Cet article a pour sujet la prédication des apôtres dans le Nouveau Testament: sa source (la personne du Christ dans les Évangiles), sa forme (les sermons dans le livre des Actes) et son contenu (dans l'enseignement des épîtres).

Source: La proclamation de l'Évangile. 10 pages.

La prédication apostolique dans le Nouveau Testament

  1. La source de la prédication apostolique
  2. La forme de la prédication apostolique
  3. Le contenu de la prédication apostolique
    a. La préexistence
    b. La substitution

La prédication des apôtres — ainsi que l’accent qu’ils ont mis sur la priorité de celle-ci — a été depuis toujours un modèle et une source d’inspiration, un puissant stimulant pour l’Église chrétienne, notamment durant les périodes où elle recouvrait toute sa vigueur spirituelle, en vue de son entreprise missionnaire.

Hugh Latimer, le grand prédicateur de la Réformation anglaise, a décrit la prédication comme « l’instrument de Dieu pour le salut ». « La tâche de la prédication est d’amener au salut », écrit-il en se référant à l’affirmation apostolique selon laquelle « il a plu à Dieu de sauver ceux qui croient par la folie de la prédication » (1 Co 1.21).

Se fondant sur cette affirmation, il insiste avec une grande assurance sur le fait que « les prédicateurs sont les suppléants de Christ » « et des ambassadeurs » (voir 2 Co 5.20; Œuvres, vol. 1, p. 349).

Selon Paul, la prédication précède tous les autres aspects de son ministère apostolique (1 Co 1.17) et sa prédication était tout simplement pour lui le moyen de payer sa dette : il devait tout à l’Évangile de la grâce de Dieu, manifestée en Christ-Jésus, et il fallait que ses semblables entendent ce même message de salut; d’où son intense désir de prêcher l’Évangile (Rm 1.14). L’acquittement d’une dette constitue une obligation qui lie une personne à une autre (1 Co 9.16). Cette conviction était partagée par tous les autres apôtres. Pour eux non plus, la prédication n’était jamais une affaire d’option ou de moindre importance. La prédication allait disperser les membres de l’Église apostolique, mais elle ne les réduirait jamais au silence. Saint Luc rapporte de manière concise que ceux qui furent dispersés, lors de la première persécution violente, « s’en allèrent partout en prêchant la bonne Parole » (Ac 8.4). La prédication devenait ainsi l’activité première de l’Église apostolique.

Notre examen de la prédication apostolique sera placé sous trois sous-titres :

  1. Sa source : à savoir le Seigneur en personne, ainsi que le font ressortir très clairement les Évangiles.
  2. Sa forme : telle qu’elle est indiquée par les sermons, rapportés dans le livre des Actes des apôtres.
  3. Sa substance (ou son contenu) : rencontrée dans l’enseignement, plus large, des épîtres.

À vrai dire, ces trois thèmes sont étroitement liés et interdépendants. Cette triple division nous permettra de mieux saisir le phénomène de la prédication apostolique, dans sa perspective biblique propre.

1. La source de la prédication apostolique🔗

La source ou le fondement de la prédication des apôtres fut l’enseignement et les instructions reçues de Christ lui-même durant les années de son ministère terrestre, depuis la date de son baptême jusqu’au jour de son ascension. Cet enseignement leur fut dispensé à la fois de manière publique, ouvertement, souvent en présence de grandes multitudes, par exemple dans le cas de la parabole du semeur (Mt 13.1-9), et aussi en privé, lorsqu’ils se trouvèrent seuls avec lui comme cela apparaît lors de l’explication de la parabole du semeur (Mt 13.10-23. voir aussi le verset 36).

Jésus expliqua aux apôtres, à maintes reprises, la nécessité de se rendre à Jérusalem pour y être mis à mort et ensuite ressusciter le troisième jour (Mt 13; 17.22; 20.17-19). Les apôtres ne comprirent pourtant pas la manière et l’objectif de sa mission, ils ne purent en saisir l’importance du fait même que son Royaume « n’était pas de ce monde » et que ses discours les plus clairs dépassaient leur entendement (Mt 16.22; 17.23).

