Cette fiche de formation sur le ministère des diacres a pour sujet l'édification de l'Église. Les ministères équipent les saints pour qu'ils participent à l'oeuvre du ministère par leurs dons en vue de la croissance du corps dans l'unité.

Source: Le ministère diaconal de l'Église et dans l'Église. 7 pages.

Le ministère diaconal (3) - La notion biblique d'édification

« Que tout se fasse pour l’édification » (1 Co 14.26)

1. La notion biblique d’édification

Il est impossible de parler de la vie de l’Église sans qu’apparaisse le mot « édification » qui semble en définir un des axes principaux.

Qu’entend-on par le mot édification? Cela nous fait penser généralement à un enseignement stimulant ou au comportement exemplaire d’une personne, d’une Église. « Cela m’édifie, cela me fait du bien, cela m’encourage. » Ce sens-là est positif et peut bien constituer un objectif pour les ministères établis et même pour le ministère commun des membres de l’Église, notamment dans les visites (Ép 4.29-32).

Mais dans « édification », on entend « édifice ». Un édifice, c’est une construction. Édifier, c’est bâtir.

Dans la Bible, la notion d’édification est presque toujours communautaire. En d’autres termes, la finalité, ce n’est pas chacun, c’est tous et les liens entre eux. Or tous, c’est le corps; c’est Christ!

« Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre d’angle. En lui, tout l’édifice s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous aussi, vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu en Esprit » (Ép 2.20-22).
« C’est de Christ, et grâce à tous les liens de son assistance que tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chacune de ses parties, et s’édifie lui-même, dans l’amour » (Ép 4.16).

Remarquer les termes utilisés. Remarquez aussi que les ministères ne sont pas niés, même si tous les membres sont concernés. Tous.

L’édification, dans le sens biblique, n’est jamais individuelle : elle a toujours un rapport avec la communauté, que ce soit à un échelon local ou de manière plus large. Remarquer que la notion du nombre n’entre pas prioritairement dans la notion d’édification.

2. Ministères de l’Église et ministère dans l’Église

a. La Discipline des Églises réformées évangéliques, en France, est instructive. L’article 1er sur les ministères se décline en trois temps :

Dieu. « Dieu prend soin de son Église. Il veut qu’elle croisse en vue du témoignage qu’elle doit lui rendre dans le monde. »

Tous. « C’est pourquoi Dieu appelle, d’une part, chacun de ses membres à participer à l’édification du peuple de Dieu en mettant au service des autres le don qu’il a reçu du Saint-Esprit qui demeure en lui. »

Certains. « Dieu appelle, d’autre part, certains membres de l’Église à exercer soit un ministère pastoral soit un ministère diaconal. »

Que remarquons-nous?

  • Ce n’est pas hiérarchique : Dieu vient en premier, puis, c’est tous. Les ministères viennent après. Tout vient de Dieu. Et tout est pour lui : rendre témoignage de lui dans le monde.

  • Cela nous parle de l’accès de tous à Dieu, de l’accès de Dieu en tous. Il n’y a plus de prêtrise médiatrice en dehors de celle de Christ! Grâce et responsabilité.

  • Que dit le fait que Dieu soit mentionné en premier? Tout procède de lui (Rm 11.36). Il est garant.

  • Un de ces 3 niveaux peut-il être ôté? Certainement pas! Ils ne sont absolument pas concurrents. Ces trois niveaux devraient être constamment présents à notre esprit.

  • Les ministères sont classés ici en deux catégories : de nature pastorale et diaconale.

Deux compréhensions différentes des ministères peuvent exister à partir d’Éphésiens 4.11-16.

« C’est lui [Christ] qui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour l’équipement des saints; cela en vue de l’œuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ » (Ép 4.11-12).

Notons l’ambiguïté de la notion de « perfectionnement » (trad. Segond) alors que le terme grec parle plutôt d’équipement. Équiper, c’est rendre apte à servir, à entrer dans son propre ministère, à participer au ministère de l’Église tout entière. L’objectif des ministères n’est jamais d’œuvrer à la place des membres de l’Église, mais pour eux et avec eux, avec un objectif commun.

1re conception :

Cette compréhension fait des ministères établis le centre de toute l’œuvre. C’est le modèle traditionnel hérité du catholicisme et du Concordat, modèle qui fait du ou des pasteurs des « prêtres désacerdotalisés » (H. Blocher).

