Cet article sur Luc 2.1-7 a pour sujet la naissance de Jésus à Bethléem à un moment précis de l'histoire de l'Empire romain, pour l'accomplissement des prophéties. Son humiliation dans une étable était pour notre salut.

Source: Celui qui devait venir. 4 pages.

Luc 2 - La nativité

« En ces jours-là parut un décret de César Auguste, en vue du recensement de toute la terre. Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville. Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée dans la ville de David appelée Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David, afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Pendant qu’ils étaient là, le temps où Marie devait accoucher arriva, et elle enfanta son fils premier-né. Elle l’emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. »

Luc 2.1-7

Quirinius poursuit une idée d’administrateur, peut-être de despote. Il ne sait pas qu’il accomplit le plan de Dieu, car c’est à cause de ce recensement que Jésus naîtra à Bethléem, selon la prophétie. C’est pour éviter de le confondre avec quelque mythe symbolique que Luc inscrit son récit dans le cadre de l’histoire mondiale. Les noms d’Auguste et de Quirinius, témoins d’une époque et de lieux très précis, sont les deux clous avec lesquels le récit est accroché au mur implacable de l’histoire.

La science biblique contemporaine a démontré avec force que le recensement entrepris par Quirinius est parfaitement attesté par l’histoire, contrairement aux déclarations de quelques théologiens du passé qui pensaient que Luc commettait une grave erreur historique. À côté du message que l’évangéliste veut nous transmettre en tout premier lieu, il y a l’authenticité historique du récit. Le fait que Joseph et sa fiancée Marie se rendent à Bethléem pour se faire inscrire s’explique par une nécessité légale, à cause de l’exigence de l’occupant romain.

Or, ce qui est important aux yeux de la foi, c’est que l’empereur César Auguste, deuxième empereur romain, petit-neveu et héritier de Jules César, organisa puissamment l’empire dont la Syrie (à laquelle était rattachée la Palestine) faisait partie au titre de province impériale. Dieu se servit d’une mesure de l’administration impériale pour faire naître Jésus là où il devait naître, à Bethléem (dont le nom signifie « maison de pain »), berceau de la famille de David (1 S 16.1-13), et ville désignée par le prophète comme lieu d’origine du Messie (Mi 5.1; voir Jn 7.42), à quelque huit kilomètres au sud de Jérusalem, la capitale. Dieu se sert des desseins des hommes pour accomplir sa propre volonté.

L’histoire de la nativité rapportée par l’Évangile selon Matthieu est en contraste avec celle racontée par l’Évangile selon Luc. Matthieu dépeint l’enfant comme Roi dès sa naissance et nous laisse apercevoir la figure d’Hérode, tremblant pour son trône, tandis que des mages d’Orient présentent au nouveau-né leurs offrandes. Luc, quant à lui, dépeint Jésus comme l’homme parfait, l’enfant normal, et son récit contient nombre de détails d’intérêt humain. Deux obscurs paysans galiléens, un homme et une jeune femme, se déplacent de leur lointain village de Nazareth pour se diriger après quelques jours de voyage vers le village de Bethléem, en Judée, d’où est originaire la famille de l’un et de l’autre.

Marie accompagne Joseph parce qu’elle était officiellement sa femme. Mais si Luc relève ici qu’elle était enceinte, c’est peut-être afin de suggérer une autre raison pour laquelle Joseph entreprit avec elle ce voyage de trois ou quatre jours. Il ne voulait pas la laisser seule à la maison au moment où la naissance était proche. Cela serait bien conforme à ce que Matthieu dit de la sollicitude de Joseph à l’égard de la vierge.

Marie parvint au terme de sa grossesse et elle mit au monde son fils premier-né. On ne peut tirer de cette expression « premier-né » aucune raison de nier ou d’affirmer que Marie aurait eu d’autres enfants après celui-ci; elle est l’équivalent de l’hébreu « bekor », qui désigne dès sa naissance le premier enfant, alors qu’on ignore encore s’il y a en aura d’autres.

Rien n’indique non plus que cette naissance se soit passée différemment des autres accouchements ni que Marie n’ait éprouvé, comme toute autre femme, les douleurs de l’enfantement. Mais en revanche, Luc relève que Marie fut seule à s’occuper de son bébé. Aucune sage-femme, aucune voisine ou autre femme empressée n’interviennent; c’est elle-même qui lange l’enfant, elle est mère et sage-femme à la fois… Point de voisine accourue comme autour du berceau de Jean-Baptiste. Ce fait souligne l’extrême indigence qui entoure cette naissance. Il préserve aussi le mystère de l’événement. Pas plus que la résurrection de Jésus, sa naissance n’a eu lieu « devant témoins ». Cela doit décourager toute curiosité indiscrète.