Toute cette instruction tellement soignée était-elle sans objet? Aucunement. Pas un seul mot n’en fut perdu. Le Seigneur connaissait parfaitement leur incapacité de comprendre son enseignement; il avait aussi le contrôle total de ce qui, à vue humaine, n’était qu’une situation sans issue. Jésus savait ce qu’il faisait (voir Jn 6.6). La clé ouvrant leur intelligence se trouvait entre ses mains, et elle n’était autre que le Saint-Esprit, qu’il allait envoyer lorsqu’il serait auprès du Père. D’où l’assurance qu’il leur donna, lors des entretiens dans la chambre haute, avant son arrestation. Il leur donna la promesse que le Saint-Esprit leur enseignerait toutes choses et leur rappellerait tout ce qu’il leur avait dit, les conduisant de manière infaillible dans toute la vérité.

Tout ceci dépassait leurs capacités humaines, limitées et déchues. Le Saint-Esprit allait pourtant faire en sorte que chaque mot prononcé par le Fils incarné, loin d’être vain ou inefficace, atteigne le but pour lequel il avait été prononcé. C’est sur ce point que se trouve, chez les apôtres, la différence entre avant et après la Pentecôte. Avant, ils étaient irrésolus et sans intelligence, en dépit de leur allégeance au Maître. Après, ils eurent toute la compréhension de l’enseignement du Seigneur et devinrent pleins de hardiesse dans la proclamation de ses paroles.

Aussi importante que toutes les autres fut assurément l’intense étude biblique que les apôtres eurent le privilège d’entendre de la bouche même du Seigneur ressuscité, avant son ascension. Saint Luc en rapporte deux cas à la fin de son Évangile : le premier lorsque Jésus interpréta « dans toutes les Écritures les choses qui le concernaient » (Lc 24.27) aux deux disciples qu’il accompagna sur la route d’Emmaüs, dont l’un s’appelait Cléopas et l’autre était vraisemblablement Luc en personne; le second lorsqu’ils retournèrent en hâte à Jérusalem pour rapporter aux onze, et au reste des disciples, leur extraordinaire rencontre avec le Seigneur ressuscité.

Saint Luc écrit qu’il ouvrit leurs esprits afin qu’ils puissent comprendre les Écritures, et nous dit :

« Se levant à l’heure même, ils retournèrent à Jérusalem, et ils trouvèrent les onze, et ceux qui étaient avec eux, assemblés et disant : Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon. Et ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu au moment où il rompit le pain. Tandis qu’ils parlaient de la sorte, lui-même se présenta au milieu d’eux et leur dit : La paix soit avec vous! Saisis de frayeur et d’épouvante, ils croyaient voir un esprit. Mais il leur dit : Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi pareilles pensées s’élèvent-elles dans vos cœurs? Voyez mes mains et mes pieds, c’est bien moi; touchez-moi et voyez : un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’ai. Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme, dans leur joie, ils ne croyaient point encore, et qu’ils étaient dans l’étonnement, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger? Ils lui présentèrent du poisson rôti et un rayon de miel. Il en prit, et il mangea devant eux. Puis il leur dit : C’est là ce que je vous disais lorsque j’étais encore avec vous, qu’il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes. Alors il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprissent les Écritures. Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu’il ressusciterait des morts le troisième jour, et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. Vous êtes témoins de ces choses. Et voici, j’enverrai sur vous ce que mon Père a promis; mais vous, restez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut » (Lc 24.33-49).

Le récit se trouve résumé par Luc dans l’introduction de son deuxième livre (Ac 1.3-5), ce qui montre que ce deuxième volume faisait suite au premier : « Aux apôtres, il s’est montré vivant après sa passion, avec beaucoup de preuves, leur apparaissant durant quarante jours et leur parlant du Royaume de Dieu. »

Ainsi, l’instruction du Seigneur donnée aux apôtres fut complétée et ils reçurent de leur Maître, sur le point de monter au ciel, l’ordre suivant :

« Allez, faites de toutes les nations mes disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28.19-20).

