Cet article a pour sujet la conception et la naissance d'un enfant, qui est l'oeuvre de Dieu (Psaume 139), et l'avortement qui est un meurtre et une abomination aux yeux de Dieu, parce que c'est la destruction d'un être humain..

Source: Homme et femme il les créa. 5 pages.

La naissance et l'avortement

Dans les lignes qui suivent, nous livrons quelques réflexions qui relèvent davantage de la pastorale que d’une étude exhaustive du sujet.

Ce n’est pas d’un cœur léger que l’on ouvre le dossier sur l’avortement, dossier de la vie dans le rapport fondamental, « radicalement religieux », de l’homme avec le Dieu Créateur. Dans l’Écriture et d’après l’éthique chrétienne, sexualité et procréation sont étroitement liées. À travers la procréation, Dieu bénit le couple qui se projette ainsi dans l’avenir, bâtit une société et transmet ce qu’il a d’essentiel à transmettre. L’enfant, accepté comme une bénédiction divine, devrait naître, en principe, dans un milieu prêt à l’accueillir, c’est-à-dire à l’aimer et à le protéger jusqu’à l’âge de l’autonomie. Il va de soi que, d’après la Bible, la procréation doit avoir uniquement lieu à l’intérieur d’un couple stable, normalement formé et légitime, et que l’enfant devrait être protégé par la famille et par sa communauté spirituelle et sociale.

Quand le fondement de la vie est sain, le problème de l’avortement ne se pose pratiquement pas. Placé dans cette perspective, l’avortement apparaît comme une rupture brutale dans l’unité du couple, dont l’enfant est précisément le fruit et le gage. Supprimer volontairement une vie que l’on a acceptée, même implicitement, est un signe de rupture, de confusion profonde et radicale. Le fait que des parents se sentent « piégés » et en état de « légitime défense » contre « l’intrus », qu’ils ont tout de même fait venir sans y être forcés, ne change rien à la question essentielle.

Tant que les chrétiens recevront l’Écriture sainte comme Parole de Dieu, aucune législation en vigueur, aucun « consensus universel » et encore moins la trahison d’hommes d’Église — dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres — ne les feront changer d’avis et de position. Tout le processus de développement de la vie, de la conception à la naissance, est œuvre divine. Cette connaissance du mystère de la vie donne aux croyants la conviction qu’ils font d’eux à l’heure actuelle, dans la société, des hommes et des femmes responsables et sans complaisance envers qui que ce soit pour sauver, dès le début, l’être humain afin aussi d’être plus tard en mesure de protéger et de libérer avec la même fermeté l’homme adulte, son semblable. Si on ne peut pas toujours assimiler l’avortement à un meurtre commis sur la personne d’un adulte, il n’en demeure pas moins que l’interruption volontaire de la vie d’un embryon humain est un crime commis contre un humain créé par Dieu. L’avortement ne relève pas uniquement de l’intérêt privé des intéressés immédiats — la mère ou les parents —, mais il concerne également l’avenir de la société tout entière, puisque sa libre pratique dégrade la dignité humaine. Dietrich Bonhoeffer va plus loin encore lorsqu’il écrit :

« Tuer l’embryon dans le sein de sa mère signifie violer le droit que Dieu accorde à la vie en gestation. La discussion de savoir s’il s’agit déjà d’un être humain ne fait que camoufler ce simple fait : Dieu a voulu créer un homme, qu’on a intentionnellement empêché de naître. Ce n’est rien d’autre qu’un assassinat. »

Les arguments en faveur de la pratique de l’avortement libre sont déjà connus; mentionnons-les tout de même :

La décision d’avorter concerne en premier la mère et son droit de disposer librement de son corps. L’avortement se présente alors sous l’aspect, d’ailleurs faux, d’un problème de liberté individuelle et de santé publique.

