Cet article sur Matthieu 12.38-39 a pour sujet les miracles de Jésus qui sont des signes annonçant l'arrivée du Royaume et qui sont rejetés par plusieurs. Le plus grand signe, celui de Jonas est la personne et l'oeuvre du Christ.

Source: La vie de Jésus. 4 pages.

Matthieu 12 - Le miracle comme signe

« Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens prirent la parole et dirent : Maître, nous voudrions voir un signe de ta part. Il leur répondit : Une génération mauvaise et adultère recherche un signe, il ne lui sera donné d’autre signe que celui du prophète Jonas. »

Matthieu 12.38-39

Un mot grec, notamment dans l’Évangile selon Jean, désigne le miracle comme signe (« semeion », Jn 2.11). Ailleurs, toujours dans le quatrième Évangile, nous trouvons des références aux miracles comme signes authentifiant le pouvoir de Jésus et reconnaissant son autorité divine. Cependant, l’approche est différente dans les Évangiles synoptiques. Parfois, les adversaires de Jésus réclamaient de tels signes pour qu’il démontre son autorité. Dans ces circonstances particulières, Jésus avait refusé d’accomplir un miracle. Le plus proche et le plus énigmatique de ces signes était celui de Jonas (Mt 12.39; Lc 11.29).

Ils étaient venus lui réclamer un miracle. Ils venaient ainsi, périodiquement, avec l’intention bien arrêtée de le harceler par leurs questions, de lui tendre de nouveaux pièges, de le surprendre si possible dans l’équivoque, de l’acculer à l’impossible, pour pouvoir enfin l’incriminer et le détruire… Gens de mauvaise foi, inquisiteurs sans cœur, aveugles et haineux, cette « génération perverse » ajoutait à ses manœuvres et à ses ruses l’obsession du spectaculaire.

De signes spectaculaires et de miracles inattendus, ils en avaient pourtant souvent été les témoins oculaires; mais hargneux, envieux et méchants, ils en mettaient systématiquement en doute l’authenticité. Pourtant, leur appétit du spectaculaire restait insatiable, mais pour d’autres mobiles que la foi simple et reconnaissante. Ne sursautez pas, cher lecteur, en entendant le langage sévère de celui qu’ils étaient venus démolir. Ne vous scandalisez pas de ce que Jésus les traite sans ménagements de « génération adultère ». Ce même Jésus, que nos goûts si souvent peu conformes à la vérité de l’Évangile assimilent parfois à certaines images saint-sulpiciennes, n’hésite pas à user à l’occasion d’une violence verbale peu courante. Connaisseur du cœur de l’homme et de ses perversions, même et surtout lorsqu’elles sont religieuses, il discerne chez ses interlocuteurs plus qu’un égarement, une entreprise démoniaque.

Pourquoi refuse-t-il le miracle? Tout son ministère, décrit sur les pages des quatre Évangiles, a été la scène où ont lieu les miracles; « signe » ainsi que l’appelle le quatrième Évangile, ou « puissance », comme le qualifient les trois premiers. Mais prenons garde : les miracles qu’il a accomplis étaient destinés à ceux qui avaient des yeux pour voir, à ceux qui cherchaient et voulaient croire… Or, le groupe qui se trouve en face de lui se compose d’incrédules invétérés, d’où la qualification de « génération adultère », c’est-à-dire les meneurs conscients, lucides et déterminés d’une entreprise destinée à changer le rôle et le sens des réalités. Ce groupe tenait à voir, mais non pas à croire. Race méchante, qui refuse le message même du Royaume de Dieu, déjà présent au milieu d’elle, et la personne de Jésus de Nazareth, le Roi.

Une autre fois déjà, c’était la toute première, Jésus avait opposé un refus du miraculeux. La situation était bien plus dangereuse et les circonstances encore plus dramatiques. L’adversaire n’était autre que l’adversaire par excellence, le Malin tentateur en personne. « Accomplis un geste extraordinaire, lui suggérait ce dernier, frappe donc l’imagination du peuple, montre ce que tu peux et, du coup, qui tu es. » Jésus avait repoussé l’infernale suggestion. À cette tentation satanique de s’imposer et de se faire reconnaître par une voie déloyale, il avait opposé la Parole vivante du Dieu vivant.