C’était avant que le pouvoir du Saint-Esprit ne fût répandu sur eux. Il fallait en plus ajouter le pouvoir à l’intelligence. Ainsi, au moment de son ascension, le Seigneur leur promit :

« Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit, survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1.8).

L’effusion du Saint-Esprit à la Pentecôte est l’explication du fait que la proclamation apostolique de l’Évangile a eu lieu « non en paroles seulement, mais aussi en puissance, avec le Saint-Esprit, et avec une pleine conviction » (1 Th 1.5). Nous voyons ainsi que la source de la prédication apostolique et de son message n’était autre que le Fils incarné, qui est la vérité en personne (Jn 14.6), et dont l’enseignement démontrait l’accomplissement — tant dans sa personne que dans son œuvre — de toutes les promesses et prophéties des Écritures de l’Ancien Testament. Ce fut le Saint-Esprit qui, en les guidant dans toute la vérité, rappela à leur mémoire tout ce qu’ils avaient entendu de la bouche du Maître, et les rendit capables de prêcher la vérité avec hardiesse et puissance.

2. La forme de la prédication apostolique🔗

Le modèle de la prédication apostolique se voit, tout au moins partiellement, chez saint Paul, dans son rappel aux Corinthiens (1 Co 3), leur disant qu’il leur avait transmit — comme étant de toute première importance — ce qu’il avait reçu, à savoir, le dépôt ou tradition apostolique. La principale intention de saint Paul, à cet endroit, est de souligner l’importance capitale du fait de la résurrection. Deux autres éléments majeurs sont cependant clairement apparentés dans son argument : l’exaltation du Seigneur dans sa gloire souveraine, et son retour en majesté, à la fin des siècles.

Nous nous tournons de nouveau vers le livre des Actes des apôtres pour examiner les exemples concrets de la prédication apostolique, afin de découvrir quelle en fut la forme et le modèle. Il est clair que cette prédication et son contenu, tels que les rapporte Luc dans le livre des Actes, ne sont rien de plus qu’un résumé sommaire de tout ce qui fut prononcé en différentes occasions. Ce serait une grave erreur de conclure que ce qu’il a omis de rapporter serait de moindre importance. Nous pouvons être assurés que tout ce qui, dans la puissance et l’inspiration du Saint-Esprit, fut proclamé par les apôtres était vrai et nécessaire pour tous les auditeurs. L’intention de Luc dans le livre des Actes est de décrire le progrès de l’Évangile tel qu’il était proclamé, avec puissance, dans le monde contemporain, et non pas de rapporter chaque mot des sermons qu’il mentionne, ou chaque acte et chaque expérience de ceux qu’il cite dans sa chronique. Une image beaucoup plus large du contenu de la prédication apostolique peut se constituer en étudiant les passages des écrits des apôtres, là où ils exposent clairement ce qu’ils estiment être un enseignement évangélique fondamental. C’est de cela que nous nous occuperons dans la troisième partie de notre étude.

Abordons d’abord le sermon de Pierre le jour de la Pentecôte (Ac 2.14). Il assure à son auditoire, en cette occasion remarquable, qu’ils sont témoins de l’accomplissement de ce que le prophète Joël avait annoncé des siècles auparavant (v. 16-21). L’effusion de l’Esprit de Dieu « sur toute chair » promise depuis fort longtemps est devenue à présent une réalité, ce qui signifie que le jour est arrivé où « celui qui invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ». Pierre relie ensuite ceci aux événements de son époque en rapport avec Jésus de Nazareth. Il fait appel à des faits de l’histoire contemporaine dont ils avaient fait personnellement l’expérience (v. 22). Il insiste sur le fait que Dieu tient souverainement le pouvoir, accomplissant ses propres desseins, même lorsque Jésus fut injustement et iniquement mis à mort (v. 23).