Empêcher l’avortement, n’est-ce pas interférer dans la vie privée de l’intéressée et de son partenaire? Prétendre que l’avortement relève de la préoccupation pour la « santé publique » trahit les prémisses sociologiques, la sociologie déterminant ainsi tout dans la vie, y compris les naissances et les interruptions de grossesse. C’est admettre aussi explicitement la théorie évolutionniste, pourtant insoutenable sur le plan de la révélation biblique. Toute législation sociale qui s’inspire de la théorie évolutionniste et se préoccupe exclusivement de sociologie se trouve en rupture avec les lois morales et religieuses. N’oublions pas que, selon les « éthiciens » (spécialistes de la morale), législation et morale peuvent se contredire, voire s’opposer!

Dans la perspective de la « liberté de disposer de son corps », on ne voit pas pourquoi la liberté des uns à user inconsidérément de leur sexualité doit empiéter sur la liberté des autres, notamment du corps médical et paramédical — sans parler des conséquences sur le contribuable —, puisque les premiers prétendent avoir droit à part entière aux services de la santé publique. N’est-ce pas faire assumer officiellement par la société le résultat fâcheux d’un choix individuel et volontaire? Nous voudrions souligner toutefois notre désaccord sur le fait de pénaliser les femmes qui se font avorter dans une situation de détresse. Dans de tels cas, il est impératif de leur apporter l’aide spirituelle et matérielle nécessaire.

La liberté de disposer librement de son corps résulte d’une conception naturaliste animale des origines de l’homme et de sa sexualité, dont le fruit serait l’apparition d’un phénomène « étrange » dans le corps de la femme. L’avenir de ce dernier dépendrait ainsi du bon vouloir de ses procréateurs. Non seulement une telle conception trahit une notion essentiellement naturaliste du sexe, mais encore un projet pervers concernant toute personne humaine. Il s’agit de la conception moderne de l’homme. Les travaux de génétique confirment, quoi qu’on en dise, l’idée chrétienne selon laquelle dès la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde, il y a conception et début d’un être humain. À partir de ce moment-là, ni les parents, ni les médecins, ni la société ne doivent exercer de violence sur l’être appelé à devenir porteur de l’image de Dieu. Dieu est l’unique responsable de cet être, jusqu’à sa naissance, au même titre qu’il est responsable de l’enfant après sa naissance.

Si des parents ou des tiers s’accordent le droit de vie et de mort sur l’embryon naissant, rien n’empêchera l’homme adulte d’aller jusqu’à l’infanticide ou à la pratique libre de l’euthanasie. Si l’embryon peut être éliminé avec autant de facilité, pourquoi n’éliminerait-on pas l’enfant qui naîtrait par la suite, s’il est tenu pour un gêneur? Si l’on peut détruire dès le début de son existence l’être humain durant le premier trimestre, qu’est-ce qui empêcherait de le détruire au cours du troisième trimestre? Pourquoi un être serait-il « humain » à partir d’un certain nombre de semaines et pas avant? Sans vouloir être alarmistes outre mesure, nous pensons qu’accorder le droit de détruire la vie « in utero » prépare l’avènement du jour où les enfants élimineront sans scrupules leurs vieux parents ou d’autres vieillards indésirés…

La libération de l’avortement produira aussi des ravages sur le plan de la famille normale, là où on s’y attendrait le moins. Ainsi, non seulement la mère célibataire, mais encore la mère de famille mariée pourra tirer avantage de la possibilité qui lui est offerte d’interrompre volontairement toute grossesse comme une solution de facilité. Certes, toute grossesse est un état redoutable, quelle que soit par ailleurs la joie ressentie à la venue de l’enfant, et que l’on ne peut l’envisager ou l’assumer avec légèreté. Mais n’est-ce pas tenter chaque famille que de lui accorder la possibilité de supprimer « in utero » un « indésirable »? L’argument fallacieux selon lequel cela est une mesure en faveur du bien-être du reste de la famille et des enfants déjà existants ne peut faire illusion. Car rien n’empêche que l’avortement se pratique même en l’absence d’enfants au sein du couple. Ce qui nous rappelle d’une manière plus ou moins respectueuse le désir d’élever plus ou moins d’animaux domestiques!

