Cette fiche de formation a pour sujet les implications pastorales des doctrines affirmées au Synode de Dordrecht dans les Canons de Dordrecht, en particulier la corruption totale de l'homme et l'élection divine.

Source: L'implication pastorale des doctrines. 16 pages.

L'implication pastorale des doctrines (5) - Application avec les doctrines du Synode de Dordrecht

  1. Le Synode de Dordrecht
  2. La doctrine de la corruption totale
    a. L’origine du péché et ses effets sur l’homme
    b. La propagation du péché et la responsabilité de l’humanité
    c. Le résultat du péché sur l’humanité
    d. L’insuffisance de la lumière naturelle
    e. L’insuffisance de la loi de Dieu
  3. L’élection inconditionnelle
    a. Dieu a le droit de condamner tous les hommes
    b. L’amour libre et souverain de Dieu pour des pécheurs perdus
    c. La misère de l’incrédulité et le don merveilleux de la foi
    d. La grâce de Dieu est discriminatoire
    e. En Jésus-Christ, Dieu nous a élus depuis toute éternité
    f. L’élection est la fontaine de tout bien salutaire
    g. Les bienfaits pratiques de la certitude de notre élection
    h. Ne perdons pas courage si nous ne sommes pas certains de notre élection

1. Le Synode de Dordrecht🔗

Le Synode de Dordrecht est un synode national de l’Église réformée néerlandaise qui s’est tenu à Dordrecht aux Pays-Bas durant 154 séances de travail, entre le 13 novembre 1618 et le 19 mai 1619. Des représentants de huit pays étrangers furent invités et participèrent au vote1.

L’objectif du synode était de régler une querelle théologique qui était apparue avec l’enseignement de Jacob Arminius (1560-1609). Après la mort de celui-ci, ses partisans émirent des objections à l’enseignement de Jean Calvin et de Théodore de Bèze, qui furent publiées dans un document appelé la Remonstrance de 1610. On appela ces opposants arminiens ou remonstrants. Ils enseignaient que la corruption de l’homme est partielle, que l’élection s’établit sur la base de la foi prévue (prescience), que l’expiation est accomplie pour l’ensemble des hommes, qu’il est possible de résister à la grâce, qu’il est possible à un élu de perdre le salut2. Treize représentants des remonstrants étaient présents lors du synode.

Le synode s’est conclu par le rejet des positions arminiennes. À ces cinq points, le synode répondit en affirmant que la corruption de l’homme est totale, que l’élection est sans condition, que l’expiation est accomplie pour les élus, que la grâce est irrésistible, que les véritables croyants reçoivent aussi la grâce de persévérer. Cette décision est connue sous le nom de Canons de Dordrecht, le mot « canon » ayant le sens de règle. Il ne s’agit pas d’une exposition complète de la doctrine réformée, mais d’un exposé sur les cinq points contestés3.

Au cours de ce même synode fut prise la décision de traduire la Bible en néerlandais, à partir des textes originaux hébreux et grecs.

On peut regretter que, en vertu de la collusion très forte qui existait alors entre l’Église réformée et l’État, quelques défenseurs des remonstrants aient été sévèrement condamnés (Johan van Oldenbarnevelt, Hugo Grotius, Gérard Vossius).

Dans les pays anglo-saxons, on a utilisé un moyen mnémotechnique pour désigner et retenir ces cinq points. Le mot TULIP réunit en effet la première lettre des cinq doctrines concernées : Total depravity – Unconditional election – Limited atonement – Irresistible grace – Perseverance of the saints.

Ces cinq points de doctrines sont, aujourd’hui encore, reconnus comme constituant une partie importante de l’héritage de la Réforme calviniste et une protection contre des dérives toujours actuelles. Pour chacun d’eux, il est possible de trouver une « doctrine correctrice » qui, sans le contredire, en empêchera un mauvais usage.

Des cinq points du Synode de Dordrecht, nous en présentons deux ici.

Dans ce chapitre, certaines implications pastorales sont suggérées en même temps que la présentation de la doctrine; ces implications pastorales apparaissent en caractères italiques.

2. La doctrine de la corruption totale4 🔗

La Réforme calviniste, puis les Canons de Dordrecht, affirment que l’homme, en conséquence de la chute, n’est pas seulement abîmé ou amoindri par le péché, mais qu’il est entièrement corrompu et sous l’empire de la mort. C’est la doctrine de la corruption totale (Total depravity) qui est assurément une doctrine que l’on pourrait qualifier de pessimiste, voire désespérante. Ce faisant, elle présente la personne et l’œuvre de Jésus-Christ comme d’autant plus nécessaires et glorieuses. Cette doctrine (qui est présentée en troisième position dans le texte original) se développe en cinq paragraphes.

a. L’origine du péché et ses effets sur l’homme🔗

Je cite Dordrecht :

« L’homme a été créé entièrement saint. Mais s’étant détourné de Dieu sous l’inspiration du diable, et cela de sa libre volonté, […] il a attiré sur lui l’aveuglement, d’horribles ténèbres, la vanité et la perversité de jugement dans son entendement, la méchanceté, la rébellion et la dureté dans sa volonté et dans son cœur, de même que l’impureté dans toutes ses affections » (III.1).

Que voyons-nous ici? Nous voyons que la chute est un événement distinct de la création. Ainsi, la création n’est pas mauvaise et la matière n’est pas méprisable en soi. La création a été corrompue par la désobéissance de l’homme, à l’instigation d’un ennemi. Au commencement, tout ce que Dieu a créé était « très bon » (Gn 1.31). La création souffre, soupire et attend la manifestation du règne de Dieu (Rm 8.19-22).

Implications : Cette doctrine est importante, car elle implique un regard chrétien sur la création. En aucun cas, l’homme ne devrait être insensible envers la création qui est au bénéfice des soins de Dieu. L’alliance avec Noé comprend aussi tous les animaux (Gn 6.18-21; 9.8-10), que Dieu nourrit (Ps 36.7; 104.27; 147.9; Mt 6.26), dont il connaît les souffrances (Dt 5.14; 22.6; Jon 4.11; Mt 10.29) et qui sont souvent cités comme exemple (Ps 84.4; És 1.3; Jr 8.7; Mt 10.16). Nous attendons, selon la promesse de Dieu, « de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice habitera » (2 Pi 3.13).

Il est rappelé que « l’homme a été créé entièrement saint », ce qui nous préserve de considérer la corruption comme une chose naturelle ou banale, sous le prétexte que tous y seraient assujettis. Ainsi, toute forme de mensonge, par exemple, altère notre vocation5, offense Dieu6 et fait de l’homme une cause de confusion là où il était appelé à « cultiver et garder » (Gn 2.15). C’est pourquoi Paul écrit que les hommes sont inexcusables (Rm 1.21).

Cette doctrine rappelle qu’il n’est pas convenable, pour l’homme, de se comparer à ses semblables, pour s’excuser, pour atténuer l’importance de ses détours (Mt 7.3; Rm 2.15; Ga 6.3-4; Jc 1.22-24) ou pour se poser en victime7. La Parole de Dieu invite chacun à regarder à lui-même (Lc 18.11) et à considérer l’écart qui existe entre ce que Dieu veut pour lui et ce qu’il vit réellement (Ps 51.3-6; 139.23-24). Ainsi est introduite la notion de repentance (Rm 2.1) qui accompagne nécessairement la proclamation de l’Évangile. Nous avons dit ceci, dans un autre cours : le premier mal n’est pas une blessure, c’est une transgression.