Il affirme que Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts et que ceci était en accord avec ce que David avait prédit dans le Psaume 16 (Ac 2.25-28). En outre, il annonce que l’exaltation de Jésus ressuscité, à la droite de Dieu, est l’accomplissement de l’assertion du Psaume 110 (Ac 2.34).

Touchés au vif par ces propos, les auditeurs s’écrient : « Frères, que ferons-nous? » et Pierre répond : « Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés; et vous recevrez le don du Saint-Esprit » (Ac 2.38).

Il peut paraître étonnant, à première vue, que la nécessité de la foi ne soit pas mentionnée, mais cela se trouve implicitement dans l’exigence du baptême « au nom de Jésus-Christ », qui est l’équivalent de « professer la foi en Jésus-Christ ». Ici comme ailleurs, la repentance et la foi sont étroitement liées, ce qui est confirmé par la déclaration de Pierre au chapitre suivant, concernant l’homme impotent qui venait d’être guéri (Ac 3.13). Il expliqua aussi que ce qui était advenu à Christ était l’accomplissement « de ce qu’il [Dieu] avait annoncé d’avance par la bouche de tous les prophètes » (Ac 3.18).

Cette guérison miraculeuse attira une large multitude et offrit l’occasion de proclamer un autre sermon, d’après le même modèle que le précédent, Pierre soulignant que Dieu « a glorifié son serviteur Jésus », celui qu’ils avaient renié et avaient livré pour être mis à mort (Ac 3.13). Il explique aussi que ce qui était advenu au Christ était l’accomplissement de ce qu’il avait annoncé d’avance par la bouche de tous ses prophètes, que son Christ devait souffrir (Ac 3.18). Il ajoutera que Jésus était un prophète venu de la part de Dieu, qu’il avait déjà promis de l’envoyer par la bouche de Moïse, que tous les prophètes, depuis Samuel, l’avaient proclamé, et que l’Ancienne Alliance de Dieu avec Abraham — d’après laquelle « dans sa descendance seraient bénies toutes les familles de la terre » — trouvait son accomplissement en Jésus (Ac 3.22-26; Dt 18.1-5; Gn 22.18).

Un détail important, qu’on risque facilement d’oublier ou de négliger dans ce sermon, est la désignation de Jésus comme serviteur de Dieu (Ac 3.13 et 26). Ceci laisse entendre que dans l’esprit apostolique, le message de Jésus est identifié avec celui du prophète Ésaïe le présentant comme le « serviteur » (És 42.1-4; 50.4-11; 52.13; 53.12).

La justesse d’une telle constatation sera visible dans d’autres passages, qui retiendront aussi notre attention. L’assertion dans Actes 3.13 selon laquelle « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur Jésus que vous avez livré et renié devant Pilate, qui était d’avis qu’on le relâchât » apparaît comme étant virtuellement une citation ou au moins l’écho d’Ésaïe 52.13 : « Voici mon serviteur prospérera; il montera, il s’élèvera, il s’élèvera bien haut. »

Dans le récit de la prière offerte par le groupe de fidèles que nous trouvons au chapitre suivant des Actes, l’expression « ton saint serviteur Jésus » revient à deux reprises (Ac 4.27-30) et fait partie de la même perspective biblique. Plus tard, dans Actes 8.26-40, lorsque Philippe l’évangéliste rencontre l’eunuque éthiopien lisant le chapitre 53 du livre d’Ésaïe — chapitre remarquable concernant les souffrances subies à notre place par le serviteur de l’Éternel —, il n’est pas étonnant qu’il saisisse cette occasion pour évangéliser cet homme (Ac 8.35).

Si cet Éthiopien originaire du continent africain fut le premier païen converti, saint Pierre apprit lui aussi assez tôt que les bénédictions de l’Évangile étaient destinées à toutes les nations de la terre, non simplement en théorie, mais aussi en pratique, lorsqu’il prêcha le message du salut à Corneille et à sa maisonnée (Ac 10.34-43).