La culture moderne, purement naturaliste, n’offre pas de brillantes perspectives d’avenir, pas plus pour la famille que pour la société en général. Le chrétien acceptera-t-il sans contester un monde déshumanisé, naturalisé, réduit au niveau animal? Quelle honte si, emporté par la vague du courant moderne, succombant à la pression exercée par une certaine opinion et à la démagogie de certains leaders, même ecclésiastiques, il se trouve à participer à cette nouvelle forme de génocide! Le « consensus universel » qui se fait autour de l’avortement est la preuve incontestable de la déshumanisation de la vie, conséquence du refus et du rejet de la conception biblique du couple et de la création. L’homme apparaît comme l’extension du monde animal (voir la thèse de Desmind Morris dans Le singe nu; l’homme est un singe qui a perdu ses poils).

Vu sous l’angle de la morale biblique, l’avortement apparaît essentiellement comme le fruit du cœur égoïste de l’homme et c’est un grossier mensonge que d’affirmer que sa pratique relève d’un intérêt humain et humanitaire. On se demande de quel intérêt humain il s’agit. Qui peut se présenter comme le porte-parole de l’embryon détruit? Le seul intérêt, si intérêt il y a, est celui de l’homme adulte qui, rencontrant un obstacle sur le chemin de son « bonheur », n’hésitera pas à tuer. L’avortement exprime la perversité profonde du cœur humain. La « dureté du cœur », dont parle Jésus en d’autres circonstances, est plus que simple opiniâtreté; elle est refus et révolte à se laisser instruire par la Parole clairement exprimée de Dieu et à se conformer à l’action de l’Esprit libérateur. C’est ainsi qu’une société qui commence à tuer la vie à ses débuts finira par avorter de son propre avenir.

De nombreuses indications bibliques nous donnent à penser que l’avortement est une abomination aux yeux de Dieu. L’avortement de complaisance, pour des convenances personnelles, revient à commettre un crime contre un être humain au début de sa vie. Toute vie, même à ses débuts, à l’état prénatal, est précieuse au regard de Dieu. Le Psaume 139 l’affirme clairement (versets 13 à 16). L’auteur reconnaît qu’il a fait l’objet du soin bienveillant de Dieu. Lorsque plus tard il en prend conscience, pour lui cela devient un motif de louange et de reconnaissance. Même dans la période qui avait précédé sa naissance, durant les jours mystérieux passés dans le sein maternel, il avait tout le potentiel d’une individualité destinée à devenir une personne humaine. Le psalmiste affirme qu’il fut pleinement une personne humaine avant sa naissance.

Avec émerveillement, il rend témoignage à la manière dont, durant l’état embryonnaire, vraisemblablement prépersonnel, Dieu l’avait accompagné. Tout montre ici que les formes prénatales de la vie humaine sont destinées à se développer et à atteindre le degré de la personnalité que rien ne mettra fin à leur développement. À partir du moment où l’on sait que l’embryon possède virtuellement tout pour devenir une personne humaine, le chrétien refusera l’avortement comme étant en contradiction avec l’anthropologie biblique. Remarquons que la question relative au degré de personnalité avant la naissance n’est posée que comme une option en faveur de l’avortement!

Si l’information que nous recueillons du Psaume 139 doit être retenue, nous sommes tenus à prendre le plus grand soin du futur enfant. Celui-ci n’est pas une excroissance de la mère, de qui on pourrait arbitrairement, selon ses humeurs, l’extraire et le détruire. Selon la Bible, l’embryon est porteur de l’image divine. Il a le droit de vivre dans le monde de Dieu, de faire l’objet de sa grâce, de répondre à la grâce bienveillante et à l’amour paternel de son Créateur révélés en Jésus-Christ, le Rédempteur.

