Cet article a pour sujet notre attitude à l'égard de l'Internet. Sans nous couper de la culture ni accepter tout ce qu'elle nous offre, nous devrions exercer un discernement et une maîtrise de soi dans l'usage de cet outil d'information.

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Peut-il sortir quoi que ce soit de bon du royaume du Web?

  1. L’isolement
  2. L’acceptation sans condition
  3. Un discernement rigoureux
« C’était le meilleur des temps, c’était le pire des temps, c’était l’âge de la sagesse, c’était l’âge de la folie, c’était l’époque de la foi, c’était l’époque de l’incrédulité, c’était la saison de la lumière, c’était la saison des ténèbres… » (Charles Dickens, Un conte de deux villes).
« Le bon, la brute et le truand » (Sergio Leone).
« La source fait-elle jaillir par le même orifice l’eau douce et l’eau amère? » (Jc 3.11).

Ces citations décrivent ce à quoi nous sommes confrontés chaque fois que nous naviguons sur l’Internet. Beaucoup de choses laides, beaucoup de choses mauvaises, mais aussi beaucoup de bon contenu sont offerts au royaume du Web. C’est une source — peut-être nous devrions plutôt dire un déluge — de laquelle jaillissent en abondance eau douce et eau amère à partir d’une même ouverture, nous inondant de milliards de pages d’informations sous formes textuelles, audio et visuelles. Dans un sens, ce déluge d’informations nous ramène à l’époque décrite par Dickens. Nous pouvons dire que c’est le meilleur des temps et le pire des temps, l’âge de la sagesse et de l’âge de la folie, l’époque de la foi et l’époque de l’incrédulité.

Une fois que nous sommes branchés à une communication haute vitesse et en possession du matériel informatique et des logiciels nécessaires, tout est en place pour nous submerger. Il suffit de cliquer sur notre navigateur et vlan… C’en est assez pour que certains d’entre nous en viennent à souhaiter être amish ou même ermite. S’enfouir la tête dans le sable (seuls les humains font une chose aussi stupide; les autruches ne le font certainement pas) ne fera toutefois pas disparaître cette réalité.

En tant que chrétiens, nous sommes appelés à glorifier Dieu en toutes choses : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez (par exemple, naviguer sur Internet), faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Co 10.31). Alors, comment pouvons-nous glorifier Dieu en naviguant sur Internet? Je présenterai d’abord deux approches non bibliques adoptées par certains chrétiens pour ensuite considérer une approche selon la Bible.

1. L’isolement🔗

Tout au long de l’histoire, des chrétiens ont répondu à la culture environnante, particulièrement aux changements culturels, en se coupant de cette culture ou même en s’en isolant complètement. On peut comprendre que beaucoup de chrétiens voulant vraiment plaire au Seigneur rejettent complètement toute utilisation de l’Internet, à cause de tout le mal et de toute la laideur que l’on y retrouve en abondance. Après tout, les Écritures ne disent-elles pas : « Abstenez-vous du mal sous toutes ses formes » (1 Th 5.22)? Il est pratiquement impossible d’éviter d’être confronté au péché et à l’impiété sur Internet. De très nombreux sites affichent un langage grossier, immoral et blasphématoire. Il suffit de taper sur une mauvaise touche de recherche pour voir apparaître toutes sortes d’images pornographiques et de perversions sexuelles. Même les pages d’actualités sont parsemées d’images miniatures remplies de commérages et de potins indécents et obscènes avec des liens à cliquer nous offrant la nouvelle exclusive complète. Il est impossible d’éviter « le mal sous toutes ses formes » quand on utilise l’Internet. C’est pourquoi certains chrétiens sincères prônent une abstinence complète. Ne vous approchez pas de cette mare d’eau croupie et vous ne serez pas atteints par la pollution.

Une telle façon de penser comporte toutefois une grave erreur. S’il est vrai que le déversement des eaux usées et des déchets industriels dans nos lacs et nos cours d’eau entraîne leur pollution, ce n’est pas la pollution externe de notre société qui nous pollue. Jésus le dit très clairement dans Matthieu 15.11,18 :

« Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui rend l’homme impur. […] Ce qui sort de la bouche provient du cœur et c’est ce qui rend l’homme impur. »

Jésus enseigne ici que ce ne sont pas les choses extérieures, mais bien plutôt notre cœur qui est la source de notre souillure. L’homme est pollué au plus profond même de son être. Par conséquent, la pollution s’échappe de lui dans tout ce qu’il pense, dans tout ce qu’il dit et dans tout ce qu’il fait — à moins que, par la grâce de Dieu, ce cœur pollué ne soit remplacé par un cœur nouveau.

