Cette fiche de formation sur le ministère des diacres a pour sujet la diaconie et le diaconat dans l'Église, le fondement biblique de ce ministère, sa nature, son importance, ses bienfaits pour l'Église et les qualités requises.

Source: Le ministère diaconal de l'Église et dans l'Église. 10 pages.

Le ministère diaconal (4) - Diaconie et diaconat

  1. La dimension de la diaconie
    a. La diaconie est au cœur de l’Évangile
    b. La diaconie est au cœur de l’Église
  2. Le ministère des diacres
    a. Dans le Nouveau Testament
    b. La Réforme a reconnu ce ministère
    c. La vocation propre de ce ministère
    d. Quelques remarques
  3. Un ministère moins important?
    a. Les qualités requises
    b. Proches des anciens
  4. Quand une Église fonctionne comme une Église diaconale
  5. Annexe 1 – Théodore de Bèze : la Confession de foi du chrétien (1558)
  6. Annexe 2 – L’Église des Conseils presbytéraux d’autrefois et l’Église d’aujourd’hui

1. La dimension de la diaconie🔗

« Rendez-vous par amour serviteurs les uns des autres » (Ga 5.13)

a. La diaconie est au cœur de l’Évangile🔗

Le verbe diaconéô signifie servir, prendre soin. Ce verbe est utilisé pour désigner la disposition, l’aptitude de tout chrétien à servir : servir Dieu et servir les autres1. Jésus lui-même a dit : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20.28; voir Lc 22.27). Il utilise le verbe diaconéô2.

Dans le monde, l’accomplissement de soi passe par la réussite et le succès. En Jésus-Christ, l’accomplissement de soi est lié à la vocation à servir (diaconéô). C’est réellement une autre vision de la vie, une autre mentalité. En ce sens, même les apôtres sont des « diaconos », des serviteurs (1 Co 3.5), de même que les bergers sont serviteurs de leurs troupeaux tout en en étant les conducteurs.

b. La diaconie est au cœur de l’Église🔗

Nous voyons ainsi Jésus laver les pieds de ses disciples, avant de commander que nous fassions de même : « Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres; car je vous ai laissé un exemple afin que vous fassiez ce que je vous ai fait » (Jn 13.14). L’esprit de service (la diaconie), en un sens, est le contraire du péché! C’est pourquoi il est dit que « celui qui aime son frère demeure dans la lumière » (1 Jn 2.6-11).

L’expression « les uns les autres », nous l’avons vu, est toujours porteuse de ce principe : les liens qui unissent les membres de l’Église sont des liens de service mutuel, quelle que soit la nature de ce service. « Que chacun mette au service [diaconie] des autres le don qu’il a reçu » (1 Pi 4.10; voir Rm 12.3-5; 1 Co 12.5). Chacun, c’est-à-dire tous! Tout membre de l’Église doit se considérer comme un serviteur : serviteur de Christ et serviteur des frères et des sœurs. Ainsi, Paul appelle tout chrétien, même faible dans la foi, « un serviteur d’autrui », c’est-à-dire de Dieu (Rm 14.4).

C’est pourquoi Paul commande « que les membres aient également soin les uns des autres » (1 Co 12.25). Nous voyons là que toute l’Église est concernée. C’est ce que nous appelons la diaconie.

Nous verrons plus loin que cela a évidemment un impact en dehors de l’Église.

Ce principe d’une « Église diaconale » est conforme à la doctrine du « sacerdoce commun des croyants » mise en valeur par la Réforme et qui, sans nier l’importance des ministères, permet de combattre toute forme de cléricalisme. Tout service est une « diaconie », y compris celui des apôtres, des pasteurs ou des anciens!

Ainsi, le ministère des diacres (diaconat) ne contredit pas la perspective de la diaconie de toute l’Église. Il en est seulement le modèle, l’organisateur. Précisons que la diaconie peut être en partie organisée (formations, tours de rôle, soutien, etc.), mais elle ne peut pas être entièrement organisée, car elle constitue simplement la vie normale de l’Église, la vie de Christ dans son Église, avec la multitude des gestes et des paroles de grâce qui seront accordés par les uns et les autres.