Et si à présent il repousse la tentation, le piège que lui tendent cette fois-ci des humains, il va opposer, encore une fois, la même arme sous une autre forme. Jésus accule la curiosité impie de ses interlocuteurs au pied d’un signe, le signe de Jonas. Jonas, ce prophète de l’Ancien Testament, le préfigurait déjà quelque huit siècles auparavant. Mais, tout en étant le type de Jésus, en dépit même des conséquences de son ministère, il ne pouvait que servir de simple signe, de poteau indicateur montrant la direction vers celui qui allait venir. Et à présent, il y a effectivement, plus grand que Jonas parmi les hommes. Il y a Jésus : son incarnation, sa prédication, sa mort sur la croix et sa résurrection d’entre les morts. Voilà le signe que les Juifs de l’époque de Jésus avaient besoin d’accepter et de croire.

Quant à nous, croyants et lecteurs de la Bible, Parole de Dieu, nous ne rejetterons pas les miracles, car ils sont les signes de son œuvre salvatrice et les signes de la providence divine qui ne trompent pas. Preuve essentielle et évidence indispensable de la toute-puissance du Dieu du ciel et de la terre, le miracle fait partie de ses desseins gracieux. Tous les miracles, même ceux qui pourraient nous paraître les plus étranges sur les pages de la Bible, du passage de la mer Rouge à la hachette que le prophète fit surnager, de la manne descendue chaque jour du ciel jusqu’à la tempête apaisée ou la guérison d’un démoniaque. Il n’y aura que les douteurs professionnels qui s’acharneront à les ignorer ou à les démentir. Car ils sont, eux aussi, animés d’un zèle religieux, mais à rebours. Ils ont l’obstination de la foi, mais d’une foi complètement renversée. Quant à nous, nous y croyons tout simplement parce que nous avons placé notre foi en l’unique Dieu. Pour nous, la question de croire ou de ne pas croire au miracle ne se pose même pas.

Et pourtant, quel serait notre christianisme à nous, gens du 20siècle, si par doute dans l’esprit ou par faiblesse du cœur, nous tenions à soutenir notre foi, cette foi qui n’est pas encore vision finale et parfaite de Dieu, par un zèle intempestif du miraculeux? Tant de faits dits miraculeux ne servent finalement qu’à frapper les esprits superficiellement. Car à notre tour, et sous prétexte d’authentifier la foi, nous avons détourné nos regards de Jésus, la Parole vivante, le Sacrifice suffisant et le Seigneur ressuscité, vers ce qui entretient et cultive notre passion du merveilleux. Rien de moins. Laissons donc aux spécialistes de la « sindonologie » de déceler, avec ou sans carbone 14, les hypothétiques traces du visage de Jésus. Laissons aussi aux chrétiens triomphalistes la vanité de proclamer à cor et à cri l’accomplissement, toujours par leurs soins, notez-le bien, de miracles « miraculeux ». Nous sommes en droit de demander légitimement : pour l’honneur de qui déploie-t-on tout ce zèle?

Chrétiens, il n’y aura pas d’autres signes pour la foi que celui de Jonas. Nous n’aurons pas droit à des miracles sériels, à la manière du slogan d’un grand magasin parisien où, à chaque instant, « s’y passe quelque chose ». Même pas dans l’Église ou les Églises, ni chez les hommes d’Église les plus consacrés ou les plus séduisants, car il n’y a vraiment pas d’autre nom sous le ciel et sur la terre pour être sauvés que celui de Jésus-Christ.

Pourtant, la réprimande, cette sainte colère du Sauveur, concerne également les non-croyants. Eux aussi sont à la recherche du spectaculaire, avides et passionnés de tout signe qui pourrait tomber des étoiles. Voyez un peu l’engouement des modernes pour la science-fiction et d’autres thèmes d’anticipation. Songez à l’immense succès des films Rencontres du troisième type ou E.T. Tout y trahit un nouveau zèle religieux et l’obsession de la religion, mais d’une religion vidée de l’unique Dieu véritable. À une époque où le vieux paganisme renaît comme les bourgeons au printemps et que la floraison de cultes exotiques bat son plein, devant la prolifération du mensonge, nous n’avons d’autre miracle à proclamer et d’autre signe à reconnaître que la personne de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, ainsi que l’œuvre parfaite, accomplie une fois pour toutes, du Sauveur des hommes. Arrivé à ce point, j’ose ajouter à votre intention, ami lecteur, vous qui n’entrez peut-être pas dans la catégorie des chrétiens superstitieux, ni dans celle des contemporains crédules, mais qui vous adonnez à une recherche authentique, que Jésus-Christ s’offre à vous, comme à nous tous, encore aujourd’hui, et il s’impose avec autant d’autorité que de sollicitude.