Considérons la situation malheureusement classique d’un couple en difficulté : chacun des conjoints voit bien ce qui n’est pas juste chez l’autre et la souffrance qui en résulte pour lui-même. Comment avancer? La situation sera au bénéfice de la grâce dès lors que l’un des deux (l’homme ou la femme), sera en mesure de dire : J’ai mal agi et je te demande pardon pour cela.

Nous voyons aussi que le péché n’était pas en l’homme, mais qu’il était extérieur à lui et qu’il est survenu à l’instigation d’un autre, le diable. Cependant, l’homme n’a pas péché par contrainte, mais volontairement : « de sa libre volonté ». Ainsi, quand bien même il serait aussi une victime, l’homme ne devrait pas se considérer d’abord comme victime : chronologiquement, le premier mal sur la terre n’est pas une blessure, c’est une transgression.

Cette doctrine rappelle que la dignité de l’homme est liée à une responsabilité. On parle aujourd’hui du « syndrome de victimisation » qui installe certaines personnes ayant subi un préjudice dans une posture de plainte et d’assistanat qui peut finir par devenir une véritable prison psychologique et sociale. Cela peut aussi se constater dans le cadre de la famille, y compris chez les enfants. Pastoralement, il est extrêmement important de prendre sérieusement en considération toute souffrance exprimée, sans pour autant voiler la responsabilité fondamentale de chacun, y compris celle de celui qui a souffert.

La prise en considération de ce double statut de victime et de pécheur est importante dans l’accompagnement des personnes victimes de possession démoniaque, par exemple. Il est en effet nécessaire d’aider la personne à dissocier sa personnalité de celle des mauvais esprits, afin qu’elle comprenne que l’on peut s’adresser à elle et à eux sans les confondre, afin qu’elle puisse crier à Dieu pour implorer son secours et se positionner elle-même par rapport à l’Ennemi qui l’oppresse.

Les conséquences de cet acte de désobéissance sont innombrables et couvrent la totalité des maux qui se commettent sur la terre. Ces maux, en effet, affectent l’homme entièrement. Dire cela rend-il inutile toute œuvre d’éducation, toute démarche thérapeutique, tout investissement politique? Certes pas. Mais cela ne pourra se faire en ignorant l’état réel du cœur de l’homme, si on espère autre chose qu’un voile sur la réalité, des solutions précaires ou une apparence de bien8.

Cette doctrine, paradoxalement, nous empêche de regarder le monde avec mépris. La doctrine de la corruption totale — qui affirme que l’homme ne mérite rien, pas même l’air qu’il respire — est accompagnée par la doctrine de la grâce générale qui affirme que Dieu, malgré sa colère légitime (Rm 1.18-32), prend patience et manifeste sa bonté de multiples manières (Ps 36.6-7; 104.13-14; 145.16; Ac 14.16-17). S’il le fait, nous pouvons le faire aussi (Lc 9.54; Mt 5.43-45)9.

La doctrine de la grâce générale (doctrine « correctrice », ici) empêche la doctrine de la corruption totale de nous conduire dans une forme de mépris des hommes, de dureté, de passivité ou d’ingratitude coupables. Le chrétien sait que Dieu a été patient avec lui et qu’il l’est encore! Cela le conduit à être patient à son tour, non seulement avec ses frères et sœurs dans la foi, mais aussi envers ceux qui ne le connaissent pas (1 Co 4.7). Plusieurs parmi eux seront comptés parmi les rachetés, un jour.

Et tous, quand bien même ils ne le savent ou ne l’acceptent pas, sont au bénéfice de la grâce générale de Dieu qui leur prodigue maints bienfaits chaque jour. Ces bienfaits sont tels qu’ils en produisent d’autres, dont nous sommes au bénéfice, les uns et les autres. Serons-nous ingrats à cet égard? Certains non-chrétiens font de la grâce de Dieu un meilleur usage que certains chrétiens. Tout soin (même imparfait), toute autorité juste (même imparfaite), tout esprit de service (même imparfait), tout acte de courage ou de justice (même imparfaits), de même que le soleil, la pluie, les récoltes, chaque vie qui naît, chaque jour, chaque heure qui passe nous parlent de la bonté de Dieu envers sa création tout entière (Ps 33.6; 36.6-7; Ac 14.16-17).

b. La propagation du péché et la responsabilité de l’humanité🔗

Je cite Dordrecht :

« Par le juste jugement de Dieu, la corruption a dérivé d’Adam sur toute sa postérité, excepté Jésus-Christ seul; et ceci non pas par l’imitation, mais par la propagation de la nature corrompue » (III.2).

Pélage, au 5siècle, a écrit que nous péchons par imitation. Il est vrai que nous péchons aussi par imitation, mais ce n’est pas la cause première. La cause première est que nous sommes tous héritiers de la nature corrompue d’Adam. Ainsi, aucun homme, pas même un enfant, ne se trouve aujourd’hui dans la situation d’Adam avant la chute. En d’autres termes, je ne deviens pas pécheur parce que je commets des péchés, mais je commets des péchés parce que je suis pécheur de nature, étant héritier d’Adam et d’Ève. « Le cœur de l’homme est disposé au mal dès sa jeunesse » (Gn 8.21; voir Pr 22.15)10.

L’apôtre Paul établit qu’il y a deux humanités : une « en Adam » et une « en Christ » (Rm 5.15-19). De nature, tous les hommes sont héritiers d’Adam, sans exception, hormis Jésus-Christ. Jésus est, lui aussi, notre représentant, dans son obéissance, dans sa mort et dans sa résurrection, de telle sorte que, par la foi et par notre union avec lui, sa justice nous est imputée, de telle sorte que sa mort devient notre mort et sa résurrection la nôtre également11.

Cette doctrine nous rend absolument dépendants de Jésus-Christ et de lui seul. Est-il possible pour un homme, fut-il le meilleur ou le plus religieux, d’échapper à cette condition et au jugement qui lui est attaché? Cela est impossible, sinon en Jésus-Christ, né dans une condition semblable à la nôtre pour devenir un nouvel Adam (1 Co 15.45), le premier d’une nouvelle humanité rachetée, régénérée.

Et le bébé qui vient de naître : est-il donc regardé comme pécheur? La Bible répond oui : sa nature n’est pas différente de celle de ses parents. Cela est évidemment porteur d’implications sur l’éducation que nous devons donner aux enfants, dès leur plus jeune âge (Pr 22.15).

c. Le résultat du péché sur l’humanité🔗

Je cite Dordrecht :

« C’est pourquoi tous les hommes naissent enfants de colère, incapables de tout bien salutaire, enclins au mal, morts dans le péché et esclaves du péché. Sans la grâce de l’Esprit qui régénère, ils ne veulent ni ne peuvent retourner à Dieu, ni se disposer à l’amendement de leur nature dépravée » (III.3).

La question qui peut se poser est celle-ci : la condition de l’homme a-t-elle changé depuis le péché d’Adam et Ève? Les présupposés de la philosophie progressiste conduisent à penser que oui, mettant à un niveau semblable les progrès techniques, scientifiques, moraux et spirituels. Mais cela suppose que l’homme est seulement amoindri dans ses facultés, gêné dans sa liberté de faire le bien. Ainsi, avec les générations, il deviendrait capable de s’amender, de restaurer ses facultés perdues, de contribuer à l’édification d’un monde meilleur.