2. Le ministère des diacres🔗

Les réformateurs, rappelons-le, ont principalement retenu comme ministères établis les ministères de nature pastorale et diaconale.

Les ministères de nature pastorale sont attachés à l’enseignement ou à la proclamation de la Parole de Dieu, publics ou privés. Il s’agit des anciens, parmi lesquels se trouvent le ou les pasteurs, les docteurs, évangélistes… Ils ont pour objectif la croissance, la maturité, l’engagement, de chacun et de l’Église tout entière.

Le ministère diaconal (que nous appelons diaconat) est un ministère de soutien des membres les plus faibles de l’Église, dont la tâche spécifique est de veiller à ce que ne soit jamais négligée « l’assistance destinée aux saints »3. C’est capital. À quoi sert-il de bien prêcher si les membres les plus fragiles gémissent sans secours? Qu’en sera-t-il de l’édification de l’Église, de sa louange, de son témoignage? Paul parle de « divisions dans l’Église » (1 Co 12.25), non pas pour des raisons doctrinales, mais parce que certains sont négligés. Or, ce sont des membres du corps de Christ!

Le Nouveau Testament et les Confessions de foi de la Réforme s’accordent à ce sujet.

a. Dans le Nouveau Testament🔗

Plusieurs textes sont très explicites.

  • Ph 1.1 : la lettre est adressée à tous les fidèles de l’Église, aux anciens et aux diacres;
  • 1 Co 12.28 mentionne ceux qui ont le don de secourir et ceux qui ont le don de gouverner;
  • 1 Tm 3.1-13 parle des qualités requises : « Il faut que l’ancien… Les diacres aussi doivent… »

La reconnaissance d’un ministère institué est ainsi repérable à divers signes, parmi lesquels on peut citer la reconnaissance par l’Église (1 Tm 3.10), l’imposition des mains (Ac 6.6)4.

b. La Réforme a reconnu ce ministère🔗

« Quant à l’Église véritable, nous croyons qu’elle doit être gouvernée selon l’ordre établi par notre Seigneur Jésus-Christ : à savoir qu’il y ait des pasteurs, des surveillants et des diacres, afin que la pureté de doctrine y soit maintenue, que les vices y soient corrigés et réprimés, que les pauvres et tous les affligés soient secourus dans leurs besoins, que les assemblées se tiennent au nom de Dieu et que les adultes y soient édifiés, de même que les enfants.5 »

Calvin, qui restaure ce ministère comme un prolongement de la prédication de la grâce, écrit : « Bien que le mot diaconie s’étende plus loin [= la diaconie de toute l’Église], l’Écriture nomme spécialement diacres ceux qui sont désignés par l’Église pour gérer les dons en fonction des besoins des démunis.6 »

c. La vocation propre de ce ministère🔗

Si tous les membres de l’Église sont participants de la diaconie, pourquoi faut-il qu’il y ait, parmi eux, des diacres? Vont-ils assumer la tâche à la place des autres? Certainement pas, car alors l’Église tout entière cesserait d’être une « Église diaconale », dans le sens qui a été rappelé.

C’est la notion même des ministères qui est en jeu ici : ils agissent au sein de l’Église, pour elle et avec elle. En un sens, ils sont simplement des modèles (Rm 16.1-2). Le fait que chaque chrétien soit un témoin de l’Évangile n’est pas contredit par le ministère de l’évangéliste. Au contraire. L’évangéliste ne fait pas qu’annoncer l’Évangile aux incroyants : il nourrit aussi un désir dans le cœur des chrétiens! Dans la même perspective, les diacres, par leur attitude, par leur zèle, nourrissent dans le cœur des chrétiens et au cœur de l’Église ce désir de servir le Seigneur et les frères.

Le texte d’Actes 6 ne permet pas de savoir avec certitude si les sept qui ont été nommés étaient ou pas des diacres. Mais ce texte nous apporte cependant un éclairage important sur la nécessité d’organiser la vie de l’Église locale, de partager certaines tâches, de répondre à des besoins concrets.