2conception :

Cette compréhension fait de l’équipement des saints le passage obligé de l’œuvre de Dieu.

Elle fait aussi de chaque chrétien un participant de cette œuvre, à sa place, avec les dons que Dieu lui a accordés (1 Co 12.4-11; 1 Pi 4.10). L’expression « l’œuvre du ministère » désigne le ministère de toute l’Église dans ce monde — alors qu’elle est souvent attribuée à quelques-uns seulement. L’œuvre du ministère, c’est le témoignage de l’Église, rassemblée ou dispersée, en paroles ou en actes, comme sel et lumière.

Dans ce schéma, les visites, par exemple, trouvent leur place et leur sens, qu’elles soient pratiquées par les pasteurs, les anciens, les diacres ou les membres de l’Église. Tous servent un même objectif. Chacun est concerné.

Les ministères sont donnés par Christ pour l’Église. Y compris celui d’évangéliste. Cela est dit très clairement en Éphésiens 4. Ils sont donnés « pour l’équipement des saints ». L’apôtre Paul le dit ailleurs encore : « Présentement, je vais à Jérusalem, pour le service des saints » (Rm 15.25). On pourrait traduire cela ainsi : Christ édifie et prend soin de son Église par les ministères et par les dons répartis entre l’ensemble des membres; par son Église édifiée, Christ rend présent son témoignage et son appel dans le monde. C’est ainsi que l’on peut parler des ministères dans l’Église et du ministère de l’Église. Nous y reviendrons.

3. Anciens et diacres : distingués et associés

a. La double dimension du ministère : pastoral et diaconal

Cette double dimension n’est pas évoquée ici de manière arbitraire. Elle est présente de manière significative dans le Nouveau Testament :

  • dans le ministère de Jésus qui enseignait et guérissait les malades de son peuple;
  • à la naissance de l’Église, avec la mise en place de diacres à côté des apôtres (Ac 6.1-6);
  • dans l’enseignement de Paul aux Corinthiens : « secourir, gouverner » (1 Co 12.28);
  • dans sa salutation à l’Église de Philippes : « aux anciens et aux diacres » (Ph 1.1-2);
  • dans sa 1re lettre à Timothée : aux anciens, aux diacres… (1 Tm 3.1-13);
  • dans son ministère d’apôtre : « pour le service des pauvres parmi les saints » (Rm 15.25-26).

Elle a été retenue et développée par les réformateurs, en particulier Jean Calvin à Genève, Pierre Viret à Nîmes…

Cette distinction est-elle importante? Je crois qu’elle est importante pour plusieurs raisons.

1. Elle me semble refléter dans l’Église la double vocation de l’homme et de la femme, comme le dit si bien Paul dans sa lettre aux Thessaloniciens (1 Th 2.7-12). Or cette double vocation est déjà le reflet de l’être même de Dieu, mystérieusement (Gn 1.27). Existe-t-il une source plus profonde?

2. Les ministères dans l’Église n’agissent pas à la place de l’Église, mais pour elle et avec elle, en vue du ministère de l’Église tout entière, « chacun mettant au service des autres le don qu’il a reçu » (1 Pi 4.10). C’est là la maturité de l’Église. Ainsi, chaque ministère, s’il est fidèle, nourrit et féconde la vocation de l’ensemble des membres, selon les deux axes mentionnés :

  • Le ministère pastoral (pasteurs et anciens1) nourrit et développe au sein de l’Église un pastorat mutuel qui sera le signe de sa maturité, fait de veille et d’exhortations réciproques (1 Th 2.12);

  • Le ministère diaconal (les diacres) nourrit et développe la diaconie : l’aptitude à soutenir, à secourir, présente et à l’œuvre parmi l’ensemble des membres de l’Église (1 Th 2.7-8).

Cela signifie-t-il que chaque action entreprise devrait impérativement être classée dans l’un ou l’autre de ces deux domaines? La réponse est non. Cependant, ces deux axes correspondent à des dons et des vocations qui ne sont pas en tous points identiques.

3. En troisième lieu, cette distinction facilite le discernement des dons et des vocations ainsi que la fidélité de chacun dans le service qui lui est confié. La frontière entre les deux n’est pas hermétique, mais les rôles ne sont pas pour autant interchangeables.

b. Un même objectif : l’unité spirituelle de l’Église et sa croissance

L’homme moderne est habitué à séparer le spirituel du matériel et du pratique. Le spirituel est vaguement associé à la spéculation philosophique, mystique ou simplement imaginaire. Le matériel ou le pratique sont regardés comme profanes et de moindre importance ou encore comme seuls réellement concrets. Cette manière de voir ne correspond pas du tout à la vision et à l’enseignement bibliques.

