Cet article a pour sujet l'art moderne à la lumière de la foi chrétienne. L'art moderne, par sa distorsion de la réalité, révèle la pensée religieuse des hommes sans Dieu, au lieu d'exprimer le sens et la beauté de la création de Dieu.

Source: Le chrétien et la société. 4 pages.

L'art moderne et la foi chrétienne

Je voudrais vous entretenir aujourd’hui de l’art moderne à la lumière de la foi chrétienne. L’art jouit de nos jours d’une très grande popularité. Il n’existe probablement pas une meilleure façon de comprendre une période donnée de l’histoire que d’en étudier l’architecture, la sculpture, la peinture et la musique. Les formes et les expressions de l’art reflètent toujours les idées dominantes d’une époque.

L’art romain avait exprimé admirablement la force et la puissance du peuple dont il fut l’œuvre. Les cathédrales du Moyen-Âge nous en apprennent davantage sur le passé des hommes que beaucoup de livres d’histoire. De même aujourd’hui, une étude attentive nous apprendra avec fidélité le type de civilisation dans laquelle nous vivons. L’art révèle non seulement la mentalité générale des hommes ou des peuples, mais encore leur pensée religieuse.

Prenons par exemple le cas de Rembrandt, le célèbre peintre néerlandais du 17siècle. Nous sommes toujours saisis par l’expression religieuse profonde et authentique de l’artiste. Dans le tableau de la crucifixion, un détail nous révèle la foi personnelle du peintre. Parmi les personnages qui y figurent, et un peu en retrait, vous voyez quelqu’un qui est vêtu non à l’orientale, mais à la mode néerlandaise. En vous approchant un peu plus, vous le verrez coiffé d’un bonnet de peintre. Vous pouvez en être certain que celui-ci n’est autre que Rembrandt lui-même. Par ce détail d’une importance religieuse de premier ordre, l’artiste a voulu exprimer sa foi. Il nous indique qu’il n’est pas étranger à la crucifixion du Christ. Qu’il est lui aussi coupable de l’érection de la croix. Il y confesse sa faute et nous dit sa repentance. Mais il confesse aussi sa foi au Sauveur.

On peut affirmer qu’à certains égards, l’art moderne est plus important que celui du passé. Aux yeux des multitudes, il jouit d’une vénération quasi religieuse. Il témoigne indéniablement d’une activité mystique. Il parle de la réalité humaine, de notre condition d’hommes. Ne nous étonnons pas s’il est amoral et anticonformiste. Son langage mystique est celui de l’anarchie et presque de l’irrationnel.

Ses expressions sont en somme étranges et demeurent parfois totalement incompréhensibles. Faut-il se réjouir de ce que très peu d’hommes, hormis des initiés, puissent le comprendre? La majorité des hommes n’en subit pas son influence. Il ne peut les égarer par le message qu’il transmet, car il veut bel et bien communiquer un message, même s’il ne parle pas le langage sensé et rationnel auquel nous sommes habitués.

Pourtant, son influence peut être celle d’un lavage de cerveau subi involontairement. Certainement, les hommes désirent participer à leur temps afin de vivre pleinement leur vie. Ils n’osent pas toujours avouer leurs opinions ni prendre position contre la tendance générale par peur du ridicule. Le snobisme veut que l’on suive le courant général. Et la nouveauté trouve toujours des adeptes fervents et des thuriféraires ardents. L’art étend son influence sans que l’on se rende toujours compte du message qu’il adresse. Son champ d’influence est vaste. Nous avons noté comment l’érotisme et la pornographie ne sont pas des phénomènes sui generis, ainsi que l’usage de la drogue et les mouvements anarchistes. Les révolutionnaires modernes se sont vite rendu compte de son importance dans la propagation de leurs idées et l’avancement de leur cause. On ne se trompera pas en affirmant que la révolution dans l’art avait précédé toutes les autres : sexuelle, psychédélique, ainsi que les multiples révolutions à caractère social ou politique.

L’art moderne est caractérisé par la distorsion de la réalité. Il est vrai que cette distorsion était déjà connue dans la peinture ou l’architecture du passé. Cependant, elle prend de nos jours une signification toute spéciale; l’école futuriste, par exemple, s’attaque au problème du temps. Elle veut montrer qu’un événement a lieu à plusieurs occasions. Alors, elle représente les événements comme s’il était possible de les regarder plusieurs en une seule fois. L’école cubiste, elle, fait la même chose avec l’espace. Sur un seul tableau, elle peint les quatre côtés d’une boîte. Certaines peintures modernes demeurent vraiment inintelligibles. Car elles ne sont pas des tableaux qui comportent un sens, mais l’expérience pure des lignes, des couleurs et de matériel.