Trois enjeux au moins paraissent clairement :

  1. Il fallait répondre, avec une certaine urgence, à un besoin concret qui mettait en danger l’unité de l’Église et la joie de la communion (Ac 6.1);

  2. Il fallait préserver le ministère des apôtres qui ne devaient en aucun cas délaisser l’enseignement et la prière (Ac 6.2);

  3. Il fallait que l’Église ne considérât pas la résolution des besoins pratiques comme n’étant pas spirituelle, mais comme étant, au contraire, une implication de la grâce reçue. Les qualités requises pour « les sept » font d’eux des modèles et des organisateurs et pas seulement des serveurs (Ac 6.3). En ce sens, tous les chrétiens ne sont pas « diacres ».

Les diacres ont la charge d’assurer, mais aussi de développer la dimension du service dans l’Église. Au milieu des fidèles et avec eux, les diacres ont pour responsabilité de veiller à l’assistance apportée aux membres les plus vulnérables. C’est un ministère d’entraide et de soutien pour tous ceux qui — momentanément ou durablement — ont besoin d’être secourus (Rm 16.1-2; 1 Co 12.28; 2 Co 9.1, 12). Les diacres sont particulièrement attentifs pour discerner les besoins dans l’Église, ainsi que les dons et les personnes disponibles pour l’organisation des services et l’accomplissement des tâches.

d. Quelques remarques🔗

Cette définition est permanente, mais le cahier des charges des diacres (à la différence de celui des anciens) est dicté par les circonstances et les besoins qui peuvent varier selon les lieux et les moments.

Nous l’avons dit : les diacres recherchent l’engagement de toute l’Église dans le service mutuel et le soutien des plus faibles. Beaucoup de personnes sont prêtes à aider, mais ont besoin de direction pour entrer dans le service. L’objectif n’est pas seulement d’avoir un bon groupe de diacres, mais une « Église diaconale ».

Les bénéficiaires de cette assistance sont « les saints », les membres de l’Église, ceux qui sont aussi au bénéfice du ministère de la Parole7. Cela est très important. Il est sûr que le bénéfice de ces services touchera aussi ceux qui s’approchent de l’Église, ceux que Dieu enverra. Mais le ministère des diacres n’est pas concerné directement par l’engagement social ou humanitaire8.

Plusieurs peuvent se demander comment nommer les diacres? La Bible ne parle pas de cela de manière détaillée. Actes 6 et 1 Timothée 3 donnent des indications relativement précises qui peuvent être gardées aujourd’hui. Il faudra seulement de la sagesse pour trouver la bonne manière de les interpréter, en plaçant la barre ni trop haut (perfectionnisme) ni trop bas (laxisme). Nous voyons que Pierre confie à des frères de « choisir parmi eux » des diacres, à partir des critères énoncés. Pris au sérieux, ces critères devraient permettre de s’accorder sur certaines personnes. Notons qu’il y aura toujours des personnes à réfréner et d’autres à encourager… Nous remarquons que ces personnes choisies seront « chargées de cet emploi » (Ac 6.3). Il y a donc tout à la fois un discernement, une décision collective, un mandat accordé et une reconnaissance officielle par les ministères déjà en place.

L’assistance apportée ne peut pas se limiter au domaine matériel, la séparation entre les domaines matériels, moraux et spirituels n’étant ni naturelle ni biblique. Le soutien d’une personne seule, c’est une présence régulière. Le soutien d’une personne malade, ce sont les visites ainsi que diverses tâches rendues nécessaires. Le soutien d’une personne démunie, c’est de pourvoir à ses besoins et de l’aider à gérer ses biens, etc. L’apôtre Jean utilise l’expression : « en action et avec vérité » (1 Jn 3.18).

Il est possible de repérer plusieurs domaines :

  • Miséricorde, compassion : visiter et soutenir des personnes malades, seules (veuves, foyers monoparentaux…), des personnes ayant des besoins divers.

  • Intendance : encourager la générosité de la communauté, recueillir et gérer la distribution des ressources : salaires, diaconat, soutien missionnaire… Éduquer les personnes à une bonne gestion des ressources.

  • Entretien du patrimoine : assurer la maintenance des biens de l’Église (meubles et immeubles) et de leur usage.