La forme du sermon n’était pas différente de celui qu’il avait prêché plus tôt à Jérusalem. Comme témoin oculaire, il rend de nouveau témoignage au ministère de Jésus de Nazareth, « que Dieu a oint du Saint-Esprit, avec puissance » et qui « alla partout en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient opprimés par le Diable ». C’étaient là des faits historiques, comme l’étaient la mort et la résurrection de Jésus. Ici encore, Pierre proclame, en accord avec l’ordre reçu de la part du Seigneur ressuscité, « qu’il est celui qui fut désigné par Dieu pour juger les vivants et les morts », déclaration impliquant son exaltation dans la gloire et son retour majestueux à la fin des temps. Il parle également du témoignage prophétique accompli à présent, en Jésus, ainsi que la nécessité de la foi.

Bien que d’origine païenne, Corneille était un ami des Juifs, un « craignant Dieu » favorablement disposé envers leur religion et familier avec les écrits de l’Ancien Testament (Ac 10.1-22). Par conséquent, Pierre pouvait aisément supposer de l’intérêt pour ces écrits chez Corneille et sans doute, à cause de son séjour en Palestine, une certaine connaissance des œuvres et des discours de Jésus. La situation était totalement différente de celle que connut Paul sur la colline de l’Aréopage (Ac 17.16). Selon sa coutume, Paul alla d’abord chez les Juifs, rendant témoignage à Jésus dans la synagogue et sur la place publique (v. 17). Mais bientôt, il fut amené par les Athéniens vers la colline de Mars pour expliquer ce qu’étaient ces opinions religieuses, entièrement nouvelles et étrangères aux philosophes épicuriens et stoïciens (v. 18) qui ignoraient les écrits juifs. Dans ces circonstances, c’eut été une erreur tactique de la part de l’apôtre que de commencer à raisonner à partir de l’Ancien Testament (bien que cela se soit produit au cours de sa prédication, comme nous le laisse entendre le verset 17). Du récit largement condensé du sermon, nous pouvons conclure que les points concernant la forme sont les suivants :

  1. Paul établit un rapport avec ses auditeurs hautement intellectuels en faisant preuve d’intérêt vis-à-vis leur penchant pour la « religion », et spécialement à l’égard de l’inscription « Au Dieu inconnu », rencontrée dans un sanctuaire polythéiste.
  2. Ceci ouvre la voie pour proclamer le seul vrai Dieu, inconnu d’eux malgré toute leur religiosité, et pour leur prouver en même temps la folie de l’idolâtrie.
  3. Il déclare que Dieu était intervenu de manière rédemptrice en la personne de celui « qu’il avait désigné et ressuscité des morts » et il les invite à la repentance.

Certains pensent que Paul a échoué en cette occasion dans sa prédication de l’Évangile, et qu’il tenta d’impressionner son auditoire de philosophes avec des arguments de nature philosophique et une éloquence toute rhétorique. Par conséquent, son sermon sur l’Aréopage aurait été inefficace et stérile. Ces critiques cherchent à soutenir leur théorie en maintenant que l’apôtre, conscient de l’erreur commise à Athènes, corrigea radicalement sa méthode d’évangélisation lorsqu’il se rendit à Corinthe, déterminé à ne plus rien avoir affaire avec la sagesse et l’éloquence humaines (1 Co 2.1).

Cette argumentation sur « inconsistance et procédés » et les « erreurs » est en totale contradiction avec tout ce que nous savons de Paul, depuis le jour de sa conversion dramatique jusqu’à celui de son martyre à Rome. Il n’existe pas la moindre justification pour penser qu’au lieu du Christ crucifié, Paul prêcha à Athènes une philosophie humaniste. Bien au contraire. Comment aurait-il pu prêcher Jésus, et sa résurrection (Ac 1.18, 31-32), sans prêcher aussi la crucifixion? Si elle n’est pas précédée de la mort, la résurrection n’a pas de sens. S’il n’y a pas de mort, il ne peut pas y avoir de résurrection!

