Cet article a pour sujet la proclamation de l'Évangile qui révèle la condition de l'homme, nous fait comprendre le sens de la vie et de notre destinée, et nous appelle à la repentance et à la foi en Jésus-Christ.

Source: La communication de l'Évangile. 3 pages.

La nature de notre tâche d'évangéliser

Selon Jean-Marc Chappuis (Information du monde et Prédication de l’Évangile), la proclamation est une sorte de commentaire évangélique sur les affaires courantes du monde. Par le truchement d’un tel commentaire, qui est principalement une proclamation, ainsi que nous l’avons souligné, nous offrons la correcte réponse à toutes les fausses questions que pose l’homme. Par moments, il nous faut les négliger, ou même les ignorer. Comme l’a fait le Seigneur dans Luc 13. Dans ce passage, il est clair qu’il ne s’attarde pas autour des faits qu’on lui rapporte. Au contraire, il propose son commentaire et place ses auditeurs devant l’alternative : Repentez-vous ou périssez.

Christ ne laisse aucune question échapper à l’urgente nécessité de la repentance. Sa Parole éclaire la totalité de notre existence et de notre condition, dans chacun de ses aspects. Le prédicateur-proclamateur de l’Évangile doit croire à la force et à l’intensité de cette illumination pour poursuivre sa mission et la mener à bien. À l’aide des pensées et des mots de la Parole, le commentaire évangélique déchiffre les actes et les comportements des humains. Ce n’est pas une tâche aisée, car l’homme asservi au péché est dispersé aux quatre vents des doctrines et des idéologies qui contredisent farouchement la Parole de vie et de salut. Mais grâce à notre proclamation, nous orienterons — ou réorienterons — toute pensée et tout acte de l’histoire humaine en les confrontant au jugement de Dieu. Nous les rendrons responsables de leur conduite rebelle et apostate.

En notre qualité de témoins du Seigneur ressuscité et monté au ciel, nous savons qu’il n’existe aucune fatalité absurde. En ce sens, nous autres, proclamateurs de l’Évangile, nous sommes de véritables révolutionnaires.

À la suite de Jésus, nous devons être en mesure de dire : « Hypocrites, vous savez distinguer l’aspect de la terre et du ciel; comment ne distinguez-vous pas ce temps-ci, et pourquoi ne discernez-vous pas de vous-mêmes ce qui est juste? » (Lc 12.56-57).

Ce faisant, nous ne restons pas de simples commentateurs, mais devenons d’authentiques proclamateurs, tels Amos, Jérémie ou Daniel parmi leurs contemporains. Eux aussi décodaient l’histoire de leur époque. Ils soumettaient toutes choses à l’examen et au contrôle de la Parole, et chaque action humaine à l’unique critère de l’Évangile. Nous ferons de même, nous refusant les tabous, démythisant la pensée apostate et autonome de l’homme et brisant ses idoles.

Ainsi que l’écrit Jean Brun, nous lui révélerons sa condition d’homme au lieu de l’entretenir de sa situation, nous lui annoncerons le salut et pas un simple sauvetage, la paix et pas un armistice temporaire, lui présenterons le refuge et pas un abri précaire. Nous sommes appelés à combattre et à détruire toute pensée rebelle et tout système de croyance horizontaliste. Nous porterons un jugement sur toute action humaniste se voulant autosuffisante et les prétendues nobles actions des humanistes modernes. Rappelons-nous à ce sujet ce que l’auteur britannique Chesterton déclarait à la fin du siècle dernier : « Le monde est plein d’idées chrétiennes qui sont devenues folles! » Nous dénoncerons sa fausse mauvaise conscience, qui cache mal son arrogance, sa prétention à se suffire, sa superbe d’homme sans Dieu et sans loi.

En tant que proclamateurs de l’Évangile, nous donnerons le vrai sens de l’existence humaine et celui de la destinée de la création. L’homme, surtout l’homme occidental moderne, écrit Jean-Marc Chappuis, a accumulé nombre d’informations à son propre sujet, relatives à son histoire. Cependant, il n’a fait que fabriquer des mythologies pour coordonner ses efforts et interpréter ce qui lui paraît incohérence de la vie. L’homme n’a pas besoin de plus d’information sur lui-même. Il a besoin de comprendre le sens de sa vie, de sa destinée, le sens que seul son Créateur et Sauveur lui accordera. C’est cela la forme par excellence de notre proclamation. Le vrai danger, pour ne pas dire la tragédie, serait de ne rien lui proclamer.

Les prophètes du passé ont agi de cette façon-là. Ils intervenaient partout, dans tous les domaines de la vie publique et nationale; ils ne restaient pas confinés dans l’intimité de leur chambre. Ils conseillaient les pouvoirs politiques au nom du Seigneur. Ils étaient parfaitement informés de la situation politique de leurs contemporains. Ils offraient des solutions pratiques, adéquates, urgentes. Ils avaient la compétence pour le faire, tels Ésaïe, Jérémie, Amos. Ils étaient les seuls commentateurs compétents et autorisés de la vie publique de leur époque. Ils l’ont fait en proclamant la Parole. Ils ont éclairé la vie publique par leur autorité prophétique. Ils ont fait gronder les tonnerres de Dieu, donné la preuve d’une science inspirée, même si parfois ils donnaient des signes d’une ignorance sacrée par rapport à ceux qui passaient pour être des professionnels de la politique.

L’Agora, place publique pour la proclamation de l’Évangile

Il existe une agora moderne, où retentira notre message. Je ne puis ici m’étendre sur l’évangélisation par les médias de masse. Là se trouve l’une des agoras les plus appropriées pour l’annonce de l’Évangile. Il ne suffit pas simplement de dire que l’évangélisation par les moyens de la radio et de la télévision n’est pas essentiellement différente d’une proclamation classique. Il ne faudrait pas la définir de manière purement technique. Le danger qui menace un tel ministère ne réside pas dans la manipulation du microphone, mais dans celle de la Parole, ce qui est également le risque dans les autres formes d’évangélisation, même les plus traditionnelles. La médiocratie dont il faut se méfier ne consiste pas en les médias en tant qu’instrument, mais en la médiocrité des évangélistes.

Pour répondre encore à une remarquable distinction qu’établit J.-M. Chappuis, le champ est ouvert pour une nouvelle élaboration de la prédication, mais non, ainsi que l’envisage Paul Ricœur, pour l’élaboration d’une nouvelle prédication. Le même contenu et le même enthousiasme doivent être ceux qui caractérisèrent les premiers temps de l’Église et de la Réforme.

L’agora est le champ de mission, comme la colline de Mars, à Athènes, pour Paul. Sur cette agora nous rencontrerons une violente opposition-collision (syncrousis en grec), mais refuserons toute tentation de collusion, de synthèse, avec la pensée païenne. Paul y a rencontré les incroyants. L’agora est un lieu bien dangereux pour l’évangéliste, s’il est seul! L’agora est la totalité de l’audience moderne de l’Évangile que nous proclamons. Y sont compris, l’arène politique, la scène culturelle, le hall des économistes, le laboratoire scientifique, le forum culturel.