Quand Jésus dit : « Lève-toi, prends ton lit et marche », cela procède d’une même intention et constitue un même témoignage que quand il dit : « Tes péchés sont pardonnés » (Mc 2.9), même si les deux injonctions ne sont pas identiques. Il en est de même avec la foule enseignée puis nourrie par Jésus (Mc 6.34-44).

Dans l’Église primitive, les disciples « persévéraient dans l’enseignement des apôtres » (Ac 2.42), « prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur » (Ac 2.46) et « il n’y avait parmi eux aucun indigent » (Ac 4.34). Nous voyons les apôtres recommander que l’on nomme des diacres « qui soient pleins d’Esprit Saint et de sagesse » (Ac 6.1-4). Nous voyons les apôtres « enseigner beaucoup de gens » (Ac 11.26) et « les disciples envoyer un secours aux frères de Judée par les mains de Paul et Barnabas » (Ac 11.29-30).

En réalité, ces deux axes de ministère sont spirituels l’un et l’autre : ils visent tous les deux l’unité et le développement de l’Église autour de la personne de Jésus, et agissent en son nom. Ils donnent à l’enseignement son autorité, car celui-ci est porté par un vécu.

Nous voyons cela en bien des passages, notamment en 1 Corinthiens 12 où Paul rappelle avec insistance que nous sommes « le corps de Christ et ses membres chacun pour sa part » (v. 12-13, 27), reliés tout à la fois au Seigneur et les uns aux autres. Paul parle alors du risque de « division dans le corps » (v. 25), non pas pour des questions de doctrines ou de caractères, mais parce que certains souffrent et demeurent sans soin. L’enseignement était peut-être bon, mais pas la mise en pratique. C’est pourquoi Paul demande « que les membres aient également soin les uns des autres » (1 Co 12.25), ce qui est exactement le pastorat mutuel et la diaconie soulignés par les expressions : les uns les autres, mutuellement, réciproquement.

Ces deux axes de ministère sont étroitement associés, comme sont associés l’amour de la Parole et l’amour fraternel, deux signes de la vie nouvelle reçue de Dieu (1 Jn 3.22-24; 5.1-3). Ils agissent en étroite collaboration. Ils ont en commun de veiller sur le peuple de Dieu.

c. Des dons et des appels distincts

Étroitement associés, ces deux axes de ministères sont cependant distincts et ne peuvent pas être confondus.

  1) La tâche de nature pastorale

Ce point ne sera pas développé ici, mais il importe d’en comprendre l’orientation principale. Les mots associés à la tâche pastorale dans la Bible (le verbe paître, notamment) laissent apparaître clairement une double dimension : nourrir et diriger (montrer la direction), c’est-à-dire donner à l’Église la possibilité d’avancer dans sa vocation propre (Ps 23; Hé 13.17). Cela se fait par l’exemple (marcher devant) et par la parole : enseignement, conseil, exhortation.

Le verbe « gouverner » — tenir le gouvernail — (1 Co 12.28) signifie tenir la barre, piloter, diriger. Le mot ancien a pour équivalent le mot « épiscope » (Ph 1.1; 1 Tm 3.1) : celui qui veille sur. La tâche pastorale s’attache notamment à la conduite de chrétiens, de l’Église. À cette tâche est liée une certaine autorité, attachée à la personne, mais vécue collégialement. Cette autorité n’exclut aucunement la bienveillance, la patience, l’amour.

L’objectif de la tâche pastorale, c’est l’unité du peuple de Dieu dans la vérité, c’est la croissance en maturité de chaque membre et de l’Église tout entière2.

  2) La tâche de nature diaconale

Elle sera développée lors du prochain cours intitulé Diaconie et diaconat.

Le début du chapitre 6 du livre des Actes, généralement retenu pour identifier ce ministère, laisse apparaître deux motivations ou deux engagements possibles :

  • Organiser et mettre en œuvre l’assistance au profit des membres les plus fragiles de l’Église : personnes seules, âgées, malades, démunies…

  • Décharger les anciens (pasteurs, enseignants) de cette assistance et des tâches matérielles et organisationnelles pour que ceux-ci puissent se consacrer à leur mission propre.

