Cet article sur Marc 6.45-52 a pour sujet le récit de Jésus qui marche sur les eaux. De même, pendant que l'Église traverse l'océan du temps et affronte les tempêtes de l'histoire, son Seigneur la garde et la conduit à la victoire.

Source: Les miracles de Jésus. 5 pages.

Marc 6 - Jésus marche sur les eaux - En sécurité au milieu de la tempête

« Aussitôt après, il obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, vers Bethsaïda, pendant que lui-même renverrait la foule. Quand il eut pris congé d’elle, il s’en alla sur la montagne pour prier. Le soir venu, la barque était au milieu de la mer, et Jésus était seul à terre. Il vit qu’ils avaient beaucoup de peine à ramer, car le vent leur était contraire. À la quatrième veille de la nuit environ, il alla vers eux en marchant sur la mer et il voulait les dépasser. Quand ils le virent marcher sur la mer, ils pensèrent que c’était un fantôme, et ils poussèrent des cris; car ils le voyaient tous, et ils furent troublés. Aussitôt, Jésus leur parla et leur dit : Rassurez-vous, c’est moi, n’ayez pas peur. Puis il monta auprès d’eux dans la barque, et le vent tomba. En eux-mêmes, ils étaient tout stupéfaits, car ils n’avaient pas compris le miracle des pains, parce que leur cœur était endurci. »

Marc 6.45-52
Voir aussi Matthieu 14.22-33 et Jean 6.16-21

Voici ce qu’écrit un commentateur de l’Évangile :
« C’est un récit bien étrange, obscur et incompréhensible. Je serais tenté presque de dire inquiétant. On dirait que tout d’un coup les cieux ont été déchirés et qu’on entrevoie un autre monde, où les hommes, transformés, marchent avec un corps transfiguré, qui n’est plus soumis aux lois de la pesanteur. »

L’émotion qui parcourt ce récit apparaît dès les premiers mots : « Aussitôt après, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque » (Mc 6.45). Jésus éloigne ses disciples, car, selon le texte parallèle de l’Évangile selon Jean (Jn 6), nous apprenons qu’après le repas miraculeux, les Juifs voulaient faire Jésus roi. Dans l’émotion provoquée par ce grand miracle, on a voulu tenter une sorte de soulèvement messianique. Jésus a voulu éloigner les siens de ce tumulte. Les disciples ne sont pas encore assez solides pour résister fermement à des mots d’ordre politique erronés. C’est pourquoi il les a renvoyés. Une fois seul, il se débarrassa rapidement du peuple, puis, selon son habitude, il se rendit dans la solitude pour prier (voir Mc 1.35).

Ainsi, c’est Jésus en personne qui a décidé cette traversée de ses disciples. Par eux-mêmes, ils n’auraient pas choisi de s’embarquer en pleine nuit; sans doute aussitôt après, ils s’étonnèrent de cette décision imposée par Jésus. N’était-ce pas un voyage sans but précis? Et à présent, ils se voient pris dans les tourments d’un orage tel que même les marins expérimentés qu’ils sont en restent terrorisés, incapables de faire face à une tempête si violente. Allaient-ils parvenir sur l’autre rivage? Pourquoi Jésus les force-t-il à pareille aventure? Certes, dans une expérience précédente, la tempête sur ce même lac avait été plus dangereuse encore. Mais au moins, lui se trouvait dans la barque, quoiqu’endormi, et ils avaient pu le réveiller. Mais à présent, ils sont totalement livrés à eux-mêmes, en pleine obscurité, sous un ciel noir et au milieu de vagues géantes, menaçant de les engloutir. L’angoisse les saisit. Décidément, cette mer de Galilée ne sera jamais « la mer de cristal » que décrit le livre de l’Apocalypse.

À la quatrième veille de la nuit, c’est-à-dire vers trois heures du matin, alors qu’au milieu du lac ils luttaient avec peine contre le vent, les apôtres virent Jésus marcher sur la mer. « Il voulait les dépasser », est-il dit (Mc 6.48). Le Fils de Dieu marche sur le lac, dans une extase divine, porté par des puissances d’un autre monde, incompréhensibles à l’entendement humain. Ce n’est pas là un spectacle pour des yeux terrestres, il se produit un profond mouvement dans le secret de la vie divine, que personne ne saurait connaître, sinon Dieu et le Fils de Dieu. C’est pourquoi il est dit « il voulait les dépasser ». Cependant, lorsque Jésus est aperçu par les siens, il ne les laisse pas pour cela périr. Le Fils de Dieu est en même temps leur Maître et leur ami. Aussi rompt-il l’épouvante qui pèse sur eux, quand il leur parle amicalement et monte avec eux dans la barque.