À cela, Dordrecht répond, avec la Bible, que l’homme n’est pas davantage en mesure de pratiquer un seul bien salutaire que s’il était mort. « Lorsque nous étions sans force, Christ est mort pour des impies » (Rm 5.6). « Nous étions par nature des enfants de colère, comme les autres », dit encore Paul, incluant par là Juifs et Grecs (Ép 2.3).

Le pasteur canadien Paulin Bédard exprime ainsi la compréhension calviniste du péché et du salut :

« L’homme ne peut pas coopérer avec Dieu12 pour s’arracher des griffes du diable ou sortir de la prison du péché et se tourner vers Dieu. […] Dès lors que je me tourne vers lui pour lui demander son secours, c’est que Dieu a déjà commencé à agir dans mon cœur pour m’attirer à lui. Cela devrait nous pousser à l’adorer de tout cœur. Quel Dieu plein de grâce! »13

Cette doctrine rappelle que le Sauveur ne vient pas seulement aider l’homme ou compléter ce qui lui manquerait. Il le sauve! La compassion, la patience, la douceur ne doivent pas laisser ouvertes des portes qui feraient croire à l’homme qu’il peut se confier en lui-même. Ces fausses pistes seraient une manière de demeurer dans l’ombre et constitueraient des impasses. En d’autres termes, si la chute est partielle, le Sauveur est partiel. Dans ce sens, il est aisé de constater qu’il existe probablement bien des conversions partielles qui ne portent pas ou que peu de fruits. Cela doit conduire les pasteurs et les anciens à ne pas travailler superficiellement, à ne pas agir principalement au niveau des sentiments, des émotions ou des activités de l’Église, mais à présenter l’Évangile d’une manière intègre et juste. La croix n’est pas seulement la mort de Christ à ma place. C’est aussi ma mort avec lui et en lui. C’est « la mort de la mort par la mort de la croix! »

d. L’insuffisance de la lumière naturelle🔗

Je cite Dordrecht :

« Il est vrai qu’après la chute, il a subsisté dans l’homme quelque lumière de nature; grâce à elle, il conserve encore une certaine connaissance de Dieu et des choses naturelles, il discerne entre ce qui est honnête et malhonnête, et montre avoir quelque pratique et soin de la vertu et d’une discipline extérieure. Mais tant s’en faut que, par cette lumière naturelle, il puisse parvenir à la connaissance salutaire de Dieu, et se convertir à lui » (III.4).

Certains peuvent dire : « Est-ce que vous n’allez pas trop loin? Vous parlez sans cesse de l’homme corrompu et mort dans ses péchés. L’homme n’est quand même pas si mauvais que cela. Regardez autour de vous. Nous avons des voisins non chrétiens sympathiques. Ce ne sont pas tous de vilains meurtriers. Il y a beaucoup de braves gens agréables à côtoyer qui viennent en aide aux autres. Est-ce que ce ne sont pas de bonnes personnes? »

Ce paragraphe 4 répond à cela. Après la chute, l’homme n’est pas devenu un animal ou un démon. Il reste un homme, capable de s’émerveiller de ce qui est beau, de s’offusquer de ce qui est mauvais. Comme dans la nuit Dieu a placé la lune et les étoiles pour éclairer quelque peu et permettre de se diriger, un reste de lumière subsiste après la chute. Ce « peu » de lumière permet non seulement à la vie de subsister (on pourrait parler d’une grâce de survie14), mais elle rend également possible un certain développement dans la connaissance et des progrès dans les domaines scientifiques, technologiques et médicaux, par exemple.

En somme, c’est spirituellement que l’homme est mort après la chute. Cela affecte inévitablement sa vie physique et psychique (volonté, intelligence, sentiments), mais ne l’abolit pas. Ainsi, toute personne « conserve encore une certaine connaissance de Dieu et des choses naturelles, elle discerne entre ce qui est honnête et malhonnête », dit Dordrecht, mais le bien qu’elle accomplit « n’est pas à salut, pas même à justice » (voir Rm 2.14-16).

Que signifie cette expression : « pas à salut, pas même à justice »? Elle signifie que si Dieu, par sa grâce, permet aux hommes irrégénérés d’accomplir de bonnes choses, cela ne peut être compté comme des œuvres démontrant la foi, qui rendraient ceux qui les pratiquent justes aux yeux de Dieu15.

Cette doctrine permet au chrétien d’être ni angélique ni méprisant. Ainsi, quand nous parlons à des non-chrétiens, nous parlons à des personnes qui ne sont pas entièrement ignorantes des vérités qui concernent le bien, le mal, le juste et l’injuste ou encore Dieu; et si elles peuvent être dites ignorantes, c’est à cause de leur endurcissement, comme le dit l’apôtre (Ép 4.18). Ainsi, point n’est besoin de parler un langage naïf ou enfantin, et encore moins séducteur. La vérité doit être dite avec amour, simplement. La révélation du péché et de la grâce ne peut venir que de Dieu (1 Co 2.12).

Le chrétien sait ce qu’il est lui-même, par sa nature : en aucun cas meilleur que les autres (1 Co 9.27; 1 Tm 1.15). Est-ce une raison pour se conformer au monde? Loin de là! (Rm 6.1-6; 12.2; Co 3.1-4). Mais c’est une raison pour ne pas se placer au-dessus des autres, pour ne pas se vanter, pour veiller sur soi-même afin de ne pas chuter, pour n’exclure personne, car le plus grand pécheur aujourd’hui peut donner gloire à Dieu demain, si son cœur est touché à salut.

e. L’insuffisance de la loi de Dieu🔗

Je cite Dordrecht :

« Il en va du Décalogue, que Dieu a particulièrement donné aux Juifs, exactement comme de la lumière naturelle. En effet, il manifeste la grandeur du péché et en rend l’homme de plus en plus convaincu. Mais il ne donne aucun moyen ni n’apporte aucune force pour sortir de cette misère » (III.5).

Les commandements de Dieu peuvent-ils faire mieux que la lumière naturelle? Certains disent que oui. En obéissant à la loi de Dieu, ils croient que l’homme pourrait retourner vers Dieu et obtenir sa faveur. D’autres s’imaginent qu’avec une meilleure éducation ou une plus grande discipline, nous pourrions avoir la force et la volonté de mener une vie plus juste. Ce sont là de faux espoirs! La loi est incapable, elle aussi, de nous sauver. L’apôtre Paul l’a démontré dans sa lettre aux Romains.

Ce n’est pas qu’il y aurait un problème avec la loi. Elle est sainte, juste et bonne (Rm 7.12). Le problème n’est pas dans la loi, il est en nous. Mais ce problème est révélé par la loi qui indique quelle est la volonté juste de Dieu sans donner la force de l’accomplir (Rm 8.3). Ainsi, la loi qui est juste et bonne a-t-elle un ministère de condamnation (Rm 7.7-11) qui peut se manifester de deux façons : révéler l’état de rébellion en animant le désir de la transgresser, ou susciter un désir illusoire de la mettre en pratique, qui conduira au légalisme ou à l’hypocrisie. Dans les deux cas, elle est comme un miroir qui dévoile le véritable état dans lequel nous sommes (Jc 1.22-23)16. Par la grâce de Dieu, le désespoir peut conduire le pécheur à Christ.

