. C’est la parole de Dieu qui a appelé le monde à l’existence. Dieu dit, et les choses sont; le Verbe est en lui-même créateur. Le sens de cette parole (ontologique) demeure présent à l’horizon de la pensée chrétienne, comme une visée de plénitude. La révélation chrétienne n’est autre que la Parole de Dieu, telle que la manifestent les livres saints. Et Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui opère une sorte de nouvelle création spirituelle de l’humanité, se présente comme le Verbe incarné; il est la Parole de Dieu faite homme à l’œuvre sur la terre, dans la plénitude de sa puissance, qui ouvre les yeux des aveugles et ressuscite les morts. Il y a d’ailleurs dans la Bible toute une théologie du nom, correspondant à cette ontologie du langage. Le Dieu des chrétiens est un Dieu caché, aucun nom ne nous livre son essence. Telle est déjà la leçon de l’Ancien Testament qui nous montre le Tout-Puissant se révélant à Moïse, en se présentant sous la désignation du fameux tétragramme hébraïque YHWH (abusivement transcrit Jéhovah). Or, ce nom de Dieu n’est justement pas un nom, mais seulement une affirmation d’existence, une forme verbale signifiant simplement : il est… L’homme devrait donc servir Dieu dans le monde en respectant sa parole. Le langage humain ainsi gagé par la providence divine assurerait l’ordre dans la piété.1 »

Le Dieu de la révélation est le Dieu de la Parole qui contient et transmet un message. Il le communique au moyen de la Parole prononcée verbalement (actuellement dans la Parole écrite). Le Dieu Parole nous a dotés de la faculté, et de toutes sortes de facilités, pour recevoir sa vérité relative à sa personne et tout ce qui nous concerne dans notre relation avec lui. Cette communication est organiquement liée à notre création. Des travaux de linguistique ont mis en évidence l’importance de ce facteur. Abandonnant les vieilles thèses évolutionnistes selon lesquelles le langage humain ne serait qu’un degré supérieur du langage animal, les linguistes, notamment ceux de l’école de Noam Chomsky, nous permettent — bien qu’ils ne professent pas la foi chrétienne en la révélation divine — de comprendre ce rapport entre la création à l’image de Dieu et la parole humaine. Bien qu’indirectement, ils confortent ce que nous connaissons déjà : c’est-à-dire notre création à l’image de Dieu. En tant que Trinité (ontologique), Dieu est en communication avec lui-même. Mais il nous a aussi créés de sorte que nous puissions mettre de l’ordre dans notre pensée et exprimer celle-ci au moyen du langage parlé ou écrit, pour entrer dans une communication signifiante avec notre prochain.

(Illustration du court métrage espagnol, l’homme dans la cabine téléphonique sans pouvoir communiquer; parabole, de la non-communicabilité en dépit des moyens modernes les plus perfectionnés de communication.)

4. La communication est possible🔗

Le fait que la communication soit possible constitue le premier facteur positif et encourageant de l’annonce de l’Évangile. Il ne faut pas en sous-estimer l’importance. L’Évangile et sa communication verbale ou écrite font partie intégrale du dessein divin.

Un autre facteur positif est notre certitude que jamais la Parole ne retourne à lui sans produire d’effet. Mais gardons toujours à l’esprit que le facteur de notre création à l’image de Dieu nous offre déjà en lui-même une certitude complémentaire; il nous assure à la fois la possibilité de l’entreprise d’évangéliser et sa réussite ultime. La Parole de Dieu est vérité et efficace. Elle n’est pas un logos dianoitikos, comme chez les Grecs (pas plus que la Parole dans le catholicisme romain dans lequel la seule chose efficace c’est le sacrement, agissant de manière quasi automatique, ex opere operato). L’homme a été créé afin de recevoir ce message et de le transmettre.

Les premiers récits des activités missionnaires de l’Église apostolique, révèlent la prédominance de termes tels que : proclamer, arguer, plaider en faveur de, exposer, témoigner, chercher à convaincre, etc. Paul proclame Jésus comme le Fils de Dieu, il annonce la Parole. Face à l’opposition juive, il parle avec assurance concernant les voies de Dieu parmi les hommes. À Éphèse, il parle avec hardiesse, argumentant au sujet du Royaume de Dieu et plaidant en sa faveur. À Jérusalem, il est sauvé in extremis par l’officier romain des mains d’une foule hostile prêt à le déchiqueter, aussitôt il demande la permission de s’adresser à la foule violente. Dans toutes les circonstances, une partie de l’auditoire répondra favorablement au message entendu, tandis qu’une autre partie rejette le message et le messager. La communication implique soit le partage soit le rejet, ce qui apparaît de l’objection hostile des Juifs de Jérusalem : « Ils cherchaient à le tuer », « ils étaient remplis de jalousie », « ils contredisaient ce que Paul disait », « ils sont obstinés et ils calomnient la voie ».

Un autre exemple d’un tel rejet se voit dans la confrontation de Paul avec les chefs juifs de Rome, qui répondent négativement à son appel, prétextant vouloir l’entendre une autre fois. Matin et soir, Paul exposait, témoignant du Royaume, cherchant à les convaincre au sujet de Jésus. Les partisans modernes du dialogue prétendent que la cause de l’échec de Paul auprès des Juifs, à Rome comme à Antioche, serait son obstination d’exposer, en pratiquant un monologue, au lieu d’entrer avec eux en dialogue. En effet, à Rome il commence avec Moïse et les prophètes. Peut-être un exemple plus frappant se trouve dans son discours prononcé sur la colline de Mars à Athènes (Ac 17.22-23).

Selon les critiques modernes de l’apôtre, pour pouvoir exposer une vérité, l’on doit connaître aussi bien la langue que la problématique, la manière dont ceux à qui on a affaire envisagent les choses. Paul, lui, ne s’est pas intéressé à la problématique de son auditoire et de ses interlocuteurs grecs ou juifs. Au contraire, il s’est obstiné à imposer son message sans tenir compte du cadre culturel de ses interlocuteurs, ou très peu, juste pour rendre son message clair afin qu’il soit compris de ses auditeurs. Il n’a pas contextualisé l’Évangile, pour employer un terme nouveau.

Nous admettrons, certes, qu’une connaissance du cadre, aussi bien social, linguistique que culturel de l’auditoire, est nécessaire, mais uniquement si on a l’intention de dialoguer, si l’on veut converser; mais cela n’est pas essentiel si l’on cherche à proclamer; telle est notre mission et c’est là le motif premier, interne, de notre évangélisation.

Un motif second, externe, pour cette mission de proclamation se trouve dans la sécularisation de la société et de la culture modernes, avec ses effets dévastateurs pour la foi. En tenant compte de ces deux motifs, la proclamation de l’Église et la sécularisation du monde moderne, nous aurons une vive conscience de notre responsabilité. La mission proclamatrice ne sera pas un acte purement externe, mais fera partie essentielle de l’organisme vivant qu’est l’Église.

Note

1. Georges Gusdorf, La Parole, pages 14-15.