  • Aider dans les tâches pratiques, habituelles et occasionnelles, liées à la vie de l’Église. Cela peut comprendre un assez grand nombre de tâches (chauffage, installation des locaux, transport, accueil, communication, préparation de sorties, de camps, secrétariat, comptabilité…) tâches qui, si elles sont accomplies dans la foi et avec amour, témoigneront que l’Église vit réellement l’enseignement qu’elle reçoit.

Dans chacun de ces domaines, il ne s’agit pas pour les diacres de tout accomplir eux-mêmes, mais d’être des modèles et des organisateurs, communiquant le désir de servir dans l’esprit de la grâce.

3. Un ministère moins important?🔗

a. Les qualités requises🔗

Les qualités requises pour les diacres — outre celles mentionnées en Actes 6.3 — sont présentées en 1 Tm 3.8-13 : parfaite honnêteté et sobriété, caractère équilibré, aptitude à résister au découragement9, connaissance suffisante et vécue des vérités de l’Évangile, bon époux et bon parent.

Proches de celles mentionnées pour les anciens, ces qualités n’auraient pas de sens si les responsabilités en question se bornaient à placer des fleurs sur une table ou balayer la salle. Mais si le diacre doit être un modèle et un organisateur, s’il doit susciter le désir de servir dans l’Église, s’il doit rencontrer des personnes fragilisées pour les secourir dans leurs besoins, on comprend qu’il doit avoir une réelle maturité quant à sa conduite (famille, argent, langage) et quant à la foi10.

Ces divers services requièrent beaucoup de douceur, de fidélité, de régularité, d’humilité, de maîtrise de soi (Ga 5.22!). Cela est important pour la protection du diacre lui-même qui s’expose en s’engageant dans des situations qui peuvent être délicates. Ces qualités sont également importantes parce qu’une personne devant être assistée est vulnérable et peut être blessée facilement. Remarquons les recommandations de l’apôtre :

« Faites accueil à celui qui est faible dans la foi, et ne discutez par sur les opinions. […] Toi, pourquoi juges-tu ton frère ou méprises-tu ton frère? […] Pensez plutôt à ne rien faire qui soit pour votre frère une pierre d’achoppement ou une occasion de chute » (Rm 14.1, 10, 13a).

Nous développons ce sujet dans un autre cours intitulé L’accompagnement des personnes en souffrance.

b. Proches des anciens🔗

Les deux types de ministères (diaconal et pastoral) sont spirituels dans la mesure où ils contribuent l’un et l’autre à promouvoir ou à préserver l’unité spirituelle, la communion, la circulation de la grâce et donc l’édification et le témoignage de l’Église (Hé 12.15). Paul a lui-même, en tant qu’apôtre11, pratiqué les deux (Ac 11.29-30, qui renvoie à Ga 2.10; Rm 15.25-26…).

Ces deux types de ministères, nous l’avons vu, sont à la fois distincts et indissociables. En effet, ceux qui bénéficient de l’assistance de l’Église sont ceux qui sont également au bénéfice des ministères de la Parole.

Le diaconat est impossible sans les soins et la discipline de nature pastorale. Le ministère de la Parole précède ou suit le ministère du soutien, de l’assistance fraternelle. Il ne s’agit pas là d’un marchandage ou d’une question de mérites. Il s’agit d’une cohérence liée au témoignage du Royaume de Dieu, il s’agit de discernement, d’un salutaire exercice de l’autorité; il s’agit aussi de la survie de l’Église en tant que communauté fraternelle (1 Jn 3.18).

« Une grande grâce reposait sur eux tous, car il n’y avait parmi eux aucun indigent » (Ac 4.34a).

« Les Églises se fortifiaient dans la foi et augmentaient en nombre de jour en jour » (Ac 16.5).

Le ministère des diacres n’est pas un ministère d’ancien de deuxième ordre. La proximité qui relie ces deux ministères n’altère pas l’identité propre de chacun et le ministère des diacres revêt une grande importance : il s’agit d’un ministère spirituel, mis en œuvre par la foi, utilisant les dons de la grâce de Dieu et portant des fruits spirituels (2 Co 8.1-5; 9.11-15).

La maturité d’une Église s’évalue à la qualité de l’engagement diaconal (celui des diacres et celui de toute l’Église avec eux) autant qu’à la qualité de la prédication. Le diaconat, c’est la prédication de la grâce démontrée pratiquement; c’est l’amour de Christ à l’œuvre, dans l’Église et par elle.

