Cet article sur Matthieu 6.13 a pour sujet la doxologie du Notre Père qui célèbre dans l'adoration et la louange le règne, la puissance et la gloire qui n'appartiennent qu'à Dieu; c'est la parfaite conclusion à nos prières.

Source: La prière en Esprit. 4 pages.

Matthieu 6 - Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire

« Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen! »

Matthieu 6.13

À une époque où l’homme s’élève et s’exalte plus que jamais au-dessus de toutes choses, qu’il s’établit comme l’étalon unique, la mesure définitive de la réalité et la valeur suprême de son univers, alors qu’il s’adonne à la louange de son intelligence et de sa cybernétique, qu’il glorifie son gouvernement et ses armées, attribue honneur et majesté à ses écoles et à sa culture, se soumet à sa politique ou se nourrit de sa psychologie, l’Évangile, lui, nous adresse par les termes de la doxologie finale du Notre Père un message révolutionnaire. La gloire, la puissance et le royaume n’appartiennent qu’à Dieu. La fragilité et la mortalité irréversible de l’homme sautent aux yeux, ceux de notre foi. Ce gloria, cette gloire attribuée au Père, au Fils et au Saint-Esprit, à cause de la magnificence de sa splendeur, de l’infini de son pouvoir et de l’éternité de son règne, nous plongent, si j’ose dire, en pleine actualité. Il trace une fois pour toutes la ligne de démarcation entre l’homme et Dieu. Il invite à fléchir les genoux en face de celui devant qui se tient chaque homme, à chaque instant, qu’il le sache ou non, qu’il le veuille ou non.

La doxologie est la reconnaissance de Dieu comme Dieu, car si Dieu existait sans être le Seigneur à qui appartiennent la gloire, la puissance et le règne, serait-il encore Dieu? La place honorifique qu’il occupe de temps en temps dans les rubriques de quelques journaux ou dans certains discours académiques serait-elle l’équivalent de l’adoration exclusive dont il est digne? Le Dieu de la révélation chrétienne, le Père céleste de Jésus-Christ est le Maître souverain qui nous entraîne avec force vers la louange, en faisant de nous un peuple d’adorateurs, l’Église, qui lui rend sans cesse, jour et nuit, ce culte raisonnable tant par les lèvres que par l’offrande de tout son être.

Cette doxologie est actuelle pour l’homme qui, aujourd’hui encore plus qu’hier, a le sentiment brûlant comme une morsure de vivre des temps de désespoir. Combien, parmi mes propres lecteurs, sont à la quête quasi angoissée d’un signe visible et tangible, défiant les apparences et offrant une preuve claire ou même obscurément perçue de la part de Dieu?

Ah! disent-ils, si nous pouvions rencontrer quelqu’un ou quelque chose en qui nous pourrions trouver une parcelle de ce domaine « autre », celui de Dieu, quelqu’un qui nous fasse connaître l’énigme de l’existence! Quelqu’un qui la place sous un autre jour que celui des lumières vacillantes de nos intelligences et des sables mouvants de « certitudes » allant toutes, les unes après les autres, à la dérive… Et voilà, mon ami, que ce terrain-là tangible et solide est à portée de la main. En parlant de la doxologie qui conclut le Notre Père, nous récapitulons non pas les six requêtes adressées à notre Père, mais encore le fondement de notre existence tout entière. Nous pouvons prier Dieu parce que c’est à lui qu’appartiennent effectivement toute la puissance et toute la gloire, le règne définitif pour lequel nous priions déjà en commençant notre prière.

Qu’ajoute-t-elle cette doxologie finale qui ne se trouve pas dans les plus vieux manuscrits du Nouveau Testament grec? Nous devons néanmoins préciser qu’elle est en harmonie complète avec le Notre Père ainsi qu’avec toutes les prières que l’Ancien et le Nouveau Testament nous ont laissées comme témoignage de la foi du peuple de Dieu. La prière authentique commence par Dieu, disions-nous dès le début de notre étude. Avec le Notre Père, nous pénétrions dans les parvis célestes par le grand portique de l’invocation : « Notre Père qui es aux cieux. » C’est par un portique non moins majestueux que nous quittons les lieux célestes, puisque notre invocation se conclut par des termes de louange, en hymnes d’adoration : « Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire. » Un cercle parfait s’est formé, ayant commencé par Dieu et aboutissant à lui. Entrés au ciel, nous effectuons le retour par ce même ciel, mais retour combien différent après avoir gravi, l’une après l’autre, toutes les étapes intermédiaires de la prière! Nous avons subi le feu de l’épreuve, échappé à celui de la tentation et au tenaillement de la faim. Commençant auprès du trône divin, nous sommes descendus dans la sombre et profonde vallée, redoutable et suffocante, où se déroule notre existence tout entière. Nous avons exprimé le désir quotidien d’être en présence de Dieu et lui avons réclamé le pain de chaque jour. Enveloppés des problèmes obscurs du péché humain, nous nous sommes rapprochés de l’heure cruciale où l’épreuve risquait de devenir entre les mains du Malin une tentation mortelle.