Nous nous souvenons de la deuxième question du Catéchisme de Heidelberg : « Combien de choses dois-tu savoir pour vivre et mourir dans cette heureuse assurance [d’appartenir à Jésus-Christ]? » La réponse tient en trois points dont le premier est celui-ci : « D’abord, combien sont grands mon péché et ma misère. » En réalité, il s’agit à proprement parler d’une révélation qui accompagne celle de la sainteté de Dieu (Ps 7.12; Ha 1.13). Cette double révélation prépare celle de l’amour immense de Dieu, comme nous l’apprend l’épisode de la femme pécheresse mouillant de larmes les pieds de Jésus (Lc 7.36-43). C’est pourquoi les deux autres éléments de réponse à la question du Catéchisme de Heidelberg sont : « Ensuite, comment j’en suis délivré. Enfin, quelle reconnaissance je dois à Dieu pour cette délivrance. »

Cette doctrine nous humilie, nous brise, et nous conduit, par la foi en Jésus-Christ, à une reconnaissance infinie et à une très grande joie.

Cette humiliation et cette joie ne sont donc pas contradictoires. Elles forgent, au contraire, le caractère chrétien et sont toutes les deux bien présentes alors que nous partageons le pain et le vin du repas du Seigneur. Tout au long de notre vie chrétienne, nous prenons toujours plus conscience de notre nature pécheresse, en même temps que notre stature en Christ s’affermit. Cette humilité ne fait pas du chrétien un défaitiste, un fataliste, un vaincu. Par contre, elle l’empêche de devenir vaniteux et de compter sur ses propres forces. En sommes, l’humilité et la joie nous rendent l’une et l’autre plus dépendants du Seigneur sans lequel nous ne sommes rien, et en qui nous avons tout. Ainsi, le chrétien qui a appris depuis longtemps et beaucoup avancé peut-il se repentir encore comme au premier jour, sans pour autant remettre en cause le chemin parcouru. Il sait qu’il doit seulement garder « les yeux fixés sur Jésus, qui est l’auteur de la foi et qui la mène à la perfection » (Hé 12.2).

Cette doctrine nous conduit à glorifier Dieu seul. Plus grande est notre compréhension de la profondeur du péché, plus grande est notre vision de l’amour de Dieu et de ce qu’il a accompli, « afin que nous servions à célébrer sa gloire » (Ép 1.12).

Cela suppose un renoncement à quelque mérite que ce soit, une sorte d’étonnement constant de l’héritage que nous avons en Christ, de l’espérance incorruptible qu’il nous a acquise, un désir profond de lui consacrer notre vie tout entière, comme en sacrifice, de démontrer notre reconnaissance et notre amour par une obéissance de cœur qui peut aller jusqu’à la mort. La fin du chapitre 11 de la lettre aux Romains et le début du chapitre 12 expriment exactement cela. La prière que Jésus nous a enseignée également : elle commence avec Dieu et se termine par lui.

Cette doctrine nous fait voir que ce monde a vraiment besoin de l’Évangile de la grâce. Les programmes humanitaires, politiques, sanitaires ou sociaux peuvent mettre en œuvre de grandes réalisations, que ce soit à l’échelle locale ou internationale. Il pourra arriver au chrétien de participer à tel ou tel de ces engagements, si Dieu le lui demande. Mais en aucun cas il ne verra là un moyen suffisant pour résoudre les problèmes véritables des hommes. Ainsi, quand l’occasion se présente, et de manière appropriée, le chrétien doit-il témoigner de cette insuffisance et rappeler ce qui constitue la racine de tous les maux : l’inimitié envers Dieu. « Puisque le monde, avec sa sagesse, n’a pas connu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la proclamation » (1 Co 1.21).

3. L’élection inconditionnelle🔗

La doctrine de l’élection est un sujet profond qu’il faut aborder prudemment, avec beaucoup d’humilité. Ce sujet, en effet, dépasse largement notre entendement. C’est la raison pour laquelle ce chapitre commence par le rappel de notre condition, en lien avec la doctrine de la corruption totale17.

a. Dieu a le droit de condamner tous les hommes🔗

« Du fait que tous les hommes ont péché en Adam, et se sont rendus coupables de la malédiction et de la mort éternelle, Dieu n’eût fait tort à personne s’il eût voulu laisser tout le genre humain dans le péché et la malédiction, et le condamner à cause du péché, suivant ces paroles de l’apôtre : “Tout le monde est reconnu coupable devant Dieu.” […] “Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu.” (Rm 3.19,23). Et : “Le salaire du péché, c’est la mort.” (Rm 6.23) » (I.1).

Cet article est important et conditionne ce qui suit. À lui seul, il met en cause toute la pensée humaniste qui prévaut de tant de manières aujourd’hui18. Il rend acceptable — dans la foi seulement — l’enseignement biblique sur la prédestination, si méconnu, si difficilement accepté19.

Le « tous ont péché » (Rm 3.23) est sans appel et nul ne peut porter le blâme ni sur Dieu, ni sur le diable, ni sur les autres, ni sur les circonstances (Rm 1.21-22). Pourquoi ce douloureux rappel? « Afin que toute bouche soit fermée et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu » (Rm 3.19; 9.19-20). La condition véritable de l’homme est celle d’un condamné à mort!

C’est en cela que cette doctrine ouvre la porte à l’annonce du salut. La proclamation du Royaume de Dieu n’est-elle pas accompagnée par un appel à la repentance? C’est la seule issue. Il ne s’agit pas d’abord, pour l’homme pécheur, d’aller mieux ou de recevoir un héritage, mais d’échapper à une condamnation (Mt 3.7-12). Ce qui doit être un sujet d’étonnement, ce n’est pas que certains hommes aillent à la perdition, c’est que certains puissent y échapper.

Implications : Les cœurs rebelles, pécheurs et orgueilleux ont toujours tendance à dire : « Oui, mais… Ce n’est pas juste! » Alors, qu’est-ce qui est juste? Voilà la question à laquelle nous devons répondre. Ce qui est juste, c’est lorsqu’on nous donne notre dû. Ce qui est juste, c’est lorsqu’on nous traite selon ce que nous méritons. Qu’est-ce que Dieu aurait dû faire pour être juste? « Dieu n’eût fait tort à personne s’il eût voulu laisser tout le genre humain dans le péché et la malédiction, et le condamner à cause du péché » (I.1).

Cela ne nie pas l’importance d’avoir compassion, d’écouter ce qu’une personne peut dire dans la sincérité de son cœur, quand bien même sa parole serait malhabile ou tâtonnante. Notre douceur ne doit pas tromper celui qui est habile à se disculper, ni notre fermeté effrayer celui qui cherche le secours.

Nous aurons à cœur, dans tous les cas (Jos 7.19; Lc 23.40-41), de sanctifier le nom du Seigneur : il est lumière, il n’y a pas en lui de ténèbres (1 Jn 1.5). Il est « irréprochable dans ses jugements » (Ps 51.6). Ce n’est pas à lui de changer; c’est à nous.

b. L’amour libre et souverain de Dieu pour des pécheurs perdus🔗

« Mais l’amour de Dieu a été manifesté en ceci : il a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle (1 Jn 4:9; Jn 3:16) » (I.2).