« Nous nous sommes réjouis quand le Seigneur donne des apôtres ou des prophètes. Mais que serait une Église où il y aurait plus d’apôtres que de diacres? Serait-elle davantage apostolique pour autant? Certainement pas.12 »

Si les diacres agissent en vue de mobiliser toute l’Église dans le service mutuel, ils contribuent à multiplier la grâce et la bénédiction dans l’Église, et autour d’elle pour tous ceux qui s’approchent. Quant aux diacres « qui remplissent convenablement leur ministère, ils s’acquièrent un rang honorable et une grande assurance dans la foi en Jésus-Christ » (1 Tm 3.13).

4. Quand une Église fonctionne comme une Église diaconale🔗

L’Église donne alors réellement suite au ministère de serviteur que Jésus a démontré. Il a servi; nous servons. Et c’est réellement lui qui sert encore au travers de son corps, au travers de nous. Sans le ministère du secours et de l’entraide, le corps est en souffrance; il est attristé, amoindri, handicapé. Avec l’engagement diaconal (celui des diacres et celui de tous les fidèles), l’Église donne au salut accompli par Jésus-Christ sa vraie et pleine mesure. Par ailleurs, servir l’Église, c’est servir son Chef, Christ! (Mt 10.40-42; 25.40).

Les chrétiens, par leurs services mutuels, constituent réellement un corps et nul ne peut dire : Je n’ai pas besoin de toi (1 Co 12.21). Les gestes précèdent et accompagnent les paroles et donnent aux paroles leur autorité. Le diaconat précède et accompagne l’action pastorale du pasteur et des anciens. Calvin dit : « Le ministère des hommes dont Dieu use pour gouverner son Église est comme la jointure des nerfs pour unir les fidèles en un seul corps.13 » C’est ainsi que le monde peut voir l’Église comme une démonstration du salut14, de la grâce, de la sagesse qui sont en Jésus (Jn 13.34-35; 17.20-23).

Le diaconat pratiqué préserve l’Église de l’hypocrisie dans sa confession de foi, dans son enseignement, dans ses prières, notamment sa prière d’intercession : il préserve du risque de prier pour les besoins des autres en fermant les yeux sur les occasions de répondre à ces besoins15.

Le diaconat pratiqué préserve l’Église de l’intellectualisme, du mysticisme ou d’une spiritualité désincarnée sans rapport avec les besoins réels (2 Co 9.1; Jc 2.14; 1 Jn 3.17-18). L’entraide fraternelle est une source d’action de grâce et de louange (2 Co 9.12). Dans cette perspective, la cène doit devenir une source pour la diaconie : le service et l’entraide s’opposant à tout ce qui peut menacer la joie de la communion.

5. Annexe 1 – Théodore de Bèze : la Confession de foi du chrétien (1558)🔗

Théodore de Bèze (1519-1605) introduit la notion d’Église majeure relativement à la relation avec la reconnaissance des trois ministères :

  • prêcher et enseigner la Parole de Dieu (pasteurs, docteurs, évangélistes)
  • gérer les ressources et les services (diacres)
  • exercer la discipline pastorale (visites pastorales par les anciens)

On remarque qu’il place le ministère diaconal en deuxième position, suivant l’ordre chronologique qui apparaît dans le livre des Actes.

La notion de ministère est définie ainsi : veiller à ce que tout le corps en général et chaque membre en particulier soient édifiés dans l’unité.

Le ministère du diacre est défini ainsi : développer le témoignage de l’amour chrétien et de l’union des membres de l’Église.

Trois axes sont présentés :

  • les besoins des ministres et autres serviteurs travaillant à plein temps dans l’Église;
  • les besoins des nécessiteux dans l’Église (personnes âgées, seules, malades) et l’hospitalité;
  • l’entretien des édifices et autres nécessités semblables.
« De plus, il faut que la vie ordinaire de l’Église suive son cours. Ceci ne peut se faire sans que la Parole de Dieu soit purement et diligemment annoncée [pasteurs, docteurs, évangélistes…], les bien ecclésiastiques bien gérées [diacres] et que, finalement, la discipline ecclésiastique soit maintenue [anciens]. C’est pourquoi le devoir des anciens et même leur principal devoir est d’élire des gens propres à de telles charges quand il en faudra de nouveaux.16 »

Th. de Bèze pense que l’élection des diacres devrait se faire par l’assemblée; celle des anciens soit par les apôtres, soit par le collège des anciens avec approbation de l’assemblée. Il parle, pour les uns et pour les autres, de l’imposition des mains.

