Cet article sur l'Apocalypse a pour sujet le réconfort que nous procure les visions, les symboles et la prophétie de ce livre, qui annoncent la victoire du Christ et de son Église persécutée et le jugement de leurs ennemis.

Source: Le Dieu invincible - Méditations sur l'Apocalypse. 4 pages.

Méditation sur l'Apocalypse

L’Apocalypse de Jean, le dernier livre du Nouveau Testament et de toute la Bible chrétienne, est un livre unique. Son style et sa structure littéraire, la splendeur de son langage poétique, ses images hautes en couleur et la majesté de ses visions éternelles font de ce livre un livre à part dans le recueil de nos soixante-six livres du canon biblique.

Il n’a pas fini d’intriguer le lecteur. Des approches contradictoires cherchent à en cerner le sens. Pour les uns, c’est un document littéraire fascinant. Pour d’autres, il constitue un texte parmi les plus énigmatiques de toute la littérature mondiale. Certains le tiennent pour un livre de valeur éminemment pratique; d’autres le rangent parmi les écrits relevant du plus obscur ésotérisme. Les uns l’étudieront sans répit, avec une curiosité boulimique. D’autres chercheront à déchiffrer à travers son langage curieux un message crypté. Nombreux sont ceux qui y puiseront inspiration et courage. D’autres n’y verront que source de découragement et pessimisme morbide.

Néanmoins, tous reconnaîtront unanimement l’unité de sa substance et de son but. Ils admettront qu’il peut apporter une certaine consolation au milieu des tragédies humaines et même dispenser de la joie au sein des deuils qui assombrissent les cœurs. On divergera, certes, quant à l’interprétation des détails et des solutions pour ce genre apocalyptique. Mais tous seront d’accord pour admettre que le disciple du Christ, même le plus abattu, peut y puiser une force, assuré, en dépit de tout, de la victoire ultime de son Seigneur.

L’Apocalypse fut rédigée à l’intention de ceux qui risquaient d’abandonner la foi, soit à cause des persécutions ou des désastres qui s’abattaient sur leur univers, soit encore sous la pression subtile, mais combien réelle, du monde hostile à l’Église. Elle a apporté une réponse à tous ceux qui, dans leur agonie, semblaient sur le point de tout lâcher.

Ces chrétiens souffrants avaient pourtant connu l’extraordinaire pouvoir de Jésus, se rappelant des événements encore tout proches dont ils avaient été les témoins oculaires avec les premiers disciples. Mais cette connaissance accentuait davantage leur sentiment de détresse et leur impression d’être abandonnés. Les miracles avaient cessé de se produire au milieu d’eux. « C’est à cause de toi qu’on nous met à mort tous les jours; qu’on nous regarde comme des brebis de boucherie » (Ps 44.23).

Deux grandes questions torturaient l’esprit des chrétiens : « Pourquoi ces choses-là leur arrivaient-ils? » et : « Jusques à quand Seigneur? » (Ps 6.4). Le cri de ceux qui se trouvent sous l’autel est perçu de façon stridente. C’est le cri des rachetés du Seigneur : « Ils crièrent d’une voix forte : Jusques à quand, Maître saint et véritable, tardes-tu à faire justice et à venger notre sang sur les habitants de la terre? » (Ap 6.10).

L’Apocalypse, dont l’auteur véritable n’est autre que Jésus-Christ en personne, offre la réponse au cri de l’Église à chaque nouvelle génération. Le monde présent y est décrit comme une mer turbulente, agitée par des vents surnaturels, ne connaissant ni stabilité ni sécurité, soulevée à chaque instant par la fureur d’un orage qui dépasse toute description. Même les fidèles semblent démunis de tout secours, proies sans défense d’une tempête qui les pousse toujours en avant et les précipite dans l’abîme. Quel rôle Dieu tient-il dans une 
pareille situation? Exerce-t-il un semblant même de contrôle?

À ces chrétiens perplexes et angoissés, ce livre rappelle la présence invisible, mais réelle du Christ et annonce son avènement triomphal. Il les invite à tenir ferme et à lutter avec les armes de la patience, avec une loyauté indéfectible. S’ils restent fidèles, ils surmonteront les forces du mal. Car en réalité ils se trouvent du côté du véritable Vainqueur. Dès à présent, ils sont au bénéfice de sa victoire. Ils sont assurés que Dieu entend leur cri et voit leurs larmes. Leur mort est précieuse à ses yeux. Leurs prières produisent un impact sur les affaires du monde. Le Christ a dévitalisé la mort; il a anéanti le pouvoir de l’enfer; il a écrasé le dragon, la bête, le faux prophète; il détruit ceux qui adorent la bête. L’âge d’or n’appartient pas au passé ni au présent; il est encore à venir. Parmi les innombrables conflits et chocs entre empires redoutables, au cours des multiples et inextricables contradictions de l’histoire universelle, ou encore dans les épreuves qui s’abattent sur les destinées individuelles, le dessein de Dieu s’accomplit. Au prix de rudes combats et au sein des brouhahas humains, Dieu poursuit son œuvre de libération.

