Cet article a pour sujet le contexte du discours de Martin Luther sur la liberté chrétienne.

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L'arrière-plan du discours de Luther sur la liberté

« J’étais prisonnier du diable, perdu dans la mort.
Le péché, dans lequel je suis né, me torturait nuit et jour.
Je m’enfonçais de plus en plus. Il n’y avait rien de bon dans ma vie,
Le péché avait pris possession de moi. »

Voilà comment, dans un cantique célèbre, chanté jusqu’à nos jours (Nun freut euch, lieben Christen g’mein), Luther expose l’état de l’homme avant sa libération par le Christ et la foi en Christ. On a souvent évoqué cet arrière-plan de l’affirmation de la liberté chrétienne, souligné d’ailleurs par tous les réformateurs.

Il faut évoquer deux autres puissances qui, selon le réformateur, pèsent sur la vie humaine : la colère de Dieu et la loi. Tel est donc l’arrière-plan du discours de Luther sur la liberté du chrétien : c’est l’esclavage de l’homme, asservi aux puissances maléfiques et ployant sous le poids de son péché.

Luther est d’avis, et c’est ce qui l’oppose à la théologie du Moyen Âge finissant, que l’homme ne peut pas contribuer à la grâce permettant de se dégager de ces puissances oppressantes et de leur impact sur l’homme. En ce qui concerne Dieu et le salut, l’homme n’est pas libre, il ne peut se mettre en route vers Dieu ni coopérer à son salut. Il n’est pas en état de se libérer lui-même de son esclavage. Il a besoin d’un Sauveur. La liberté ne peut être qu’un don. « Elle est grâce et non pas nature. »

Sous cet angle, Luther a pu écrire, notamment dans le traité Du serf arbitre de 1525, que la liberté est, d’abord et exclusivement un attribut de Dieu.

« Le libre arbitre [la liberté] est un attribut divin et ne peut convenir qu’à la majesté divine. Celle-ci, en effet, comme le chante le psalmiste, peut faire et fait tout ce qu’elle veut au ciel et sur la terre. Attribuer [le libre arbitre] aux hommes, ce serait leur attribuer la divinité, c’est-à-dire proférer le plus grand blasphème que l’on puisse concevoir. »

Après avoir dit comment la liberté ne pouvait pas être acquise, Luther décrit de manière positive ce qui libère l’âme :

« L’âme n’a, ni au ciel ni sur la terre, rien par quoi elle puisse vivre de manière juste, libre et chrétienne, si ce n’est le saint Évangile, la Parole de Dieu, prêchée au sujet du Christ. […] Nous devons donc être certains que l’âme peut se passer de toute chose, sauf de la Parole de Dieu et que, sans la Parole de Dieu, rien ne peut lui être d’aucun secours. »
« À l’exclusion des œuvres, c’est la foi seule qui peut accueillir et honorer la Parole de Dieu. Il est donc évident que l’âme n’a besoin que de la seule Parole pour accéder à la vie et à la justice et qu’ainsi elle est justifiée par la foi seule et non par des œuvres. »

Pour décrire cette présence salutaire et libératrice du Christ, Luther a recours au thème classique du mariage. D’Éphésiens 5.30 à la mystique bernardine du 12siècle, on a bien souvent décrit les relations entre l’âme et le Christ par l’image du mariage. Luther ne parle pas de ce mariage en termes fusionnels ou sentimentaux, mais pour montrer qu’il y a entre l’âme et le Christ, comme dans le mariage, un échange, un « joyeux échange », dira-t-il.

« Christ est plénitude de grâce, de vie et de salut : l’âme ne possède que ses péchés, la mort et la condamnation. Qu’intervienne la foi, et voici, Christ prend à lui les péchés, la mort et l’enfer; à l’âme, en revanche [sont donnés] la grâce, la vie et le salut. Car il faut bien que le Christ, s’il est l’époux, accepte tout ce qui appartient à l’épouse et, tout à la fois, qu’il fasse part à l’épouse de tout ce qu’il possède lui-même.1 »
« Pour que nous puissions bien connaître ce qu’est un chrétien et savoir ce qu’il en est de la liberté que le Christ lui a acquise et donnée et dont saint Paul parle abondamment, je veux poser ces deux thèses : Le chrétien est un libre seigneur sur toutes choses et il n’est soumis à personne. Le chrétien est un serviteur obéissant en toutes choses et il est soumis à tout un chacun.2 »

Notes

1. Marc Lienhard, « Luther et la liberté chrétienne. » La Revue réformée, n244, oct. 2007.

2. Martin Luther.