Il est donc clair que Paul ne pouvait pas omettre de parler de la mort de Jésus et de son importance. Pour cette même raison, sa prédication ne fut pas à cette occasion sans résultat. Certes, quelques-uns se moquèrent, mais d’autres lui dirent : « Nous t’entendrons de nouveau à ce sujet » (un effet hautement souhaitable produit par la prédication) et d’autres, de fait, se joignirent à lui et crurent (Ac 17.32-34). En d’autres mots, ils furent amenés à la repentance et à la foi en Christ, ce qui est précisément l’objectif de l’évangélisation. La prédication de Paul sur la colline de Mars ne fut donc ni a-évangélique ni inefficace.

Antérieurement, lors de sa prédication dans la synagogue d’Antioche, en Pisidie, il s’était adressé à un auditoire juif (Ac 13.16); la forme de sa prédication fut semblable à celle adoptée par Pierre. Il rappela les actes rédempteurs de Dieu au cours de l’histoire de leur nation et annonça Jésus, de descendance davidique, comme le Sauveur promis dont l’avènement était attendu depuis si longtemps. Il expliqua qu’en livrant Jésus à Pilate pour être mis à mort, en dépit de son innocence, leurs compatriotes avaient involontairement accompli tout ce qui avait été écrit par les prophètes à son sujet. Il affirma que Dieu avait ressuscité Jésus et l’avait glorifié, ce qui était en parfait accord avec les Écritures (Ps 2.7; És 53.3; Ps 6.10). Il les invita aussi à croire en Jésus et à entrer dans la plénitude de la liberté, qui ne se trouve qu’en lui seul (Ac 13.38-39), en les avertissant simultanément des conséquences dangereuses qu’entraînerait le mépris de la bonne nouvelle qu’il leur annonçait (Ac 13.40). Le résultat de sa prédication ne fut guère différent de celui reçu plus tard (comme nous l’avons vu) à Athènes. Quelques-uns crurent et suivirent Paul et Barnabas, qui les exhortèrent à persévérer dans la grâce de Dieu (Ac 13.43); d’autres demandèrent à entendre de nouveau le message (Ac 13.42) et d’autres « furent remplis de jalousie et les contredisaient en les injuriant » (Ac 13.45).

3. Le contenu de la prédication apostolique🔗

La revue sommaire que nous venons de faire des sermons apostoliques rapportés avec grande économie par Luc dans le livre des Actes nous donne une certaine idée de la forme, ou de la structure, de la prédication des apôtres, mais inévitablement — à cause de l’extrême brièveté de ces rapports — une idée plutôt schématique. Il est possible de mentionner les accentuations suivantes :

  1. La venue de Jésus est celle du Messie Sauveur; les promesses et les prophéties des écrits de l’Ancien Testament y trouvent leur accomplissement.
  2. Bien que Jésus fut innocent de toute offense et fut mis à mort de manière inique, Dieu accomplissait de manière souveraine ses desseins de rédemption au Calvaire.
  3. La résurrection de Jésus par Dieu est un fait historique, attesté par des témoins oculaires et entièrement en accord avec ce qui était annoncé dans les Écritures.
  4. Jésus ressuscité est vivant. Il a été exalté en tant que Seigneur et il se tient à la droite de la majesté divine, ainsi que les prophètes l’avaient annoncé dans les Écritures.
  5. Celui qui est le Sauveur de l’humanité a aussi été désigné comme le Juge de tous, et il viendra à nouveau avec puissance et gloire à la fin des siècles.
  6. À la lumière de ce message, chacun est invité à placer sa foi en Jésus-Christ et à se détourner de ses péchés pour recevoir totalement la grâce de l’Évangile. Bien que ce soit déjà là une liste impressionnante, on est en droit de se demander pourquoi il y manque l’accent sur la préexistence de Christ et la substitution de sa mort à celle du pécheur.

