Cet article a pour sujet l'origine du culte d'adoration réformé, tel que développé par Jean Calvin, qui a rejeté dans la liturgie ce qui n'était pas conforme à la Parole de Dieu et qui a remis à l'honneur la prédication de la Parole.

Source: Le culte réformé. 4 pages.

L'origine du culte réformé

Existe-t-il un modèle de culte et de liturgie spécifiquement réformé adopté depuis le 16e siècle? Notre pensée se tournera bien naturellement vers le type que nous a laissé Jean Calvin, notamment sa liturgie élaborée durant son séjour à Strasbourg (1538-1541).

L’objectif de la Réforme protestante du 16e siècle était la réformation de l’Église décadente tant au niveau théologique qu’au niveau moral et spirituel. Selon l’expression de Luther, l’Église devait, une fois de plus, devenir une « Église de pèlerins », opprimée et humiliée peut-être, mais ne cessant de rendre un fidèle témoignage à l’Évangile. Luther retint quand même de l’Église ancienne certains éléments et un certain symbolisme qu’il estima compatibles avec ses objectifs, même s’il n’y trouvait pas de fondements bibliques.

Pour Calvin, les moyens de la Réforme et du rétablissement de l’Église dans la pureté de l’Évangile se trouvaient exclusivement dans les données bibliques. C’est ainsi que, dans le monde entier, toutes les Églises réformées, qui se distinguèrent dès le début des Églises luthériennes, restèrent fidèles à ce principe et à la ligne tracée à Genève. Elles adoptèrent des formes cultuelles qui, bien que différentes d’une Église locale à l’autre, avaient le même fondement, de sorte que le fidèle réformé, s’il venait à changer d’Église ou de localité, pouvait toujours se sentir « chez lui ».

« Lorsqu’après des périodes de déclin dues à l’influence du rationalisme ou du piétisme, ces Églises cherchèrent à se réveiller, elles adoptèrent de nouveau la ligne tracée par le grand réformateur français, en puisant dans sa théologie et en actualisant son enseignement.1 »

Voici, dans ses grandes lignes, la pensée et la pratique liturgique que développa Calvin. En donnant cet aperçu historique, nous n’avons pas l’intention de recommander la reprise et l’imitation, dans tous ses aspects, de sa liturgie pour nos cultes actuels. Toutefois, nous pourrons en bénéficier autant que de son système théologique et ecclésiastique. On n’apprécie pas toujours à sa juste valeur l’œuvre liturgique du réformateur français. Pourtant, les changements radicaux en matière de doctrine ont été surtout mis en évidence lors des célébrations cultuelles. Calvin demeurera pour longtemps encore le pivot en tout ce qui concerne le développement du culte dans les Églises issues de la Réforme.

Le principe dominant de cette conception du culte, aussi bien dans la présentation de l’offre du salut que dans la liturgie, est centré sur l’occasion de rendre au Dieu souverain de l’univers la soumission, l’adoration, la louange et l’honneur dont il est digne. L’intérêt n’est donc pas porté tout d’abord envers l’homme et ses besoins. C’est à travers la Parole et les sacrements que Dieu dispense la nourriture et la force à ses adorateurs « en esprit et en vérité ».

Les spécialistes assurent que ce fut surtout lors de son séjour à Strasbourg et sous l’influence de Martin Bucer que les idées de Calvin prirent corps et se développèrent. L’ordre liturgique qu’il adopta se fondait sur les grands principes bibliques et théologiques de son système doctrinal. Sa doctrine de la Parole y est fondamentale et décisive. Ainsi, tout culte réformé fidèle à la tradition calvinienne se caractérisera par la proclamation de la Parole, et l’Église, elle, sera connue comme le peuple de la Parole.

Entre ce que Calvin appelait « la messe papiste », dans laquelle il ne voyait pas de proclamation, en dépit de nombreuses homélies et prêches, et le culte réformé, il voyait une opposition profonde, surtout dans l’administration des sacrements. Mais le culte réformé se distingue également d’autres types liturgiques fixes, par exemple la liturgie anglicane ou encore et surtout les formes anabaptistes et tous leurs dérivés, voire le culte puritain, dans lequel la forme extérieure n’est pas seulement considérée comme dépourvue d’importance, mais même comme nuisible à l’esprit…

Dans cette tradition puritaine, on estime que l’adorateur doit rester libre et spontané, se laissant guider par « le seul Esprit ». D’où la maladroite insistance sur une louange et des prières non préparées, dont certains groupes chrétiens ont abusé, allant jusqu’à prescrire la non-préparation de la partie la plus importante du culte, c’est-à-dire l’exhortation par la prédication.