C’est de pauvreté aussi que parle la crèche, ou mangeoire à bestiaux, qui va servir de misérable berceau au fils de Marie. C’est vraisemblablement dans une étable que le manque de place conduisit Joseph et Marie. Écoutons Giovanni Papini :

« Jésus est né dans une étable. Une étable, ce n’est pas le portique avenant et léger que les peintres chrétiens, honteux du gîte sale et misérable où reposa leur Dieu, élevèrent au fils de David; ce n’est pas la crèche de plâtre qu’imagine aujourd’hui la fantaisie des marchands de statuettes, la crèche propre, bien en ordre, avec l’âne et le bœuf en pieuse extase, les anges déroulant sur le toit leur banderole et les deux groupes symétriquement agenouillés des rois en manteau et des bergers en capuchon. La crèche peut être le rêve des novices, le luxe des curés, le jouet des enfants, mais elle n’est pas l’étable où naquit Jésus.
L’étable est, en vérité, la maison des bêtes, la prison des bêtes qui travaillent pour l’homme. La vieille et pauvre étable du pays de Jésus n’a ni piliers ni chapiteaux; elle ne sait rien du luxe de nos écuries; elle n’est pas la gracieuse chaumière des veilles de Noël. Elle n’a que ses quatre murs, son pavé sale, un toit de poutres et de tuiles; elle est obscure; on y respire l’odeur du bétail; rien n’y est propre que la mangeoire où le maître prépare le fourrage… Telle est, en vérité, l’étable où Jésus vint au monde. Le lieu le plus souillé fut le premier séjour du seul être pur né d’une femme. Le Fils de l’homme, qui devait être dévoré par les bêtes portant le nom d’hommes, eut pour premier berceau la crèche où les bêtes broient sous leurs dents les merveilleuses fleurs printanières.
Et ce ne fut pas un hasard : la terre n’est-elle pas une immense étable où l’homme engloutit et digère? Les choses les plus belles, les plus pures, les plus divines, une infernale alchimie ne les transmue-t-elle pas en fumier? Morceau d’ordure où l’on se couche ensuite; et c’est là, en langage humain, “jouir de la vie”.
En un tel monde, taudis précaire dont les ornements ne peuvent cacher la souillure, Jésus parut, une nuit, né d’une vierge sans tache, armé seulement d’innocence.1 »

Le contraste entre le dénuement dans lequel paraît Jésus et sa qualité de Fils de Dieu n’est pas commenté par l’évangéliste. Luc se borne à rapporter les faits dont il a eu connaissance. Le commentaire de Calvin complète la description de Papini; écoutons le grand réformateur :

« Nous voyons ici quelle entrée a eue le Fils de Dieu en cette vie, et comment il a été hébergé sortant du ventre de sa mère. Il est né en tel état, parce qu’il avait revêtu notre chair afin de s’anéantir pour nous. Il a donc été renvoyé en une étable et posé en la crèche; place aussi lui a été refusée au logis entre les hommes, afin que le ciel nous soit ouvert non point comme un logis pour y être hébergés en passant, mais comme notre pays éternel; et notre héritage pour en jouir à jamais, et afin que les anges nous reçussent en leur compagnie. »
« Que Jésus soit donc un sujet de César et le fils de parents humains, qu’il n’y ait plus de place pour lui dans l’hôtellerie et que le monde n’ait rien à lui offrir, qu’une crèche d’animaux dans un fondouk oriental plein du tumulte des rouliers amenant leurs bêtes dans cet abri caverneux, tels sont les signes de l’abaissement du Christ qui prennent aux yeux de Luc une importance décisive. Il ne manquera aucune occasion, tout au long du récit, de mettre en évidence de nouvelles preuves révélant l’abaissement volontaire du Très-Haut. Ainsi, cette histoire se déroule, toujours sobre et dépouillée parmi les disputes des palefreniers, les bousculades, les langes et les impôts… Il faut la relire en faisant abstraction de l’éclat poétique que lui donnent certaines de nos versions et représentations mentales. L’évangéliste ne parle pas du bel enfant aux cheveux bouclés. Il parle au contraire d’un couple à bout de force, de la détresse d’une jeune mère qui doit accoucher loin de chez elle, sans aide et dans le dénuement. Il parle d’un enfant qui vient au monde dans une étable malpropre.2 »

Notes

1. Giovanni Papin, Histoire du Christ, p. 1-2.

2. H. Gollwitzer, p. 27-28.