Le message spirituel de l’art moderne est plutôt effrayant. Une certaine musique, par exemple, ne raconte pas d’histoire, comme le fait la Flûte enchantée de Mozart, mais elle décrit un cauchemar. Elle ne reconnaît pas l’existence d’une histoire qu’il faudrait raconter. L’art moderne, dans son ensemble, nous invite à mépriser la civilisation et à régresser au stade primitif de l’humanité. Des exemples extrêmes d’une telle conception sont les peintres Magritte et Delvaux. Tous les deux ont peint l’homme d’une manière vraiment effrayante. Le sens qu’on peut dégager de leurs tableaux, si l’on a réussi à les décoder, est tout à fait à l’opposé de la conception biblique et chrétienne de l’homme. Dans le « Rendez-vous » du premier, des feuilles bleues poussent comme des arbres géants. Il y a une forêt, un homme dans la forêt, monté à cheval qui avance vers une jeune femme. Celle-ci l’attend, mais elle a une tête de cheval! Car, selon le peintre, ce tableau surgit du fond de notre subconscient et affirme que nous sommes tous comme des animaux. Quant à Delvaux, il est certainement plus alarmant encore. Il peint l’homme avec des yeux ensommeillés, des maisons et des scènes fantastiques, des objets conventionnels à côté d’objets non conventionnels; une figure sur un squelette; un ancien grec occupant un grand ensemble moderne. Selon l’artiste, les critères et les normes du passé sont dépassés et décomposés. Nous n’avons pas à les respecter. D’où aussi la Mona Lisa de Léonard de Vinci, qui a reçu une moustache, œuvre d’un peintre d’avant-garde.

Quelle doit être la réponse chrétienne? Nous pensons que l’art à son tour, à la suite de la psychologie, de la littérature et des spectacles, ou d’autres activités humaines, refuse et rejette la révélation de Dieu. Il reste coupé de Dieu et il veut ignorer le motif biblique de la création, de la chute et de la rédemption. Il appartient aux chrétiens d’annoncer dans ce domaine aussi que le monde des choses comme celui de l’homme a été créé par Dieu. Si l’art moderne, ou même un certain art ancien, ne pouvait pas exprimer le sens et la beauté de cette création, la faute en est au mal qui se trouve en l’homme. L’incroyant qui prétend comprendre ou bien vivre la réalité ne vit que dans l’illusion. Pour le chrétien, nourri de la pensée biblique, la foi n’est jamais séparée de la vie de chaque jour et de tout ce que cela implique. Ainsi, l’art aussi bien que la technique doit faire l’objet de notre réflexion et de notre critique, mais aussi de notre sollicitude chrétienne.

Pour annoncer les vérités de l’Évangile, les chrétiens doivent connaître et comprendre l’art moderne. C’est ainsi que la réponse de Dieu adressée aux hommes concerne toutes les sphères de l’existence et leurs activités. La déchristianisation du monde moderne est en partie due à l’attitude des chrétiens qui ignorent ce que l’Évangile a à dire à l’homme moderne dans sa situation culturelle, sociale et politique. Il nous faut apprendre à dire avec charité, mais aussi avec intelligence, quelles sont les vraies causes de la pauvreté spirituelle et de la décadence de notre civilisation occidentale.

Nous devons être les premiers à dénoncer toutes les responsabilités et à protester contre toutes les formes d’exploitation exercées sur l’homme. Malheureusement, l’Église et les chrétiens acceptent dans un esprit conformiste contraire à l’Évangile ce que le monde de péché, de mal et de perversion offre. Or, Jésus-Christ est venu sauver et délivrer les hommes de toute forme d’esclavage et pour briser tous les jougs qui l’asservissent.

Nous devons expliquer aux hommes d’aujourd’hui que la création est l’œuvre parfaite de Dieu. Malgré les ravages du péché, la vie peut être vécue avec bonheur; que le travail, qu’il s’agisse du travail manuel ou artistique, a un sens. Notre humanisme sera authentique si nous le soumettons dans l’obéissance à la seule Parole de vérité et d’amour. Saint Paul écrivait aux Philippiens :

« Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées » (Ph. 4.8).

Il nous exhorte à vivre dans notre vie le bonheur de la liberté et la beauté dans l’ouverture à une existence totale. Nous pourrons aimer notre prochain si nous sommes renouvelés. Nous pourrons dialoguer avec l’artiste si nous-mêmes avons trouvé le seul critère de la réalité et de la beauté. Nous pourrons même promouvoir un art chrétien qui soit à l’honneur et à la gloire de Dieu. À cette condition, l’épanouissement intégral de l’homme sera une réalité. Par notre force, nous ne pourrons rien accomplir. Mais en Christ, le Seigneur ressuscité, une force nouvelle nous est promise qui pourra renouveler non seulement nos existences individuelles, mais aussi toute la vie sociale et ses manifestations culturelles. L’Évangile signifie la Bonne Nouvelle, celle de la libération. La vie humaine est précieuse aux yeux de Dieu; il a payé très cher pour nous racheter. Pourquoi la gâcher? Pourquoi maintenir une culture morigène?