Et si la Bible se terminait avec le chapitre 3 de la Genèse? « C’est ainsi que Dieu chassa Adam et il mit à l’orient du jardin d’Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante pour garder le chemin de l’arbre de vie » (Gn 3.24). Que fait l’homme? Il se cache parce qu’il a peur. Puis survient le meurtre d’Abel, puis la vanité de Babel, puis le jugement du Déluge, puis celui de Sodome. Mais Dieu, dès ces temps anciens, prononce des promesses de protection, d’alliance, d’espérance. « Regarde vers le ciel et compte les étoiles, si tu peux les compter. Telle sera ta postérité », dit-il à Abram (Gn 15.5; 22.17).

« Mais l’amour de Dieu a été manifesté » (1 Jn 4.9). « Vous étiez morts par vos fautes et par vos péchés, […] mais Dieu est riche en miséricorde et à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos fautes, nous a rendus à la vie avec le Christ » (Ép 2.2-4).

Dieu était-il contraint d’agir ainsi? Nullement. Mais il l’a fait. Sans renier en rien sa sainteté, Dieu a manifesté son amour avec force. « Mais Dieu prouve son amour envers nous en ce que, lorsque nous étions pécheurs, Christ est mort pour nous » (Rm 5.8). D’où vient donc cet amour? « Cet amour consiste, non pas en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils » (1 Jn 4.10). Étions-nous aimables? Nous étions « dignes d’être haïs » (Tt 3.3).

On s’est souvent opposé à la doctrine de l’élection en citant Jean 3.16. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils afin que quiconque croie… » Dordrecht cite ce verset. Dit-il que tout homme a la capacité de croire et ainsi d’être sauvé? Pas du tout. Ce serait faire de la foi une œuvre! Quand Jésus dit que ceux qui croiront en lui seront sauvés, cela ne s’oppose absolument pas à ce que la Bible dit par ailleurs sur l’élection et sur le don de la foi que Dieu accorde à des pécheurs perdus (Rm 5,8).

Cette doctrine rappelle tout à la fois que l’amour de Dieu est improbable et certain, ce qui peut le faire paraître à nos yeux doublement étonnant : il est étonnant que Dieu ait rendu possible son amour pour des créatures déchues; il est étonnant que Dieu ait manifesté cet amour comme il l’a fait, c’est-à-dire de telle sorte que nous puissions le recevoir d’une manière irrévocable en Jésus-Christ. Dans de très nombreuses situations, les pasteurs auront à cœur de rappeler cette réalité qui, si elle est reçue, conduit à offrir nos cœurs (nos corps!) à Dieu comme une vivante offrande, à offrir nos volontés pour accomplir la sienne (Rm 11.33-12.2; Hé 11.28), non par contrainte, mais volontairement.

c. La misère de l’incrédulité et le don merveilleux de la foi🔗

« Ceux qui ne croient pas à cet Évangile, la colère de Dieu demeure sur eux; mais ceux qui le reçoivent et embrassent le Sauveur Jésus d’une vraie et vive foi, sont délivrés par lui de la colère de Dieu et de la perdition. Ils sont faits participants de la vie éternelle » (I.4).
« La cause de cette incrédulité, comme de tous les autres péchés, n’est nullement en Dieu, mais en l’homme. Mais la foi en Jésus-Christ et le salut par lui, sont un don gratuit de Dieu, comme il est écrit : “C’est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.” (Ép 2.8). De même : “Il vous a été fait la grâce de croire en Christ.” (Ph 1.29) » (I.5).

L’annonce de l’Évangile reçoit deux réponses différentes. L’Église est responsable de communiquer l’Évangile à tous et Dieu est libre de le faire connaître à qui il veut et quand il veut20. Le constat qui s’impose, c’est que le même message n’est pas accueilli avec la foi par tous (2 Co 2.16) :

L’incrédulité est bien le fruit d’une disposition du cœur en rébellion contre Dieu. Cette cause ne vient pas de Dieu! (És 30.15; Jn 5.39-40). Si une personne incrédule doit blâmer quelqu’un, ce ne peut être qu’elle-même. C’est pourquoi Dordrecht dit, avec l’Évangile, que la colère de Dieu demeure sur eux. Selon la Bible, l’incrédulité est le résultat de l’ignorance, mais elle en est aussi la cause (1 Tm 1.13).

La foi, par contre, ne vient pas de nous. « Il vous a été fait la grâce de croire en Christ » (Ph 1.29). La foi est un don gratuit de Dieu (Ac 18.27; Rm 9.16; Ép 2.1,4-5,8; Jc 1.18). Ce merveilleux cadeau de Dieu nous est accordé selon son bon plaisir, en vertu de son élection. Ainsi, ce que l’incrédule reçoit, c’est un salaire, c’est-à-dire ce qu’il mérite. Ce que le croyant reçoit, c’est un don. Personne ne peut s’attribuer le mérite d’avoir la foi.

La foi et l’incrédulité ne sont pas la cause de cette discrimination, mais sa manifestation visible. À Antioche, « tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent » (Ac 13.48). En Jean 17.6, Jésus indique que l’appartenance précède la foi, et non l’inverse! Quant aux incrédules d’Asie qui ont rejeté l’Évangile, « c’est à quoi ils étaient destinés » (1 Pi 2.8). Il n’est bien sûr pas indifférent que la Parole de Dieu soit prêchée avec fidélité ou pas. Mais la même Parole produira la foi chez l’un et sera une odeur de vie, et elle produira l’incrédulité chez un autre et sera une odeur de mort. La raison première et principale, c’est que Dieu touche certains à salut et laisse les autres dans leur état. Est-il injuste en agissant ainsi? Aucunement. Peut-il encore blâmer ceux qui ne croient pas? Il le peut, car c’est par l’endurcissement de leur cœur qu’ils manifestent cette incrédulité (Rm 9.19-21).

Cette doctrine met en lumière la différence radicale qui existe entre l’incrédulité et la foi. Cela sera utile chaque fois que l’on se trouvera devant un discours qui tend à relativiser : « Tout le monde a la foi, tout le monde doute… » Oui, il y a des qualités chez les incrédules et il y a des défauts et même des doutes chez les enfants de Dieu. Oui, il nous est parfois difficile de faire la part des choses, et il peut arriver qu’une personne ne sache pas elle-même où elle en est. Il est vrai aussi qu’il ne nous appartient pas de prononcer des jugements hâtifs, au risque de blesser inutilement.

Mais nos tâtonnements ne doivent pas nous conduire à douter qu’il existe une différence radicale entre celui qui est réconcilié avec Dieu et celui qui ne l’est pas, entre celui qui se dissimule et celui qui s’approche ou marche dans la lumière. Ne laissons pas une personne être trop longtemps incertaine à ce sujet.

Cela signifie que les chrétiens devraient se réjouir davantage encore… et les incrédules trembler davantage également21! Si la vérité de l’Écriture est présentée fidèlement, c’est-à-dire de manière appropriée, l’attitude de la personne qui l’entend démontrera la disposition de son cœur. Cela sera observé avec le discernement que Dieu accorde, afin que l’on ne soit pas trompé par des attitudes superficielles de rejet ou d’enthousiasme, comme la parabole du semeur nous dit que cela peut arriver. Deux sentiments vont soudainement ou peu à peu se manifester chez celui qui est touché par l’Esprit : la tristesse selon l’Esprit et la joie de l’Esprit.

d. La grâce de Dieu est discriminatoire🔗

« Quant à ce que Dieu donne en son temps la foi à certains et ne la donne point aux autres, cela procède de son décret éternel. “Car le Seigneur fait ces choses connues de toute éternité.” (Ac 15.18). “Il opère tout selon la décision de sa volonté.” (Ép 1.11). Selon ce décret, Dieu amollit par grâce le cœur des élus, quelque durs qu’ils soient, et les fléchit à croire; mais, par un juste jugement, il laisse ceux qui ne sont point élus dans leur méchanceté et leur dureté… » (I.6).