Qu’advient-il à ceux qui semblaient vainqueurs? Au dragon? À la bête? Au faux prophète? À Babylone? Ils sont tous écrasés. Babylone tombe; la bête et le faux prophète sont punis et définitivement éliminés; le dragon est enchaîné pour toujours dans un tourment sans fin.

L’Apocalypse est un livre de jugement irrévocable et de condamnation sans appel. Les réalités obscures et laides de l’existence n’y sont point occultées. Le Dieu juste punit le péché. L’incroyance et la révolte conduisent irrémédiablement à la défaite et à l’écrasement de leurs auteurs. Il n’y a aucune trace de confusion sentimentale entre le bien et le mal. Il n’existe aucune tolérance envers l’esprit rebelle. L’Agneau immolé est aussi l’Agneau en colère, qui domine toutes choses. C’est un véritable « Dies irae », une colère de Dieu, qui s’abat sur toute iniquité. Si on peut contempler le fleuve de vie qui coule intarissablement, on se trouve aussi en face du lac de feu.

Un Dieu d’amour essuie les larmes des yeux des siens et anéantit la mort, mais il ne manque pas de châtier tous ses adversaires. Un conflit gigantesque se déroule entre les forces des ténèbres et la suprême autorité divine. Les couleurs y sont vives; elles rappellent aussi bien les convulsions de la nature que des scènes de l’histoire humaine avec ses batailles sauvages et ses hécatombes de vies humaines. Dans ce combat titanesque, d’innombrables hordes de guerriers démoniaques foulent le sol et s’opposent au Roi des rois et au Seigneur des seigneurs. Mais la malédiction est prononcée sur eux et des coupes de colère sont alors déversées sur leurs têtes. Leur destruction définitive ne tardera pas; bien que, pour l’heure, la tempête fasse encore rage, un jour lumineux est en train de s’élever à l’horizon.

L’Apocalypse est également un livre de chant et de poésie. Il a inspiré les plus grands esprits littéraires ainsi que des compositeurs de génie. Sous nos yeux éblouis, des scènes d’une épopée majestueuse s’y déroulent. Un esprit prosaïque n’y comprendra rien et ne saura pas les apprécier. Sur ces pages résonne une musique céleste. Des chœurs d’anges accompagnés de leurs harpes célèbrent les louanges de Dieu et les rachetés du Seigneur entonnent des hymnes de reconnaissance. Certains de ces chants parviennent à nos oreilles dans un ton mineur. Des lamentations s’y font également entendre; parmi elles, celle prononcée sur la grande Babylone est la plus célèbre (Ap 18). Pourtant, la note majeure est celle du triomphe et de l’exaltation de l’Agneau (chant des anges, 5.9-10; antienne des anges, 7.11-12; chœur triomphant des anciens, 11.16-17; 19.4; quadruple chœur d’alléluias qui suit le jugement prononcé sur Babylone et introduit l’apparition glorieuse du Christ, 19.1-8).

L’Apocalypse est également un livre de visions et de symboles. À l’exception des premiers paragraphes, de la fin du livre et des chapitres 2 et 3, le reste est composé de visions offertes à la foi exaltée par le Saint-Esprit de Dieu. Rien n’y est historique ou littéral. Nous n’y lisons pas la description d’événements. Il n’y a pas davantage de formules doctrinales. Pas même une prédiction au sens courant du terme! Au contraire, nous nous trouvons en présence de vérités et d’événements dramatiques seulement perceptibles au regard du voyant de Patmos. Pourtant, ces images expriment des réalités objectives. Le lecteur de la Bible les connaît déjà par l’Ancien Testament.