Il est difficile de penser — lorsqu’on songe à l’importance accordée à ces doctrines dans les épîtres — qu’elles n’aient pas toujours fait partie de la prédication apostolique, d’autant plus que les épîtres du Nouveau Testament reflètent fidèlement ce que les apôtres avaient coutume de prêcher. Si le silence virtuel de Luc concernant ces thèmes présente un problème, il y a de bonnes raisons pour conclure qu’il doit être attribué aux rapports extrêmement abrégés qu’il donne de ces sermons dans les Actes. Le contenu réel de ceux-ci se trouve sans conteste dans le matériau kérygmatique des épîtres (kerygma = prédication).

Il peut y avoir d’autres thèmes qui apparaissent comme sous-accentués, ou même absents, dans les récits de Luc parce qu’il n’était pas dans son intention d’offrir un rapport complet des sermons qu’il mentionne, mais les deux thèmes qui ont attiré son attention doivent être particulièrement importants. En outre, puisque les sermons auxquels il accorde une importance extrême ont été prêchés par Pierre et Paul, nous nous limiterons aux lettres de ces deux apôtres pour chercher le contenu kérygmatique de la préexistence de Christ et de son offrande de substitution de sa mort à celle du pécheur. La simple assertion de la venue de Christ dans le monde — si fréquemment répétée par Christ en personne — apporte avec elle le fait de la préexistence, selon laquelle Christ est envoyé (voir aussi Rm 8.3).

La préexistence est enseignée aussi dans Philippiens 2.6, ce qui prouve que l’incarnation n’était pas le commencement de l’existence de Christ, mais un événement, l’acte d’abaissement de son existence éternelle. La désignation de Jésus-Christ comme Fils de Dieu indique la même vérité, par exemple dans Romains 1.4. En effet, saint Paul décrit l’Évangile comme « celui du Fils de Dieu » (Rm 1.9; 8.32; Ga 4.4; Rm 8.3).

La préexistence du Christ suit la doctrine de sa médiation dans la création de l’univers, telle que nous la trouvons dans Colossiens 1.1-16. La conception de notre rédemption, en termes de rançon, payée par Christ avec son propre sang, témoigne clairement du caractère de substitution de sa mort. Pierre, qui tacitement reconnaît la filiation du Christ lorsqu’il parle de Dieu comme le « Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (1 Pi 1.3), affirme que nous avons été régénérés pour une espérance vivante par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts. Ce langage réfère clairement, en fait, à l’Agneau pascal, dont le sang a été répandu à la place des premiers-nés israélites (Ex 12). La même association est faite explicitement par Paul qui décrit Jésus-Christ dans 1 Corinthiens 5.7. Le sacrifice de substitution se trouve enseigné dans Tite 2.13, où l’apôtre affirme que notre espérance se trouve en Dieu et « en notre Sauveur Jésus-Christ », et plus clairement encore dans 1 Timothée 2.6.

Parmi les grands textes de l’Ancien Testament qui ont le plus profondément influencé la prédication des apôtres se trouve celui du Serviteur de la prophétie d’Ésaïe; mention en a déjà été faite, en particulier la description de la souffrance de substitution dans Ésaïe 52.13 et 53.12. Les extraits suivants sont donnés dans le simple but de comparaison : Ésaïe 52.13; 53.3; 53.1-12.

La puissante influence de ce passage sur la pensée de Pierre apparaît clairement dans un passage de sa première épître, dans lequel le langage est, directement et indirectement à la fois, une réminiscence d’Ésaïe 53 (1 Pi 2.22-25). Plus loin, dans la même lettre, Pierre réaffirme la substitution de la mort de Christ (1 Pi 3.18) à celle des pécheurs rachetés.