Quel instant! Des yeux humains ont contemplé des choses divines. Le blâme adressé aux disciples (Mc 6.52) montre que ces derniers n’avaient pas atteint la maturité de la foi. Dans le miracle des pains, ils n’avaient pas discerné le mystérieux arrière-plan de la scène; ils n’avaient pas compris qu’il s’agissait de celui qui est le Pain de vie et qui nourrit miraculeusement les siens. Ils avaient vu seulement l’événement qui frappait les yeux, et par conséquent, ils couraient le danger de concevoir des espérances purement terrestres et politiques. Le miracle de la marche sur les eaux a provoqué chez eux une terreur panique, mais il ne les a pas amenés et à reconnaître et à adorer celui qui est aussi le Maître des terreurs de la mer. Celui qui marche sur la mer annonce qu’il est le Maître de la mort. Aucune de ces pensées n’est venue à l’esprit des disciples; c’est pourquoi Marc dit que « leur cœur était endurci » (Mc 6.52).

Dégageons à présent la leçon principale du récit pour nous-mêmes et pour la situation contemporaine de l’Église du Christ.

Le Christ a eu bien souvent recours à une pédagogie aussi extraordinaire et incompréhensible que celle-ci. Il a obligé, a forcé — il conviendrait de dire — les siens à entreprendre un voyage aussi périlleux que tout au moins apparemment sans but précis. Au cours de sa longue et orageuse existence, l’Église a fait à son tour la même expérience douloureuse et hautement risquée que celle des disciples ramant sur le lac de Tibériade, impuissants au milieu d’une tempête déchaînée, résistant, à bout de force, à des puissances maléfiques, démoniaques, déchaînées contre elle et livrés à un amer découragement. Elle a pu évaluer objectivement, en toute lucidité, sa situation; calculer les chances de survie, mesurer les risques encourus, les dangers la guettant de toutes parts, telle une frêle embarcation devenue le jouet de l’assaut des courants dévastateurs des vagues de l’histoire. Elle a invoqué de toute son âme une issue de secours, cherché avidement une planche de salut, espéré un sauvetage. Bien que nombre de ses cantiques entonnent des hymnes victorieux, naïvement triomphalistes, en réalité, sa situation fut sombre, présageant des malheurs, laissant prévoir la lutte ultime et le moment quand toutes les forces, sarcastiques et méprisantes, farouches ou menaçantes, liguées contre elle et contre le Royaume de Dieu, s’acharnent contre elle, cherchant avoir raison de sa faible résistance et à l’engloutir définitivement.

Tels furent les adversaires et telles sont encore actuellement les idéologies matérialistes de tout bord, humanisme athée, rationalisme scientifique ou existentialisme irrationnel, escalade d’immoralité, mépris blasphématoire de la décence, violation de la justice, démesure d’esprits rebelles, apostasie jusque dans ses propres rangs… Quelles chances l’Église aurait-elle, pourrait-elle espérer en de tels tourbillons, lorsque tous les fondements sont ébranlés? Quelles sont ses chances pour traverser l’océan du temps, saine et sauve, jusqu’à parvenir à l’autre bord?

« Le prochain siècle sera, dit-on, religieux ou ne sera pas. » Pourtant, les statistiques journalistiques sont alarmantes; la faiblesse numérique des chrétiens est flagrante, déprimante. Oppressions larvées dans telles régions, persécutions ouvertes ailleurs, moquerie de la part des esprits forts, calomnies des autres… C’est comme sur une mer agitée que l’Église, année après année, siècle après siècle, depuis deux millénaires, navigue livrée à l’assaut des vagues et à la terreur d’adversaires redoutables.

Par quels efforts surhumains pourrait-elle accoster l’autre rive, si rive il y a? Quelle image déprimante, en effet, que celle de l’Église chrétienne en ce temps qu’est le nôtre; de mon Église et de la vôtre, de l’Église universelle, quelle qu’en soit la confession.

Aussi, d’aucuns, sans doute à leurs yeux plus avisés et sages, ont cessé de ramer. Ou bien rebroussant chemin, se sont mêlés à la foule dans un havre prétendument plus sûr, laissant de vastes courants d’air traverser les enceintes des sanctuaires. Réalistes selon le siècle présent, prévoyant un désastre, démissionnaires et dépourvus de tout espoir de relèvement, ils sont sortis des rangs du peuple pèlerin de la foi.

Reconnaissons que cela est tentant. Après tout, étant humains, trop humains, n’ayant aucune puissance supérieure en vue, parfois quelques fantômes à observer, ils préfèrent la terre plate des théologies sécularisées, de l’immanence, coupée de tout lien avec le ciel. Avec un semblant d’esprit pratique, pragmatique, ne rappellent-ils pas l’expérience des anciens? « Quand le bateau coule, les rats quittent le navire. » Oui, bien sûr, quand il s’agit des rats et des rafiots! Mais à mon avis, à l’avis de la foi, lorsque les rats coulent, le navire chrétien vogue au large; car son capitaine est le Seigneur même des cieux et de la terre, le pilote expérimenté de nos frêles embarcations. Il prouve sa puissance dans nos faiblesses et fait éclater sa sagesse contre l’arrogance des esprits hautains.

