Cet article a pour sujet la connaissance de Dieu, qui n'est pas seulement intellectuelle, sentimentale, ni une stimulation de notre volonté, mais une connaissance du coeur qui engage tout notre être, fondée sur la révélation du Christ.

Source: Croire pour comprendre. 4 pages.

Notre connaissance de Dieu

Comment nous est-il possible de connaître Dieu? Notre réponse à cette question sera brève : la connaissance que nous avons de Dieu est une « connaissance du cœur ». Nous allons expliquer à la fois la nature de cette connaissance et la manière dont nous pouvons l’acquérir.

La pulsion essentielle de la vie et de la foi chrétienne consiste en la connaissance de Dieu. Connaître Dieu c’est avoir la vie éternelle, et, ce qui est encore plus merveilleux, c’est d’apprendre que dès ici-bas nous pouvons le rencontrer et le connaître parfaitement. « Par ta lumière nous voyons la lumière », s’exclamait il y a déjà des siècles le psalmiste (Ps 36.10). Le plus simple des croyants est en mesure de connaître Dieu, ce qui le rend plus sage et plus érudit que tous les génies du monde. Pour nous connaître nous-mêmes et pour connaître le monde qui nous entoure, nous devons tout d’abord connaître Dieu. Cette connaissance est primordiale; sans elle, l’homme ne peut vivre que de mensonge. « Le commencement de la sagesse, c’est la crainte de l’Éternel » — c’est-à-dire la foi connaissante —, affirme l’auteur du livre des Proverbes (Pr 9.10).

À la suite de toute l’Écriture sainte, les plus illustres penseurs de l’Église chrétienne ont traduit ou bien ont décrit ce thème de différentes manières, mais tous soulignent également combien Dieu reste le but suprême de la vie. Saint Augustin : « Connaître Dieu, c’est se connaître, ce qui est le but principal de l’existence. » Thomas d’Aquin : « La théologie nous enseigne qui est Dieu; elle est enseignée par Dieu; elle nous conduit vers Dieu. » Jean Calvin : « Toute la connaissance que nous possédons, la vraie et la correcte, consiste en ces deux parties : connaître Dieu et nous connaître nous-mêmes. »

Cette connaissance centrée en Dieu constitue l’unique fondement de l’existence, de nos foyers, de la société, de la culture, autant que de l’Église.

Il va de soi que la connaissance de Dieu dont nous parlons ici n’est pas celle que Dieu a de lui-même. Il s’agit de celle qu’il nous accorde. Par chacune de ses paroles, chacun de ses actes, Dieu révèle quelque chose de sa relation avec l’homme et avec le monde. Il nous invite, il nous presse à accueillir et à embrasser la vraie connaissance qui mène à la vie et procure le seul bien. Notre cœur, comme notre esprit et toute notre pensée doivent devenir les instruments qui l’accueillent et qui nous permettent de vivre par elle.

Il s’agit donc d’une connaissance véritable et non pas de spéculation intellectuelle. Dieu, qui se fait connaître et en qui nous croyons, n’est pas un objet devant lequel nous serions des chercheurs ou des enquêteurs neutres. Ce n’est jamais de manière journalistique que l’on peut parler de lui, mémorisant à la rigueur des doctrines ou des définitions théoriques. On pourrait passer avec succès une épreuve de cours théologique, mémoriser et citer par cœur des versets de l’Écriture et néanmoins ne pas connaître Dieu. Le Seigneur Jésus reprochait aux pharisiens de son époque de n’avoir de Dieu qu’une connaissance sèche, abstraite, dans laquelle ils refusaient de s’engager personnellement. La rencontre personnelle avec Dieu était remplacée par des œuvres médiatoriales, par des pratiques religieuses légalistes et stériles. Dieu n’était pas devenu leur Père ni leur Sauveur. Experts en doctrine, ces hommes s’étaient peu à peu aliénés du sujet même de la vraie « religion ».

Ne déduisons pas hâtivement à travers l’exemple des pharisiens que la seule connaissance authentique et valable de Dieu consiste en une expérience « sentimentale » de lui. Elle est plus qu’émotion. Hélas!, pour de nombreux chrétiens, la foi n’est qu’une expérience que l’on éprouve, mais pas une vérité que l’on peut prouver. Ainsi, plus on est émotif ou exalté, plus on se croit proche de Dieu. Ce qui prime dans leur attitude, c’est l’inspiration instantanée et répétée, et non plus la connaissance objective. Les expériences subjectives ont, hélas!, remplacé la révélation objective que Dieu nous accorde de sa personne et de sa grâce.

Dieu ne doit jamais se présenter à notre foi tel un objet d’expérience à fleur de peau; le connaître est toute autre chose qu’éprouver des émotions agréables et exaltées.

Ajoutons également que connaître Dieu est davantage qu’une activité dépendante de notre seule volonté. D’aucuns lisent la Bible comme si celle-ci était un manuel de technique chrétienne pour agir de telle ou telle sorte. Ils écouteront la prédication comme étant un programme d’action. Connaître Dieu va plus loin que la stimulation de notre volonté.