La doctrine de l’expiation, avec le caractère de substitution, s’exprime dans Ésaïe 53, et le symbolisme des sacrifices se présente également comme le fondement de l’instruction donnée par Paul dans Romains 5.6,8,10,18. Les passages auxquels nous avons fait allusion démontrent clairement l’importance du rôle joué par la préexistence de Christ et sa mort expiatoire dans le kérygme (prédication ou proclamation) des apôtres. Il est exact que ces doctrines ne semblent pas être prééminentes dans les sermons rapportés par Luc au livre des Actes, mais ainsi que nous l’avons vu, ceci s’explique dans une large mesure par la brièveté de ces rapports qui ne sont que des résumés, ou abréviations, de ce qui a été prêché. Il serait étonnant — et même déconcertant — que ces doctrines n’aient pas été présentes dans la prédication après la Pentecôte. Il n’y a aucun fondement pour argumenter dans le sens contraire. En revanche, si nous nous tournons vers ces sermons, nous y trouverons des indications infaillibles sur le fait que la préexistence du Christ et son sacrifice de substitution appartenaient à la substance même de la prédication apostolique, et ce, dès le commencement.

a. La préexistence🔗

L’insistance de Pierre dans Actes 2.24 implique certainement que Christ est bien celui qui est mort, mais aussi qu’il est plus qu’un homme pour être retenu par la mort. Ceci devient encore plus clair dans sa déclaration : « Le saint et le juste » livré pour être mis à mort à la place du meurtrier et qui est, en réalité, l’auteur de la vie (1 Pi 2.14). Ce qui n’est rien de moins que son identification avec le Dieu existant depuis l’éternité. Ceci est fortement confirmé dans l’affirmation de Damas qui suivit la conversion de Paul (voir Ac 20). Cette affirmation ne pouvait être comprise que comme la déclaration de la divinité du Fils incarné, et, par conséquent, celle de sa préexistence. L’assertion de Pierre devant Corneille, d’après laquelle Christ est le Seigneur de tous et comme auteur de la vie, implique qu’il est le souverain Seigneur de la création, qu’il est avant tout, et que par lui toutes choses ont été amenées à l’existence (voir Jn 1.1-3; Col 1.16).

b. La substitution🔗

L’appel à la repentance et à croire en Jésus-Christ pour le pardon des péchés constituait un élément constant de la prédication des apôtres. Il indique à son tour — dans le contexte du Nouveau Testament — la doctrine de la mort, dont Jésus a été délivré, cette mort subie à la place du pécheur et qui paie pleinement pour la faute (Ac 2.38; 3.19-26; 4.12; 10.43; 13.38; 16.30).

Il est également important, ainsi que nous l’avons indiqué antérieurement, que la prédication apostolique présente Jésus comme le Serviteur de Dieu.

Elle indique l’identification avec les passages sur le thème du Serviteur dans Ésaïe, dont la mort « à la place de » signifie précisément qu’il fut blessé pour nos iniquités et nos transgressions, qu’il porta le péché de beaucoup et que ses blessures nous ont guéris (Ac 3.13; 26; És 53.5-12). De la même manière, dans la prière qui suivit la persécution des apôtres(Ac 4.27-30), Jésus sera appelé « le saint serviteur de Dieu ». C’est par ce texte d’Ésaïe 53 que l’eunuque éthiopien fut évangélisé (Ac 8.32). On peut dire avec assurance que la prédication sur la substitution, de même que la préexistence du Christ faisaient partie intégrante du discours des apôtres.

On doit arriver à une compréhension claire de la forme et du contenu de la prédication apostolique à travers l’étude du Nouveau Testament dans sa totalité — tant les écrits des apôtres que les écrits concernant leurs sermons dans le livre des Actes, mais également l’enseignement du Christ préservé dans les Évangiles, puisque l’enseignement reçu de sa bouche était la source même de la vérité que les disciples, sous la direction de l’Esprit, avaient à proclamer. La prédication de l’Église, au premier temps comme à tous les âges, doit être semblable à celle des apôtres : christocentrique, bibliquement fondée, remplie de l’Esprit, brève, un ensemble de la Parole de la vérité, conjointe à la puissance de l’Esprit (1 Co 2.2-5; 1 Th 1.5).