Cet article a pour sujet le discernement de la volonté de Dieu sous la direction de l'Esprit, par l'écoute de la Parole et par la prière, afin de grandir dans la sanctification, dans la foi, la liberté chrétienne, la soumission au Christ et l'amour.

Source: Essai sur le Saint-Esprit et l'expérience chrétienne. 3 pages.

L'appel à la sanctification - Le discernement de la volonté de Dieu

Le Saint-Esprit nous permet de découvrir la volonté de Dieu. Entre lui et notre intelligence s’instaure une étroite collaboration; elle ne parviendra plus à de fausses conclusions concernant la volonté de Dieu sous prétexte de la discerner et se prêtant à des conduites anarchiques. L’homme de Dieu est devenu un adulte responsable vis-à-vis de la vérité et de la volonté révélées. Il ne transfère pas sa responsabilité à autrui, à un « médiateur » humain. S’il écoute Dieu dans sa Parole et s’il se laisse conduire par l’Esprit, il saura discerner la volonté divine et ce qu’il attend de lui dans telle ou telle circonstance. S’il le prie, le chemin lui sera indiqué, mais s’il cesse de tendre l’oreille à la Parole, c’est son propre cœur tortueux qui l’emportera sur les claires et salutaires instructions divines et sur l’ordre concret du Seigneur. Il serait impensable de comprendre la volonté de Dieu, telle qu’elle s’exprime dans sa loi, si on détachait celle-ci de son Législateur. Pour éviter cet accident, il faut prier. Sans la prière, nous ne connaîtrons pas d’authentique expérience chrétienne qui soit à la fois intime et forte.

La loi divine a cessé d’être une entité hétéronome pour nous faire entendre la voix du Père. Quiconque marche en nouveauté de vie ne tiendra pas la prédication de la loi pour superflue. Porter des fruits de l’Esprit1, c’est précisément accomplir les œuvres de la loi interprétée de manière spirituelle. Il existe une ressemblance frappante entre l’enseignement paulinien et les discours de Jésus relatifs à la loi. Aux yeux de Jésus, comme aux yeux de Paul, la loi n’a pas perdu de son actualité. L’amour est le commandement nouveau; il n’est rien d’autre que la reprise de l’ancien commandement de la loi qui, dès le début, était l’expression de la volonté de Dieu sainte, bonne et parfaite. Or, ce qui n’est pas le fruit de la foi et ne naît pas de la conviction de celle-ci est péché. La loi est essentiellement le contenu et la pratique de notre foi. Aussi l’homme de Dieu qui vit de la liberté de l’Esprit lui doit-il une obéissance radicale. Dieu ne veut pas seulement des actes bons, mais encore un homme bon. L’Évangile est explicite au sujet du lien entre la liberté et un service responsable. La liberté chrétienne et la soumission au Christ vont de pair (Jn 8.36).

La liberté chrétienne n’est pas la conséquence de nos propres aspirations, mais la condition produite par le miracle de la régénération. L’enfant de Dieu libre est en même temps le serviteur du Christ (« doulos » en grec). Le professeur Berkouwer citait C.H. Dodd à cet effet : « La phrase d’Augustin, “aime Dieu et fais ce que tu veux”, devrait être comprise à la lumière de la sanctification et de l’amour envers Dieu et le prochain. » Mais cette phrase ne révèle qu’un aspect isolé de notre attitude, son orientation dans l’amour porté à Dieu. La Parole nous entraîne plus loin encore et, comme nous l’avons vu, tout amour humain suppose la subordination à l’amour envers Dieu. Augustin n’a certainement pas voulu encourager un laxisme chrétien. Le Nouveau Testament ne nous laisse pas non plus à mi-chemin. Il trace une voie précise et que nous pourrons suivre, emportés par l’Esprit qui est le Seigneur. La justice chrétienne est supérieure parce qu’elle se manifeste dans un amour sacrificiel. Elle est une justice qui dépasse de loin celle des scribes et des pharisiens. Elle se traduit en l’amour qu’atteint et enveloppe même son ennemi (Mt 5.22).

En dépit du progrès difficile dans la sanctification, nous sommes convaincus, ainsi que le rappelle saint Augustin, que le croyant est loué non parce qu’il serait exempt de tout péché, mais parce que le péché en lui l’attriste profondément. Aussi lutte-t-il contre lui armé de toute la panoplie de l’Esprit.