Tous les problèmes vitaux de l’existence ont été abordés par les six demandes du Notre Père. Nous voici à présent parvenus au bout de la vallée pour nous élever, pleins de foi et exultant de joie et de reconnaissance, vers les parvis célestes où demeure, tout-puissant et glorieux, mais aussi miséricordieux et attentif, notre Père en Jésus-Christ.

Il est inutile de rappeler que cette formulation de la prière offre une image parfaite non seulement de la prière chrétienne, mais encore de l’existence dans la foi tout entière. Quelle est la destinée de l’homme si ce n’est Dieu? En Christ, Dieu a récapitulé toutes choses, affirme saint Paul (Ép 1.10), et ailleurs, il proclame que tout sera remis entre les mains de Dieu, « il sera tout en tous » (1 Co 15.28).

Mais tout ceci appartient au futur. Qu’en est-il du présent? Avec la doxologie, l’hypothèse d’avenir devient une réalité présente pour notre foi. L’axe de notre vie, déplacé par la chute et le péché, retrouve déjà sa place initiale. Dieu nous avait créés pour sa propre gloire, celle qui fait l’objet principal de toute prière chrétienne. J’incline à penser, avec nombre de commentateurs, que cette dernière partie de la prière est celle qui demeurera éternellement. Car toutes nos requêtes auront trouvé, enfin, leur exaucement. La faim et les épreuves prendront fin, ainsi que notre prière pour le nom, la volonté et le règne de Dieu. Mais si la faim et les épreuves ne nous feront plus souffrir, il y aura toujours l’hymne de reconnaissance chanté par une doxologie renouvelée durant toute l’éternité. Mais nous restons encore ici-bas dans l’existence quotidienne la plus harcelée et la plus insupportable.

La doxologie nous adresse aussi un message qui touche à notre vie quotidienne et devient la base sur laquelle se fonde toute prière véritable. Et le titre énigmatique de notre exposé d’aujourd’hui s’éclaire : « car », c’est-à-dire « parce que ». Cette conjonction lie la doxologie avec le corps de la prière parce qu’elle en est la parfaite conclusion. Celle-ci est la justification même des requêtes adressées antérieurement à Dieu. Dans la foi, nous avons osé nous adresser au Père. « Car », parce que c’est à lui qu’appartiennent le pouvoir et l’autorité. Nous avons osé prier parce que la certitude de l’exaucement est offerte à notre foi, non pas le droit naturel, mais l’assurance de la grâce divine. Car à Dieu appartiennent le monde et le Royaume éternel. Par cette conjonction de la doxologie, nous nous savons chaque jour et à jamais indestructiblement liés, avec notre fragilité, à la seule puissance qui compte sur la terre comme au ciel.

À notre indignité de miséreux s’est liée l’unique gloire, celle qui éclate de tout l’éclat de sa splendeur divine. Au milieu de nos égarements et des oppressions qui nous écrasent, la doxologie nous rassure et gonfle nos cœurs de reconnaissance. Nous sommes les sujets d’un règne qui n’aura pas de fin! Dieu est celui qui gagne déjà sur toute la ligne; il a conquis Satan et sa victoire est devenue la nôtre. Nous avons la certitude qu’aucune de nos prières prononcées dans la foi ne s’évanouira dans l’air. Oui, le pouvoir ne se trouve ni à l’est ni à l’ouest. La gloire n’est même pas et surtout pas celle de l’Église. Tout pouvoir est concentré entre les mains d’un Père tout-puissant, le Dieu d’amour en notre Sauveur Jésus-Christ.

Nous saisissons ces vérités par la foi. Qu’on n’objecte pas qu’il faudrait une grande portion de foi pour en saisir toute la richesse. Même si nous avions une foi modeste comme un grain de sénevé, nous saurions pour notre bénéfice immédiat que le règne, la puissance et la gloire appartiennent vraiment à Dieu. « Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume », assurait Jésus (Lc 12:32). « Il augmente la force des faibles » (És 40.29). « Quand Christ apparaîtra, vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire » (Col 3.4).

Nous conclurons donc par une certitude inébranlable, par la reconnaissance et par l’allégresse : la passion et la résurrection de Jésus-Christ ont définitivement établi le règne, la puissance et la gloire de notre Dieu. Nous avons tous les motifs de prier et, tel un crescendo musical s’élevant avec des accents majestueux, chanter et louer Dieu à la suite de générations de chrétiens à travers les siècles.

Oui, chanter et louer le Dieu de notre salut, Père, Fils et Saint-Esprit, pour le temps et pour l’éternité, à qui appartiennent le règne, la puissance et la gloire.