6. Annexe 2 – L’Église des Conseils presbytéraux d’autrefois et l’Église d’aujourd’hui17 🔗

« Comme l’ancien est tout spécialement chargé d’appliquer la Discipline [= la mise en pratique de l’enseignement], il faut qu’il la connaisse bien. Chaque ancien et chaque diacre sont exhortés à avoir chez eux une copie de la discipline pour la lire et l’étudier personnellement, à loisir. »
« Comme organisation, dès l’origine, notre Église posséda un Conseil presbytéral et un diaconat, deux pieds et deux mains d’un même corps. Pour Calvin, les diacres ne sont pas un office terrien [matériel ou séculier], mais un office d’Église, une charge spirituelle qui sert l’Église de Dieu. Ils appartiennent au régime spirituel de l’Église et ils sont là comme officiers [serviteurs établis] de Dieu. »
« C’est en France que, débarrassé des oppositions du gouvernement genevois, le diaconat atteignit son complet développement (voir art. 21 de La Rochelle, et Règlement adopté au Synode national de Nîmes en 1572). Le ministère de la Parole de Dieu et les anciens sont le Consistoire de l’Église, auquel les ministres doivent présider. Et néanmoins, les diacres pourront et devront assister au Consistoire, vu que les Églises, pour la nécessité du temps, ont jusqu’ici heureusement employé lesdits diacres au gouvernement de l’Église… »
« Calvin aurait voulu la célébration de la Cène tous les dimanches; et personne n’a insisté plus que lui sur l’autorité nécessaire de la Bible. Mais ni les sacrements ni la Bible ne sont suffisants. Parce que tout cela pourrait rester extérieur, être une forme. Il nous faut encore la certitude que cette Parole et ces sacrements agissent dans la communauté des fidèles, pénètrent dans la vie de la communauté et y produisent leur effet. Et voilà le rôle de la discipline, de la fameuse discipline exercée par les anciens et les diacres. Elle est là pour assurer la pratique de toutes les vérités. Elle veille à ce que la Parole soit bien prêchée, bien écoutée. Ce n’est pas tout : elle veille sur l’obéissance à cette Parole. Partie de la justification par la foi, l’Église, société de cure d’âme [= de soins pastoraux], aboutit à la sanctification. »
« C’est ainsi que sur le sol réformé se développa, dans la communauté, non seulement un sentiment chrétien, mais un sentiment ecclésiastique [communautaire] de la solidarité entre tous les membres. »
« Cette activité, cette discipline, ces soins pastoraux pratiqués avec autant d’enthousiasme que de rigueur, que sont-ils devenus? Le Conseil pastoral ne s’occupe plus de discipline. Il est devenu un corps surtout administratif, réglant les affaires extérieures de l’Église, en particulier les affaires financières. Beaucoup de fidèles, dans toute leur vie, n’ont rien à faire avec le Conseil presbytéral. Au point de vue spirituel, dans beaucoup d’Églises, le pasteur est tout, fait tout, ce qui est un recul vers un principe catholique. Quant au diaconat, son sort a été plus malheureux encore. »

É. Doumergue cite alors le Régime concordataire (loi de l’an X, puis de 1852), puis la loi de séparation de l’Église et de l’État (9 décembre 1905) qui stipule que chaque association cultuelle doit avoir « exclusivement pour objet l’exercice d’un culte ».