« Le 21siècle, écrivait André Malraux, sera un siècle religieux ou ne sera pas. » Je le veux bien. Je l’entends d’ailleurs ainsi. Mais je dois m’interroger : De quelle religion s’agira-t-il? Va-t-il surgir encore une fois une forme de spiritualité aberrante, cette « spiritualité collective » dont parlait récemment un homme d’État de chez nous, pour aliéner les hommes du troisième millénaire? Je persiste à croire qu’il n’y aura pas d’autre signe pour les hommes de notre temps que celui de Jésus-Christ, crucifié et ressuscité d’entre les morts.

Sa prédication, à laquelle la mienne et celle de tant de serviteurs dans l’Église fidèle font écho, ainsi que sa mort et sa résurrection nous sont données comme elles le furent jadis aux Juifs. On parle beaucoup en ce moment, et depuis plus de trente ans tout au moins, de « feu la chrétienté », de « l’ère post-chrétienne ». Quel sens peuvent avoir tous ces mots pour nous qui venons d’entendre l’Évangile selon Matthieu qui rapporte les mots mêmes du Christ? Depuis ce jour-là, il n’y a pas de place pour une « ère post-chrétienne ». Cette éventualité est exclue à jamais. Jusqu’à la fin des temps, ce sera l’année du signe de la grâce du Christ Sauveur. Il domine déjà l’histoire et c’est lui qui nous invite à croire en sa personne. Alors, comment ne pas se rappeler cet autre discours, celui de Paul, son apôtre? « Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse; nous, nous prêchons Christ crucifié » (1 Co 1.22-23). Mais un tel rapprochement ne semblait pas satisfaire la méchante curiosité de ses ennemis, voire parfois de ses amis…

Parfois, la foule qui l’entourait interprétait le miracle accompli comme le signe évident de la présence du Messie. Parfois, Jésus fut obligé de fuir et de s’isoler pour ne pas subir l’enthousiasme délirant d’une foule déchaînée. Ailleurs, le miracle même devenait obstacle pour croire en lui comme au Messie Sauveur.

Le miracle fut également l’une des expressions les plus concrètes de l’amour et de la miséricorde de Jésus envers les souffrants. Par son autorité divine, il délivra ceux dont personne ne se souciait de soulager les maux. Les Évangiles nous disent que Jésus était ému de compassion en face des malheureux.

Le miracle a servi également à illustrer tel ou tel point de son enseignement. Il annonçait l’imminence du Royaume. Il était véritablement le Messie attendu par le peuple juif. Ce Royaume atteindrait son point culminant le jour où un ciel nouveau et une terre nouvelle seraient instaurés pour mettre fin à l’ancien ordre des choses. Mais Jésus voulait déjà, dans la phase de ce Royaume commencée en lui, en offrir l’avant-goût. Le Royaume eschatologique ne connaîtra ni mal, ni maladie, ni péché, ni mort. Certains ont déjà pu goûter ces réalités futures.

Reste à dire que le miracle essentiel fut celui de la nature de sa personne et l’ensemble de sa mission rédemptrice. Le plus grand des miracles est la rencontre de Dieu en la personne historique Jésus de Nazareth. Seule notre foi, animée par l’Esprit et soutenue par la Parole, pourra accepter cette révélation. Son sacrifice expiatoire et sa résurrection glorieuse placent le sceau divin sur sa personne et sur sa mission. Mais il n’y aurait pas eu d’Église sans les miracles, dont les Évangiles consignent la matérialité des faits.

Celui qui croit au miracle de la résurrection peut croire sans peine au reste des actes puissants de Dieu, signes de son intervention au cours de la vie des hommes et témoignage de son amour. Ces actes s’appellent miracles et sont relatés par les Évangiles. Nous ne dissimulerons pas le nombre de difficultés que fait surgir pour certains la foi au miracle. L’un des disciples de la première heure, Thomas, n’avait pas cru tout de suite au témoignage de ses frères, comme d’autres disciples n’avaient pas cru à celui des femmes quand on leur annonce la résurrection. Nous voudrions avoir à notre disposition des preuves fortes, irréfutables, afin de croire sans arrière-pensée. Dieu veut dissiper nos doutes dans le témoignage apostolique. Le rejet du miracle ne s’explique que par un a priori religieux et philosophique, incompatible avec l’esprit scientifique.