À côté des anciens, les diacres ont pour premier objectif de préserver la communion des fidèles de telle sorte que la joie du salut ne soit pas perdue à cause des difficultés de certains.

Il y a donc une dimension réellement spirituelle dans le ministère des diacres et un souci des personnes.

Anciens : veiller + enseigner — implique la responsabilité de « diriger l’Église ».

Diacres : veiller + secourir — n’implique pas la responsabilité de « diriger l’Église ».

4. Annexe – Instruire ou enseigner

La charge pastorale d’ancien comprend celle d’enseigner (1 Tm 3.2); ce qui n’est pas le cas de la charge de diacre.

La distinction entre les ministères de diacre et d’ancien peut s’éclairer par la différence entre les deux termes : instruire (« manthanô ») et enseigner (« didaskô »).

« Manthanô » signifie instruire dans un sens qui s’accorde avec la participation de tous les membres de l’Église, hommes et femmes. « Vous pouvez tous prophétiser afin que tous soient instruits » (1 Co 14.31)3. Tout diacre comme tout membre de l’Église peut instruire, que ce soit dans un cadre privé ou communautaire.

« Didaskô » signifie enseigner, ce qui implique :

a. Poser le fondement

  • « didascalos » signifie maître (Mt 10.24)
  • l’enseignement des apôtres (Mt 28.20; Ac 2.42; 20.20)
  • attaché à la vraie Parole telle qu’elle a été enseignée = posée (« didakên »)
  • capable d’exhorter selon la saine doctrine (« didascalia ») (Tt 1.9)

b. Assumer une charge à laquelle on se consacre principalement

  • se consacrer à l’enseignement et à la prière (Ac 6.4)
  • enseigner tout le conseil de Dieu, enseigner jour et nuit (Ac 20.20, 27, 31)
  • celui qui enseigne s’attache à l’enseignement (Rm 12.7)

c. Exercer une autorité4

  • « Ils lui dirent Rabbi, ce qui signifie Maître » = « didascalos » (Jn 1.38)
  • enseigner et prendre l’autorité (1 Tm 2.12)

d. Discipliner, diriger pastoralement

  • « enseignez-leur à observer… » (Mt 28.20)
  • « Il se mit à leur enseigner beaucoup de choses » (Mc 6.34)
  • « n’être pas emportés à tout vent de doctrine » (« didascalia ») (Ép 4.11, 14)
  • les anciens sont « propres à l’enseignement » (1 Tm 3.2)

La portée de ce terme correspond à la charge de surveillance (épiscope) qui est spécifiquement celle des pasteurs et des anciens (Ac 20.28; 1 Tm 3.1; Tt 1.5-7).

Elle ne correspond pas à celle des diacres, bien que ceux-ci puissent instruire, exhorter, consoler, comme tous les membres de l’Église, et d’une manière toute particulière dans le cadre de leur ministère d’appui, de soutien, d’assistance (1 Tm 3.9)5.

Notes

1. Dans la Bible, le terme « ancien » englobe tous les ministères de la Parole (Ép 4.11) et les ministères de nature pastorale (Ac 20.28-32; 1 Tm 3; 1 Pi 5.1-4). Ces ministères peuvent impliquer la prédication, mais pas nécessairement (1 Tm 5.17).

2. La Discipline des Églises réformées évangéliques de France le dit ainsi :

Article 2. Le ministère pastoral est confié aux anciens.

Article 3. Le ministère biblique d’ancien consiste à diriger l’Église selon les Écritures. L’ancien enseigne la doctrine évangélique, recherche l’unité du peuple de Dieu dans la vérité et veille sur la pureté du message proclamé (1 Tm 4.13, 16; 2 Tm 1.14; 3.16; 4.1-5). Par un ministère de prière et d’exhortation collégiale, les anciens encouragent les fidèles pour que chacun, renouvelé par l’Esprit de Dieu, vive selon la Parole de Dieu.

3. Selon l’Écriture, prophétiser peut signifier instruire, exhorter ou consoler.

4. Cela n’implique pas qu’un diacre soit sans autorité (1 Tm 3.13).

5. Paul dit à Timothée que les diacres doivent « conserver le mystère de la foi dans une conscience pure » (1 Tm 3.9), ce qui implique d’avoir une compréhension claire du sens et de la portée de l’Évangile et du Royaume de Dieu.