Telles sont, amis chrétiens, les grandes leçons salvatrices, extraordinaires, contredisant toute pensée raisonnable et toute logique implacable, que l’Esprit et la Parole nous enseignent depuis des millénaires, depuis les débuts de la révélation que Dieu accorde par les prophètes et les apôtres dans son Évangile éternel. C’est la raison pour laquelle nous lisons et méditons ces récits évangéliques. Ce que, il y a deux mille ans, le Christ a accompli en faveur de ses disciples déboussolés, a démontré une fois pour toutes ce dont il est capable pour notre propre situation, au cours de nos traversées les plus orageuses. Ou bien nous lirons et méditerons ces simples récits de l’Évangile et nous serons rassurés quant à notre sort, ou alors, pour reprendre mon image de tout à l’heure, tels des rats affolés, au lieu de regagner la côte, nous nous livrerons aux flots de la perdition.

Je ne tiens pas à me nourrir d’illusions. Comme chacun d’entre vous, je m’aperçois que l’Église du Christ est en train de perdre une bataille; cependant, je crois fermement qu’elle gagnera la guerre sous le commandement divin. L’Église véritable n’est pas une entité sociologique dont journalistes et autres médias de masse se permettent de rendre superficiellement compte. Elle est le corps du Christ, l’Église du Seigneur, le peuple militant, nation de pèlerins, de navigateurs voguant vers le port.

Le récit évangélique montre à l’évidence qu’il n’y avait qu’un seul danger durant cette traversée mémorable, menaçant les disciples. Les vents et les vagues n’auraient jamais eu raison d’eux si leurs cœurs n’avaient pas été endurcis. Les forces maléfiques ne sont redoutables et mortelles que si notre entendement spirituel est obscurci et notre confiance au Christ défaillante.

Le doute avait gagné les disciples et il était naturel qu’ils s’effraient. Ils pensaient que le Christ les avait livrés à eux-mêmes, abandonnés à la merci de la tempête. Mais l’Évangile signale que, durant tout ce temps, Jésus ne les avait pas quittés des yeux. Il a vu leur trouble, constata leur peine. Déjà sur la colline où il s’était retiré, il priait pour eux. Est-ce peu de chose que d’apprendre cette activité du Christ, parmi toutes ses autres actions salvatrices? Cette activité de l’unique Médiateur qui adresse sa requête et ses suppliques au Dieu de toutes les miséricordes, qui assiste son peuple par le Saint-Esprit, notre divin Consolateur? Tout à l’heure sur la colline; sur les eaux agitées à présent, n’est-il pas le bon Berger du petit troupeau à qui il promet le Royaume?

L’Église ne périra donc pas, quels que soient l’acharnement des adversaires, la violence du vent, les cataclysmes de l’histoire, la rébellion insensée des hommes et des démons. Le Christ veille sur nous. Puissions-nous alors briser l’endurcissement de nos cœurs. Sa Parole nous l’assure, les sacrements nous l’attestent et rappellent. Même quand il nous semble bien tard, le Christ vient au secours. Ne craignons donc pas. Il choisit son temps, et celui-ci est le moment opportun. Il vient de manière inattendue, extraordinaire, incompréhensible, faisant face à l’orage, lançant le défi à l’ouragan, pour nous rassurer. « C’est moi, je suis » (Mc 6.50), déclare-t-il comme le Dieu de l’Ancien Testament, dont il est la pleine révélation. « Prenez courage, moi, j’ai vaincu le monde », dira-t-il à une autre occasion (Jn 16.33).

Parce que durant une nuit, sur le lac de Tibériade, cette Parole a retenti une fois pour toutes, nous ne nous attendons pas à d’autres révélations autorisées, qui la rendrait caduque, la déclarerait périmée. Écoutons-la avec confiance. Le Christ n’est pas un fantôme, produit de notre imagination, mais le Sauveur de nos vies, le Chef suprême de son Église. En dehors de lui, point de salut, seulement des sauvetages illusoires; point de paix, mais des armistices temporaires; point de refuge, seulement des abris fragiles.

Certes, la bataille sera rude, mais l’issue en sera la victoire. Le divin Maître a, par sa mort, remporté la victoire décisive, brisant les portes de l’enfer, enchaînant les hordes des démons. Actuellement, il intercède pour son Église. Il voit notre peine, il prie, il accourt à notre secours; il ne nous dépassera jamais pour aller au-delà sans nous apporter aussi le salut et la délivrance; celle que nous espérons avec impatience, celle pour laquelle nous prions avec ferveur, sans cesse.