Cet article sur Matthieu 3.13-17, Marc 1.9-11, Luc 3.21-22 et Jean 1.32-34 a pour sujet le baptême de Jésus qui annonçait sa mort pour le pardon de nos péchés. Il a reçu l'Esprit pour être capable d'accomplir notre salut.

Source: Celui qui devait venir. 4 pages.

Matthieu 3 - Le baptême de Jésus

« Alors Jésus vint de la Galilée au Jourdain vers Jean, pour être baptisé par lui. Mais Jean s’y opposait en disant : C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi! Jésus lui répondit : Laisse faire maintenant, car il est convenable que nous accomplissions ainsi toute justice. Alors Jean le laissa faire. Aussitôt baptisé, Jésus sortit de l’eau. Et voici : les cieux s’ouvrirent, il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu’une voix fit entendre des cieux ces paroles : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection. »

Matthieu 3.13-17
(Marc 1.9-11; Luc 3.21-22; Jean 1.32-34)

Jean-Baptiste avait annoncé l’action souveraine du Messie qui vient. Le voici, et ses premiers actes sont d’abaissement et de lutte. Car il est venu « non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup » (Mc 10.45). C’est pourquoi il reçoit le baptême de repentance bien qu’il soit sans péché. En se soumettant au baptême, il le reçoit comme l’annonce de ce baptême dont il doit être baptisé, c’est-à-dire de ses souffrances et de sa mort (Lc 12.49-50). En cet homme baptisé avec la multitude du peuple, et que rien ne distingue — car Jésus seul a vu le Saint-Esprit — il a plu à Dieu de faire résider toute la plénitude de sa grâce, de son « bon vouloir » envers l’humanité.

Jésus vient, avec les pécheurs, se plonger dans l’eau du Jourdain. Ce mystère n’est pas mystérieux pour qui voit dans le rite pratiqué par Jean plus que son sens familier. Jésus allait entrer dans un nouvel âge de sa vie. Il témoignait par son immersion sa volonté de mourir et sa certitude de ressusciter. Sa descente dans le Jourdain marque le principe de sa seconde vie; et elle signifie que sa mort ne sera pas définitive, de même que sa purification ne sera pas nécessaire. Celui qui juge le péché se fait baptiser en vue du pardon. Celui qui est sans péché se fait baptiser en compagnie des pécheurs. Celui qui baptise de feu s’incline devant celui qui baptise d’eau. Le Seigneur se courbe devant l’esclave, le Juge s’assied sur le banc des accusés. Le baptême annonce la communion du Sauveur avec ceux qu’il veut sauver.

Le contraste est ainsi saisissant entre cette première manifestation publique de Jésus et les paroles pleines de menaces, semblables aux coups éclatants de la trompette du jugement dernier, par lesquels Jean annonçait sa venue. Celui qui vient après lui et qu’il décrit comme un justicier, comme l’exécuteur du jugement final de Dieu, revêtu de la puissance du Saint-Esprit et seul qualifié pour opérer le baptême purificateur, apparaît soudain, et sa première démarche semble directement contredire l’attente du précurseur lui-même! Jésus vient, en effet, non pour baptiser, mais pour être baptisé (Mt 3.13) Matthieu fait remarquer que cette démarche de Jésus apparaît comme insolite et incompréhensible à Jean qui s’oppose à ce baptême.

Si le baptême de Jean signifie l’aveu d’une culpabilité, s’il est donné pour amener à la repentance les pécheurs qui se reconnaissent passibles du jugement de Dieu, comment le Seigneur, le Roi de justice lui-même pourrait-il le recevoir? Jean ne paraît pas mettre ici en doute, comme il le fera plus tard (Mt 11.3), l’authenticité de Jésus en tant que Messie; il est simplement déconcerté par son attitude. Or, la parole de Jésus a pour but de lever son objection et de révéler la signification profonde et cachée de cet acte par lequel le Messie entend précisément, contre toute attente, accomplir la justice de Dieu. « Jésus lui répondit : Laisse faire maintenant, car il est convenable que nous accomplissions ainsi toute justice! » (Mt 3.15). En un sens, cette parole contient en germe tout l’Évangile. Elle serait parfaitement incompréhensible et elle le demeure en fait si la suite des événements et l’enseignement ultérieur de Jésus ne venaient l’éclairer pour nous et lui donner son plein sens.

Matthieu est le seul parmi les évangélistes à rapporter cet entretien entre Jésus et Jean. Il entend par là compléter et préciser ce que le récit de la nativité laisse déjà entrevoir : le Christ, né de la vierge Marie, issu de la postérité d’Abraham, vient s’identifier à l’humanité maudite, au sein de laquelle il apparaît comme un simple homme, et dont il partage totalement la destinée. Il convient qu’il reçoive à ce titre le signe du jugement et de la condamnation de Dieu.

La cognée, mise à la racine de l’arbre et prête à tomber, il demande qu’elle retombe sur lui. Par son baptême, Jésus indique de quelle manière il vient accomplir toute justice, en subissant, lui le juste Juge, la condamnation et la mort de l’homme pécheur auquel il s’identifie. Par là enfin, Jésus veut montrer que la « vraie repentance » n’est pas, ne peut pas être une démarche de l’homme naturel. Il assume, lui, cette repentance que l’homme n’est pas capable de connaître sans mourir. C’est en lui, à travers son baptême, c’est-à-dire à travers sa mort et sa résurrection que l’humanité deviendra capable de se repentir vraiment, de mourir au péché et de vivre d’une vie nouvelle. Par son baptême, Jésus donne son véritable sens au baptême de Jean qui, désormais, devient baptême en la mort du Christ, signe non seulement de jugement, mais aussi de grâce (Rm 6.4; 2 Co 5.21).