Rien ne distingue les élus des autres. De nature, ils sont en tous points semblables à tous les autres hommes, et donc « également perdus » (Ép 2.3; 1 Tm 1.15). On peut rappeler ici que la grâce générale (ou grâce commune) de Dieu n’est pas discriminatoire, « les bons comme les méchants, les justes comme les injustes » en étant les bénéficiaires (Mt 5.45).

Cependant, Dieu établit une distinction entre les hommes. Cette affirmation peut paraître choquante à certains. Elle exprime cependant l’enseignement de l’Écriture quand elle mentionne le dessein de Dieu. Dieu avait parlé à Rébecca de son intention à l’égard de ses enfants, avant même leur naissance, « afin que le dessein d’élection de Dieu subsiste, sans dépendre des œuvres, par la seule volonté de celui qui appelle » (Rm 9.11). Cette élection est inconditionnelle, c’est-à-dire qu’elle ne dépend de rien d’autre que de Dieu lui-même (Ép 1.4-6).

Cette doctrine demande au croyant d’accepter qu’il n’est pas meilleur que les autres (Rm 2.1). Cela ne conduit pas à dire que tout revient au même; mais cela conduit à abandonner toute propre justice, tout faux raisonnement, toute critique des autres qui tend à se justifier soi-même. Je peux accepter qu’en Jésus-Christ les plus grandes promesses me soient accordées et m’approcher de Dieu par lui pour être secouru dans mes besoins. Cela devrait se traduire par un comportement marqué par la grâce, à la maison, à l’Église, au travail22

Je dois accepter de ne pas comprendre pourquoi Dieu ne touche pas l’ensemble des hommes à salut. Cela ne dépend absolument pas de moi, de mes calculs, de mes préférences. Mon pire ennemi peut être touché par la grâce, et pas mon meilleur ami (1 Co 7.16). Cela correspond à l’exhortation à « ne pas faire acception de personne » (Jc 2.1), c’est-à-dire à ne pas juger par soi-même, selon les apparences ou selon mes préférences. Le pécheur le plus endurci peut être touché à salut demain. Cette attitude de « non-jugement » n’implique pas qu’il n’y a pas « un jugement à exercer » pour discerner et agir selon la pensée révélée de Dieu.

e. En Jésus-Christ, Dieu nous a élus depuis toute éternité🔗

« … Ce même Christ, Dieu l’a aussi constitué de toute éternité Médiateur et Chef de tous les élus, et fondement du salut. Ainsi, Dieu a décidé de les donner au Christ pour les sauver, de les appeler et les tirer efficacement à la communion du Christ, par sa Parole et par son Esprit; autrement dit, de leur donner la vraie foi en lui, de les justifier et sanctifier, et, après les avoir puissamment conservés dans la communion de son Fils, de les glorifier finalement, pour la démonstration de sa miséricorde, et à la louange des richesses de la gloire de sa grâce, selon qu’il est écrit (Ép 1.4-6; Rm 8.30) » (I.7).

Quelle est l’origine de cette élection? C’est « le dessein bienveillant de sa volonté » (Ép 1.5, 11). À quand remonte-t-il? « Avant la fondation du monde » (1.4). Nous nous souvenons que Jésus a dit à son Père : « Tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jn 17.24). Et à la fin des temps, il dira à ses brebis : « Recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde » (Mt 25.34). Nous savons par là que notre salut n’est pas hasardeux, et que l’accomplissement des promesses ne peut être touché par aucune incertitude (2 Tm 1.9; Rm 8.29-30).

Cette élection est personnelle. L’élection n’est pas un dessein froid et impersonnel. C’est un « bienveillant dessein ». Le Dieu de la Bible est un Dieu personnel. Il n’agit pas de manière capricieuse, mais comme un Père céleste. C’est « en Christ » qu’il nous a élus, et il nous aime de l’amour dont il aime son Fils (Jn 17.26), et le Fils est venu sauver ceux que le Père lui a donnés (Jn 17.6; voir Jn 6.37, 39; 17.24). Si l’élection était un concept abstrait, il ne nous serait d’aucune utilité et nous laisserait dans le doute.

Cette doctrine ne peut être reçue que par la foi. Elle est totalement incompréhensible par la seule raison humaine. Pastoralement, on pourra rappeler que le savant équilibre entre la foi et les raisonnements s’avère désastreux : celui qui voudrait gagner plus en cherchant à ménager les raisonnements et la foi « a sa récompense » (Mt 6.1-2)…, mais perd beaucoup.

Nous devons cesser de regarder à nous et regarder plutôt à Jésus (Hé 12.2), qui est « le Chef de tous les élus et le fondement du salut ». C’est en regardant à lui que je peux être convaincu par le Saint-Esprit que « ce n’est pas aux autres seulement, mais aussi à moi que Dieu accorde la rémission des péchés, la justice et le bonheur éternels, et cela par pure grâce et par les seuls mérites de Jésus-Christ » (Catéchisme de Heidelberg, question 21).

f. L’élection est la fontaine de tout bien salutaire🔗

« Cette élection-là s’est faite, non point en considération de la foi prévue, de l’obéissance de la foi, de la sainteté, ou de quelque autre bonne qualité ou disposition qui seraient la cause ou la condition préalablement requise en l’homme qui devait être élu; mais [elle s’est faite] au contraire, pour donner la foi, l’obéissance de la foi, la sainteté, etc. C’est pourquoi l’élection est la fontaine de tout bien salutaire, de laquelle découlent la foi, la sainteté et les autres dons salutaires, bref la vie éternelle même, comme les fruits et les effets de celle-ci, selon le dire de l’Apôtre : “Dieu nous a élus (non parce que nous étions saints, mais) pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui.” (Ép 1.4) » (I.9).

Connaître est beaucoup plus que savoir. Pour beaucoup, l’élection ne serait acceptable que pour autant qu’elle équivaudrait à la prescience de Dieu : Dieu sait d’avance ceux qui croiront en lui. En somme, Dieu choisit ceux qui le choisiront. Mais cela revient à faire dépendre l’élection de l’homme! Ce n’est pas ce que dit l’Écriture. La prescience de Dieu et la prédestination sont clairement mentionnées dans la Parole de Dieu (Rm 8.29; 1 Pi 1.2), nul ne peut en douter. Mais ce sont deux réalités distinctes.

Quand il est écrit : « Ceux que Dieu a connus d’avance » (Rm 8.29), nous devons comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’une prescience ou d’une prédiction, comme s’il était dit : Dieu savait à l’avance ce que nous ferions. Connaître d’avance, c’est beaucoup plus que savoir d’avance! « Connaître » parle d’un lien d’appartenance (Jn 10.14), de communion. Jésus le dit ainsi, en parlant de ceux qui croiront : « Ils étaient à toi, et tu me les as donnés » (Jn 17.6). Dans ce même passage, Jésus dit à son Père : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent » (17.3), ce qui est bien autre chose qu’un savoir, même exact, sur Dieu (Ga 4.9). Nous notons encore que ce n’est pas notre foi, ou le fait que nous allions croire, ou notre persévérance que Dieu a connus d’avance, mais c’est nous. C’est pourquoi « le dessein de Dieu demeure selon l’élection qui dépend non des œuvres, mais de celui qui appelle » (Rm 9.11-12).