On peut admettre que toutes les grossesses ne sont ni désirables ni désirées. Mais de très nombreuses personnes, en dépit des circonstances auxquelles est due leur naissance, mènent des vies utiles et enrichissantes, tant pour elles-mêmes que pour leur entourage. Il est certain qu’un enfant handicapé cause un certain préjudice à ses parents et même à la société, mais cela ne peut pas servir de prétexte pour le détruire. Qui, en fin de compte, détient l’autorité pour décider et se prononcer sur le droit d’exister des personnes handicapées? On l’a déjà dit bien des fois, si l’on accorde la liberté d’éliminer des embryons difformes, rien n’arrêtera la liberté perverse de supprimer des enfants handicapés à leur naissance ou même plus tard.

En tant que chrétiens, nous nous plaçons sous l’autorité exclusive de la révélation biblique et non sous celle d’une loi naturaliste ou d’une conception animale des origines de l’homme. Nous n’avons pas à écouter ni même à tolérer une législation viscéralement opposée à nos convictions les plus profondes, mais à la combattre seulement.

Selon le livre de l’Ecclésiaste (Ec 11.5), nous devons le respect envers le Créateur et sa création. L’auteur du Psaume 127 affirme que les enfants sont le don de Dieu. La vie est ancrée dans l’acte créateur du Dieu tout-puissant. L’intérêt que Dieu porte à l’homme apparaît dès avant sa naissance. Des naissances miraculeuses comme celles d’Isaac, de Samson, de Samuel, de Jean-Baptiste, voire celle de Jésus, la naissance miraculeuse par excellence, en témoignent. La vie prénatale revêt une importance extrême aux yeux de Dieu. Mais une autre raison, qui appartient plus particulièrement à l’ordre de la rédemption, s’ajoutera à celle-ci : L’homme est destiné à la libération et à la glorification. L’idée moderne sur la vie est pessimiste et nos contemporains ne voient aucune raison de parvenir au véritable épanouissement que permet la grâce divine. L’homme moderne ne sait d’où il vient ni où il va. Dans ce cas, quelle est l’importance à ses yeux de tuer l’embryon, l’homme adulte ou le vieillard?

La révélation chrétienne nous parle de la valeur de la personne. La vie n’est ni vaine, ni une « passion inutile », ni un rien. Elle est l’occasion de rencontrer Dieu, d’entendre son message de salut et d’amour, de le servir et de le glorifier. Elle est l’occasion d’entrer dans son alliance de grâce, d’où l’inévitable obligation du baptême des enfants de parents croyants.

Les parents croyants n’envisageront pas un seul instant l’avortement comme solution. Ils ont reçu leurs enfants de la main de Dieu pour les confier à sa puissance rédemptrice et à son action régénératrice. La vie, qui commence au sein d’une mère, est destinée à la communion avec Dieu, par la foi. La théologie réformée a insisté sur la doctrine de l’alliance de grâce, en sorte que l’on voit à la fois la richesse de ses promesses et des assises solides pour l’existence. Nous sommes persuadés que, vu sous cet angle, l’avortement comme pratique sera encore plus sûrement refusé. La foi réformée se refuse à toute privatisation de la foi. Elle sait, et notre expérience pastorale le confirme, qu’une foi atomisée, c’est-à-dire individualisée, court les plus grands dangers de dépérissement.

Il n’est certes pas aisé de vivre en chrétien de nos jours. Les problèmes que nous envisageons, en commun d’ailleurs avec tous les hommes, sont redoutables. Ils sont de tous ordres : démographique, psychologique, familial, culturel, éthique, voire théologique et ecclésiastique. Mais l’avortement ne résoudra aucun des problèmes posés. Dieu, lui, nous invite à quitter « les ténèbres du néo-paganisme » pour accéder à la lumière de son Royaume. Il nous adresse, à nous chrétiens, son peuple, une vocation permanente. Nous sommes appelés à aller contre le courant, avec courage, au nom de la seule vérité. Nous pouvons le faire comme un service joyeux rendu à Dieu, mais également à la société, au milieu de laquelle nous restons les témoins vivants du Dieu Créateur et Rédempteur.