Certaines apparaissent sous la forme de rêve ou de vision, comme ce fut le cas pour Abraham, Jacob, Ézéchiel, Zacharie, Pierre, Paul. Cette forme de communication des réalités divines et
 surnaturelles est assurément plus vivante et frappe mieux qu’une méthode prosaïque de communication littéraire. Elle impressionne mieux que ne le ferait une description verbale ou un raisonnement d’une logique rigoureuse. Ces visions viennent sous la forme de symboles. Le prophète n’aperçoit pas des personnes concrètes, mais des images qui doivent être interprétées pour être comprises. Leur intention est de fixer la pensée non sur le symbole comme tel, mais sur l’idée qu’il véhicule.

Tel est d’ailleurs l’objet de tout le symbolisme oriental. Il frappe l’esprit du poète, mais ne met pas en mouvement les bras et le pinceau de l’artiste. Voyez par exemple le Christ, dépeint avec une épée flamboyante sortant de sa bouche, ou encore des chevaux avec des têtes de lions et des queues de serpent, ou encore le diable enchaîné avec des chaînes métalliques! Ce sont là des descriptions apparemment absurdes. Pourtant, ces symboles véhiculent un message vrai, vivant et instructif.

Ils sont empruntés à l’Ancien Testament ou encore à des objets familiers de la nature (des arbres, le désert, le tabernacle, le Temple, la ville sainte, Babylone, Gog et Magog, des anges et des séraphins, des chandeliers d’or, l’arche de l’alliance). Le message qu’ils communiquent est clair et intelligible à celui qui est familier avec l’histoire d’Israël; de la même manière, les éléments de la nature, le ciel, le soleil, la mer, les tremblements de terre, les tonnerres, les éclairs, les étoiles qui tombent, les rivières et les fleuves, les montagnes et les arbres ont une place appropriée dans les scènes de terreur que décrit l’auteur. L’emploi de ces symboles est uniforme. Quoique difficiles à interpréter, ils n’y sont pas présentés pour nous embarrasser; Babylone, la bête, la ville sainte, les trompettes, les sceaux, les coupes ont un sens très précis et consistant.

C’est également le cas des nombres qui sont un élément important du symbolisme biblique. Il ne faudrait pas les interpréter de manière littérale (ou bien arithmétique!). Ils représentent plutôt l’idée de totalité, de complétude, de grandeur superlative. Les symboles du livre sont composites. Ils comportent divers éléments et il ne faut pas chercher un sens à chaque détail pris séparément. Il nous faut y trouver l’essentiel, comme dans la pointe d’une parabole de Jésus; les détails qui peuvent nous impressionner ne devraient pas distraire notre pensée.

L’Apocalypse est un livre de prophétie. Dans l’Ancien Testament, un prophète occupait une place exceptionnelle. Il prononçait des oracles de Dieu et son message concernait le présent. Notre auteur, lui, s’occupe davantage de l’avenir. Il révèle ce qui se passera. Quelle que soit la date, il s’agit d’événements qui doivent encore se produire. C’est donc une prophétie apparentée à l’apocalyptique, aussi bien dans sa substance que dans sa forme. Les écrits 
apocalyptiques foisonnaient à l’époque pour réconforter le fidèle. Ils traitaient du caractère mauvais des temps, de l’opposition des puissances maléfiques, ils annonçaient aussi la délivrance, non comme une évolution ayant atteint le point oméga, mais en tant que la conséquence de l’intervention inespérée de Dieu. Ils prédisaient l’avènement du Messie, le jugement, l’instauration de l’âge nouveau.

Ces écrits sont souvent anonymes, produits par l’imagination débordante de fanatiques; ils sont souvent confus et absurdes, jamais édifiants. Notre livre, quant à lui, est ordonné, sublime, au dessein clair. Au sens vrai du terme, il s’agit d’une Apocalypse qui n’est rien de moins qu’un message prophétique. Il présente une valeur pratique incomparable et, qui plus est, une valeur permanente. Nous l’apprécions non pas à cause de son langage cryptique, mais pour ses encouragements et ses exhortations. Dieu s’y révèle dans toute sa majesté.

Son amour est tout-puissant. Le Christ y apparaît comme le Prophète, le Roi et le Prêtre. Il est véritablement le Fils éternel de Dieu, l’Agneau immolé dont la mort assure la victoire universelle. Il est un avec le Père et l’Esprit.

L’Apocalypse de Jean veut réconforter notre foi, soutenir notre espérance, consoler l’Église en tribulation. Elle stimule notre zèle, inspire la sainteté et dispense le courage nécessaire pour le quotidien. En lisant ces pages, nous ne manquerons pas de placer chaque jour, et jusqu’à la fin, notre confiance en celui qui est notre Sauveur, au Dieu invincible.