« Et l’on vit des Églises sacrifier aux Bureaux de bienfaisance de la Mairie leur diaconat. […] En 1914, sur 450 de nos Églises réformées évangéliques, 350 n’avaient plus de diaconat! À tel point que, si les noms ont subsisté, si l’on parle encore de Conseils presbytéraux et de diaconats, ces deux grands organes vitaux de notre Église ont en réalité disparu. »
« À mesure que les œuvres hors de l’Église se multiplient et se développent, les Églises voient leurs forces les plus intimes, les plus sensibles, les plus vitales, attirées par ces groupements. L’Église s’évide, s’étiole, devient de plus en plus un cadre administratif. L’Église perd de plus en plus ce qui attire. […] L’Église, corps étriqué, devient de plus en plus impropre à exercer cette cure d’âme pleine, incessante, ardente, exercée par ses anciens Conseils presbytéraux et ses anciens diaconats. »
« Or aujourd’hui, les besoins ressentis, les dangers courus par l’humanité, ne sont pas moins grands. Il y a, à l’œuvre, plus de forces de destruction, forces d’incrédulité, forces de scepticisme, forces d’immoralité, forces de haine, forces de chaos. Et vous penseriez qu’en face de ces forces, il suffirait de dresser soit une Église, simple cadre ecclésiastique, soit une foule d’œuvres séparées de l’Église, souvent séparées de la foi même de l’Église! Ô Israël, à ton Église! l’Église de tes anciens et de tes diacres! l’Église de la foi qui justifie, et des œuvres qui prouvent la foi! »

Notes

1. Martin Luther a écrit : « Le chrétien est un libre seigneur sur toute chose et il n’est soumis à personne. Le chrétien est un serviteur obéissant et il est soumis à tous » (Traité de la liberté chrétienne).

2. En Philippiens 2.7, quand il est dit que Jésus a pris la condition d’un serviteur, c’est le mot « doulos » qui est utilisé, qui pourrait être traduit par « esclave ».

3. Rm 12.13; 15.25; 2 Co 8.4; 9.1, 12… Remarquer les deux communions mentionnées en Rm 12.12-13 : « Priez sans cesse. Pourvoyez aux besoins des saints. »

4. Des documents comme la Didachè et l’Apologie de Justin attestent que la reconnaissance de ce ministère existait dans l’Église ancienne.

5. Confession de foi de La Rochelle. art. 29.

6. J. Calvin, Institution chrétienne, IV.III,9, 12, 16.

7. La brebis qui peut dire « Je ne manquerai de rien » est celle qui dit : « L’Éternel est mon berger. Il me dirige! » (Ps 23.1-2).

8. L’engagement social et humanitaire a aussi une grande valeur, mais il ne constitue pas, en tant que tel, un ministère de l’Église. C’est plutôt l’engagement d’un chrétien ou d’un groupe de chrétiens, dans le monde.

9. La motivation de ceux qui vont venir en aide revêt une grande importance. Est-ce en réponse à un désir (ce qui peut être le signe d’une vocation) ou par besoin (ce qui peut révéler une attente déplacée, centrée sur soi-même). Dans ce cas, la personne pourra mettre en danger les autres (manque d’amour) et elle-même (découragement, amertume).

10. On se souvient de ce tailleur de pierres qui avait dit : « Je bâtis une cathédrale. » Un diacre a ainsi une compréhension large de l’intérêt du peuple et du Royaume de Dieu, quel que soit le domaine dans lequel il s’investit. De même, sa fidélité ne dépend pas de motivations toutes personnelles (Ép 6.7-8; Ph 1.27).

11. Nous pouvons considérer qu’une des caractéristiques de l’apôtre est d’assumer la totalité des ministères nécessaires pour l’Église, en attendant que ces ministères soient mis en place.

12. F. Jéquier, « Diacres et diaconesses », Foi vivante, n° 2, 1980.

13. J. Calvin, Institution chrétienne, IV.III, 2.

14. Dans de nombreux passages bibliques, le verbe « sauver » signifie aussi secourir, venir en aide.

15. Voir Pr 28.9; És 58.5-9a. Le verset 1 d’És 58 confirme qu’il s’agit du peuple de Dieu.

16. Théodore de Bèze, « La Confession de foi du chrétien », La Revue Réformée, n23-24, 1955, p. 131.

17. Les citations suivantes sont du doyen Émile Doumergue, tirées d’une conférence donnée lors d’une Journée des Conseils presbytéraux des Églises réformées évangéliques, le 15 mars 1928 à Lunel (34).