L’Évangile selon Luc place l’accent non sur le baptême, mais sur le triple événement surnaturel qui se produisit après le baptême : l’ouverture du ciel, la descente de l’Esprit et la proclamation divine.

Luc est seul à relever la prière de Jésus qui suivit son baptême. C’est en réponse à cette prière que se produisit l’intervention divine. Comme pour le prophète Ézéchiel ou pour Étienne, le ciel s’ouvrit pour Jésus, c’est-à-dire que le monde de Dieu, le monde qui est au-delà de nos sens et de notre représentation devient pour lui visible. Le monde d’où il était venu lui est de nouveau sensible et proche. La communion intime et parfaite qui s’établit entre le Père et le Fils, indiquée par le ciel ouvert, durera aussi longtemps que la vie terrestre de Jésus-Christ, avec l’exception toutefois des ténèbres qui envahirent l’âme de Jésus à Gethsémani et sur la croix. L’ouverture des cieux révèle la réconciliation entre Dieu et le monde, le ciel cessant d’être fermé pour les hommes (És 63.19).

La descente de l’Esprit signifie que Jésus en est armé, qu’il reçoit une force et une direction toutes particulières de l’Esprit pour inaugurer son ministère. À la différence de Jean et de tous les prophètes, Jésus ne reçoit pas d’armature occasionnelle pour des cas particuliers, mais une mesure totale et permanente du Saint-Esprit.

Jésus n’avait pas été privé jusqu’alors de l’Esprit de Dieu. Et pourtant l’Évangile atteste que la relation de Jésus avec l’Esprit a été transformée à ce moment-là. Jusque-là, le Saint-Esprit agissait sur Jésus, exerçant sur lui une action analogue à celle qu’il exerce sur les croyants. Désormais, le Saint-Esprit va agir en Jésus. Jusque-là, le Saint-Esprit était une réalité distincte de la personne de Jésus, exerçant comme du dehors son action sur lui. Désormais, il y a union indissoluble entre l’Esprit et Jésus. Le Saint-Esprit devient l’Esprit même de Jésus. Le don du Saint-Esprit est donc, dans la vie de Jésus, un fait nouveau : celui d’une unification de deux réalités, l’Esprit de Dieu et l’esprit d’un homme, jusque-là séparés; mais bien loin de signifier une rupture avec le passé, ce fait en est l’épanouissement.

Le Saint-Esprit apparut sous forme matérielle; la matière soulignant la réalité objective du fait. Pourquoi sous une forme de colombe? Il faut sans doute voir dans la colombe le signe de la réconciliation entre le ciel et la terre. C’est ce même signe qui, à la fin du déluge, indique à Noé la délivrance proche (Gn 8.11). L’Esprit de Dieu repose désormais sur celui qui, étant « le Fils », marche dans la voie de l’obéissance et de la justice. Ayant été conçu « par la vertu de l’Esprit Saint », il en possède toute la plénitude.

Seule la voix qui se fait entendre des cieux, « tu es mon Fils bien-aimé, objet de mon affection » (Mc 1.11), et non une voix humaine, peut désigner comme le Fils bien-aimé celui qui s’abaisse et s’anéantit dans le baptême.

La vision céleste et le don du Saint-Esprit sous forme corporelle, interprétés superficiellement, pourraient être considérés comme des marques permanentes, mais non point uniques de la prédilection divine. Il n’en va pas de même pour le troisième événement surnaturel qui suivit le baptême. La voix divine exprime la relation tout à fait unique qui unit Dieu à Jésus. Celui-ci est désigné comme le Fils bien-aimé. Cette déclaration exprime la nature divine de Jésus. Elle ratifie la promesse faite par l’ange à Marie : « Le saint enfant qui naîtra sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1.35). Dieu, à haute voix, appelle Jésus son Fils. Cette voix distingue Jésus du reste de l’humanité au sein de laquelle il vient d’entrer par son baptême. En vain, l’œil de Dieu cherche un homme en qui il pourrait se complaire; car « il n’y a pas de juste, pas même un seul » (Rm 3.10). Au moment où Jésus, cachant sa nature divine, vient se placer au milieu des pécheurs, Dieu trouve enfin le seul en qui il mette son affection. Cet homme si humble et si obéissant, ne réclamant rien pour lui-même, est le bien-aimé et le lieu de toute faveur divine sur la terre. Le sens de sa venue, comme l’ont chanté les anges, est d’apporter cette faveur aux hommes.

Ainsi, au moment où Jésus se met en route, la voix de Dieu lui confirme que, malgré son humilité, ses souffrances par les hommes, avec les hommes et pour les hommes, il est au milieu d’eux le porteur de la faveur divine. Le Père donne, l’Esprit crée, le Fils exécute, ainsi se présente l’arrière-plan trinitaire de ce récit du baptême. Ici, au Jourdain, nous contemplons en effet le Dieu trinitaire, notre Dieu Créateur et Rédempteur.

Nous ne pensons pas que Jésus ait attendu ce moment pour être et pour se savoir le Fils de Dieu. Mais la parole clairement entendue de son Père lui est une sorte de sacrement : elle constitue pour lui le signe sensible garantissant, au-delà de toute contestation intérieure, la réalité de sa filiation divine. Jésus reçoit la Parole de son Père; il peut appuyer sur ce clair témoignage son assurance d’être Fils de Dieu. Et nous pourrions ajouter, ce qui n’est paradoxal qu’en apparence, que la déclaration divine de sa divinité est en même temps l’indice de sa réelle humanité. C’est en tant qu’il est aussi homme que la confirmation de son Père revêt pour lui une signification réelle; Dieu n’aurait besoin de nulle assurance supplémentaire!