Contre toute doctrine perfectionniste, la Réforme a fortement insisté sur le message biblique selon lequel la sanctification ici-bas n’est qu’un début. Saint Paul tient le chrétien pour un saint, non parce qu’il serait impeccable, mais parce qu’il a été transformé et traduit dans une nouvelle zone d’existence et qu’il cherche de toutes ses forces la sanctification. Luther dit que le chrétien est un malade convalescent qui, s’il ne se dépêche pas de guérir, risque de rechuter et de souffrir de maux plus graves encore. La vie entière est une thérapeutique acharnée contre l’action corrosive du mal. L’Église est un hôpital qui soigne les malades et soutient les infirmes.

Pour sa part, Calvin tient partiellement les chrétiens pour des « incroyants » qui doivent sans cesse avoir recours au Christ et attendre leur secours de lui seul. Néanmoins, Calvin n’a pas mis l’accent sur le côté incroyant, mais sur l’aspect de guérison du chrétien. La perfection devra être l’objectif à atteindre. On parle avec raison de deux sortes de perfection. L’une est celle de Jésus, l’autre celle qui caractérise le disciple dont les œuvres tendent vers la perfection, mais demeurent imparfaites en dépit de bonnes intentions et des efforts déployés! Nous parlons ici de la perfection non pas au sens wesleyen (que nous examinerons dans un autre chapitre2 et qui a malheureusement abouti au légalisme), mais en tant que perfection évangélique acquise par la foi au Christ et placée sous le signe eschatologique. Elle ne deviendra réalité que lorsqu’apparaîtra le Christ. Notre maturité se reflétera dans notre dépendance intime vis-à-vis du Christ.

Donald Bloesch rappelait un mot de P. Forsyth : « La perfection chrétienne est une affaire d’attitude et non d’accomplissement, de relation et non de réalisation, de confiance, non de comportement seul. » Essentiellement, il s’agit de la perfection de notre relation avec le Christ et non d’une perfection à caractère moraliste. Le Sauveur ne nous abandonne pas à notre péché; lorsque nous sommes entraînés par la foi, nous pouvons nous repentir. Mais si la promesse du pardon des offenses nous est accordée, nous n’obtenons pas pour autant l’assurance de l’éradication du péché en nous.

Parfois, il nous faut nous repentir autant de nos vertus que de nos vices, car le mal nous accompagne jusque dans nos bonnes œuvres. Cependant, l’amour parfait, celui du Christ, couvre une multitude de péchés. L’audace de notre foi et de notre liberté est un témoignage vibrant rendu à l’amour du Christ. Plus nous avançons dans la perfection, plus nous nous rendons compte de notre imperfection. Les conséquences de notre foi peuvent devenir visibles à autrui même si elles ne le sont pas à notre vue personnelle. Selon Calvin, si quelqu’un excelle en œuvres saintes, il se rend également compte qu’il a besoin de la compassion de Dieu manifestée en Christ. L’existence chrétienne est un mouvement circulaire qui commence par la foi et aboutit à la foi, qui ne saurait pas être remplacée par une autre attitude. L’authentique expérience chrétienne n’est pas uniquement piété personnelle, mais avant tout réconciliation achevée en l’œuvre parfaite du Médiateur et Sauveur.

À présent, nous savons que la mort du Christ est un fait qui confère un sens non seulement à notre existence personnelle, mais encore à l’histoire du monde. Le Christ ressuscité place devant nous une vie nouvelle qui participe à la sienne : « mort à soi-même pour vivre en Christ » est un admirable résumé de notre rupture avec le passé en vue de la plénitude offerte en Christ et par lui. La passion et la résurrection du Sauveur sont les fondements sur lesquels s’établit l’ordre nouveau. Notre passé, notre présent et notre avenir se trouvent entre ses mains, notre action également. Forts d’une telle assurance, nous pourrons rétablir les relations compromises par le mal et rencontrer notre prochain, le plus proche comme le plus éloigné; transformer toutes nos motivations au nom de sa vérité, de sa justice, de sa paix; accomplir nos œuvres bonnes, afin que tous puissent reconnaître l’homme de Dieu comme signe et témoin au milieu d’eux du Royaume d’amour et de sainteté.

Notes