Cet article sur le Symbole de Nicée-Constantinople a pour sujet l'incarnation du Christ par la conception miraculeuse du Saint-Esprit (Luc 1, Matthieu 1). Il est vrai Dieu et devenu vrai homme pour accomplir notre salut à la croix.

Source: Nous croyons - Explication de la foi chrétienne en suivant l'ordre du Symbole de Nicée-Constantinople. 5 pages.

Nous croyons - L'incarnation du Christ

« Tu deviendras enceinte et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. […] Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. »

Luc 1.31, 35

Par une voie étrange, le Fils de Dieu devint intérieur à notre monde. Dieu ne s’est pas arrêté devant les obstacles. Il n’a pas abdiqué devant notre révolte et notre péché. L’incarnation de Jésus par le Saint-Esprit dans la vierge Marie demeure certainement l’un des profonds mystères de notre foi.

En même temps, elle est la nécessité absolue, la condition sine qua non de notre salut. Parce que le Saint-Esprit est intervenu à travers l’humble soumission d’une jeune vierge, la naissance miraculeuse a été exempte de la tare originelle, et ainsi, durant toute sa vie, Jésus n’a pas commis de péché.

Qu’elle ait donné lieu à des confusions et à de multiples malentendus parmi les chrétiens, qui ne le déplorerait? D’aucuns la contestent ouvertement. D’autres, condescendants, soutiennent qu’une telle naissance, bien que possible, n’est pas pour autant indispensable à la rédemption.

Néanmoins, le Symbole de Nicée-Constantinople, qui est la foi de l’Église universelle, l’affirme sans ambages. Ici comme pour d’autres points, il s’appuie sur la révélation. Cette partie de la confession de la foi n’a pas été enseignée dans les siècles postérieurs parce que les Pères de l’Église l’avaient introduite dans le Symbole, mais elle se trouve incluse dans le Symbole parce qu’elle a été associée dès la première heure du culte chrétien au témoignage apostolique. « L’Esprit Saint viendra sur toi et une puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. […] Tu concevras dans ton sein et tu enfanteras un fils » (Lc 1.31, 35).

Que la puissance du Très-Haut, qui a pu animer la poussière de la terre pour en faire surgir le « roi de la création », ait pu animer le sein d’une jeune vierge pour faire surgir dans la société humaine le Rédempteur et le Régénérateur de l’humanité, quoi d’étonnant? Dans un cas comme dans l’autre, c’est le miracle de l’origine de la vie, et nous serions des impertinents d’en demander compte à Dieu.

Les récits de la nativité nous présentent sous une forme plastique et de la plus attachante poésie, une vérité à laquelle notre foi ne saurait renoncer sans se renier et se suicider, à savoir que la personnalité de celui qui a introduit la vie divine dans le monde « tient au ciel par la racine » et que ce n’est pas dans la physiologie de notre humanité souillée que nous en découvririons le secret.

Le mystère de Noël nous apprend que Jésus est réellement l’enfant de la vierge Marie et qu’il n’est pas procréé par l’humanité de la chute. Il naît parmi les hommes, mais non par la volonté de l’homme; il est semblable à nous hors l’atavisme. Il est un recommencement, une nouvelle création, un second Adam, le Fils de Dieu. Les paroles de Jésus, tout au long de son ministère, attestent la vérité de cette révélation. Car, d’une façon constante, Jésus se présente comme le Fils que le Père a envoyé, qui est venu d’en haut pour accomplir une œuvre et qui remontera où il était auparavant pour reprendre dans la toute-puissance sa place d’héritier et de juge céleste. Notre Symbole, en attestant la double origine du Christ, précise son caractère de Fils unique et le qualifie « Homme-Dieu ».

Ce faisant, il confirme simplement l’enseignement des Écritures. L’homme peut croire ou nier, mais ne peut empêcher qu’ici encore Évangile et Symbole courent la même fortune.

Arracher donc des Évangiles les pages traitant de la naissance virginale de Jésus nous amènerait à en arracher les autres. Il ne resterait alors nul message de salut.

Selon l’Évangile, la naissance miraculeuse du Christ est organiquement liée à notre foi en la rédemption. L’Évangile ne parle pas d’elle à la manière des textes anciens faisant état de naissances de héros légendaires, fruits de l’union d’un couple divin-humain. Mais la confession de sa naissance virginale devient la clé qui nous ouvre le mystère de la révélation de Dieu. Nous reconnaissons, certes, que le sujet est bien délicat et complexe. Mais en dépit de la réticence de ceux qui se tiennent pour des gens sensés et ne veulent en parler ni l’expliquer, il faut s’émerveiller devant ces pages admirables qui parviennent à nous communiquer sobrement le fait extraordinaire.