Pour Calvin, le culte public ne doit absolument rien retenir qui ne soit expressément recommandé par l’Écriture. Il s’attela à la tâche de purifier le culte de tous les éléments et de toutes les erreurs accumulées durant de longs siècles par et dans l’Église occidentale romanisée. Cependant, le réformateur n’approuva ni ne préconisa pour autant une liberté anarchique. Il nous laisse un remarquable exemple de continuité avec le passé dans la mesure où il estimait que l’Église avait été fidèle à l’Écriture. C’est l’une des toutes premières leçons à retenir à notre époque, où les fantaisies spirituelles et les anarchies liturgiques sont chose courante dans les Églises. On peut se demander avec raison où se trouve la véritable fête pour le chrétien… Car cette fête dont on parle tant de nos jours semble s’apparenter davantage à l’esprit néo-païen qu’aux fêtes rituelles sanctifiées de l’Ancien Testament. Il nous appartient donc de remodeler soigneusement nos formules dans la continuité d’un passé fidèle, afin de témoigner de notre commune foi avec l’Église universelle tout entière.

Nous nous étonnons que, dans la furie actuelle de ravalement de façades liturgiques, on soit allé, du côté des Églises réformées, jusqu’à proposer le modèle romain, comme le fait un pasteur dans un journal mensuel protestant qui écrit :

« J’aime l’appellation en usage aujourd’hui dans l’Église catholique qui consiste à situer tout le déroulement de la célébration sous le nom de liturgie : liturgie d’entrée (louange, humiliation, pardon, foi commune); liturgie de la Parole (lectures bibliques et sermon); liturgie de communion (eucharistie), auxquelles on peut ajouter des liturgies d’accueil, de baptême, de consécration… Cela souligne l’unité de toute une célébration avec ou sans prédication… »

Or, si les Églises issues de la Réforme peuvent désormais faire l’économie de la prédication, elles ne peuvent plus continuer à s’appeler réformées…

L’ordre liturgique adopté par Calvin à Genève nous est connu. Celui de 1542 inclut deux « composantes » distinctes, mais non pas séparées l’une de l’autre, car le culte calvinien forme un tout cohérent que l’on ne saurait dissocier. Le voici :

  1. Liturgie de la Parole : texte biblique (ordinairement le Ps 124.8), confession des péchés, prière pour le pardon, psaume chanté, prière d’illumination, texte biblique, prédication.

  2. Liturgie de la sainte Cène : offrande, intercession, oraison dominicale, préparation des éléments, credo chanté, paroles de l’institution, exhortation, prière après la communion, bénédiction aaronique.

Rien ne nous force à reproduire cette forme liturgique telle quelle, mais si l’on est à court d’idées, on devrait aller plus volontiers chez Calvin que vers ceux qui ont donné tant de preuves d’infidélité théologique, ecclésiastique et liturgique.

Nous nous permettrons de faire, en passant, une remarque à propos de la célébration hebdomadaire de la Cène. On se réfère curieusement à Calvin en faveur de cette pratique liturgique que l’on réintroduit ces dernières années dans certaines Églises. Cette référence ne nous aurait pas étonnés si ces Églises avaient eu, simultanément, un grand souci de fidélité à la doctrine biblique et à l’Évangile tout entier, comme le réformateur. Force est de constater qu’aucun souci de cet ordre, à de rares exceptions près, n’effleure nos innovateurs modernes.

Si Calvin souhaitait la célébration hebdomadaire de la Cène, il avait aussi souhaité et imposé une discipline ecclésiastique extrêmement rigoureuse, certes, aussi bien pour son époque que pour la nôtre, mais qui permettait de placer la Cène du Seigneur à l’abri des profanateurs et des libertins, dont la race a toujours été prolifique et dont les Églises de notre époque ne sont pas exemptes. On se demande donc pourquoi la discipline de la Cène a disparu même de la liturgie pendant les services de tant d’Églises!

L’œuvre gigantesque de Calvin, ainsi que toute sa vie de chrétien et de pasteur de l’Église, furent mises au service de la Parole et du culte, offrande adressée au Dieu très haut et trois fois saint, et non pas au service des hypocrites, des fornicateurs endurcis ou des professionnels, souvent athées, de la marginalité.

Si la Cène doit être une « fête », pour qui doit-on la célébrer? Pour l’Église de Jésus-Christ, réunie autour du pain et du vin, corps et sang précieux du Sauveur sacrifié sur la croix, ou bien pour les profanateurs qui ne « discernent pas le corps et le sang du Seigneur »? Calvin insista sur le fait que le culte est voué à Dieu, à qui appartiennent la louange et l’adoration, mais il souligna également que le pouvoir de le magnifier était accordé par son Esprit et par sa Parole.

Note

1. Stanford Reid, Dictionnaire de théologie pratique, p. 383.