Cette doctrine met en lumière l’amour totalement immérité que Dieu a pour ses élus23. Un tel amour, quand il est reçu, est à même de guérir bien des doutes, bien des maladies de l’âme. L’élection produit la foi et d’autres bons fruits. Pastoralement, nous nous assurerons que la personne/l’assemblée ne cultive pas, même involontairement, un réflexe de mérite (« J’ai fait le bon choix ») ou d’incrédulité (« Ce n’est pas possible. Je suis trop pécheur »). Dieu ne nous a pas choisis parce qu’il savait que nous aurions la foi et que nous serions saints; il nous a choisis pour que nous ayons la foi et que nous soyons saints. C’est là une grande différence!

« Dieu m’a choisi! » C’est la plus grande humiliation, car je n’étais en rien aimable. C’est la plus grande richesse, car je suis aimé d’un amour éternel. Cette humiliation et cette richesse forgent le cœur et l’âme des chrétiens, de telle sorte qu’ils ne vivent plus pour eux-mêmes, mais « pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5.15). C’est là ce que nous exprimons lorsque nous participons au repas du Seigneur.

g. Les bienfaits pratiques de la certitude de notre élection🔗

« Avec la certitude et l’appropriation intérieures de cette élection, les enfants de Dieu prennent de jour en jour une plus grande matière de s’humilier devant Dieu, d’adorer la profondeur de ses miséricordes, de se purifier eux-mêmes; d’aimer aussi très ardemment de leur côté celui qui, le premier, les a tellement aimés. Il s’en faut donc de beaucoup que, par cette doctrine de l’élection et par sa méditation, ils soient rendus plus paresseux, ou charnellement nonchalants à garder les commandements de Dieu… » (I.13).

En parlant de certitude et d’appropriation intérieures, cet article rappelle ce que l’apôtre Paul appelle « le témoignage intérieur du Saint-Esprit » (Rm 8.16; Ga 4.6-7) qui confirme le témoignage de la Parole écrite de Dieu et qui dépasse tout autre témoignage humain. C’est ce qui fait dire à Jean Calvin que « la connaissance de Dieu est une vive expérience ».

Cette doctrine rappelle que toutes les craintes ne produisent pas les mêmes fruits. Il y a des craintes stériles qui ne portent pas de bons fruits et qui devraient être chassées. La crainte qui doit demeurer est celle d’attrister celui qui nous a aimés et rachetés pour lui à un prix si élevé. Le fait que Dieu nous ait choisis par pure grâce pour être ses enfants ne conduit nullement à la nonchalance, mais produit de bons fruits dans nos vies.

La purification : L’élection devrait nous inciter à nous purifier. « Dieu nous a élus pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui » (Ép 1.4). Si je suis certain de mon élection, je vais m’efforcer de produire des fruits de reconnaissance. Comme l’a dit Jean Calvin, l’une et l’autre sont inséparables, tout comme le soleil et la lumière qu’elle produit (Col 3.12; Ph 2.12-15; 1 Th 5.8-11). Nous avons été sauvés par grâce « pour des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions » (Ép 2.10).

L’humilité : L’humilité est un vêtement qui convient toujours au chrétien. Notre élection n’est nullement dépendante de nos qualités ou de nos mérites. « Car qui est-ce qui te distingue? Qu’as-tu que tu n’aies reçu? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu? » (1 Co 4.7; voir 1.26-27). Toute arrogance est exclue! L’amour qui relève le croyant a aussi brisé son orgueil.

L’adoration : L’élection devrait nous pousser à l’adoration. Paul présente avec force la vérité glorieuse de l’élection en Romains 9 à 11 et en Éphésiens 1. Dans ces deux textes, Paul est rempli de louange et d’adoration (Rm 11.33-36; Ép 1.11-12).

L’amour pour Dieu : L’élection devrait nous inciter à aimer Dieu davantage. L’amour de Dieu pour nous et en nous est la source de notre amour pour lui. « Nous aimons, parce que lui nous a aimés le premier » (1 Jn 4.19).

L’amour pour les frères : L’amour pour Dieu comprend l’amour pour ceux qui sont nés de Dieu. Ces deux fruits sont inséparables (1 Jn 2.10; 3.16, 23; 4.20 à 5.2).

Il y a toutefois des hypocrites dans l’Église qui se pensent certains de leur élection, soit parce qu’ils sont dans l’Église depuis longtemps, soit parce qu’ils ont occupé des fonctions ou parce qu’ils reçoivent des compliments. Ce ne sont pas des preuves en soi. Jésus a bien averti les Juifs de ne pas entretenir de fausse sécurité (Lc 6.24-26). Chacun de nous devrait regarder aux fruits qu’il porte!

h. Ne perdons pas courage si nous ne sommes pas certains de notre élection🔗

« Ceux qui ne sentent pas encore efficacement en eux une vive foi en Jésus-Christ, ou une confiance certaine du cœur, une paix de la conscience, un soin et souci d’une obéissance filiale et une glorification en Dieu par Jésus-Christ, mais qui néanmoins se servent des moyens par lesquels Dieu a promis d’effectuer ces choses en nous : ceux-là ne doivent pas perdre courage quand ils entendent parler de la réprobation, ni se mettre au rang des réprouvés. Au contraire, ils doivent persévérer soigneusement dans l’usage de ces moyens, désirer ardemment l’heure d’une grâce plus abondante, et l’attendre en toute révérence et humilité. […] Mais cette doctrine est à bon droit en effroi à ceux qui, ayant mis en oubli Dieu et le Sauveur Jésus-Christ, se sont entièrement asservis aux sollicitudes de ce monde et aux convoitises de la chair, aussi longtemps qu’ils ne se convertissent point à Dieu » (I.16).

L’apôtre Paul avait un cœur nouveau, transformé par le Saint-Esprit, et pourtant il disait : « Je suis charnel, vendu au péché. Car je le sais : ce qui est bon n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair. Car je suis à même de vouloir, mais non pas d’accomplir le bien. Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas » (Rm 7.14, 18-19). Paul était très dérangé par le fait qu’il n’avait pas la victoire sur le péché. Ce tourment est précisément celui du chrétien24.

Il y a des personnes qui, par l’effet des sentiments naturels de leur âme, par leur éducation ou à la suite de telle ou telle expérience, se trouvent assujetties à des doutes persistants qui ôtent une partie de leur joie. « Se pourrait-il que Dieu ne m’ait pas choisi? » Les enfants de Dieu peuvent avoir des craintes dans leur cœur. Cet article s’adresse à deux différents types de personnes qu’il est nécessaire de distinguer, autant que possible.

Ceux qui se moquent de Dieu et vivent dans le péché. Ceux-là devraient se rendre compte de la situation injuste et dangereuse dans laquelle ils se trouvent volontairement. Nous avons beaucoup de scrupules aujourd’hui à utiliser la peur pour conduire une personne à « entrer en elle-même » et cesser de résister à Dieu. Pourtant, il y a des raisons d’avoir peur, et rappeler ces raisons peut s’avérer salutaire. L’Église a la responsabilité de prêcher et « d’annoncer tout le conseil de Dieu » (Ac 20.27), et cela inclut la doctrine de la réprobation. Nous ne devrions pas hésiter à l’enseigner. Il ne nous est toutefois pas permis d’avoir la certitude que telle personne est réprouvée, car Dieu ne nous l’a pas révélé.