Toute conception et toute naissance nous convient au plus profond émerveillement. Dans le cas de Jésus, les mots de l’évangéliste décrivent bien davantage qu’un émerveillement; ils annoncent le drame vital de l’acte créateur unique que nous confessons avec le Symbole : « Il s’est incarné par le Saint-Esprit dans la vierge Marie. » Le récit qu’en fait l’évangéliste Matthieu, de même que le Symbole de Nicée-Constantinople, nous invitent de nouveau à nous prosterner dans l’adoration devant l’enfant né à Bethléem. Bien entendu, il s’agit d’un cas exceptionnel. De même que le premier Adam fut formé par les doigts de Dieu, le Créateur, de même le Christ, le second Adam, apparut comme la nouvelle création de Dieu. Bien que né de la vierge Marie, il a été conçu du Saint-Esprit, pour reprendre ici la terminologie du Symbole dit des apôtres, un texte ultérieur à celui de Nicée.

Le doute que nous pourrions éprouver face au fait miraculeux a été éprouvé par un autre avant nous. Examinons son cas. Il s’agit de Joseph, le fiancé de Marie, le père adoptif de Jésus.

On s’imagine aisément l’embarras de celui-ci, voire la détresse de cet homme que l’Évangile qualifie de « juste », c’est-à-dire d’intègre. Homme pieux, il tenait à vivre en conformité avec la loi. Il savait qu’il n’était pas le père de l’enfant qui s’annonçait. Aussi il ne pouvait que conclure à l’infidélité de sa fiancée. Les fiançailles à cette époque avaient presque force de lien juridique. Marie lui avait été promise comme épouse, et la promesse liait légalement ce couple en vue de leur prochain mariage. Par conséquent, deux solutions se présentaient à Joseph : ou bien accuser Marie publiquement d’adultère et rompre définitivement avec elle; celle-ci risquait alors non seulement la désapprobation, mais surtout la punition légale prévue pour toute femme convaincue d’inconduite; ou bien avoir recours aux règles en vigueur, bien légères d’ailleurs, régissant le divorce chez les Juifs, et la répudier sous un prétexte futile. Mais à la longue, cela aurait été désastreux pour Marie. Elle et son fils, considéré comme illégitime, allaient tomber dans la plus totale disgrâce. Homme juste, subissant apparemment un grave préjudice moral et affectif, Joseph ne décida pas de la répudier. Il ne pouvait pas comprendre, bien évidemment, que sa fiancée fut restée vierge. Il était convaincu que Marie avait gravement péché. Aussi, décida-t-il de la répudier en secret et de mettre ainsi discrètement fin à leur union. Mais voilà que, soudain, il revient sur sa décision. Il décide d’épouser Marie. C’est l’intervention d’un ange, de Gabriel, messager de Dieu, qui lui donnera l’explication que nous trouvons sur les pages de l’Évangile selon Matthieu. Ainsi Joseph, l’homme pieux, épouse Marie sa fiancée et adopte l’enfant qu’elle porte dans son sein, comme son fils légitime.

Comprenons-le bien; Joseph n’aurait jamais agi de la sorte s’il n’avait pas appris que le fils attendu était le Fils incarné de Dieu, le Sauveur, à qui il donna ce même nom; Jésus ne veut-il pas précisément dire Sauveur? Joseph était convaincu de la conception virginale de l’enfant à naître.

Pour quelle raison l’Évangile insiste-t-il autant sur la naissance virginale du Christ? Est-ce pour exalter Marie? Certainement pas. On peut reconnaître qu’en elle nous avons une jeune femme admirable, une croyante qui peut nous servir de modèle, une servante docile du Très-Haut, une personne de la race déchue qui offre joyeusement sa collaboration à Dieu. Cependant, nulle part la Bible ne l’exalte comme telle, et encore moins n’exalte l’état de virginité. Elle nous explique simplement que la naissance virginale est l’une des clés qui nous révèlent la personne du Christ.