Ainsi, réduire cette connaissance à trois conceptions : intellectuelle, émotionnelle, volitive, signifie tout simplement déséquilibrer notre foi et sa pratique. Une formule que je tiens de mes cours de théologie rappelle que la foi est une « connaissance croyante » et une « croyance connaissante ». Comme telle, elle est l’affaire de notre « cœur » c’est-à-dire de notre personne tout entière, puisqu’ainsi que nous l’avons déjà défini précédemment, le cœur de l’homme, selon la Bible, constitue le moteur religieux central de sa personnalité. C’est par le « cœur », moteur essentiel de l’existence, que nous embrassons le monde entier, et c’est par le cœur que nous nous tournons vers Dieu.

Le cœur ainsi défini ne doit jamais passer pour être le contraire de la raison. Ce terme a hélas! tellement été chargé de malentendus qu’il n’est pas inutile de le décaper, afin de lui restituer sa véritable nature biblique. Le cœur n’est pas le contraire de la raison. Cette malheureuse séparation nous la devons à ce bon, à cet excellent Blaise Pascal : « Le cœur, disait-il, a ses raisons que la raison ne comprend pas. » Cette formule a donné lieu à une espèce de schizophrénie intellectuelle dont sont atteints nombre de croyants. On pense à tort que la raison, elle, est en mesure de tout saisir et de tout définir, mais, s’agissant de la foi, de Dieu et de sa révélation, qu’il faut laisser le cœur seul saisir et répondre.

Ne nous trompons pas ici au sujet d’un fait très certain. L’athéisme naît parfois des mauvaises définitions que des chrétiens donnent de leur foi et du contenu de celle-ci. Comme si la raison n’appartenait pas au domaine du cœur tel qu’il nous est décrit dans la Bible!

Notre raison, nos émotions, notre volonté ont chacune leur rôle. Mais c’est avec l’ensemble de ses facultés — c’est-à-dire avec tout son cœur, avec toute la force de sa personnalité — que l’homme est appelé à répondre à Dieu, à croire en lui et à se convertir chaque jour, « dans son cœur ».

Nous avons déjà cité Jean Calvin. Dès la première ligne de son admirable Institution de la religion chrétienne, le réformateur français liait la connaissance de Dieu à celle que nous avons de nous-mêmes. Nous saurons qui nous sommes à condition d’avoir au préalable rencontré Dieu. Et nous ne pouvons le rencontrer et le connaître que si nous reconnaissons, sans faux-fuyants, notre état de pécheur. Dieu ne tolère pas de spectateurs neutres ni de chercheurs prétendument objectifs qui bavardent sur lui pour le calomnier, pour disputer, pour émettre des hypothèses à son sujet, ou encore pour l’écarter comme un objet encombrant. Dieu nous appelle à une rencontre vivante; ou bien nous lui répondons affirmativement, ou bien nous… cessons de vivre. Cette question touche à notre cœur, surtout en ce qui concerne la prédication de l’Évangile.

Parfois, on se pose la question de savoir s’il faut d’abord connaître l’homme tel qu’il est dans sa psychologie pour le convaincre de ses besoins, ou bien s’il faut d’abord lui présenter Dieu dans sa majesté et sa justice pour lui offrir le salut et la liberté.

Quelle sera notre approche? La Bible nous dit que Dieu a parlé. Il l’a fait à deux reprises : lors de la création et lors de la rédemption. Dans la création, il a parlé d’une manière générale. Après la chute, il s’est adressé à l’homme dans sa révélation rédemptrice. Dans l’une et l’autre, Dieu s’adresse à nous par Jésus-Christ, sa Parole incarnée. Si nous tenons à connaître Dieu, il faut d’abord reconnaître Jésus-Christ comme son Fils et notre unique Médiateur.

Combien cette connaissance de Dieu est pratique et totalement étrangère à toute spéculation métaphysique! Connaître Dieu comme Créateur suppose aussi le reconnaître comme Rédempteur. La création n’a pas perdu son rôle de vecteur, nous orientant vers le salut définitif que Dieu prépare. Elle n’est pas un miroir brisé déformant notre vision. Elle révélait autrefois la bonté de Dieu; à présent, elle révèle, en plus de la première, le jugement de Dieu. C’est ainsi que nous pouvons nous rendre compte très sûrement de la grâce de Dieu, mais aussi nous mettre en garde contre sa colère.

Dieu est le souverain absolu. Son amour, sa justice, sa miséricorde, sa colère sont des qualités et des propriétés qui lui appartiennent exclusivement. Elles dévoilent à nos yeux la souveraineté de Dieu sur tout être. Il reste souverain malgré la chute et en dépit des rébellions, des machinations sataniques ou de l’apostasie humaine. C’est comme Souverain qu’il attend de notre part reconnaissance et soumission, aussi bien individuelle que collective; autant de la part de l’Église que du monde. Connaître Dieu, c’est aussi le servir.

La question essentielle n’est donc pas « Quelle est l’essence de Dieu? », mais « Qui est Dieu pour moi? »