Quelqu’un peut toutefois faire valoir que Jésus parlait du fait de manger des aliments avec des mains sales. Il ne parlait pas des actes coupables, des paroles blasphématoires et des faux enseignements qui sont si facilement accessibles sur Internet. Nous ne devrions rien avoir à faire avec ces mauvaises choses empreintes de péché et devrions donc éviter complètement toute utilisation de l’Internet.

Il est vrai que Jésus répondait à la critique des pharisiens et des scribes qui accusaient ses disciples de manger avec des mains non lavées et de souiller ainsi leur nourriture, ce qui, d’après leur tradition, les souillait aussi eux-mêmes. Cependant, Jésus nous donne certainement ici un principe plus général : c’est ce qui vient de notre cœur qui nous pollue, et non pas ce qui vient de l’extérieur. C’est ce que Dieu voulait enseigner à son peuple à travers les différents rituels de propreté cérémonielle — leur cœur avait besoin d’être nettoyé. Dieu avait déjà dit, à travers Moïse, qu’il désirait des cœurs circoncis : « Vous circoncirez donc votre cœur et vous ne raidirez plus votre nuque » (Dt 10.16). Parce qu’ils n’ont pas écouté, Jérémie a précisé clairement qu’ils n’étaient pas différents des incirconcis des autres nations :

« Voici que les jours viennent, dit le Seigneur, où j’interviendrai contre tous les circoncis qui ne le sont pas vraiment. […] Car toutes les nations sont incirconcises et toute la maison d’Israël est incirconcise de cœur » (Jr 9.25-26).

Le Seigneur a ordonné à son peuple de se séparer des autres nations afin qu’il puisse être un témoin de la sainteté de Dieu auprès des nations environnantes. Cette séparation ne produisait toutefois pas la sainteté en elle-même. Ils devaient s’approcher de Dieu qui avait promis de circoncire leurs cœurs :

« L’Éternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et le cœur de ta descendance, pour que tu aimes l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, afin que tu vives » (Dt 30.6).

Le fait de déconnecter notre modem de la ligne téléphonique (ou du câble), à travers laquelle tous les déchets de l’Internet sont aspirés, ne produira pas un cœur circoncis. Dieu a dit à Caïn : « Le péché est tapi à la porte et ses désirs se portent vers toi : mais toi, domine sur lui » (Gn 4.7). Il est très clair qu’à ce moment dans l’histoire du monde, Dieu n’était pas en train de dire que Caïn devait se tenir loin de tout péché et de toute méchanceté existant autour de lui afin de ne pas pécher. À cette époque, il n’y avait ni Internet, ni télévision, ni films, ni pornographie. Il n’y avait pas encore eu de meurtres, de perversions sexuelles, de vols, de violence, de terrorisme ou de guerre. Toutefois, le péché était dans le cœur de Caïn, cherchant seulement une occasion de s’emparer de lui.

Il en est de même pour nous aujourd’hui avec tout ce mal qui nous entoure. Le péché est dans nos cœurs, cherchant seulement l’occasion de s’emparer de nous. Le problème n’est pas ce qui est à l’extérieur de nous, mais ce qui est en nous. L’isolement ne résoudra pas ce problème. Seul Dieu peut résoudre ce problème et c’est ce qu’il fait quand nous nous approchons de lui.

2. L’acceptation sans condition🔗

D’autres chrétiens acceptent notre culture et y participent presque sans même y penser. Je me souviens à quel point j’ai été choqué en 1976 quand je suis arrêté à l’un des appartements d’étudiants au séminaire, alors que j’étudiais en vue de devenir pasteur. Trois jeunes séminaristes regardaient le spectacle d’un humoriste qui n’arrêtait pas de sortir des blagues grossières et immorales l’une après l’autre. Ce qui m’a choqué, ce n’était pas la grossièreté immorale de l’humoriste en soi — même si nous n’avons jamais eu de télévision, j’étais pleinement conscient que ce type d’ordure était monnaie courante — ce qui m’a choqué, c’est que ces jeunes gens, qui étudiaient la théologie réformée en vue de se préparer au ministère de la Parole et des sacrements, riaient de ces vomissures immorales et grossières sortant de la bouche du comédien et y prenaient plaisir.