À partir de ce moment, son existence terrestre devient plus claire à nos yeux. La naissance miraculeuse nous annonce la pureté de Jésus, qui n’a pas été soumis à la malédiction du péché originel. Certains affirment qu’il nous est transmis au moment de notre naissance et que sa contamination serait due au désir impur qu’accompagne l’acte de procréation. Cette vue affligeante de la sexualité, voulue de Dieu, n’a aucun fondement biblique. D’autres soutiendront que le péché héréditaire est transmis par la voie sanguine. Joseph ayant été écarté de l’acte procréateur, Jésus serait né pur! C’est là aussi un rôle bien désolant dévolu aux malheureux pères destinés pourtant à procréer des enfants…

Ni l’une ni l’autre de ces thèses ne rendent justice à la vérité évangélique. Le péché héréditaire est celui que nous portons solidairement avec Adam, notre ancêtre commun. Lorsqu’il commit la première désobéissance et transgressa l’ordre divin, il entraîna derrière lui toute sa descendance. Telle est l’unité de la race humaine, spirituellement solidaire.

Mais Jésus n’est pas un autre « fils d’Adam », à la manière dont nous le sommes. Il est la création directe, nouvelle, de Dieu. Il échappe à la malédiction que nous portons héréditairement. Il fut pur et saint, l’Agneau de Dieu sans tache. Ce qui nous permet de mesurer tout l’amour du Christ envers nous. Lui, l’homme sans péché, a accepté de devenir pécheur, voire « péché », « pour nous hommes et pour notre salut ». La naissance virginale de Jésus prouve que ce n’est pas pour son propre compte qu’il a subi la condamnation, mais à cause de nous, en notre faveur. Celui qui nie la naissance virginale ignore que le Christ est l’Agneau de Dieu, celui qui ôte et qui expie les péchés.

Mais voici un deuxième point aussi important que le premier : selon l’Écriture, la personne humaine connue sous le nom de Jésus de Nazareth n’est pas un homme ordinaire; pourtant, il avait une nature humaine tout à fait ordinaire, comme la nôtre, avec un corps physique, des émotions, une volonté semblable à celle que nous possédons, soumis à des contingences physiques de même nature que celles de tout homme. Aussi pouvons-nous le considérer comme notre frère. Mais Jésus ne peut pas être décrit uniquement en termes de nature humaine. Il est la réunion ou l’union « sans mélange ni confusion, sans séparation ni division » de la deuxième personne de la Trinité, et de la nature humaine (impersonnelle). Une seule personne avec deux natures, selon la définition du Concile de Chalcédoine, en 451. En lui, nous avons Dieu devenu homme, et l’homme parfait.

Redisons-le, tout ceci est très mystérieux. Nous avons tous, même le plus ardent parmi les croyants, de la peine à saisir et à expliquer le mystère des deux natures du Fils de Dieu incarné. Mais l’Écriture par laquelle nous faisons la connaissance de Jésus nous le révèle comme tel. Aussi, nous nous fions à son témoignage. Or, la question essentielle derrière la naissance virginale est la suivante : Jésus est-il ou non le Fils de Dieu? S’il est né comme tout autre homme, de manière ordinaire, nous avons en lui un homme supérieur, mais non le Fils éternel de Dieu, le Sauveur, l’Agneau qui ôte les péchés des hommes. La naissance virginale contredit l’idée d’un Jésus homme sublime, mais seulement homme. Or, l’enfant né à Bethléem n’est autre que le Fils unique de Dieu, la deuxième personne de la sainte Trinité, celui qu’il convient non seulement d’admirer, mais encore et surtout d’adorer comme Dieu.

Y a-t-il un scandale dans la naissance virginale? Oui, mais pas dans le sens qu’on l’entend. Le vrai scandale est l’incarnation même du Fils de Dieu, signifiant que notre salut à nous autres humains est une affaire prise en main par Dieu en personne, que nous ne pouvons recevoir que comme un don. C’est là tout le problème. Problème religieux par excellence et nullement énigme intellectuelle. Ce n’est point parce que la raison humaine ne comprendrait pas la naissance miraculeuse qu’elle refuse le Christ Sauveur, mais parce que l’orgueil de l’homme déchu ne veut être sauvé que par les sauveteurs qu’il se donne. Si nous refusions cette naissance miraculeuse, nous resterions des pécheurs sans Sauveur. À la place du Christ réel, il ne resterait que l’image irréelle d’un « bon Jésus », personnage plus ou moins légendaire, mais non l’Agneau sans tache, offert en sacrifice pour expier nos péchés. Cet enfant de Bethléem, ce Jésus de Nazareth, ne serait plus l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes. La naissance virginale nous révèle les deux natures divine et humaine du Christ. Nous y reviendrons en expliquant l’office du Médiateur.

Cependant, avant de conclure ce chapitre, tel Thomas au soir de Pâques, prosternons-nous une fois de plus devant lui et, avec une confession de foi jaillie tout droit de notre cœur émerveillé et reconnaissant, disons : « Mon Seigneur et mon Dieu! »