Ceux qui ne discernent pas encore clairement les fruits de leur élection. Ceux-là sont encore faibles dans la foi, mais ils écoutent la Parole de Dieu et désirent servir le Seigneur. Cependant, ils regardent à eux-mêmes et ne constatent pas une foi ferme et constante. Le doute et l’inquiétude peuvent alors surgir à leur esprit : Suis-je vraiment un élu? « Ceux-là ne doivent pas perdre courage », dit Dordrecht. Un arbre a besoin de temps pour grandir et porter du fruit. Nous en voyons qui sont lents dans les premiers temps et qui porteront de beaux fruits par la suite. L’absence d’évolution nous rendra attentifs : une pensée, un péché, une blessure sont-ils encore cachés, qui devraient être amenés à la lumière? L’Ennemi a-t-il trouvé accès dans la vie de ce chrétien? Si c’est le cas, pourquoi? Et comment y mettre fin? Cette personne souffre-t-elle d’une maladie psychique et doit-elle être prise en charge aussi à ce niveau?

Notes

1. Des places avaient été préparées pour des représentants des Églises de France, mais ceux-ci n’ont pas obtenu l’autorisation de sortir du Royaume.

2. Une querelle semblable a opposé, au 4siècle, Augustin et Pélage. Pélage (350-420) minimisait le rôle de la grâce, non indispensable à ses yeux. Luther et Calvin sont disciples d’Augustin.

3. Le sola gracia et le soli Deo gloria vus dans le cours précédent (intitulé Application avec les cinq sola de la Réforme protestante) expriment exactement ce que les cinq points de Dordrecht présentent.

4. J’exprime ici ma reconnaissance pour le travail effectué par le pasteur canadien Paulin Bédard dont je me suis beaucoup aidé; sa série d’articles est intitulée Le solide fondement du salut – Série d’études doctrinales sur les Canons de Dordrecht.

5« Tu l’as fait de peu inférieur aux anges… » (Ps 8.6-7; voir Ép 4.25, 29!).

6« J’ai péché contre toi seul » (Ps 51.6).

7. Victime de ses parents, de certains hommes politiques, de certains riches, de la malchance, etc.

8. L’objectif de l’homme politique, c’est le « vivre ensemble ». L’objectif des pasteurs, anciens et diacres, c’est la communion fraternelle. Il y a bien une ressemblance entre les deux, mais aussi une importante différence de nature.

9. L’ennemi, dans ce passage, est souvent considéré comme étant un païen. Il est cependant possible de comprendre qu’il s’agisse ici d’un membre du peuple de Dieu, d’un frère (voir Ex 23.4-5; Mt 5. 23-26; 1 Co 6.1-8).

10. Une question peut se présenter, même dans le cœur d’un croyant : « Y a-t-il de l’injustice en Dieu? » L’apôtre Paul la pose et répond : « Certes non! » (Rm 9.14). En d’autres termes, cela n’est pas arrivé parce que Dieu se serait trompé ou aurait fauté lui-même. C’est pourquoi, à celui qui voudrait contester, Paul répond : « Que Dieu soit reconnu pour vrai et tout homme pour menteur […] de telle sorte que toute bouche soit fermée et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu » (Rm 3.4, 19). Et ailleurs : « Qui es-tu pour contester avec Dieu? » (Rm 9.19). Ainsi, la volonté même de trouver injuste le fait que nous soyons regardés comme pécheurs dans notre union avec Adam est une preuve que cela est pourtant vrai. Le mot « inexcusable » (Rm 8.21) sonne comme la fin de toute tentative d’atténuer la responsabilité de l’homme, de tout homme.

11« Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun à son rang : Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ lors de son avènement » (1 Co 15.22-23). Les deux mots « tous » sont bel et bien englobants l’un et l’autre et désignent chacun une humanité : une en Adam et une en Christ. Tout autre clivage est temporel et en un sens secondaire.

12. Voir la prière de confession des péchés de Jean Calvin.

13. Cette position est exprimée par Paul en 2 Tm 2.25 : « … dans l’espérance que Dieu leur donnera la repentance. »

14. La grâce générale a, parmi ses causes, la patience de Dieu, selon ce qu’écrit Pierre : « Il ne tarde pas, mais use de patience, voulant que tous arrivent à la repentance » (2 Pi 3.9). Le « tous » désigne les élus.

15. Une illustration est donnée de cela quand Jésus reprend sévèrement Pierre : « Arrière de moi, Satan, tes pensées viennent de l’homme et non de Dieu! » (Mt 16.23). Pourtant, la pensée de Pierre semblait, humainement parlant, motivée par les plus nobles sentiments : se battre jusqu’à la mort pour Jésus.

16. On entend dire parfois qu’il est difficile d’accomplir la volonté de Dieu. La réalité est que ce n’est pas difficile, c’est impossible. Mais ce qui est impossible à l’homme, Dieu le rend possible par son Esprit agissant en nous. Ainsi, la loi ne peut nous sauver, car elle-même maudit quiconque n’observe pas tout ce qui est prescrit (Dt 27.26; Ga 3.10). Elle a cependant un double rôle positif : aux méchants, elle rappelle des limites qu’il est dangereux de franchir et met ainsi un certain frein à leurs agissements; elle est aussi, pour ceux dont Dieu touche le cœur à salut, « un pédagogue qui les conduit à Christ » (Ga 3.24). Voir l’article intitulé Les trois usages de la loi de Dieu selon Jean Calvin.

17. Dans l’édition originale, ce point est le premier. Il comporte 16 paragraphes que nous classons en 8 chapitres.

18. Notamment la philosophie des « Droits de l’Homme » qui passe aux yeux de beaucoup comme un nouvel évangile.

19. Cette présentation suit le schéma classique : création – chute – rédemption qui correspond au modèle biblique et qui, seul, permet de donner à la rédemption sa véritable dimension.

20. J’ai demandé un jour à un missionnaire de conviction calviniste (David Vos) travaillant parmi les peuples musulmans si son calvinisme n’atténuait pas son zèle. Il m’a répondu : « Si je n’étais pas calviniste, je ne travaillerais pas parmi les musulmans. »

21. Quelqu’un a dit : « Il y a deux choses difficiles dans ce monde : Rendre le juste joyeux et le pécheur tremblant. »

22. On peut considérer que les promesses faites aux enfants de Dieu sont telles que le risque pour eux de devenir vaniteux serait bien grand… si les doctrines de la corruption totale et de l’élection n’ôtaient pas toute possibilité de se vanter.

23. La notion biblique d’amour immérité a fait place dans l’esprit de beaucoup à la notion non biblique d’amour inconditionnel, très en vogue aujourd’hui. Ou, pour le dire autrement : l’amour inconditionnel que Dieu a pour son peuple élu est aujourd’hui annoncé comme s’appliquant à l’ensemble des hommes, à la manière de « la grâce à bon marché » dont parle Dietrich Bonhoeffer dans son livre Le prix de la grâce. L’amour inconditionnel rend le péché banal, la repentance facultative, le pardon général et le salut universel. C’est véritablement un « autre évangile ».

24. Voir l’article de Jean Calvin intitulé Ceux qui peinent dans leur marche avec Dieu, tiré de l’Institution chrétienne, IV.I.13.