L’appel de Dieu à la sainteté et à la pureté, à l’intégrité et à l’excellence morale avait été totalement mis de côté et considéré comme non pertinent. J’étais assez certain qu’aucun de ces hommes n’aurait pu prêcher un sermon sur Philippiens 4.8 le dimanche suivant :

« Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées. »

J’étais toutefois également convaincu qu’ils auraient eu besoin d’en entendre un.

Quel était le problème? Était-ce le fait que ces hommes regardaient un programme où le péché était roi, un programme inondé de langage grossier et qui, autant que j’aie pu en juger en l’espace de quelques minutes, ne contribuait en rien à la rédemption? Non, là n’était pas le véritable problème — bien que le fait même que ces hommes aient regardé une telle émission était certainement un symptôme du véritable problème.

Le vrai problème, ce ne sont pas les mauvaises choses qui viennent de l’extérieur. Nous vivons dans un monde de péché et nous serons toujours aux prises avec le péché à divers degrés, tout comme Jésus l’a été. Le véritable problème de ces hommes était leur acceptation aveugle de ce qui leur était présenté dans l’émission, le plaisir qu’ils trouvaient dans ce qui était contraire à la sainteté de Dieu et le fait qu’ils y participaient. Cette acceptation sans condition venait de l’intérieur, de cœurs entachés par le péché.

Nous vivons dans un monde extrêmement pécheur. La méchanceté, les obscénités, l’ambition et l’orgueil sont partout. La seule différence entre l’Internet sur lequel nous naviguons dans notre maison et le monde extérieur, c’est que nous n’avons pas à nous déplacer à l’extérieur pour nous y rendre; tout est à la portée d’un simple clic. Tout comme nous apprenons à ne pas accepter aveuglément tout ce que l’on trouve dans le monde qui nous entoure, nous devons apprendre à faire de même au royaume du Web.

Quand nous allons nous promener à l’extérieur, nous ne recherchons pas tous les endroits boueux pour pouvoir y marcher (à moins d’être un garçon de cinq ans). Non, nous allons nous promener là où nous ne salirons pas nos chaussures. Quand nous sortons en soirée, nous n’allons pas dans les quartiers malfamés, nous n’allons pas voir des films pornographiques, nous n’allons pas dans les bars homosexuels. Pourquoi? Parce que nous appartenons au Seigneur et que nous cherchons à lui plaire dans tous les aspects de notre vie, y compris dans nos loisirs. C’est pour cette même raison que nous ne nous joignons pas à un club sélect d’entrepreneurs ambitieux qui cherchent uniquement le profit financier sans aucun égard pour la gloire de Dieu, ou encore à une compagnie de mode féminine où la seule manière de se faire valoir est de chercher à s’élever au-dessus des autres.

C’est la même chose lorsque nous nous promenons dans le royaume du Web. Nous appartenons au Seigneur vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, aussi bien à la maison qu’à l’extérieur. Parce que nous vivons pour lui, nous nous appliquons à combattre ou à éviter tout ce qui pourrait lui déplaire. Cela signifie que nous ne faisons pas qu’absorber simplement ce que chaque lien nous offre en y prenant plaisir. Non! Quand nous apercevons une flaque de boue, nous reconnaissons qu’il s’agit d’une flaque de boue et nous la contournons. Nous tombons sur un article de nouvelles et nous considérons son parti pris antichrétien. Nous apercevons une publicité qui scintille, attirant notre attention sur la nouvelle BMW, mais nous n’en faisons tout simplement pas de cas puisque notre Corolla convient très bien pour nos déplacements au travail et à l’église. Nous voyons un blogue écrit par un bon auteur chrétien et nous nous abonnons à ce blogue parce que nous nous rendons compte qu’il est un auteur réformé avisé dont les paroles seront spirituellement profitables et stimulantes.

En d’autres mots, nous devons traiter l’Internet comme nous traitons tout le reste de notre vie quotidienne. Nous n’acceptons pas aveuglément tout ce qui arrive, mais nous nous rappelons que nous appartenons d’abord et avant tout au Seigneur et nous cherchons ensuite à utiliser cet outil électronique qu’il a mis entre nos mains pour notre édification et pour sa gloire.

3. Un discernement rigoureux🔗

Pour cela, il faut exercer un discernement rigoureux. Il ne s’agit pas simplement de savoir séparer le contenu ordurier de ce qui est bon, honorable et pur, mais aussi de savoir distinguer la vérité de l’erreur.

Je suis étonné de voir le nombre de fois que je reçois des courriels d’amis et de connaissances m’écrivant à propos d’un événement choquant survenu en Chine ou à propos de tel ou tel chrétien américain s’étant porté à la défense d’une juste cause de manière extraordinaire. Cependant, une petite enquête révèle souvent que l’événement choquant n’était en fait qu’un mythe et que le soutien incroyable à la juste cause n’était que pure invention — comme la légende urbaine qui circule encore dans certains groupes chrétiens disant que Charles Darwin se serait converti au christianisme sur son lit de mort.

Puisque n’importe qui peut écrire n’importe quoi et le diffuser à grande échelle sur Internet, « N’importe qui » le fait! Nous devons nous rappeler qu’il n’y a personne entre nous et « N’importe qui » pour vérifier les informations qu’il nous envoie. Est-ce vrai? Est-ce une blague? Est-ce sensé? Est-ce une invention? Est-ce un moyen de promouvoir des intentions cachées? Nous devons exercer un discernement rigoureux!

Un tel discernement est également nécessaire pour évaluer l’immense quantité d’information et de matériel chrétien disponibles sur Internet. Ce n’est pas parce qu’un site porte l’étiquette « chrétien » que c’est nécessairement un bon endroit pour être enseigné dans la foi ou pour grandir dans la grâce et la connaissance de Dieu. On trouve sur Internet une énorme quantité d’information « chrétienne », y compris toutes les hérésies et erreurs subtiles rencontrées au cours de l’histoire de l’Église. En fait, si nos fondements théologiques ne sont pas solides, il nous sera difficile d’évaluer la masse d’information « chrétienne » à laquelle nous pouvons accéder en un clic de souris.

Cependant, l’évaluation du contenu chrétien auquel nous avons accès sur Internet n’est en rien différente de l’évaluation que nous faisons du contenu provenant d’autres sources. Lorsque nous allons dans une Église d’une autre confession pendant les vacances, il se peut que nous entendions beaucoup de mots « chrétiens » et être pourtant nourri d’un grand nombre d’hérésies. Il est possible d’étudier dans une université ou un collège biblique se disant « chrétien » et être pourtant enseigné que Dieu est « en développement » de concert avec l’humanité ou encore qu’il est un Dieu qui aime et sauve ceux qui l’aiment d’abord.

D’autre part, on trouve sur Internet une très grande quantité de matériel biblique réformé solide. Par une utilisation sage et intelligente de cet outil précieux que Dieu a mis entre nos mains, il est possible d’acquérir, à coût très modique, une formation biblique solide et complète, équivalente à un diplôme en théologie.

Tout ceci m’amène à une dernière observation. L’utilisation de cet outil donné par Dieu exige beaucoup d’autodiscipline en raison de la nature individualiste de cette utilisation. Lorsque nous utilisons l’Internet, nous ne sommes aucunement en interaction personnelle avec d’autres chrétiens. Notre apprentissage se fait sans le bénéfice de la critique ou de la discussion avec les autres. Nous écoutons isolément. Certaines personnes écoutent les sermons de grands prédicateurs réformés, mais sans jamais participer activement à la vie d’une Église locale.

Il nous faut exercer un discernement rigoureux non seulement pour séparer la vérité de l’erreur, mais aussi pour déterminer si notre acquisition d’un grand nombre de connaissances se fait au prix de « l’abandon de notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns » (Hé 10.25). L’acquisition des connaissances que nous faisons sur l’Internet se fait sans aucune responsabilité envers les autres; nous avons pourtant tous besoin d’être responsables les uns des autres et Dieu nous en donne la possibilité à travers les frères et les sœurs qu’il nous donne dans l’Église de Jésus-Christ. Le caractère individualiste de l’Internet peut également nuire à notre service de Dieu dans son Église et dans son Royaume. Nous risquons de devenir enflés d’orgueil à cause de nos connaissances et de manquer de l’amour du Christ pour les siens.

Pour répondre à la question du titre « Peut-il sortir quoi que ce soit de bon du royaume du Web? », je dirais « oui ». Cependant, comme dans tous les aspects de la vie, nous qui aimons le Seigneur devons exercer un discernement rigoureux et faire preuve d’autodiscipline pour que nos promenades au royaume du Web soient à l’honneur et à la gloire de Dieu et qu’elles servent à l’édification de son Église.